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La conscience de l’Histoire… et Rome

B. Une nouvelle conception romantique de l’histoire

2) La conscience de l’Histoire… et Rome

Les nouvelles conceptions romantiques de l’Histoire n’entrèrent cependant dans les mœurs que progressivement, et, si l’on considère l’importance des

« humanités » dans l’éducation, il semble évident que l’on se doit d’examiner l’importance paradigmatique de Rome dans l’interprétation ou la lecture de l’Histoire. En effet, Rome demeure le modèle fondamental de l’Histoire, même s’il n’était étudié que par le prisme de la littérature. La civilisation romaine

apparaissait comme le socle de toute réflexion historiographique avant que l’on ne se penche à partir d’Augustin Thierry ou de Michelet sur une Histoire nationale137. L’Histoire romaine est donc la seule qui était véritablement enseignée et participait à l’assimilation de la culture romaine par les futures élites du pays. D’ailleurs, au côté des historiens latins, dont nous avons déjà évoqué l’étude, les étudiants côtoyaient l’histoire romaine par le biais d’auteurs français qui ne faisaient que renforcer l’image marmoréenne de la Rome Antique :

136 Id, p. 18.

137

Les élèves baignent donc dans un ailleurs qui va devenir leur patrie, vue par les auteurs latins ou par des historiens français – ceux que pouvait lire le public français du XVIIIe siècle. C’est ainsi qu’au programme de français de la classe de seconde, on trouve en bonne place, de Bossuet, le Discours sur l’histoire universelle (1681), en 1803 puis sans interruption de 1831 à 1874 ; de 1831 à 1850 , de Montesquieu, les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence

(1734), auxquelles on adjoint, à partir de 1846, le Dialogue de Sylla et d’Eucrate

(1724, première publication 1745) ; en 1803 en classe de première ou rhétorique, à côté des Oraisons funèbres de Bossuet et de Fléchier, du Petit Carême de Massillon, on inscrit les Considérations… de Montesquieu ou encore L’Eloge de Marc-Aurèle

(1775) de Thomas.138

Le Discours sur l’histoire universelle139 de Bossuet est intéressant dans la mesure

où il est l’une des premières œuvres d’histoire à chercher à comprendre et expliquer l’histoire des Romains. Cependant cet ouvrage peut être assimilé à une doctrine religieuse où tout se justifie par l’action de la providence qui prépare ou

assure les destinées du christianisme. Les causes humaines sont totalement

évacuées de l’œuvre de Bossuet qui est beaucoup plus moralisatrice qu’historique, faisant par exemple d’Auguste «l’instrument de Dieu au service de l’unification du monde ouvrant la voie au christianisme »140. Ainsi l’étude de l’histoire romaine

se trouve-t-elle liée à une volonté édificatrice plus qu’à un dessein d’historien.

Dans la même veine, mais avec une optique tout autre, Saint-Evremond se livre à une Réflexion sur les divers génies du peuple romain141, œuvre dans laquelle il donne certaines raisons pour expliquer la prodigieuse fortune de la république romaine et de son écroulement ; mais ce sont des explications fragmentaires et

l’ouvrage fut peu étudié. L’ouvrage majeur dans la lecture de l’histoire romaine

est celui de Montesquieu, à savoir les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence142, point de départ d’une nouvelle

lecture de l’histoire de Rome. En effet, la réflexion qui le guide dans son ouvrage

est tout autre que celle des historiens classiques :

138 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 107.

139 Bossuet, Jacques-Bénigne, Discours sur l'histoire universelle à Monseigneur le Dauphin pour

expliquer la suite de la religion et les changemens des empires. Première partie, depuis le commencement du monde jusqu'à l'empire de Charlemagne, S. Mabre-Cramoisy, Paris, 1681.

140 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 113.

141 Saint-Évremond, Charles de Marguetel de Saint-Denis, Réflexions sur les divers génies du peuple romain, dans les divers temps de la République, Renouard, Paris, 1795.

142 Montesquieu, Charles-Louis de Secondat, Considérations sur les causes de la grandeur des

Montesquieu se méfie visiblement de l'histoire narrative et ne daigne pas en écrire lui-même. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas de composer, en bon rhétoricien, des récits bien conduits, moins encore de raccommoder de vieux récits ; ce qui l'intéresse, c'est le commentaire « philosophique » sur le texte historique et sur les questions de politique et d'économique il suscite — c'est-à-dire l’action de l'esprit sur la tradition historiographique, à la manière du Commentaire de Machiavel sur les dix premiers livres de Tite-Live. De là des Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains ou des Réflexions sur la monarchie universelle.143

Montesquieu tente pour la première fois une explication sociale. Les causes de la grandeur des Romains sont à la fois leur caractère et leur organisation politique.

Mais l’équilibre des forces et des vertus civiques n’a pas pu se maintenir, la victoire a apporté le luxe, amolli les mœurs et les luttes de partis sont devenues des guerres civiles. C’est bien ici le raisonnement d’un savant qui étudie la

constitution d’un organisme politique tout comme les raisons de sa croissance et de son dépérissement, c’est celui d’un observateur qui part des faits et essaie de ne pas les plier à son raisonnement. Si l’ouvrage de Montesquieu est sans doute en

partie arbitraire et incomplet, il n’en développe pas moins une méthode vraiment moderne et scientifique dans la lecture de l’histoire romaine. Mais les nombreuses

critiques de Montesquieu et sa réflexion sur les causes de la chute de Rome sont

assez rapidement évacuées des versions expurgées de son œuvre à l’usage

scolaire. En effet, on préfère ne considérer que la première partie de son ouvrage, c'est-à-dire que « nombre d’éditions […] allègent le titre en Considération sur la grandeur des Romains »144 afin de ne pas avoir à expliquer la seconde partie de

l’œuvre sur la décadence, plus délicate dans une vision portant au pinacle toute

une civilisation sans jamais chercher à critiquer un monde que l’on se doit d’admirer, sans jamais se poser de question quant à la viabilité d’une telle vision. Mais l’ouvrage de Montesquieu fit de nombreux émules au dix-neuvième siècle,

car les changements politiques obligèrent à s’interroger sur un modèle trop

hiératique pour ne pas être sclérosé. En effet, Rome et la multiplicité de formes de

pouvoir qu’elle connut s’avérait un merveilleux outil de réflexion quant au

devenir de la France et aux possibilités qui s’offraient à elle. Ainsi, l’histoire

romaine devint-elle un miroir de l’histoire de France dans le reflet duquel la

143

Gossman, L., op. cit., p. 31.

144 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 113.

réflexion pouvait se fixer. C’est pourquoi, l’histoire redevint vivante au travers de thèmes proches d’une contemporanéité complexe.

Rome offre donc avant la Révolution française, une histoire figée qui

s’intéresse aux figures héroïques sans s’interroger sur ce qu’étaient vraiment les

institutions romaines ou le peuple de cette civilisation. La vision était toujours

assez restrictive car tronquée, ne s’intéressant qu’aux points glorieux de l’histoire

et évacuant tout ce qui questionnait la décadence de Rome. Le débat ne se déplace que suite à la Révolution française qui fait bouger les lignes de lecture de

l’histoire romaine et ouvre de nouvelles perspectives qui s’inscrivent dans la

continuité des idées énoncées avec préscience par Montesquieu. On assiste à un renouvellement thématique nécessaire car les perspectives politiques ont brutalement évolué, entraînant de ce fait un glissement vers une autre image de Rome. Ce glissement semble tout naturellement hérité de Montesquieu dont le Discours sur les causes de la grandeur des Romains et sur leur décadence :

[…]a certainement incité plus d’un lecteur perspicace à réfléchir sur la fonction que pouvait revêtir l’histoire dans un royaume qui, comme l’empire romain, est soumis à un pouvoir absolu. Si l’histoire est porteuse d’enseignements, si elle a une fonction correctrice […] si elle est la continuation de la politique par d’autres moyens […] il s’agit d’un mouvement continu, profondément enraciné dans le siècle. Seul le changement des conditions politiques permet d’en renouveler le sens ou les applications ; mais le principe est acquis depuis longtemps. Et c’est sur les troubles qui marquent la fin de la République romaine, ainsi que sur les convulsions de l’Empire aux mains de tyrans méchants ou fous, que se concentrent les réflexions.145

Les différentes formes de gouvernement sont également à mettre en regard avec

l’utilisation que l’on en a, selon que l’on est royaliste ou républicain. On choisit son modèle toujours avec une forme avouée de parti pris. L’image de Rome

repose largement sur ce qu’on étudie en cours : Tite-Live et les grandes heures de la République, tout comme Tacite et les grandes heures de l’Empire demeurent les exemples que l’on trouve réutilisés dans la littérature du siècle. Les modèles sont

souvent extrêmement dogmatiques et les grands personnages demeurent d’un intérêt même si la vision commence à évoluer. En effet, l’historien romantique a tendance à se départir de la vision traditionaliste du héros faiseur de l’histoire.

145

L’héroïsme est remis en cause par « la révélation de la puissance des masses »146 induite par les heurts révolutionnaires. Désormais, le grand homme « ou réputé tel, est impuissant, à lui seul, à décider du cours des événements. Il est situé dans un réseau de facteurs déterminants qui s’appellent les masses, les « besoins » ou les « idées » du temps, et, en dernière analyse, l’humanité ou la Providence »147.

Contrairement à l’idéologie positive des Lumières qui envisageaient le grand

homme comme intemporel, c'est-à-dire doté d’un caractère inhérent à sa propre

grandeur hors de toute contingence conjoncturelle, pour la période romantique « les hommes supérieurs ne sont pas jugés selon leurs vertus ou leurs vices propres, mais selon leur capacité à répondre aux « besoins du temps », à l’ « esprit public » : leur raison d’être est toujours extérieure et supérieure à eux-mêmes »148.

Considérés à l’aune de leur utilité publique, les héros romains de la république comme de l’Empire revêtent des significations assez différentes de celles qui leur étaient assignées auparavant et permettent alors une lecture plus moderne de

l’antiquité romaine, dont on considère le peuple et la multiplicité. Cela implique

également une vision subjectivée par des convictions ou des accointances

politiques. L’importance du modèle paradigmatique de Rome oblige les grands historiens à s’intéresser au sujet, même si les grandes batailles idéologiques eurent plutôt lieu sur le sujet de l’histoire de France. Ainsi, Michelet, écrivit dans les premières années de sa carrière une Histoire romaine149, dans laquelle il posait les

prémices des grandes théories qu’il développa ensuite dans l’Histoire de France150, mais également dans Le Peuple151, L’Histoire de la Révolution française152 ou La Sorcière153. Il expose son point de vue sur les grands héros du peuple romain :

L’humanité est divine, mais il n’y a point d’homme divin. Ces héros mythiques, ces Hercule dont le bras sépare les montagnes, ces Lycurgue et ces Romulus, législateurs rapides, qui, dans une vie d’homme, accomplissent le lent ouvrage des siècles, sont les créations de la pensée des peuples. Dieu seul est grand. Quand l’homme a voulu avoir des hommes-dieux, il a fallu qu’il entassât des générations en

146 Gérard, Alice, « Le Grand homme et la conception de l’histoire au XIXe siècle », in

Romantisme, n°100, 1998, pp. 31-48, p. 31.

147 Id., p. 33.

148 Id., p. 35.

149

Michelet, Jules, Histoire romaine, L. Hachette, Paris, 1831.

150 Michelet, Jules, Histoire de France, op. cit.,

151 Michelet, Jules, Le Peuple, Hachette et Paulin, Paris, 1846.

152 Michelet, Jules, Histoire de la Révolution française, Chamerot, Paris, 1847-1853.

153

une personne, qu’il résumât en un héros les conceptions de tout un cycle poétique. A ce prix il s’est fait des idoles historiques, des Romulus et des Numa. Les peuples restaient prosternés devant ces gigantesques ombres. Le philosophe les relève, et leur dit : ce que vous adorez, c’est vous-mêmes, ce sont vos propres conceptions. […] Les miracles du génie individuel se classent sous la loi commune. Le niveau de la critique passe sur le genre humain. Ce radicalisme historique ne va pas jusqu’à supprimer les grands hommes. Il en sait sans doute qui dominent la foule, de la tête ou de la ceinture ; mais leur front ne se perd plus dans les nuages154.

On voit bien ici que l’héroïsme est relégué au second plan, derrière une idéologie globalisante, même si l’historien admet que l’on doit s’intéresser aux grandes figures capables d’accomplir des actes majeurs dans la progression historique des peuples. A ce titre d’ailleurs, il s’intéresse particulièrement aux thèmes de la chute de la République et du destin de l’Empire, cherchant dans la destinée de Rome des

échos de la France et se faisant l’annonciateur des thématiques reprises par la littérature de l’époque. Ainsi, il s’interroge :

Quels hommes c’étaient qu’Hannibal et César ; comment, de Scipion à Marc-Aurèle, Rome a été conquise par la Grèce et l’Orient qu’elle croyait conquérir. Il reste à suivre dans son progrès dévorant, des Gracques à Marius, de Marius à Pompée et Cicéron, la puissance de l’ordre équestre, de cette aristocratie usurière qui dépeupla l’Italie, et peu à peu les provinces, envahissant toutes les terres, les faisant cultiver par des esclaves, ou les laissant en pâturage. Quant à l’Empire, son histoire roule sur quatre points : le dernier développement du droit Romain, le premier développement du christianisme, considéré en soi, et dans sa lutte avec la philosophie d’Alexandrie, enfin le combat du génie Romain contre le génie Germanique155.

L’histoire romantique de Rome se tourne vers de nouveaux horizons qui font la

part belle au peuple de Rome jusqu’alors totalement écarté des écrits consacrés à l’héroïsme des figures tutélaires de la République ou de l’Empire. La novation n’est pas révolution mais plutôt le fruit d’une évolution héritée de Montesquieu qui le premier remit en cause le dogmatisme de l’histoire romaine.

L’histoire romaine, remise en cause et revisitée fut également l’objet d’un rejet presqu’absolu qui explique en partie la vision de Michelet et de ses contemporains. En effet, le dix-huitième siècle finissant connaît un « mouvement

qui se caractérise par le refus de l’histoire ancienne, voire de l’histoire tout

154 Michelet, J., Histoire romaine, op. cit., p. VI.

155

court »156. Ce mouvement, initié par les Idéologues157, « trouve son expression dans les Leçons d’histoire prononcées par Volney à l’Ecole Normale en 1795 »158.

Cela s’explique comme une réaction face à la gloutonnerie des révolutionnaires

quant aux images romaines pour justifier ou trouver des symboles républicains.

Mais il s’agit également d’une charge contre l’éducation normative, accusée de biaiser l’histoire et l’esprit qu’elle était censée former :

[…] le dix-huitième siècle croyait toucher à la plus belle époque de l'humanité, lorsqu'une tempête nouvelle emportant les esprits dans un extrême contraire a renversé l'édifice naissant de la raison, et nous a fourni un nouvel exemple de l'influence de l'histoire et de l'abus de ses comparaisons. Vous sentez que je veux parler de cette manie de citations et d'imitations grecques et romaines qui, dans ces derniers temps nous ont comme frappés de vertiges : noms, surnoms vêtemens (sic), usages, foi, tout a voulu être spartiate ou romain ; de vieux préjugés effrayés, des passions récentes irritées, ont voulu voir la cause de ce phénomène dans l'esprit philosophique qu'ils ne connaissent pas ; mais l'esprit philosophique, qui n'est que

l'observation dégagée de passion et de préjugé en trouve l'origine plus vraie dans le système d'éducation qui prévaut en Europe depuis un siècle et demi : ce sont ces livres classiques si vantés, ces poètes ces orateurs ces historiens qui mis sans discernement aux mains de la jeunesse l'ont imbue de lui offrant pour modèles certains hommes certaines actions ont enflammée du désir si naturel de l'imitation qu’ils l'ont habituée sous la férule collégiale à se passionner pour des vertus et des beautés réelles ou supposées, mais qui, étant également au dessus de sa conception n'ont servi qu'à l'affecter du sentiment aveugle appelé enthousiasme.159

Volney raille « une admiration de la littérature et des études des arts anciens portée jusqu'au ridicule »160. Il va même jusqu’à dénoncer ce qui pour lui est un

mensonge et « présente des modèles condamnables »161, car l’histoire romaine ne serait qu’une forme romanesque façonnée par les auteurs latins, puis par leurs traducteurs et ne donnant qu’une vérité parcellaire, voire des contre-vérités en aucun cas associables aux nouvelles doctrines issues de la Révolution Française :

156 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 114.

157

Groupe de philosophes, proches des doctrines de Condillac composé notamment de Volney, Destutt de Tracy ou encore de Cabanis.

158 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 114.

159

Volney, Constantin-François de Chassebœuf, Leçons d'histoire prononcées à l'École normale,... augmentées d'une leçon inédite et suivies du Discours de Lucien sur la manière d'écrire l'histoire, Baudouin frères, Paris, 1826, pp. 119-120.

160 Id., p. 120.

161 Volphilhac-Auger, Catherine, « De marbre ou de papier, l’histoire ancienne du XVIIIe au XIXe siècle », op. cit., p. 117.

[…] ils ont oublié que chez les Romains ces mêmes mœurs ce même régime, régnèrent dans ce qu'on appelle les plus beaux temps de la république ; que cette prétendue république diverse selon les époques fut toujours une oligarchie composée d'un ordre de noblesse et de sacerdoce maître presque exclusif des terres et des emplois, et d'une masse « plébéienne » grevée d'usures n'ayant pas quatre arpens (sic) par tête et ne différant de ses propres esclaves que par le droit de les fustiger, de vendre son suffrage et d'aller vieillir ou périr sous le sarment des centurions, dans l’esclavage des camps et les rapines militaires ; que dans ces prétendus états d'égalité et de liberté, tous les droits politiques étaient concentrés aux mains des habitans (sic) oisifs et factieux des métropoles qui dans les alliés et associés ne voyaient que des tributaires.162

Volney pose la société antique comme un contre-modèle qui ne peut en aucun cas

trouver d’écho dans la société moderne. Ce point de vue extrémiste est forcément daté par l’époque où il fut écrit, mais il est certain qu’il est un point d’entrée dans une nouvelle forme de lecture de l’histoire, moins crédule et plus scientifique, vers un discours qui ne cherche pas seulement à sacraliser l’antique Rome mais à

comprendre les causes de sa disparition. A ce titre, Volney n’est qu’un passage

entre Montesquieu et Michelet. Toujours dans la même veine de remise en cause

d’une histoire romaine figée dans sa splendeur, on peut citer le très explicite titre de l’ouvrage de Charles Lévesque, publié en 1807, Histoire critique de la république romaine163 dans lequel il « reprend mais sans le dire […] les deux

raisons qui rendaient les Romains admirables aux yeux de Bossuet mais c’est pour

renverser la perspective »164. Tout cela aboutit aux célèbres cours que Daunou donna au Collège de France, avec finesse et débarrassés de tous les excès propres aux écrits issus de la période révolutionnaire165. L’histoire romaine affranchie des

poncifs auxquels elle était associée se trouve questionnée selon de nouvelles