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II. L A MONNAIE SCRIPTURALE

4.3. Des conséquences juridiques de l’obligation de payer en monnaie scripturale

Augmentation du taux de bancarisation. L’impact direct de l’obligation de payer en monnaie

scripturale se traduit pour un pays par l’accroissement du taux bancarisation de la population.

Le risque de non-paiement. Même si le paiement par voie scripturale est directement imposé par

certains États (France UEMOA) ou indirectement imposé par les us et pratiques bancaires (Canada) qui fixent un certain seuil à partir duquel certaines transactions ne peuvent être effectuées en monnaie fiduciaire, il n’en demeure pas moins que subsiste toujours un risque de non-paiement pour le créancier contraint d’accepter un tel paiement, en l’occurrence si le paiement est fait par chèque non-certifié. Car, rien ne garantit que le compte bancaire de son débiteur soit suffisamment approvisionné. Et quand bien même que ce compte serait approvisionné, encore faut-il souligner le paiement dépend de la solvabilité de la banque du tireur (banques en difficultés financières comme c’est le cas de certaines banques africaines). En ce qui concerne le chèque par exemple, il faut noter qu’en raison des risques de non- paiement généralement pour cause d’absence de provision, par exemple, les agents économiques (commerçants surtout) sont très frileux à accepter un paiement par chèque. Pour limiter ce risque, en France et dans l’UEMOA, le commerçant qui accepte en paiement un chèque peut exiger la production d'une (ou deux) pièce(s) d'identité. S'il est équipé d'un lecteur de chèque, il peut l'utiliser pour vérifier la régularité du chèque auprès du Fichier National des Chèques Irréguliers (FNCI) de la Banque de France, afin de s’assurer qu’il n'est pas perdu ou volé, que le compte est actif et que la personne payant

par chèque (tireur) n'est pas un interdit bancaire. Au Canada la question ne se pose pas en ces termes, parce que le chèque demeure un moyen de paiement très peu usité dans les transactions commerciales.

Le cours légal de la monnaie scripturale. Les dispositions légales obligeant les agents économiques à

transiger au-delà d’un certain seuil en monnaie scripturale, ne sont-elles pas de nature à «conférer cours légal à la monnaie scripturale»159 dans les États de l’Uemoa ? La réponse semble négative, car :

[…] si la monnaie scripturale acquiert un jour cours légal, « ce ne serait pas encore suffisant pour déterminer l'application à cette monnaie de toutes les règles auxquelles sont soumises les espèces monétaires ». Car les espèces monétaires sont des meubles corporels régis par des règles de transmission et d'appropriation spécifiques alors que, « même devenue monnaie au sens juridique du terme, la monnaie scripturale demeurera dépourvue de corpus »160.

En gros, pour qu’il en soit véritablement ainsi – que la monnaie scripturale acquière cours légal – il faudrait qu’elle soit soumise aux mêmes règles que la monnaie fiduciaire qui, par nature, est un bien meuble corporel, donc régi par les règles de transmission et d'appropriation spécifiques de droit civil alors que la monnaie scripturale même devenue monnaie au sens juridique du terme demeure toujours dépourvue de corpus, parce qu’invisible, immatérielle. Or, «[la monnaie scripturale] ne peut être tenue que pour un bien incorporel, sur lequel certes le titulaire du compte a un pouvoir de fait, une maîtrise qui s'apparente au corpus, mais qui ne permet pas pour autant de conclure à une authentique possession […]»161 comme c’est le cas avec la monnaie fiduciaire. Qui plus est, même si le paiement par voie scripturale est légalement imposé par certains législateurs, comme ceux de la France et de l’UEMOA, qui fixent un certain seuil à partir duquel certaines catégories de transactions ne peuvent être effectuées en monnaie fiduciaire162, il ne subsiste pas moins toujours un risque de non-paiement pour le créancier contraint d’accepter un tel paiement. Or dans les faits, rien ne garantit que le compte bancaire de son débiteur soit suffisamment approvisionné pour honorer le chèque. Et quand bien même ce compte serait-il approvisionné, encore faut-il que ce chèque ne soit pas entaché d’irrégularité ou d’altérations empêchant son paiement et que la banque du tireur soit solvable163, plus précisément, qu’elle ne soit pas en faillite au moment de la présentation au paiement du chèque à son guichet. De ce qui précède, on peut conclure que la monnaie scripturale a un pouvoir libératoire forcé, dans certains cas bien définis

159 BRUYNEEL, «Le virement », supra, note 111, p. 394 et s., MANN, The Legal Aspect of Money supra, note 41, p. 79; LIBCHABER, Recherches sur la monnaie en droit privé, supra, note 41, p. 82.

160 DELNOY, « La qualification de la donation par virement », supra, note 57, p. 213 -214.

161 Michel CABRILLAC et Jean-Louis RIVES-LANGE, « Crédit et titres de crédit », (1979) Rev. trim. dr. com. 287, F. GRUA, Contrats bancaires, Paris, Economica, 1990, T. 1, p. 166, note 3.

162 En France, « tout paiement excédant 750 euros doit être effectué par chèque barré » (art. L161-1, L112-6 à L112-8 CMF et l’art. 3 de l’Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000). Cette obligation de payer par chèque est reprise en droit belge, où, l'article 3 de l'arrêté royal n° 56 du 10 novembre 1967 dispose que « dans les relations entre les commerçants agissant dans l'exercice de leur commerce, ceux-ci ne peuvent refuser les paiements ou versements de sommes d'au moins dix mille francs effectués par chèque, barré ou non, ou par virement sur un compte ouvert auprès de l'Office des Chèques postaux, d'une banque établie en Belgique [...] ».

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par la loi. En effet, bien que ne bénéficiant pas de la garantie étatique, les supports de la monnaie scripturale sont de plus en plus imposés par l'État dans les transactions par le jeu du cours légal. Supports qui ne sont rien d’autre que le fruit de l’imagination de l'activité bancaire et dont l’utilisation dépend surtout de la confiance du public dans le système bancaire et de la confiance réciproque qui règne entre les banques (interbancarité).

5. Du circuit de la monnaie scripturale

Ce sont les ordres de paiement donnés par le titulaire du compte bancaire à son banquier qui lui permettent de circuler. Aussi, dès réception de l’ordre, le banquier débite le compte de son client du montant ordonné au profit du bénéficiaire. Ces ordres parce qu’ils « ne font que préparer la remise de monnaie »164 ne constituent en aucun cas un paiement du fait de leur émission. Nous pouvons citer l’exemple du chèque qui ne constitue pas un paiement en soi, car l’ordre donné par le tireur ne fait qu’intimer son banquier de payer le bénéficiaire ou le porteur165. Sans l’action du banquier, il ne saurait y avoir de paiement malgré l’émission du chèque, support physique qui permet à la monnaie scripturale de circuler entre les agents économiques. En fait, le bénéficiaire de l’ordre de paiement n’en est satisfait « que lorsque lui a été bel et bien transféré le montant qui lui est dû »166. De ce qui précède, une question sur laquelle nous n’épiloguerons pas se pose : à partir de quel moment est-on en droit de considérer que le paiement fait en monnaie scripturale est devenu valablement définitif et irrévocable167 ?

La monnaie scripturale ne quitte pas le champ bancaire, car sans compte bancaire, il est impossible d’en posséder, ni d’en faire usage. Elle circule grâce aux ordres de paiement donnés par le titulaire du compte bancaire au banquier tiré qui, dès leur réception, débite le compte de son client du montant ordonné au profit du bénéficiaire. En fait, la monnaie scripturale ne sort pas du champ bancaire parce qu’elle ne circule de compte à compte que par le biais d'écritures comptables168. Les conditions de sa création, sa circulation et sa destruction sont régies par la législation bancaire. L’on peut classer les circuits de cette monnaie dans le champ bancaire en trois catégories : le circuit des transactions courantes, le circuit banque/client et le circuit intrabancaire ou interbancaire.

S’agissant du circuit des transactions courantes, il faut noter que chaque fois qu’il y a échange entre agents économiques, l’on utilise nécessairement un moyen de paiement, qui selon le mode de paiement choisi peut être un chèque, une carte de débit ou crédit, un TEF, etc.

164 RIVES-LANGE, « La monnaie scripturale » supra, note 41, 405.

165 Jean VAN RYN, Jacques HEENEN, Principes de droit commercial, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 391. 166 BRUYNEEL, « Le virement », supra, note 111, p. 390.

167 Sur la question de moment définitif du paiement en monnaie scripturale dans les rapports interbancaires, voir l’affaire Hersatt, infra, p 301 et suiv.

En ce qui concerne le circuit banque/client, il est à noter que celui qui donne l’ordre de payer (ex. du tireur d’un chèque) a toujours recours à son institution financière pour faire débiter son compte. Il en va de même pour le bénéficiaire de l’ordre de paiement qui, pour voir son compte bancaire crédité, doit remettre l’ordre à sa banque qui se chargera de le présenter en paiement à la banque du débiteur. Quant au circuit intrabancaire ou interbancaire, il faut dire qu’à l’exception de l'argent liquide, toute opération de paiement en monnaie scripturale (ex. du chèque) enclenche systématiquement un mécanisme bancaire d’une complexité variable. Ce mécanisme implique nécessairement, le recours par les banques du tireur et du bénéficiaire, à un organisme dénommé «chambre de compensation» qui sert leur d’intermédiaire. Le circuit intrabancaire généralement utilisé comporte une complexité des procédures de paiement que n'a pas la monnaie fiduciaire, tout simplement parce que la monnaie scripturale nécessite le recours à des systèmes de paiement par les banquiers concernés. En effet, ces derniers peuvent recourir au courrier, au télex ou à l'intermédiaire d'un réseau de communication interbancaire. Étant donné la longueur et le caractère aléatoire des délais d'acheminement et de l’usage relativement contraignant dont ils en témoignent, le courrier et le télex sont peu utilisés. Aussi, les réseaux de télécommunication interbancaires169 vont-ils être des privilèges (plus souvent utilisés) parce que moins onéreux, plus rapides et plus sécuritaires que les courriers et les télex. Par exemple, en comparant le télex avec au réseau de communication SWIFT, on a estimé le délai de transfert de SWIFT à 25 secondes environ et celui du télex à deux minutes170. Ainsi, la technique privilégiée par les banques pour la transmission de ces instructions va définitivement s'orienter vers les réseaux de télécommunication à cause de ces principaux avantages.

On distingue quatre principaux réseaux ayant chacune sa particularité (SWIFT171, CHAPS172, CHIPS173 et FEDWIRE174). Ces réseaux, qui effectuent la majorité des opérations bancaires aussi bien à l’interne qu’à internationale sont subdivisés en deux catégories : les réseaux de transmissions et

169 Sur les réseaux de télécommunication interbancaires, L'HEUREUX, FORTIN et LACOURSIERE, Droit bancaire, supra, note 130, p. 45-48, 738-751; Guy CAUDAMINE, Jean MONTIER, Banque et marchés financiers, Paris, Economica, 1998, p. 167.

170 Sur les avantages des réseaux de communication interbancaire, H.F. LINGL, « Risk Allocation in International Interbank Electronic Fund Transfers: CHIPS & SWIFT» (1981) 22 Harv. Int'l L.J. 621

171 Sur l'histoire de SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications), voir, Ezra U. BYLER et James C. BAKER, « SWIFT : A Fast Method to Facilitate International Financial Transactions», (1983) 17 J.W.T.L. 459,460 et s.; Eliahu

P. ELLINGER, Modern Banking Law, Oxford, Clarendon Press, 1987, p. 343. Cf. également au site de SWIFT, SWIFT: « About

SWIFT 30 Years of Networking », en ligne http://www.swift.com/index.cfm?item_id=1243. Sur le transfert par SWIFT, voir GEVA, The Law of Electronic Funds Transfers, supra, note 140, chap.4, p. 4-42, 4-73 ; LINGL, ibid., p. 621.

172 Sur le mode de fonctionnement de CHAPS (Clearing House Automated Payment System), voir, Benjamin GEVA, « CHAPS Transfer of Fund », (1988) L.M.C.L.Q. 477; GEVA,ibid., chap.4, p. 4-86, 4-97; Annie HOCKADAY, « Is a CHAPS Payment Order

a «valuable security»? R.v. King», (1992) 7 B.F.L.R. 337; R. T. CLARK, CHAP- A New Approach to Payment System, Interbank Research Organisation, 1982.

173 CHIPS est l'abréviation de Clearing House Interbank Payment System. Sur la description du système, voir, GEVA, The Law of Electronic Funds Transfers, supra, note 140, chap. 3, p. 3-31, 3-65; Hal. S. SCOTT, « Corporate Wire Transfers and the

Uniform New Payment Code » (1983) 83 Col. L. rev. 1664;

174 À propos du réseau FEDWIRE (Federal Reserve Wire Transfer Netwok), cf. GEVA, ibid., chap. 3 p. 3-66, 3-106. Voir aussi, FEDERAL RESERVE BANK OF NEW YORK, Fedwire: The Federal Reserve Wire Transfer Service, New York, New York Federal

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télécommunications interbancaires (SWIFT et CHAPS) et les réseaux de télécompensation et de transmission des messages (CHIPS, FEDWIRE)175. Tous ces réseaux constituent des systèmes importants pour l'efficacité du marché de change,176 car, ils servent à transférer les fonds et à gérer les paiements transfrontaliers. Cependant, ils peuvent aussi transférer les problèmes financiers d'un acteur à l'autre et déclencher des crises à l'échelle internationale. En d'autres termes, ils peuvent, en raison notamment de l’énorme volume des flux des changes, représenter un important canal de propagation des risques177.

De ce qui précède, peut-on arguer que le consommateur a vraiment le choix du moyen de paiement approprié qui lui sied le mieux ?

III.DU CHOIX MOYEN DE PAIEMENT APPROPRIE : MONNAIE FIDUCIAIRE OU SCRIPTURALE

Le mode de paiement (monnaie fiduciaire ou scripturale) doit être accepté par les deux parties à une transaction (client et vendeur). En conséquence, les commerçants peuvent, en toute légalité, refuser comme mode de paiement aussi bien la monnaie fiduciaire (pièce et billets de banque) que la monnaie scripturale (carte de crédit ou de débit, chèque, etc.). Autrement dit, le mode de paiement (monnaie fiduciaire ou scripturale) doit être accepté par les deux parties d’une transaction (client et vendeur).

Obligation ou droit de choix le moyen de paiement ? Le mode de paiement en monnaie fiduciaire

doit être accepté de gré ou de force par les deux parties à une transaction, parce qu’elle a cours légal, sauf si l’une des parties soupçonne qu’il s’agit d’un cas de faux monnayage. En conséquence, il s’agit d’une obligation qui s’impose aux parties qui transigent en espèces. Par contre, ces mêmes parties peuvent, en toute légalité, refuser le mode de paiement en monnaie scripturale, car elle n’a pas cours légal. Au Canada, par exemple, si la transaction a lieu au Québec, les parties sont tenues de se référer à l’art. 1564 du C.c.Q. qui définit les diverses formes de moyens de paiement scripturaux qui sont libératoires.

Monnaie fiduciaire ou monnaie scripturale ? À l’heure actuelle, pour le règlement des transactions

commerciales, les agents économiques utilisent de façon combinée les deux formes actuelles de monnaie la monnaie fiduciaire et la monnaie scripturale. Par contre, la préférence pour l’une ou l’autre est fonction du degré de bancarisation de la population.

175 Ceux sont deux réseaux nationaux de transfert électronique de fonds de grande valeur aux États-Unis. Voir dans ce sens, GEVA, The Law of Electronic Funds Transfers, supra, note 140, chap. 3, p. 3-2, 3-106.

176« Le marché des changes assure les échanges de devises et permet d'établir les cours entre les différentes monnaies nationales. Il couvre l'ensemble des places financières du monde et fonctionne 24 heures sur 24 » Cf. Guy CAUDAMINE, Jean

MONTIER, Banque et marchés financiers, Paris, Economica, 1998, p. 480.

177 « Le terme risque désigne les inconvénients, les difficultés et les dangers plus ou moins probables ». Cf. CAUDAMINE, MONTIER, ibid. p. 167. Sur la notion de risque, voir Dominique RAMBURE, Les systèmes de paiement, Paris, Economica, 2005,

Dans les pays sous-bancarisés où la majorité de la population ne détient pas de compte, on note que

la monnaie fiduciaire reste le principal mode de paiement. Exemple des pays de l’UEMOA.

Dans les pays à fort taux de bancarisation, comme le Canada, l’on note une préférence nette du

consommateur pour la monnaie scripturale qui est le principal moyen d’échange entre agents économiques, parce qu’elle offre beaucoup plus de flexibilité et de commodité. En effet, plutôt que de payer en espèces, le consommateur préfère utiliser un instrument scriptural de paiement. Ce qui explique pourquoi la proportion des paiements en espèces est beaucoup plus faible dans ces pays178. En effet, rares sont les consommateurs qui, aujourd'hui, ne règlent pas leurs obligations financières (salaires, achats, factures, etc.) par cartes bancaires, virements : autant de moyens de paiement scripturaux qui se sont progressivement substitués dans l’entendement général aux paiements en espèces. Cette préférence a été galvanisée par les innovations technologiques en matière bancaire, notamment celle relative à l’automatisation des systèmes et moyens de paiement qui a eu pour corollaire celle des moyens de paiement. Par exemple, grâce à l’automatisation des moyens de paiement scripturaux, le client-consommateur peut désormais, via les GAB multifonctions, effectuer lui-même la plupart de ses transactions bancaires sans intermédiation financière : paiement de facture, dépôt/retrait de fonds, dépôt de chèque, TEF, etc. On parle alors de désintermédiation financière.

De ce qui précède, l’on pourrait être tenté de croire que la modernisation des moyens de paiement entraînera l’agonie de l’intermédiation financière et de la monnaie fiduciaire, mais cela est loin d’être vrai, car cette monnaie a encore un grand avenir devant elle, pour la simple raison qu’elle ne saurait être complètement éliminée de la circulation pour des raisons de politique économique et monétaire, et surtout parce qu’en matière de paiement, l’imagination des banquiers n’a pas fini de s’exprimer. Partant, on pourrait croire que l’automatisation des moyens de paiement entrainera ipso facto l’agonie de l’intermédiation bancaire et de la monnaie fiduciaire. Mais cela est loin d’être vrai, car en ce qui concerne par exemple, la monnaie fiduciaire, tout porte à croire, en l’état actuel des choses, qu’elle a encore un grand avenir devant elle, pour la simple raison qu’elle ne saurait être complètement éliminée de la circulation pour des raisons politiques, économiques et monétaires. Quant à la fonction d’intermédiation des banques, on ne saurait pour l’heure envisager sa fin, car l’imagination des banquiers n’a pas fini de s’exprimer en matière de paiement.

La question se pose alors de savoir, quel moyen de paiement scriptural faut-il privilégier : papier ou électronique ?

Assurément l’électronique, car la tendance qui se dessine actuellement dans le milieu bancaire est à la réduction, voire la suppression de la circulation du support papier. En effet, avec l’avènement de

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nouvelles méthodes permettant le transfert de fonds « au moyen de techniques télématiques, magnétiques, électroniques ou informatiques »179, l’utilisation des instruments de plus en plus sophistiqués va entraîner l’apparition de nouvelles méthodes de paiement électroniques, qui vont permettre à l’argent de circuler sans aucune manipulation, et ce de plus en plus facilement, rapidement et de manière beaucoup plus sécuritaire, sans pratiquement aucune intervention du banquier. Partant, de tous les moyens scripturaux usités180, le moyen électronique a fini, au fil du temps, par prendre le pas sur le papier, à cause de son caractère efficace, sécuritaire et moins coûteux. En fait, depuis ces dernières décennies, nous assistons à une prolifération des moyens de paiement et des méthodes de transaction, que ce soit sous forme matérielle ou sous forme numérique181. Aujourd’hui, on constate qu’avec l’essor et la généralisation des paiements automatisés (GAB, TEF/TAF), les chèques sont de moins en moins utilisés par les agents économiques. Au Canada, par exemple, comparativement aux cartes bancaires, le chèque demeure le moyen de paiement le moins prisé des consommateurs182, lesquels y ont recours généralement pour le paiement des loyers ou des salaires. Ce qui explique pourquoi, aujourd’hui au Canada, la majorité des transactions commerciales sont dénouées directement sous forme de virement de compte à compte, sans manipulation d'espèces, et généralement sans l'intermédiation des banques.

La question qu’on est tenté de se poser est celle de savoir si cet état des choses met fin au rôle d’intermédiation des banques entre agents économiques, ou si les autorités monétaires devraient s’inquiéter de «[…] l’éventualité de voir se développer à l’avenir une vraie fracture sociale, lorsque