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II. 1.3 1880-1970 : La séparation

II.2 Nouvelle orientation : responsabilisation et innovation

II.2.2 Un début de doctrine

En 2001, après une décennie de premières expérimentations et de nombreux débats et séminaires au niveau européen17(sur les avantages et limites d’une politique de REP, les questions qu’elle soulève, les dispositions à prendre pour sa mise en œuvre efficace), l’OCDE a publié un premier rapport structurant du principe de REP et posant les pre- mières doctrines (OCDE, 2001). Dans ce manuel de l’OCDE à l’intention des pouvoirs publics, le principe de REP est officiellement reconnu comme un instrument de politique de l’environnement. L’approche y est clairement néo-libérale (incitations, mesure, res- ponsabilité individuelle) s’inscrivant dans la tradition du principe de « pollueur-payeur » comme mécanisme économique d’internalisation des externalités. Bien que ce rapport

17. En particulier, l’OCDE avait lancé dès 1994 un projet sur la REP en trois phases reposant sur un grand nombre d’entretiens réalisés dans les pays de l’OCDE, des ateliers réunissant les parties prenantes, des études approfondies de programme de REP conduisant à l’élaboration de rapports intermédiaires et de synthèse, tel le rapport de synthèse de la phase 1 (OCDE,1996).

CHAPITRE II.2. NOUVELLE ORIENTATION : RESPONSABILISATION ET INNOVATION reconnaisse l’existence d’autres options telles que la création d’organismes collectifs, comme cela a été vu avec les exemples des organismes DSD et Eco-emballages, la responsabilité collective n’est pas réellement théorisée.

Le manuel explicite les deux objectifs interdépendants d’une politique de REP qui sont : (1) de décharger les collectivités de la responsabilité de gestion (matérielle et/ou économique; totale ou partielle) des déchets et (2) d’inciter les metteurs sur le marché à prendre en compte les aspects environnementaux dans le cadre de la conception des produits (i.e. l’éco-conception). Dans les années 2000, avec l’accumulation des réflexions issues des conférences environnementales, d’autres objectifs s’y ajouteront, dont celui d’augmenter le recyclage et d’axer davantage la politique sur la prévention des déchets. Ces objectifs sont présents dans le manuel de l’OCDE mais n’y sont pas clairement expli- cités.

Le manuel de l’OCDE, à l’intention des pouvoirs public, était basé sur les premières expérimentations, et n’avait pas pour but de donner des directives précises sur la manière de mettre en place un dispositif de REP. Le manuel porte davantage une réflexion à desti- nation des pouvoirs publics des pays membres visant à « examiner diverses questions qui doivent être prises en compte et les conditions cadres qui sous-tendent la conception des mesures et programmes de REP » (OCDE,2001, p.11).

Le point majeur expressément souligné à travers l’ouvrage est la question de la res- ponsabilité des producteurs et du partage de la responsabilité. Il est en effet rappelé que le principe fondamental de la REP est que « le producteur assume une part significative de la responsabilité matérielle et/ou financière à l’égard des produits en aval de la consom- mation » (OCDE,2001, p.12). D’autre part, la définition même de la responsabilité ainsi incombée est à clarifier entre les parties concernées. En effet, il s’agit de répartir la res- ponsabilité matérielle (i.e. la gestion opérationnelle des déchets) et financière, le devoir d’information, la responsabilité légale ainsi que la propriété du déchet. Ces responsabi- lités peuvent être imputées en totalité ou en partie. Les auteurs insistent de ce fait sur l’importance de « désigner un acteur qui centralise l’organisation et la mise en œuvre du programme de REP ». Cependant, alors que dans l’acception originale du principe de « pollueur-payeur » l’intervention publique devait être aussi proche que possible de la source des effets externes, la REP insiste sur l’adoption d’un sens plus large à la notion de « pollueur » (idée présente dès la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975), « en élargissant à d’autres acteurs de la chaîne de produit tels que les fabricants de produits à l’origine d’incidences sur l’environnement » (OCDE,2001, p.10). Il s’agit de cibler l’acteur le plus influent dans la chaîne de valeur. Ce choix peut être fait eu égard des matériaux et de la conception des produits, mais aussi des autres parties prenantes, à savoir le fabricant, le propriétaire de la marque, l’importateur ou, dans certains cas le conditionneur. Telle la remarque de Isaacs (2014), il s’agit de s’appuyer sur le rôle historique des acteurs dans la problématique afin de former et de désigner un collectif considéré plus responsable que d’autres (cf.I.3.6).

Dans la suite seront examinés les différents moyens d’action pouvant servir à appli- quer les principes de REP : la mise en place d’objectifs chiffrés de collecte, de recyclage et de valorisation; les obligations de reprise; les instruments économiques; les normes et les résultats. Il sera fait également distinction des différentes approches pouvant être plus ou moins obligatoires; certains États choisissent d’imposer la REP par la réglementation alors que d’autres préfèrent laisser faire l’industrie.

CHAPITRE II.2. NOUVELLE ORIENTATION : RESPONSABILISATION ET INNOVATION

Ces choix d’instruments et d’approches dépendent de la spécificité des produits ou des groupes de produits visés. Un des ateliers qui a conduit à l’élaboration du manuel de l’OCDE a notamment permis de déterminer une série de matrices d’aide à la décision. Sont représentées différentes applications de la REP en fonction de la valeur de récupéra- tion des déchets et de l’impact environnemental. Ainsi, les flux de déchets pour lesquels un programme de REP est le plus justifié ont pour caractéristiques une forte valeur de récupération et un fort impact environnemental. De manière générale, les produits sus- ceptibles d’effets indésirables sont ceux pour lesquels la REP se justifie le plus. Au-delà de ces deux facteurs, valeur-environnement, il existe bien d’autres facteurs déterminant l’in- térêt d’une politique de REP. Parmi ces facteurs : la durée de vie des produits, la composi- tion, les marchés, les modes de distribution, les marchés des matières de récupération, la quantité, le degré d’homogénéité au sein d’une même catégorie de produits, l’envergure et la portée du réseau de distribution. Les Déchets d’Équipements Électriques et Électro- niques étant à la fois dangereux pour l’environnement, par leur nombre croissant et les substances polluantes qu’ils contiennent et fortement valorisables, car ils contiennent des métaux de valeur, sont particulièrement éligibles pour une politique de REP.

Dans le contexte néolibéral, les auteurs du manuel soulignent également le souci po- tentiel de compatibilité d’une politique de REP avec les règles du commerce international et de la concurrence. Ceci est également à prendre en considération sur le plan national, « du fait des possibilités de collusion qui s’offrent aux organisations de producteurs res- ponsables, et sur les marchés de matières secondaires » (OCDE,2001, p.13). C’est pour- quoi ils recommandent de veiller à la neutralité d’un programme de REP par rapport à la concurrence. Dans la même idée, les auteurs encouragent la préservation de la concur- rence dans le secteur de la gestion des déchets de manière à maîtriser les coûts de traite- ment. Les problématiques de « passagers clandestins et des produits (pré-)existants (i.e. les produits en fin de vie avant la mise en oeuvre d’un dispositif de REP) et "orphelins" (i.e. les produits en fin de vie dont le producteur est inexistant pour cause de faillite ou autre) sont également évoquées. Pour ces produits, les mécanismes permettant de finan- cer leur prise en charge doivent être particulièrement soignés. Quant à la lutte contre les « passagers clandestins », il s’agit de mettre en place un système de contrôle efficace. Il est aussi question des aspects pratiques de l’incitation à l’éco-conception.

Enfin, les expériences étudiées permettent de souligner l’importance d’une mise en œuvre progressive d’un programme de REP (pouvant être modifié et adapté au fil du temps), d’une certaine souplesse, de chiffrer des objectifs clairs (acceptés par l’ensemble des parties concernées) et de mettre en place un système de suivi et d’évaluation du pro- gramme.

Aussi le manuel de l’OCDE permet-il d’envisager tout un panel de programmes de REP possibles selon le type de déchets considérés et selon la politique du pays concerné déjà en place. En effet, « il n’existe pas en matière de REP une seule bonne approche qui soit ap- plicable à tous les produits, groupes de produits ou flux de déchets » (OCDE,2001, p.115). D’autant plus que les Directives européennes en matière de gestion des déchets laissent une grande place à l’interprétation quant à la transposition. Certaines Directives déchets invoquent le principe de REP comme mesure contraignante, d’autres la suggèrent mais n’imposent rien18. De ce fait, les États membres de l’Union européenne ont des politiques

CHAPITRE II.2. NOUVELLE ORIENTATION : RESPONSABILISATION ET INNOVATION déchets et des systèmes en place très variés plus ou moins contraignants et collectifs.