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La lettre du 10 mai 1927 place l’échange sous le signe de la gratitude. La poète de vingt-sept ans ne fait pas que saluer la « précieuse étude » que le critique a faite de ses vers. Elle mentionne également le pouvoir des mots de Dantin qui lui ont permis de retrouver une confiance qu’elle n’a pas ou feint de ne pas avoir (10 mai 1927). Bernier apparaît comme une jeune auteure peu sûre d’elle, et dont la reconnaissance des pairs rehausse l’estime qu’elle a de son travail et de sa personne. Elle adopte la posture de la novice qui « se manifeste par différentes marques de prudence, de modestie, par la mise en scène

propos l’introduction au premier tome du projet « Publication de la correspondance de Louis Dantin (Hébert et al. [éd.], 2014 : 9-48).

12 Selon Michel Lacroix, cette « forme de l’intimité épistolaire, avec franchise et empathie » est une des

d’une conscience qu’a la signataire du peu de poids de sa parole, en raison soit de son âge, soit de son appartenance à un autre monde » (Savoie, 2014b : 192) et qu’elle partage avec nombre d’auteures de son temps. Les premiers mois de la correspondance sont rythmés par l’instauration entre les deux écrivains d’une relation intellectuelle fondée sur la confiance réciproque. Bernier et Dantin reproduisent un schéma culturel basé sur une double hiérarchie : celle du maître et de l’élève ; et celle de l’homme mûr et de la jeune fille (Coste 2006 : 197)13. L’écrivaine s’adresse avec respect au critique, usant d’un « cher Monsieur »

qui s’estompe à la fin de l’année 1928 au profit de « mon ami ». Elle est à la recherche d’un interlocuteur d’expérience et légitime afin de bénéficier de son aide dans l’écriture ; l’occasion pour elle de reconduire l’expression de sa gratitude : « Qu’est-ce que je pourrais ajouter au merci que je veux vous dire parce que je vous ai déçu et que vous avez été assez indulgent pour annoter mes âneries. Je vous écrirai dès que j’aurai lu le travail que vous m’avez fait » (12 mai). Fidèle à la posture de la novice, l’écrivaine manifeste toutes les marques de la modestie. En outre, elle fait part du trouble que lui inspire son correspondant : « Je serais peut-être plus gauche encore pour vous l’exprimer, si, par un heureux hasard je vous rencontrais […] » (12 juillet). « Jeune élève se fai[sant] enfant […] sans jamais faire l’enfant ou jouer à la femme enfant » (Coste, 2006 : 197), admirative et timide, mais toujours affirmée dans sa volonté d’écrire, Bernier cherche le ton juste à adopter et ménage son interlocuteur.

Poussée par les premiers encouragements de son correspondant, elle lui fait parvenir quelques textes en prose. Dantin lui renvoie ses essais, très certainement en lui prodiguant plusieurs conseils et mises en garde. Jovette Bernier se justifie en minimisant l’intérêt de ces textes : « […] je vous avoue bien que je ne me suis jamais abusée sur le chétif miroir de mes “proses” » (12 mai 1928). Rien n’est dit sur la nature exacte de ces « proses ». D’ailleurs, l’écrivaine refuse de voir dans ces textes un quelconque projet littéraire, puisque seul le vers compte : « Mais j’aime le vers au détriment de tout […] mes vers dans lesquels

13 Étudiant la correspondance de Mireille Sorgue avec François Solesmes, Claude Coste rappelle quelques

échanges célèbres adoptant le même schéma : Héloïse et Abélard, Julie et Saint-Preux, La Rochefoucauld et Mme de La Fayette (2006 : 197). Brosseau observe un phénomène identique au début des correspondances qu’elle étudie (1998). Comme on peut s’y attendre, les lettres de Bernier à Dantin fonctionnent selon un « rapport de places » (Jaubert, 2010 : 81) où l’épistolière prend acte de sa situation sexuelle et intellectuelle vis-à-vis du critique pour moduler son discours.

je mets un sentiment que je n’entortille pas pour le dissimuler même quand il n’est pas beau aux yeux de tous » (12 mai). Non sans réfuter ses qualités littéraires, la poète fait de sa production lyrique un miroir de son âme ne nécessitant ni déformation, ni embellissement. Qui plus est, l’écriture serait le résultat d’une impulsion, d’une convulsion interne : « J’écris quand je veux écrire, je peux librement être intime avec toute la désinvolture que je veux y mettre » (12 mai). Selon un rapport de places fonctionnant sur le modèle du « qui tu es pour moi » et du « qui je veux être pour toi » (Jaubert, 2010 : 81), et s’appuyant sur une multiplication des clichés féminins, Bernier façonne un ethos de poète instinctive qui ressent et écrit ses vers sous le coup de l’émotion – ce qui fait écho à l’image d’auteure que véhicule le discours médiatique à son sujet (la poète de l’amour, du sentiment, etc.), mais aussi à la critique de Louis Dantin à propos de Comme l’oiseau. La poète s’approprie les schèmes de représentation de la « femme-auteur » pour paramétrer le rapport de places selon deux modalités. D’une part, elle joue la carte de l’« essence féminine », conciliant écriture et nature selon un topos tenace pour qualifier l’écriture des femmes14. D’autre part,

elle se distingue du reste des femmes de lettres en proclamant une liberté et une singularité qui tendent à mettre en valeur sa production poétique. Octroyant à Louis Dantin la place de maître, Bernier revendique néanmoins une autonomie qui réduit l’écart entre les deux épistoliers et donne de l’élan aux échanges intellectuels.

Poète avant tout, Bernier n’en oublie pas les essais en prose qu’elle a envoyés : « Je vous remercie de votre sincérité qui m’a beaucoup aidée à les oublier pour quelque temps tout en ne les répudiant pas à jamais » (5 juin 1928). Qu’il s’agisse de chroniques ou de passages à teneur plus ou moins romanesque, la ténacité de l’écrivaine à vouloir écrire de la prose souligne les bouleversements à l’œuvre dans l’économie des genres littéraires au tournant des années 1930. Si la poésie demeure la voie principale d’acquisition de capital symbolique et social dans le champ, la prose attire peu à peu les velléités des écrivains. Si son projet semble être avorté, Bernier témoigne tout de même de la redistribution du capital

14 Mélanie E. Collado observe le même phénomène chez les écrivaines de la Belle Époque en France (2003 :

45-57). Outre Collado et Christine Planté (2015 [1989]), Merete Stistrup Jensen a bien montré comment les théories de l’écriture féminine réinvestissaient le champ de la nature pour déterminer les propriétés d’une écriture des femmes (2001 : 31-45). Bernier et Dantin, tout comme la critique de l’époque, n’échappent pas à

au sein de la bourse des genres en caressant le projet d’une réorientation de sa pratique littéraire, au moment où sa légitimité en tant que poète est pratiquement acquise.

Les premiers échanges avec Dantin coïncident avec la préparation d’un troisième recueil pour Bernier, Tout n’est pas dit15. Dantin suit de près les projets de la poète. Cette

dernière lui annonce, le 13 septembre 1928, que l’éditeur montréalais Garand accepte de publier le recueil. La poète est satisfaite du travail accompli et de ses négociations avec l’éditeur, puisqu’elle accède enfin à un catalogue tenu par une maison d’édition professionnelle et populaire16. Plus encore, elle éprouve de la fierté à rapporter au

« maître » cette nouvelle : « C’est ce que je viens vous dire et j’ai bien hâte aussi de vous dire : “Parrain, regardez votre filleul [sic]” » (13 septembre 1928). C’est effectivement un désir de filiation qui traverse les premiers temps de la relation ; filiation qui trouve ses échos dans la préface élogieuse que le critique signe à Tout n’est pas dit :

Mlle Bernier a trouvé pour ce livre de ces mots aux vibrations neuves. Ses poésies présentent des teintes, des sons, des reflets d’âme qu’elle-même a conçus ; des émotions qui, pour être largement humaines, ont pris l’empreinte particulière de son cœur, et c’est pourquoi ces rimes, au lieu d’être purement des jeux de syllabes, sont vraiment des voix et des plaintes, atteignent le caractère et la sincérité de l’art […] Je ne sais aucun autre de nos poètes, et surtout de nos poétesses, qui creuse ainsi les retraites intimes, qui mette à les ouvrir cette simplicité et cette vérité. Cette poésie, au-dessous des surfaces, cherche ce qui dans l’âme est essentiel et profond. Si elle y trouve surtout l’illusion déçue, l’amour repoussé, l’espérance haletante et la douleur maîtresse, dédaignant les fades artifices, elle décrit franchement ce qu’elle voit et ce qu’elle éprouve. Vision attristée qui peut-être n’est pas toute la vie, mais qui en reste l’élément le plus vrai et le plus lyrique. C’est de l’art palpitant que d’en saisir la beauté cruelle. (1929 : 9-12)

Outre le fait d’unir sur une même couverture les noms de deux auteurs et d’instaurer une parenté littéraire, la préface loue le travail poétique et joue un rôle de légitimation du volume. Pour la jeune poète de vingt-huit ans, il est certain qu’une préface de Louis Dantin tient lieu de consécration, tant le critique occupe une position centrale dans le champ. La relation épistolaire entre les deux écrivains, doublée du talent certain que Dantin reconnaît

15 Initialement publié en 1928, le recueil fait l’objet d’une deuxième édition chez Garand en mars 1929. C’est

avec cette seconde édition de Tout n’est pas ditque Bernier remporte la médaille du Lieutenant-gouverneur général (1929).

16 Garand va même lui demander de s’occuper personnellement des ventes de Tout n’est pas dit : « Pour toute

condition, Garand imprime et me paye avec 250 exemplaires, mais je me suis engagée en plus à lui vendre au moins cent volumes au ministre David » (1er décembre 1928). Comme l’écrit le collectif de Histoire de

l’édition littéraire au Québec au XXe siècle, l’éditeur « transforme ses auteurs en diffuseurs » (Michon, 1999 :

chez Jovette Bernier, rend possible une collaboration concrétisée par le discours préfaciel à

Tout n’est pas dit ; tout comme elle témoigne des actions communes émanant des

sociabilités littéraires durant les années 1920 au Québec.

« S’étioler dans l’absence » : la posture de l’amoureuse

À partir de septembre 1928, poussée par le climat de confiance établi entre le mentor et elle, Bernier s’épanche de plus en plus. Elle signe simplement « Jovette », et non « Jovette-Alice Bernier » comme c’était le cas auparavant. Les formules de politesse se tournent vers plus de connivence entre les épistoliers, vers un contact physique ébauché par l’écriture : « Une franche poignée de main puis… » (17 septembre). La jeune femme multiplie les points de suspension comme autant de sous-entendus qui s’éclaircissent dans les lettres suivantes : « Il me semble que j’aurais mauvaise grâce à vous dire l’enchantement, la fièvre, l’enthousiasme que votre lettre m’a apportés, et que je suis là, je reste là avec des sentiments merveilleux que vous n’aimeriez peut-être pas comme je vous les dirais » (28 septembre). De son côté, Dantin semble féliciter la jeune épistolière de ses lettres et souligne le caractère exceptionnel de cette correspondance dans laquelle lui aussi s’investit. C’est en effet ce que laisse supposer l’enthousiasme de Bernier : « […] quand vous m’avez dit dans votre lettre qu’il y a longtemps que vous n’en aviez pas écrit une si longue, là, j’étais flattée parce que comme toutes les femmes, je suis toujours “femme” avant… n’importe quoi » (17 septembre). L’épistolière délaisse momentanément la mise en scène de son écriture et son statut d’auteure pour ébaucher les traits d’une féminité exacerbée qui prend le pas sur la relation intellectuelle.

Selon Marie-Claire Grassi, deux types de discours dominent l’échange épistolaire selon le sexe des interlocuteurs : le discours homosexué (le partage d’un même monde, des mêmes déterminismes sexuels, etc.) et le discours hétérosexué (volonté de reconnaissance dans la sphère masculine, conseils de l’interlocuteur masculin). À propos des confidences dans le discours hétérosexué, Grassi précise qu’« elles témoignent pour la femme d’un désir d’être reconnue comme un être souffrant, vrai, digne d’aimer et d’être aimé » (2005 [1998] : 40-41). Selon cette logique discursive hétérosexuée, Jovette Bernier joue la carte

de la féminité, synonyme de légèreté et de sentimentalisme, ce qui l’encourage un peu plus à aborder la relation épistolaire par le biais d’un discours amoureux de plus en plus insistant. Elle décrit ce qu’elle perçoit comme des signes, des points de convergence entre leurs deux destins. Intriguée par la situation de Dantin – exilé et solitaire – elle se compare à lui afin de mieux le comprendre :

Quand je me trouve ermite ou exilée, moi, c’est que pour quelques jours on oublie de venir me mentir qu’on m’aime. Je suis, ces jours-là, la plus déshéritée des femmes, la plus grise et la plus endeuillée. Mais ce qui crée les types et ce qui les rend intéressants, c’est qu’ils diffèrent souvent des raisons pour leur « spleen » et je me demande pourquoi vous pouvez être vous,

l’exilé que je suis ?... (17 septembre 1928, je souligne)

L’effet d’exagération approfondit l’expression d’une singularité de Bernier vis-à-vis des autres femmes, une singularité qui tend à mettre l’auteure sur un pied d’égalité avec Dantin. Le sentiment de « mêmeté » (Ricoeur, 1990 : 140) entre les deux épistoliers va plus loin lorsque la poète félicite son interlocuteur pour son engagement contre le moralisme :

[…] autre chose, c’est-à-dire quelque chose qui me fait aussi du bien, qui me fait respirer ; de vous entendre dire par exemple aux moralistes ce que vous leur dites, tout simplement. Voilà quelque chose qui me repose des âneries de monsieur un tel ou monsieur tel autre qui ont cru sage de nous laisser voir le monde avec leurs yeux. Si je vous disais comme il y a longtemps déjà que j’ai délié mes pieds pour marcher toute seule : j’ai d’abord défait les nœuds petit à petit avec patience et j’en ai rompu bien d’autres dont je ne pouvais me défaire autrement, en grand scandale… (17 septembre 1928, je souligne)

Du point de vue rhétorique, c’est à partir de la personnalité de Dantin que l’épistolière se met en scène dans la lettre17. Suivant la métaphore filée d’un lien autour de ses pieds, elle

souhaite prouver qu’elle partage les idéaux de son mentor. Qui plus est, par le développement d’une conscience de genre dans les lettres18, Bernier délimite un ethos de

femme libre, ce qui accentue sa singularité et lui permet de négocier une place d’exception

17 Comme l’explique Brigitte Diaz, cette illusion identitaire dans le discours amoureux épistolaire « est un

topos qu’on retrouve dans maintes correspondances » et qui manifeste selon les épistoliers la « preuve d’une

communauté d’être partagée avec leur correspondant » (2002 : 155). En outre, il s’agit d’une stratégie visant à rapprocher les deux correspondants afin de mieux communiquer ses idées et une image de soi parfois audacieuses, comme c’est le cas avec Bernier et le souhait d’apparaître telle une femme libre.

18 Par « conscience de genre », j’entends la perception qu’a un sujet d’énonciation de sa catégorie sexuelle en

tant que groupe social et politique. Il s’agit d’une conscience qui lui permet d’asseoir sa place et sa légitimité dans et par le discours, entre conservation des figures « genrées » lui étant associées et volonté de transformer davantage ces mêmes figures dans l’espace public. Pour plus d’information, voir : Eleni Varikas, « La révolte des dames. Genèse d’une conscience féministe dans la Grèce du XIXe siècle (1833-1908) », thèse de doctorat, Université Paris VII, 1986.

auprès du critique. Dans l’espace personnel que suggère l’épistolaire, on voit poindre ici une parole autonome déliée des carcans de la catégorie du féminin tout en jouant de ces mêmes carcans pour paramétrer sa place vis-à-vis d’un interlocuteur masculin ; ce qui annonce en filigrane la suite de la trajectoire littéraire de Bernier, notamment avec la publication de La chair décevante et des Masques déchirés19.

Les images sentimentales s’accumulent, et la relation entre les deux correspondants prend un tournant à l’occasion d’une longue lettre manuscrite de six pages aux allures de déclaration amoureuse. Alors qu’elle flirtait avec Dantin dans l’espace épistolaire, Jovette Bernier fait l’exposé dans la lettre du 7 octobre 1928 de la passion latente qui semble l’habiter. Ainsi que le rappelle Marie-Claire Grassi, plusieurs éléments rhétoriques permettent d’identifier la lettre d’amour : la mise en scène de l’amant qui souffre, l’absence de l’être aimé, la sacralisation de ce dernier (2005 [1998] : 94-96). Fidèle à ces codes rhétoriques, Jovette Bernier exprime longuement l’attente et la douleur dans laquelle elle est plongée : « Je réalise que je me suis fait un tel besoin de vos lettres […] Ce que vous avez fait naître de plus inquiétant encore pour la sensitive que je suis, c’est la peine que vous me faites quand vous me parlez d’ironie envers vous-même. Ah ! Si l’amour avait un âge, comme il y a longtemps qu’il serait mort ». L’image que renvoie l’écrivaine est semblable à ce « moi » « en attente, tassé sur place, en souffrance, comme un paquet dans un coin perdu de gare » (Barthes, 1977 : 19, l’auteur souligne) : un sujet sensible et sensuel, vivant une perpétuelle expérience de l’incarnation, mais désincarné en même temps par ce manque lancinant. Au terme d’un discours de plus en plus emphatique, elle avoue : « Je ne sais pas pourquoi cette personnalité […] me fait tant de plaisir à vous regarder, à vous découvrir, à vous analyser, à vous… aimer. Bon, c’est dit. Cette sympathie que j’éprouve prend des proportions désespérantes, une mesure qui n’est plus une mesure et qui me donne un peu le vertige, le vertige qui déséquilibre un peu ma lettre et que je dois avouer pour m’excuser »20. Le jeu des répétitions et des anaphores accentue l’expression de vertige

ressenti par le sujet épistolier. Les points de suspension, si récurrents dans l’écriture de

19 Sans s’attarder, il faut relever l’expression « laisser voir le monde avec leurs yeux », qui n’est pas sans

rappeler l’image du masque qui domine Tout n’est pas dit et Les masques déchirés. L’idée du masque ou de l’écran, qui cache la vérité selon la poète, est aussi reprise dans La chair décevante.

Jovette Bernier, rythment et anticipent l’apparition du mot « aimer », avouant de fait la mise en scène scripturale à laquelle se prête l’épistolière. Qui plus est, la lettre est traversée par l’absence et l’éloignement de l’homme aimé21. Avec ces aveux, la correspondance

ouvre le mentorat à une intimité en creux, puisque la poète s’efface au profit d’un sujet féminin qui expose ses sentiments envers un correspondant aimé.

Avec le motif amoureux, Bernier saisit aussi l’occasion d’investir la lettre comme espace d’approfondissement d’un thème littéraire cher à l’auteure de Tout n’est pas dit. Un « credo d’amour » s’élabore, dans la suprématie que le sujet épistolier prétend concéder au sentiment amoureux sur l’ensemble de la vie et sur la littérature : « Oui je vous en veux de me faire de la peine quand je ne vous en fais pas, moi ; quand je viens tout bonnement vous dire mon credo d’amour, et que ma transfiguration vous laisse d’un côté désintéressé et désespéré » (7 octobre 1928). L’épistolière multiplie les figures de style autour du thème amoureux, notamment en usant de la personnification : « Demandez à l’amour qu’il existe autant que vous et il vous donnera bien votre part. C’est qu’on l’effarouche en lui demandant un infini auquel on ne croit pas et qu’il ne comprend pas lui-même » (je