• Aucun résultat trouvé

2. COURANTS METHODOLOGIQUES PASSES ET PRESENTS : DE LA DIDACTIQUE

2.1. Courants et démarches passés : conception d’une didactique d’une langue

D'après les sources historiques, la méthodologie traditionnelle était fondée dès la fin du XVIe siècle, jusqu‘au XXIe siècle. Son objectif général était de faciliter l’accès aux textes, le plus souvent littéraires, soit « former l‘esprit » des étudiants. Il n’existait pas de théorie précise, c’était plutôt une idéologie. Les supports aux activités étaient des textes littéraires, des grammaires, des dictionnaires. Cette méthodologie avait pour référence les langues classiques comme le latin et le grec, et se donnait pour but d’apprendre la langue à partir d’exemples littéraires. D’après cette méthode, il faut prendre en compte non seulement le registre de la langue, mais aussi le sens et la compréhension des textes littéraires.

La méthode grammaire-traduction est souvent s’appelée méthode « traditionnelle » ou « classique » car elle servait surtout à enseigner les langues classiques sur le modèle du grec et du latin. Le latin est enseigné aux élèves et à partir de leur langue maternelle : le début des leçons consistait en phrases isolées, en langue maternelle, choisies par l’enseignant en fonction des contenus grammaticaux à apprendre et à mémoriser par l’élève.

Un des buts de la méthode traditionnelle était de rendre l’apprenant apte à lire les ouvrages littéraires écrits dans la langue cible. Un des buts particuliers de cette méthodologie était de rendre l’apprenant capable de traduire, autant de la langue cible à la langue de départ que l’inverse. Il s’agissait en somme de former de bons traducteurs de la langue littéraire. L’accent était mis sur la grammaire et la traduction. La compréhension et l’expression orales étaient mises au second plan. Dans cette méthode, l’enseignant est vu comme le personnage dominant dans la salle de classe. L’apprenant devait exécuter ce que le maître disait de faire : il n’avait pratiquement aucune initiative. De plus, la compréhension des règles de grammaire était toujours incertaine et une bonne connaissance des règles n’était pas une condition suffisante pour pratiquer correctement la langue étrangère.

La grande période suivante dans l’enseignement des langues étrangères était la période de la méthode directe qui a débuté à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Le but de cette méthode

d’enseignement était de pouvoir communiquer, c’est-à-dire que l’apprenant devait non seulement répondre aux questions mais être capable d’en poser. La langue étrangère a commencé à être utilisée dès la première leçon en s’interdisant tout recours à la langue maternelle et en s’appuyant sur des éléments non-verbaux de la communication comme les gestes, les mimiques, et aussi sur les dessins, les images et l’environnement de la classe. Cette méthodologie est particulièrement active : l’apprentissage repose pour l’essentiel et, en dehors de l’aide apportée par le manuel, sur un jeu de questions-réponses et donc sur des échanges constants entre le professeur et les élèves ; c’est dans ce dialogue permanent, qui sollicite à la fois le corps et l’esprit, que l’on tient compte des acquis104

.

D’après Cuq, la méthode « directe » désigne tout ce qui permet d’éviter de passer par l’intermédiaire de la langue maternelle tandis que la méthode « active » tout ce qui permet de susciter et maintenir l’activité de l’apprenant, jugée nécessaire pour apprendre, en choisissant des documents intéressants, varier les support et les activités, maintenir une « forte présence physique » en classe, faire s’écouter et s’interroger entre eux les apprenants 105

.

Contrairement à la méthodologie traditionnelle, qui s’appuie sur l’écrit ou l’écrit oralisé, cette méthodologie accorde la priorité à l’oral. Donc, la méthodologie directe est la première méthodologie d’apprentissage des langues étrangères promouvant l'enseignement de l'oral. Mais malgré tout, la manière d’enseignement de cette méthodologie est plutôt descriptive de son environnement. Cette méthode a contribué à populariser certaines techniques pédagogiques comme les questions-réponses à l’oral, les objets-images, les textes narratifs, etc.

Les réserves faites sur cette méthode106 est qu’elle n’est adaptée qu’aux débutants, mais pas aux élèves de niveau intermédiaire ou avancé. Certains spécialistes la classent dans les méthodologies de l’enseignement traditionnel, bien que cette méthodologie présente des nouveautés certaines avec l’explication de texte ou les trois pôles langue-littérature-civilisation.

2.1.2. De la méthodologie audio-orale aux méthodes audio-visuelles SGAV

D’après l’opinion commune aux didacticiens, le XXe siècle a été dénommé « l’ère scientifique » de la didactique des langues étrangères. L’une des premières méthodes à cette époque qui a révolutionné les méthodologies en usage, était la méthode audio-orale qui a commencé à se diffuser en Amérique du Nord dans les années 40-60. Cette méthodologie s’appelait The Army Method. C’est en raison de la Seconde Guerre Mondiale que cette méthode a commencé à se développer. L’armée américaine avait

104 Cuq et Gruca, 2005: 256 105

Cuq, 2003: 73

besoin de former rapidement en anglais des soldats qui parlaient d'autres langues. Cette méthode n’a existé que deux ans, mais elle s’est popularisée dans les milieux scolaires et auprès du grand public en général.

On voit dans cette citation ci-après l’objectif principal de cette méthode :

Cette méthodologie donne la priorité à la langue orale et la prononciation devient un objectif majeur: nombreux sont les exercices de répétition et de discrimination auditive et la prononciation bénéficie des atouts des enregistrements de différentes voix de natifs107.

Les élèves doivent répondre aux questions sans prendre le temps de réfléchir, le professeur, de son côté, est dominant: il dirige, guide, et contrôle les réponses des apprenants. Les cours se déroulent en langue étrangère. Les interactions sont toujours sous la surveillance du professeur. Les erreurs doivent être évitées par des analyses comparatives entre la langue maternelle et la langue étrangère. C’est à l’enseignant de corriger les erreurs des élèves.

Comme l’objectif de cette méthodologie était d'augmenter la capacité de communiquer oralement, c’est à cette époque que l’usage des nouvelles techniques (magnétophone, laboratoire de langue) commence à se développer.

Selon Allen (1983)108, cette méthode audio-orale a très bien fonctionné avec des débutants. Des problèmes ont surgi lorsqu’elle a été également appliquée aux niveaux intermédiaire et avancé sans procéder aux adaptations qui s’imposaient, de sorte qu’elle est devenue répétitive, ennuyeuse et inefficace. Une autre critique sur cette méthode résidait dans le problème de « transfert ». Germain (1993)109 met l’accent sur l’absence de « transfert ». En effet, l'apprenant n’est toujours pas en mesure d’utiliser spontanément ses acquis grammaticaux et lexicaux hors de la classe de langue.

Dans la continuité de la méthode audio-orale, s’affirme la méthode Structuro-globale-audio-visuelle ou SGAV. Mais contrairement à la méthode audio-orale, cette méthodologie a eu un grand succès en France. A cette époque, avec la Seconde Guerre Mondiale, l’anglais est reconnu comme langue internationale et le français perd peu à peu son statut. Pour continuer à diffuser le français à l’étranger, il a fallu rendre attractive cette langue par des méthodes d’enseignement plus actuelles et plus motivantes. Au milieu des années 50, Petar Guberina de l’Institut de Phonétique de l’Université de Zagreb donne les premières formulations théoriques de la méthodologie SGAV. Puis, avec Paul Rivenc

107 Cuq et Gruca, 2005 : 258 108

Allen, 1983: 27 cité par Germain, 1993: 146 109 Germain, 1993: 147

de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud (France), les deux définissent les principes de l’application pédagogique du structuro-global. A partir de 1960, un groupe animé par Raymond Renard de l’Université de l’Etat à Mons (Belgique) se joint à eux.

Ainsi, cette méthode a été conçue en France et s’est imposée dans de nombreux pays. Trois méthodes, constituées de trois ensembles pédagogiques, comprenant le livre du maître, le livre de l‘élève, des bandes enregistrées, des films fixes ou des diapositives, s‘adressent à des publics débutants (adolescents ou adultes) en français langue étrangère ; ils ont été élaborés au Centre de Recherche et d‘Etude pour la Diffusion du Français (C.R.E.D.I.F) de l’ENS de Saint-Cloud. Le premier, Voix et Images de France (V.I.F.), fut ébauché vers 1955, publié en 1958 et réédité en 1961 et en 1971.

Cette méthode met également l’accent sur l’apprentissage de l’oral et l’apprentissage de la grammaire implicite ou inductive. Le SGAV se base sur deux principes :

- structuro-global : pour permettre l’apprentissage, il faut « structurer globalement » l’apprenant, en lui apportant à la fois des éléments linguistiques (lexique, grammaire, phonétique) et des éléments non linguistiques tels que le rythme, l’intonation, les gestes et les mimiques ;

- audiovisuel : il faut présenter simultanément l’audio, donc le son, en l’associant au visuel, donc à image afin de faciliter la compréhension des messages en situation. L’image sera donc codée en fonction du message présenté110

.

Le premier cours élaboré suivant la méthodologie SGAV, en 1962, est donc la méthode Voix et Images de France (VIF), dont les principes sont appliqués à un cours pour enfants de 8 à 11 ans (Bonjour Line, parue en 1963) puis peu à peu étendus à de nombreuses autres langues comme l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le russe, l’italien, le chinois, le japonais etc. VIF est parfois appelée la méthode Saint- Cloud-Zagreb.

L’objectif général visé est l’apprentissage de la communication, surtout orale, dans la langue de tous les jours, c’est-à-dire la langue parlée familière. En vue d’en arriver à cette maîtrise pratique de la langue étrangère ou d’une langue seconde, l’accent est mis sur la compréhension – les éléments acoustiques du langage sont mis en valeur – qui doit toujours précéder la production.

La méthode SGAV s’intéresse avant tout à la « parole », c’est- à- dire à l’aspect individuel de la faculté de langage. Dans cette méthode, l’apprenant n’a en fait aucun contrôle sur le déroulement ou le contenu du cours. Il doit se soumettre aux directives de l’enseignant et doit effectuer les tâches qui lui sont

110

assignées. Quant à l’enseignant, il dirige tout le processus dans la classe, en encourageant les apprenants à prendre la parole à l’aide de la grammaire et du vocabulaire appris. Il utilise le magnétophone et les films qui jouent un rôle essentiel dans l’apprentissage de langue.

Les théories béhavioristes du début du XXe siècle se sont appuyées sur les travaux de la réflexologie des psychologistes russes (par exemple Bechterev, Pavlov) et ont rapidement débouché sur l'étude des modifications du comportement en fonction des modifications des stimuli, plaçant ainsi l'apprentissage au centre des recherches. En didactique des langues, c’est le béhaviorisme qui a connu l’apogée de son influence avec la méthode audio-orale mais aussi, dans une certaine mesure à travers celle du SGAV, qui envisageaient le langage comme un comportement comme un autre. Apprendre une langue étrangère devait donc relever de la mise en place d’habitudes et d’automatismes. Le moyen pédagogique le plus développé a été l’exercice structural. Cependant, certains chercheurs, comme Gaonac'h, doutent qu’une pédagogie strictement béhavioriste ait réellement existé, du moins dans le domaine de l’apprentissage et de l’enseignement des langues.

Goanac’h déclare à ce sujet :

Du point de vue théorique, le béhaviorisme a été critiqué et a sans doute montré ses limites pour expliquer les mécanismes d'apprentissage complexe, telles la langue maternelle ou les langues étrangères, mais il a permis à la psychologie d'accéder au rang de science, ce qui lui était jusqu'alors refusé, et il lui a donné une méthodologie rigoureuse111.

2.1.3. L’approche communicative

Cette méthode se situe en réaction aux méthodes précédentes, audio-orales et audio-visuelles. Pour comprendre l’apparition de cette approche communicative, il faut rappeler que la méthode audio-orale s'est développé aux Etats-Unis entre les années 40 et 70 en vue d’apprendre rapidement à parler et à comprendre une langue étrangère par un grand nombre de militaires pendant la Seconde Guerre Mondiale. La priorité de cette méthodologie était donc donnée à l'oral.

L’approche communicative, née au début des années 70 correspond à la troisième génération de la méthodologie audiovisuelle. Elle a pour objectif général aussi d’apprendre à parler et à communiquer dans des situations de la vie courante. Les approches communicatives partent du principe que « c’est en communiquant qu’on apprend à communiquer ». Les méthodes et les cours de type communicatif sont en général organisés autour de l’objectif de communication à partir de fonctions (actes de paroles)

et de notions (catégories sémantico-grammaticales comme le temps, l'espace). Ces catégories ont été définies dans le Niveau-Seuil (1976). L’apprentissage s’appuie sur des documents authentiques et des activités de compréhension et d‘expression (simulations, jeux de rôle, etc.) qui se rapprochent autant que possible de la réalité de la communication ou communication en situation112.

Ce sont incontestablement les travaux du Conseil de l’Europe (en particulier, à l’époque, avec les concepts d’unités capitalisables et d’actes de parole), ainsi que leurs publications (Niveau-Seuil), qui ont transformé les méthodes d’apprentissage et d’enseignement des langues. Elles anticipaient en quelque sorte les travaux de la Division des politiques linguistiques du Conseil de l’Europe, qui ont abouti, en 2001, à l’Année européenne des langues et à la publication du Cadre européen commun de référence : apprendre, enseigner, évaluer, ainsi qu’aux autres Référentiels pour les langues.

L’approche communicative a par ailleurs ouvert la voie à l’approche actionnelle113

. Actuellement, grâce à une grande palette de méthodes et grâce aux nouvelles technologies etc., certains enseignants ne trouvent pas une seule bonne méthode d'enseignement appropriée à leur public et fabriquent leurs propres méthodes. Autrement dit, nous avons affaire de nos jours à « un éclectisme méthodologique » (pour reprendre l’expression à Puren) qui offre une grande diversification des matériaux et de supports pédagogiques. Comme dans toute conception et approche didactique, il y a des avantages et des désavantages.

2.2. Courants et démarches actuels : conception d’une didactique des langues