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environnementales à Namur au

1. Déchets sur la voirie : ordures, immondices et boues

1.1. Malpropreté des rues de la ville

Tout d'abord, à l'instar d'autres communautés urbaines, il est aisé d'imaginer l'état de malpropreté de la ville de Namur. Différents types d'immondices1 encombrent en effet sans cesse les rues : des terres, des décombres, le produit du nettoyage des habitations, les fumiers des étables, des carcasses d'animaux voire même des excréments.

1.2. Modes d'action des autorités namuroises

Afin d'assainir la ville, les autorités namuroises mettent principalement en place deux modes d'action2 : la publication d'une abondante réglementation et l'organisation d'un service public de ramassage des immondices.

D'une part, au cours du 18e siècle, les interdictions et les prescriptions3 pour lutter contre la malpropreté se multiplient même si, dans la plupart des cas, le Magistrat se contente de rééditer des règlements non respectés4. Il est par exemple interdit aux habitants de la ville de déposer et laisser dans les rues des terres et des ordures provenant du nettoyage de leur maison ou des latrines, des animaux morts, des eaux usées… Mais ils se voient également obligés de constituer des tas avec leurs ordures afin d'en faciliter le ramassage par le service organisé à cet effet. La fréquence du balayement des

1 En 1765, une distinction des amas d'immondices en trois monts est établie : les cendres et « balayures » des maisons, les excréments qui proviennent des lieux privés, les décombres (ARCHIVES DE L'ÉTAT À NAMUR (=AÉN), Ville de Namur, n° 359).

2 Elles estiment en effet qu'il est indispensable pour le bien et utilité du public que cette ville ne

soit point infectée de boues, ordures, puanteurs et autres immondices (BROUWERS D.-D., Cartulaire de

la commune de Namur, t. IV: 1692-1792, Namur, 1924, p. 4).

3 La réglementation émanant du Magistrat de la ville de Namur a été exploitée sous deux formes : des résolutions et des ordonnances. Les résolutions analysées couvraient la période 1700-1793 (AÉN, Ville de Namur, n° 52-60). Quant aux ordonnances, certaines sont éditées dans BROUWERS D.-D., Cartulaire… ainsi que dans GRANDGAGNAGE J.,

Coutumes de Namur et coutume de Philippeville, t. I, Bruxelles, 1869 ; la plupart sont cependant

conservées dans une liasse d'archives intitulée « Édits et décrets émanant du Magistrat » (AÉN, Ville de Namur, n° 68).

4 Pas moins d'une dizaine d'édits contenant des articles consacrés à la propreté de la ville ont été repérés, notamment en 1687, 1693, 1703, 1709, 1719, 1735, 1747, 1759, 1769, 1773 et 1786.

rues5 ainsi que le moment d'effectuer cette tâche6 sont strictement encadrés par la réglementation à laquelle s'ajoute, dans la seconde moitié du 18e siècle, l'obligation de jeter des seaux d'eau sur les rues afin qu'elles demeurent propres7. Ce type de règlementation est également d'application dans d'autres villes telle que Nivelles. Les habitants y sont tenus de balayer et d'enlever les ordures devant leur maison à raison de deux fois par semaine au début du siècle et trois fois par semaine dès 17798.

D'autre part, les édiles namurois organisent un service de ramassage des immondices à travers la ville. Durant tout le 18e siècle, un ou plusieurs adjudicataires obtienne(nt), au rabais, ce que les Namurois appellent le « marché des boues »9. Leur tâche principale consiste à collecter les immondices en fonction de circonscriptions préétablies. Ils sont rétribués annuellement par la ville. La durée des contrats de ces entrepreneurs ou « fermiers des boues » est variable au fil du 18e siècle mais ceux-ci sont généralement conclus pour un an. Quant au nettoiement de la ville, il est le plus souvent organisé en quatre quartiers10.

De nombreuses obligations sont imposées à l'entrepreneur des boues11. Il doit nettoyer tous les jours l'ensemble des rues dont il a obtenu le marché et transporter ensuite tous les déchets dans des

5 Une fois par semaine au début du 18e siècle, deux fois à partir de 1719 (Édit du 3 février 1719, dans AÉN, Ville de Namur, n° 68), tous les jours dès 1747 (Édit du 24 novembre 1747, dans AÉN, Ville de Namur, n° 359).

6 Uniquement l'après-midi dès 1759 (Édit du 2 mai 1759, dans AÉN, Ville de Namur, n° 359) ; entre deux et quatre heures en hiver et entre trois et cinq heures en été à partir de 1769 (Édit du 26 avril 1769, dans AÉN, Ville de Namur, n° 359).

7 Édit du 26 avril 1769, dans AÉN, Ville de Namur, n° 359.

8 PARMENTIER I., La pollution à Nivelles au XVIIIe siècle (1713-1795). Voirie et points d’eau,

dans Folklore Brabançon, t. 284, 1994, p. 306.

9 Les différentes « passées » des fermes de la ville de Namur sont contenues dans cinq liasses d'archives couvrant la période 1728-1788 (AÉN, Ville de Namur, n° 363-367). 10 Afin de comprendre l'organisation et le fonctionnement du service de ramassage des

immondices, les comptes communaux se sont révélés particulièrement intéressants : ils renseignent en effet sur la durée des contrats, le nombre de personnes employées, leurs noms ainsi que sur la manière dont la ville est découpée pour assurer la mise en œuvre du service (AÉN, Ville de Namur, n° 1092-1190).

11 Les obligations qui incombent à ou aux adjudicataire(s) de la ferme des boues sont détaillées dans les contrats de passée consacrés aux immondices de la ville (AÉN, Ville de

Namur, n° 363-367). Le premier contrat conservé date de 1733. Les années antérieures

peuvent être partiellement comblées par la consultation de la réglementation émanant du Magistrat de la ville.

endroits prévus à cet effet. À partir de 1738, la ville l'autorise à faire

magazin desdittes immondices pour son propre compte12.

Au fil du 18e siècle, nous avons pu percevoir plusieurs évolutions dans l'organisation du ramassage des immondices : la fréquence de la collecte augmente13 de même qu'elle fait l'objet d'un contrôle renforcé14. D'autres villes organisent également un service similaire à la ferme des boues namuroises à quelques différences près. Signalons tout de même que la ville de Huy ne mettra en place pareil ramassage que vers 177715.

À partir de 1779, un changement majeur intervient à Namur dans l'organisation du ramassage des immondices : la fonction d'entrepreneur des boues de la ville est réunie à celle de la vidange des latrines. Ces deux tâches ne forment désormais plus qu'une seule et même entreprise16.

1.3. Source de l'intérêt du Magistrat pour cette matière

Le Magistrat de la ville s'intéresse dès la fin du 17e siècle à ces déchets sur la voirie. Son intérêt est triple. Il estime en effet qu'il est de l'intérêt public de garder sa ville bien nette, d'éviter tout type d'infection, de puanteur qui peut naître de la pourriture d'ordures qu'on tarde à enlever17. La santé des habitants constitue donc sa

12 AÉN, Ville de Namur, n° 363.

13 Au début du 18e siècle, l'entrepreneur des boues ne passait qu'une fois par semaine dans chaque rue de la ville (BROUWERS D.-D., Cartulaire…, p. 38-39) ; ce n'est qu'à partir de 1733 qu'il doit nettoyer tous les jours les rues du quartier dont il a obtenu le marché (AÉN, Ville de Namur, n° 363).

14 Voir infra.

15 MORSA D., Initiative publique et services collectifs à Huy sous l'Ancien Régime (XVIIe et XVIIIe siècle). Contribution à l'histoire de la politique économique, dans L'initiative publique des communes en Belgique. Fondements historiques (Ancien Régime). Actes du 11e Colloque International, Spa, 1-4 septembre 1982, Bruxelles, 1984, p. 149-197, p. 190 (Pro Civitate, collection Histoire, série

in-8°, 65). 16 Voir infra.

17 Le Magistrat de la ville considère la propreté des rues comme indispensable pour le bien et

utilité du public (BROUWERS D.-D., Cartulaire…, p. 38) de même que l'infection et les puanteurs causées par les immondices qui traînent dans les rues sont chose non tolérable ès

principale motivation car on conçoit, à l'époque, que malpropreté et maladies sont liées18.

Si la propreté des rues semble indispensable pour le bien public, l'organisation d'un service de collecte des immondices peut se révéler lucrative. En effet, ce service fonctionne par adjudication au rabais. Les édiles espèrent ainsi alléger leurs dépenses dans ce domaine19.

De plus, au fil du siècle étudié, l'idée que les ordures récoltées soient utilisées pour fertiliser les terres commence à faire son chemin (notamment à cause des autorités centrales qui obligent le Magistrat namurois à agir)20.

1.4. Bilan des modes d'action quant à la propreté des rues namuroises

En ce qui concerne l'efficacité de ces modes d'actions, nous pouvons dire qu'elle est plus que discutable. En effet, des amendes avaient été prévues pour les habitants qui ne respectaient pas les prescriptions émises par le Magistrat de la ville. Certaines d'entre elles ont été davantage respectées que d'autres, en témoigne leur montant revu à la baisse ou augmenté.

Quant au travail des entrepreneurs des boues, il semble qu'ils manquent parfois d'assiduité car, dans la seconde moitié du 18e siècle, on constate un contrôle renforcé de leur activité : dans chaque quartier de la ville, un sergent de garde veille de manière continue à la propreté de la ville et à la qualité du travail des ouvriers21. En cas de manquement à sa tâche, l'entrepreneur peut se voir infliger une amende ou la réalisation du travail à ses frais22. Par contre, à partir du moment où la valeur de l'engrais commence à être reconnue et où la possibilité est laissée aux entrepreneurs de vendre leurs boues, un

18 Les édiles namurois mettent en place un service public pour eviter touttes infections, puanteurs,

et inconvenients, qui peuvent naitre de la pourriture et croupissement des ordures qu'on tarderoit à enlever

(AÉN, Ville de Namur, n° 359).

19 Quant au nettoyement des immondices de la ville messieurs ont trouve a propos pour le plus grand proffist

d'icelle de le faire passer… (AÉN, Ville de Namur, n° 1112).

20 Pendant longtemps, il y aurait eu une sorte d'indifference neanmoins que l'on avoit toujours eû a

namur pour ces sortes d'engrais qui aurait sans doute contribué au fait que personne ne s'etoit jamais presenté pour entreprendre d'en faire des amas et en faciliter le transport à tous les laboureurs et cultivateurs qui voudroient s'en servir (AÉN, Ville de Namur, n° 360) ; PARMENTIER I., L'or et

l'ordure. La gestion des déchets urbains au XVIIIe siècle en Belgique, dans Histoire urbaine, t. 18,

2007, p. 61-76.

21 AÉN, Ville de Namur, n° 360. 22 AÉN, Ville de Namur, n° 363.

engouement supplémentaire apparaît dans la réalisation de leur tâche23. Ce manque d'efficacité de l'entrepreneur des boues ne se remarque pas uniquement dans la ville de Namur. Des défaillances ont également été constatées à Bruxelles24.

Malgré les moyens mis en œuvre par les édiles namurois, nous pensons que certaines rues de la ville restent sales. Différents indices en attestent : les rapports des visites des sergents qui repèrent en nombre les infractions (dépôts d'ordures sur la rue, défauts de balayage de la part de la population, de nettoyage de la part des entrepreneurs)25; la réglementation sans cesse rééditée car non respectée ou encore un courrier éloquent adressé au Magistrat de la ville consacré à l'état déplorable de ses rues26.

2. Déchets dans les maisons : les « lieux privés » et leur