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Synthèse des observations

2. CONC LUSIONS PROVISOIRES

Arrivée en fin de parcours, il faut essayer de répondre aux questions de recherche posées au départ. C'est une tâche délicate. Je voudrais être certaine que le lecteur comprenne que ce qui suit n'est que mon "état des lieux" du moment. Rien de plus, rien de moins!

Je me suis demandé tout d'abord quelle était la place de l 'enseignant dans l 'évolution de l 'image de soi d'un enfant par rapport à celle d'autres influences.

Sans aucun doute, elle est essentielle. J'en suis d'autant plus convaincue que les parents de Paco, Justine et Eric eux­

mêmes me l'ont confirmé par leurs divers témoignages. Cet impact s'explique d'autant plus que l'enseignant, à plus fort titre dans un petit degré, est un "autre signifiant"

d'importance, représentatif du monde qui s'élargit autour de l'enfant. Tout ce qui est dit et fait à l'école contribue donc directement ou indirectement à peindre l'image que se fait ïenfant àe ce monde qui l'accueiiie. C'est àes premiers retours d'images qu'il aura de lui-même que va dépendre en grande partie la qualité de sa scolarité et peut-être de sa vie.

C'est ainsi que ses enseignants et ses pairs ont une importance vitale dans son évolution. Non pas que l'école puisse ou veuille orienter seule la vie d'un enfant, mais, une fois entré dans ce monde nouveau, il est indéniable que chaque enfant doit apprendre à jongler et faire sa place dans les deux univers, sa famille et son école. A lui de les joindre de manière équilibrée et personnelle.

Pour l'aider dans son aventure, il est donc essentiel que l'école (enseignants et pairs) puisse se poser en "partenaire" et non en "ennemi" de la famille. Ni la famille ni l'école ne doivent être prioritaires. La raison en est simple. Ce sont des lieux différents, complémentaires, mais non comparables. On n'y apprend pas les mêmes choses; famille et école ne sont donc pas en compétition. Pourtant, la frontière qui sépare ces deux univers est mince et il est aussi difficile pour les parents que pour l'enseignant de ne pas faire d'incursion dans un domaine qui n'est pas le leur. "Savoir mieux que ... " est le danger qui guette chacun, à chaque instant.

C'est pourquoi la qualité essentielle d'une bonne relation entre parents et enseignants est la confiance mutuelle. De cette manière, même si les deux mondes habités par l'enfant sont très différents, il peut se développer harmonieusement, bénéficiant des apprentissages offerts par l'un et l'autre sans être la proie involontaire d'un conflit d'idées contre lequel il ne peut rien. Car, "avoir confiance" n'est pas synonyme d"'être d'accord". Le débat ne se situe en aucun cas dans"J 'ai raison." ou "Tu as tort. ", mais dans la recherche d'une complémentarité des rôles en présence, soit ceux de parents, d'enseignants et d'enfants. Malheureusement, cet "état de confiance réciproque" est difficile à atteindre. C'est alors à l'enseignant de tenter d'orienter la relation famille-école dans la "bonne" direction. Pour ce faire, il doit savoir être clair, explicite et ouvert afin d'engendrer, peut-être, des attitudes semblables chez les parents.

Dans ma deuxième question, je me demande dans quelle mesure l 'attitude professionnelle de l 'enseignant peut influencer l 'image de soi d'un enfant en difficulté. Globalement, les résultats de ma recherche sont positifs et indiquent que Paco, Justine et Eric ont progressé.

Même si le chemin qui leur reste à parcourir est encore long, ils l'ont trouvé. Mais quelles sont les caractéristiques de cette attitude professionnelle qui permet à la fois de diagnostiquer les besoins des enfants dans le domaine de l'image de soi et de

les aider à progresser ? Je suis tentée de répondre ainsi:

l'enseignant doit savoir "être" enseignant.

"Etre" enseignant signifie avant tout être soi-même. Se connaître, s'accepter tel qu'on est, savoir le dire et le montrer, avoir l'humilité de ses forces et de ses faiblesses. Ce n'est qu'en étant réellement "authentique" qu'un enseignant saura s'ouvrir à l'écoute de ses élèves et de leurs besoins. De même, c'est en conservant cette attitude d'ouverture qu'il saura identifier les balbutiements d'une évolution, puis les progrès eux-mêmes. C'est aussi de cette manière que, se souvenant et utilisant ses propres expériences, il saura accompagner l'enfant dans sa découverte de cette nouvelle estime de soi.

Cette attitude professionnelle est le fruit d'un travail quotidien d'authenticité, de recherche de cohérence, de cunsiruction d'un cadre logique et de remise en question continuelle.

Quant aux "moyens pédagogiques" associés à la progression de l'image de soi des enfants, ils découlent directement de l'attitude professionnelle de chacun. Pour cette raison, on en compte un nombre incalculable. En ce qui me concerne, ils ont trouvé des formes concrètes et se sont appelés contrat, conseil de classe, salon, super-contrat ou encore authenticité, parole, temps, acceptation ou disponibilité. Une fois encore, ces moyens ne peuvent en aucun cas être la recette de quelqu'un d'autre. Ils ne deviennent réellement effectifs que lorsque chaque enseignant sait leur insuffler son esprit propre et les rend "vivants" à sa manière.

La réponse à ma troisième question est grandement tributaire de ma position parallèle de "chercheuse" et de "sujet de recherche". Je me demande comment a p p récier l'évolution d'un enfant pendant une année scolaire en combinant des observations subjectives et externes. La présence de la subjectivité dans le regard de l'enseignant est incontournable. Pour réussir à enseigner de manière satisfaisante, chaque enseignant doit absolument apprendre à "faire avec" sa subjectivité. En associant à ce regard des observations externes, on peut transformer la

subjectivité en un instrnment "facilitateur" de progression. J'ai eu trop souvent l'impression que par soucis d'objectivité, et donc de contrôle des biais, dans certaines recherches en sciences humaines, on occultait systématiquement les pensées originales du sujet ou du chercheur. Vouloir à tout prix éviter les biais ne revient-il pas à vouer la recherche en sciences humaines à une impasse ? Je suis quant à moi convaincue des avantages d'une démarche associant subjectivité et observations externes. Si je n'avais utilisé qu'un seul type de prise d'information, si je n'avais pas su prendre en compte l'opinion d'autres observateurs, i l me serait impossible aujourd'hui d'affirmer avec autant de conviction les progrès de Paco, Justine ou Eric. Je ne pourrais pas non plus attribuer ceux-ci à une attitude professionnelle ni à des moyens pédagogiques spécifiques.

Tout au long de cette recherche, les apports externes m'ont amené nombre de confirmations de mes propres observations subjectives. A la fois rassurée et confortée dans mes lignes directrices, j'ai pu poursuivre mon chemin avec confiance. A d'autres moments pourtant, les observations externes qui m'ont été transmises étaient en contradiction avec les miennes.

Christian, par exemple a parfois observé des comportements chez les enfants qui ne c01Tespondaient pas à mes propres constatations. De même, les rapports de M.S. indiquent que les parents manifestent certains doutes face à ma vision positive de leurs enfants. Là encore, en me donnant matière à réflexion et en élargissant mon champ de vision, ces observations externes complètent ma propre analyse et me font avancer.

Les conclusions auxquelles aboutissent des observations subjectives et externes, si elles ne sont pas obligatoirement univoques, permettent, par leur complémentarité et leur combinaison des réponses constructives. Le parallélisme ou l'opposition des conclusions diverses font prendre du recul et évitent l'écueil des réponses faciles.

n

me semble que seules ces réponses "difficiles" permettront de faire avancer encore certaines recherches en éducation.

3. EN VOI

Conclure. Après deux années d'élaboration, de réflexion, de pratique, d'analyse et de rédaction, j'ai le sentiment que même ma façon de penser a évolué. Je me surprends souvent à porter sur ce qui m'entoure un "double regard", simultanément placé dans le feu de l'action et dans une position de recul. J'ai peine à quitter Justine, Paco, Eric et la réflexion dont ils ont été les instruments. J'ai le sentiment d'être aujourd'hui à la frontière entre deux univers. Celui d'où je viens, qui m'a permis de mieux comprendre certains facteurs du monde scolaire et celui où je vais, dont j'espère qu'il me permettra de porter plus loin le fruit de mes pensées.

J'ai confiance!

ANNEXES

Annexe I : APPLICATION DE MA PHILOSOPHIE