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Différentes applications pédagogiques de l’apprentissage par l’action (ou la co-action)

pédagogiques de l’apprentissage par l’action (ou la co-action) sociale

L’apprentissage par l’action n’est pas l’apanage d’un courant théorique spécifique et fait partie d’une longue tradition allant d’Aristote à Rousseau ou Dewey dont la doctrine célèbre hands-on learning, a influencé de nombreux psychologues et pédagogues du 20ème siècle. La pédagogie du projet y trouve précisément ses racines.

2.6.1 La pédagogie du projet

Le projet, qui signifie étymologiquement « se jeter en avant », invite à une projection dans le futur. Une projection consiste en une anticipation des conduites, en une imagination des différentes étapes en vue de la réalisation. La pédagogie du projet est plus qu’une description opératoire d’une intention, il s’agit davantage d’une méthodologie basée sur le projet, ou d’un projet-méthode pour reprendre le terme de Boutinet (1990). L’accent est mis sur le processus du projet plus que sur le produit réalisé, sur le processus de réalisation des actions plus que sur leur finalité.

Quant aux projets eux-mêmes, Boutinet (1990) en recense trois types : le projet éducatif, le projet pédagogique et le projet d’établissement. Nous nous arrêtons sur les deux premiers qui

53 nous intéressent directement. Selon Boutinet (1992), le projet éducatif vise l’insertion sociale, culturelle, professionnelle des participants ainsi que leur autonomie. Le projet éducatif peut dépasser le cadre de l’institution scolaire pour s’ancrer dans un contexte plus large. Le projet pédagogique se limite, lui, au contexte scolaire et donc aux acteurs apprenants et enseignants.

Cette distinction sur la restriction des acteurs impliqués entre projet pédagogique et projet éducatif est toutefois arbitraire. Il est, en effet, possible d’envisager un projet pédagogique impliquant des acteurs hors du contexte scolaire et cela d’autant plus facilement que les technologies de l’information et de la communication (TIC) élargissent les possibilités de communication à distance ; il s’ensuit des possibilités d’implication de partenaires plus diversifiés, une ouverture des projets plus facilement envisageable.

Un projet peut être plus ou moins long (une semaine, un trimestre, une année) ; il peut également concerner une ou plusieurs disciplines. Les objectifs peuvent viser l’acquisition de connaissances ou de savoir-faire ou encore être envisagé comme projet extra-pédagogique sans objectif tout à fait précis. Enfin, le nombre d’acteurs peut varier et impliquer aussi bien les apprenants et les enseignants que la direction.

La pédagogie du projet se caractérise de la façon suivante : (Legrand, 1983 ; Krajcik &

Blumenfeld, 2006) :

- un sujet d’étude motivant pour l’élève, démarrant par une question intéressante, un problème à résoudre ;

- un travail en équipes des élèves, assistés par l’enseignant, dans un environnement authentique ;

- une autonomie guidée des élèves dans la détermination du sujet, de la démarche et de la réalisation ;

- une démarche anticipée, en partie planifiée par l’enseignant ; - une production concrète attendue, valorisée socialement,

accessible au public.

« L’environnement authentique » implique un élargissement du contexte social de la classe à des contextes hors classe. Selon nous, cela implique d’établir des relations entre le contexte de la classe avec des contextes hors classe et non d’exclure le contexte « classe ». En effet, il n’est pas pertinent selon nous d’opposer le contexte de la classe aux autres contextes et encore moins de qualifier le contexte de la classe d’ « artificiel ».

La dimension sociale de la pédagogie du projet, très souvent soulignée, ne va pourtant pas de soi. En effet, un projet peut être à ce point morcelé entre les participants qu’il ne génère

54 qu’une faible activité sociale. D’autre part, la thématique du projet et les disciplines convoquées influent sur la dimension plus ou moins sociale du projet. Dans le domaine de l’apprentissage des langues, la dimension sociale semble toutefois incontournable. Enfin, la production concrète du projet suppose une utilité sociale qui n’est pas simulée, ce qui la différencie de la simulation globale que nous abordons plus loin.

Bien que la pédagogie du projet soit reconnue utile en terme d’apprentissage, notamment pour la décontextualisation des savoirs, du fait entre autres que les connaissances de l’apprenant sont engagées dans l’action, les dérives sont nombreuses. Nous ne citerons que les plus connues que sont l’excès de centration sur les buts qui peut détourner du processus d’apprentissage, les dérives procédurales qui conduisent à planifier à l’excès et à ne laisser aucune place pour l’imprévu et peu d’initiatives aux apprenants ou tout au contraire, un projet déstructuré où il est malaisé pour les apprenants de discerner les enjeux.

Enfin, une critique faite à l’apprentissage par projet ou plus globalement à l’apprentissage par l’action, par Skinner entre autres, est qu’ « il ne suffit nullement de faire quelque chose pour apprendre quelque chose, il est faux […] que nous apprenions à jouer de la harpe en jouant de la harpe » (Skinner, 1968 : 11 cité par Rézeau, 2001 : 32). Le mobile de la critique,

« l’action », n’est pas le bon selon nous. La critique porte sur l’articulation insatisfaisante de ce que les apprenants connaissent déjà et ce qu’ils ne connaissent pas encore, une mauvaise évaluation de la zone de proche développement des apprenants en quelque sorte. D’autre part, le mobile de l’action ne se réduit au « faire », il concerne aussi le « apprendre à faire ».

2.6.2 La simulation

Il est d’usage de distinguer la simulation de la simulation globale. La simulation tente de reproduire avec la plus grande authenticité des situations de communication auxquelles se prépare l’apprenant (Cuq, 2003). Quand la simulation devient globale, une communauté d’apprenants est amenée à créer un univers de référence appelé lieu-thème (un immeuble, une île, un établissement, etc.), à peupler ce monde. On invite les apprenants à se construire une identité fictive, à provoquer des événements et à faire interagir les personnages. De nombreux cadres ont été expérimentés et ont fait l’objet de publication qui ont servi de guide pour d’autres expérimentations (Debyser & Yaiche, 1986 ; Yaiche, 1996). La simulation globale reste toutefois un domaine peu théorisé. Couramment utilisée pour l’enseignement apprentissage des langues, l’enseignement de l’oral y a été nettement privilégié par rapport à

55 l’écrit en raison de l’influence des méthodes communicatives qui l’ont largement exploitée.

Mais l’utilisation des TIC pour la simulation globale change aujourd’hui l’ordre d’importance, avec une prédominance de l’écrit en raison des modes de communication qui restent assez majoritairement écrits (courriel, forum, clavardage).

Bien que longtemps circonscrite à l’enseignement des langues, la simulation globale s’ouvre à d’autres disciplines, à l’histoire notamment, avec le projet mené au Luxembourg par Béliard et Gravé Rousseau (2008) : il s’agit d’une simulation globale historique sur le thème de la Grèce antique destinée à faire progresser les élèves d’une section bilingue en histoire, de développer la curiosité de l’apprenant en l’invitant à se poser des questions sur tous les aspects de la vie antique, des plus basiques (que vais-je manger ?) aux plus complexes (comment éviter la guerre ?) ; la simulation amène également les enfants à découvrir les limites de la connaissance historique, la nécessité d’imaginer et de pratiquer des reconstitutions qui se basent sur du plausible, non sur des certitudes. Ils s’approprient alors une autre valeur fondamentale de l’historien, le doute historique. La simulation globale, dans cette expérience, permet une approche moins événementielle de l’histoire et permet de reconstituer un univers plus complexe et global, plus proche de la réalité historique. L’effet

« simulation » semble bien être un levier utile pour amener les apprenants à comprendre des réalités complexes et à modifier leurs représentations.

En effet, les potentialités d’apprentissage de la simulation, étudiées par les sciences cognitives et rapportées par Guichon (2006) montrent que la représentation d’un objet semble avoir la même charge cognitive que l’objet lui-même. La théorie de la simulation de l’objet étendu à l’action montre que

les représentations d’action acquièrent ainsi les caractéristiques de véritables actions [… et constituent] de véritables préfigurations de l’action, qui permettront à celle-ci de se dérouler harmonieusement lorsqu’elle viendra à exécution (Jeannerod, 2002 : 155 cité par Guichon, 2006 : 60).

En formation, comme nous agissons en priorité sur les représentations, la simulation – ou représentation d’action – nous semble tout à fait pertinente. Nous reviendrons sur la notion de

« simulation » quand nous aborderons le cadre narratif du scénario pédagogique.

Avant de clore cette partie consacrée à l’apprentissage dans un cadre socioconstructiviste, nous proposons une synthèse de ce que nous retenons prioritairement pour notre recherche.

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2.7 Les conditions d’un apprentissage