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Pour Dillenbourg et Schneider (1995), la constitution des groupes est une des trois conditions nécessaires pour que l’apprentissage collaboratif à distance soit productif, les deux autres étant la nature du projet ou de la tâche proposés ainsi que leur niveau de complexité et le mode de communication prévu pour les échanges. Pour la constitution des groupes, des variables tels que le libre choix ou l’assignation des membres du groupe, la taille des groupes, l’âge et le niveau des apprenants ou plus largement l’homogénéité et l’hétérogénéité des groupes, sont à prendre en considération.

4.6.1 Libre choix ou assignation des groupes ?

Henri et Lundgren-Cayrol considèrent que « si les apprenants se connaissent, s’ils ont l’habitude de travailler en groupe et si le temps le permet, il est souvent préférable de les laisser se regrouper. Dans le cas contraire, il est préférable de répartir les apprenants au hasard » (2003 : 124). De leur côté, Depover, Quintin et De Lièvre (2004) ont mené une étude sur deux modalités de constitution de groupes « spontanés » et « contrastés ». « Spontané », signifie basé sur le choix des étudiants et « contrasté » signifie que les groupes ont été constitués sur la base de différences concernant la représentation conceptuelle de chaque membre. L’étude a été réalisée dans un dispositif hybride de formation à distance destiné à des étudiants universitaires et qui repose sur l’utilisation de cartes conceptuelles comme

134 support au travail collaboratif. De cette étude, il ressort qu’il n’y aurait pas de supériorité avérée d’un mode de constitution des groupes sur l’autre, aussi bien sur le produit réalisé par le groupe que sur le mode de fonctionnement du groupe.

Dans la mesure où, dans notre contexte, les 32 étudiants vietnamiens sont habitués au travail de groupe par paire ou groupe de trois ou quatre lors de leur formation en présentiel, il semble préférable de les laisser librement constituer leur groupe en présentiel, avant le démarrage de la FAD.

4.6.2 Taille des groupes

Un groupe de quatre membres est habituellement conseillé pour la réalisation de petits projets (Henri et Lundgren-Cayrol, 2003). La cohésion du groupe semble, en effet, mieux possible entre trois et cinq membres ; l’engagement et la participation de chacun semblent aussi plus nécessaires. De plus, Rourke et Anderson (2002) notent que les groupes de quatre membres, à la différence des paires, remplissent toutes les responsabilités tutorales, ce qui signifie que la collaboration à quatre rend moins nécessaire la présence d’un tuteur. Cela n’exclut toutefois pas de recourir à la constitution de grands groupes car la taille du groupe est étroitement liée au projet ou à la tâche assignée. Il apparaît, en effet, que pour les discussions, les grands groupes de 25-30 apprenants peuvent être tout à fait favorables (Henri & Lundgren-Cayrol, 2003). De même, la réalisation d’un projet collectif en grand groupe est, elle aussi, envisageable mais les consignes gagneront probablement à s’étoffer d’une rubrique

« comment faire ». Ajoutons que la taille des groupes dépend de ce que l’on attend du groupe en termes d’engagement et de participation ou de sens de l’organisation.

4.6.3 Homogénéité ou hétérogénéité des groupes ?

Dans notre contexte, les 32 apprenants vietnamiens impliqués dans la FAD ont des âges et un parcours universitaire assez semblables. Une grande hétérogénéité entre apprenants ne peut être attendue. Mais à l’issue de l’année propédeutique en français, des différences de niveau sont notables. Favoriser l’association d’étudiants « faibles » et d’étudiants « forts » peut-il être pertinent ?

Dillenbourg et Schneider (1995) notent qu’il existe une hétérogénéité optimale et que des différences de points de vue sont nécessaires pour favoriser les conflits et les interactions, dans une certaine limite cependant. Il semble, en effet, que ce soit vers cette hétérogénéité de

135 points de vue qu’il faille tirer, hétérogénéité qui peut toutefois n’avoir que peu de relation avec l’hétérogénéité des capacités linguistiques en langue étrangère des différents membres d’un groupe. Depover, Quintin et De Lièvre (2004 : 43) dans une étude déjà relatée plus haut, visant à comparer les performances de groupes « spontanés » et « contrastés », relèvent que

« contrairement à l’idée soutenue par différents auteurs selon laquelle un pairage contrasté engendrerait davantage d’interactions [...], la comparaison des unités de sens produites par les deux groupes ne conduit à aucune différence significative ». Par contre, « le pairage contrasté engendre significativement plus d’unités de sens consacrées à la planification du travail et aux commentaires métacognitifs » (Depover, Quintin & De Lièvre, 2004 : 43). Il semble donc qu’un pairage contrasté nécessite davantage d’efforts pour organiser le travail de groupe que lorsque le pairage est basé sur le libre choix des participants. Ces mêmes auteurs concluent que « les paires constituées spontanément témoignent d’un comportement plus homogène, se révèlent plus collaboratives et consacrent moins d’effort à la planification du travail de groupe » (Depover, Quintin & De Lièvre, 2004 : 44). De leur côté, Johnson et Jonhson (2004), proposent une synthèse des travaux de recherche anglo-saxons concernant la supériorité des groupes homogènes ou hétérogènes à distance et n’indiquent pas de supériorité pour une forme ou une autre de groupe. En contrepartie, selon eux, il semblerait que les étudiants plus faibles tirent meilleur parti des groupes hétérogènes.

Notons pour terminer cette partie, que dans notre contexte où la FAD est évaluée et où l’engagement de chacun des membres d’un groupe est un critère de poids, l’enjeu d’un étudiant « faible » dans la FAD peut être très différent de celui d’un étudiant dont le passage en master est assuré. Si la constitution libre semble pertinente dans notre contexte, les étudiants méritent aussi d’être informés aussi bien du danger que peut présenter pour leur évaluation l’association à un membre peu engagé, que des conditions d’une collaboration fructueuse : participation régulière de chacun des membres, comportements solidaires, interdépendance positive, importance de la qualité des échanges (clarté des formulations, capacité à comprendre les membres du groupe), etc.

Au terme de ce chapitre consacré aux principes de la FAD, nous rappelons que la notion de distance en FAD est relative au scénario pédagogique et à son niveau de flexibilité transactionnelle ainsi qu’au public à qui le scénario se destine. Le modèle collaboratif permet à la fois d’envisager un dispositif de formation doté d’une grande flexibilité transactionnelle tout en offrant un cadre sécurisant aux apprenants. Pour ces derniers, les possibilités

136 introduites par les TIC, comme l’expérimentation de la nature sociale du langage écrit autour d’un projet collectif, rendue possible par les artefacts dont la position instrumentale est relative à leur statut au sein de l’action, doivent permettre des formes de collaboration et d’apprentissage inédits. Enfin, au niveau de la conception de tels dispositifs, le recours à l’ingénierie pédagogique constitue une aide méthodologique de poids ; en contrepartie, les velléités modélisantes de l’ingénierie nous intéressent moins pour notre recherche.

Pour le chapitre suivant, nous mettons en regard le scénario Fictif et le cadre théorique décrit dans les premiers chapitres et répondons à notre première question de recherche qui est de voir s’il est possible de construire un scénario pédagogique selon ce cadre et en accord avec les principes de la FAD que nous venons d’exposer. Nous vérifions alors la compatibilité entre la théorie qui fonde l’expérimentation et le scénario pédagogique.

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Deuxième partie

Expérimentation et résultats

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Chapitre 5 Description de Fictif

Dans ce chapitre 5, nous décrivons le scénario Fictif expérimenté une première fois en 2008 puis ajusté en 2009. Nous expliquons les objectifs de chacun des projets, les activités qui les composent, les modalités d’évaluation et les différents modes de tutorat offerts en relation avec les finalités de la FAD, expliquées dans le chapitre 1, que sont le maintien des acquis de l’année propédeutique et le développement de la responsabilité des étudiants dans leurs apprentissages. Dans le chapitre 6, nous analysons les résultats de Fictif et mesurons alors l’adéquation du scénario par rapport aux théories qui le fondent ; nous nous demandons ensuite si ce scénario a effectivement permis de répondre aux finalités de départ. Dans le chapitre 7, nous centrons notre analyse sur le projet 3, le projet de résolution d’énigmes linguistiques sous forme collaborative, et nous nous demandons si ce projet semble porteur d’apprentissage, aussi bien en termes d’une évolution de l’aisance métalinguistique que des compétences à collaborer des étudiants. Nous tentons alors de croiser l’évolution positive de la collaboration des groupes à l’évolution positive des connaissances grammaticales des groupes afin d’observer une possible corrélation entre ces deux types d’évolution (ou de non-évolution).