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Le commerce équitable et la concurrence libre, égale et transparente dans

Section 2 : Le développement durable réincarné en commerce équitable

A) La responsabilité sociale des entreprises (RSE)

76- Le commerce équitable et la concurrence libre, égale et transparente dans

les marchés publics – Avant de lancer un appel d'offre de marché public, le pouvoir

adjudicateur doit déterminer le « besoin à satisfaire »449. Celui-ci peut constituer le marché

pertinent. Ainsi le Professeur Laurent RICHER450 a constaté que le « Conseil de la

concurrence a admis que le lancement d'un appel d'offre a pour effet de créer un marché ». Mais, ce marché doit être objectif et ne doit pas avoir pour effet de favoriser ou d'éliminer

certains opérateurs économiques ou certains produits451. Tant le droit communautaire que

le droit français exigent que ce marché permette une libre concurrence, soit libre d'accès aux opérateurs économiques et soit transparent. Dans ce cas, le cahier des charges comprenant les critère de choix des offres doit être rédigé de manière objective tout en 448 Cf., n° 204.

449 Art. 5 CMP.

450 L. RICHER, Un objectif, deux systèmes, CP-ACCP, mai 2010, p. 27 ; G. CANTILLON, Achat public

équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le marché, Cont. march. pub., n° 2, février

2011, étu. 2.

451 Art. 6 IV CMP. CAA Marseille, 08MA01775, 8 juillеt 2010, Sоciété Siorat, req., Cont. marc. pub., 2010, n° 367, note P. DEVILLERS.

évitant que le besoin à satisfaire soit destiné à un opérateur ou un groupe d'opérateurs déterminé. À la différence de l'acheteur-consommateur privé, l'acheteur public est soumis

au droit de la concurrence452. L'acheteur public a donc une obligation de mise en

concurrence et cette dernière doit être efficace. La concurrence efficace renvoie à une concurrence potentielle, ou possible, qui assure une ouverture du marché à tous les opérateurs. Lorsqu'elle existe, la concurrence doit être libre entre des opérateurs économiques à égalité à toutes les étapes, depuis la détermination du besoin à satisfaire jusqu'à l'exécution du marché public. La Cour de justice a qualifié de concurrence efficace une concurrence qui atteint la mesure exigée par « les objectifs du traité en particulier la formation d'un marché unique réalisant des conditions analogues à celles d'un marché

intérieur »453. L'absence de compétition n'est pas un indice d'une absence de concurrence

efficace, qui constituerait une violation du droit de la concurrence454. Cette concurrence

est dénommée « concurrence effective »455.

Appliquons cette théorie de la concurrence efficace pour savoir si l'intégration du commerce équitable dans les marchés publics n'est pas contraire au principe de concurrence. En effet, l'article 5 du CMP attribue au pouvoir adjudicateur le droit de

définir ses « besoins à satisfaire » de façon objective et non-discriminatoire456 avant de

lancer un appel d'offre concernant des produits issus du commerce équitable. La présence des principes du commerce équitable dans la description du besoin à satisfaire ne constitue pas un indice d'absence de concurrence, puisque le commerce équitable, en tant que tel, n'est pas un indice d'une pratique anticoncurrentielle, ainsi que l'a estimé

l'Autorité de la concurrence (ex-Conseil de la concurrence)457. Par ailleurs, le droit des

marchés publics encourage l'intégration de l'objectif de développement durable dans les

marchés publics458. Ainsi, le droit des marchés publics encourage le traitement du

452 O. GUÉZOU, Droit de la concurrence et droit des marchés publics : vers une notion transversale de mise

en libre concurrence, CP-ACCP, n° 20, mars 2003, p. 44. Art. 5 II CMP.

453 CJCE, 25 octobre 1977, n° 26/76 Metro SB-Großmärkte GmbH &Co. KG contre Commission des

Communautés européennes : Rec. CJCE, 1977, p. 1875.

454 C. LUCAS DE LESSAC, Concurrence et compétition, D. 2004, n° 24, p. 1722. 455 Cf., G. CANTILLON, 2011, op.cit., note 450.

456 Art. 5, CMP.

457 Conseil de la concurrence, avis n° 06-A-07 du 22 mars 2006, précité note 264. 458 Cf., n° 73.

commerce équitable comme un outil de mise en œuvre du développement durable459. Dans la description de son besoin par un adjudicateur, peut figurer l'expression « commerce équitable » parce que, contrairement à ce qu'a présumé la Commission européenne, le commerce équitable en tant que tel n'est pas un « label » ni une « marque » mais est une nouvelle façon de commercialiser « des biens et de services (…) [avec] des producteurs

désavantagés situés dans des pays en développement »460 en prenant en compte les

dimensions commerciales, écologiques et sociales de ces échanges461. Selon le même

raisonnement, la présence de l'expression « commerce équitable » dans les critères de choix de l'offre ou d'attribution d'un marché public ne serait pas non plus anticoncurrentielle.

Contrairement à ce que propose M. Guillaume CANTILLON462, il est déconseillé

au pouvoir adjudicateur de définir une « attestation du commerce équitable », ou « un

cahier des charges d'attestation »463 ni comme critère du besoin à satisfaire, dans les

documents de spécification technique et dans les critères de sélection ou d'attribution, ni dans les critères d'exécution d'un marché public. Sinon, le pouvoir adjudicateur romprait le principe de libre concurrence et d'égalité des opérateurs économiques ayant la capacité de proposer des produits ou services issus du commerce équitable, même s'ils n'ont aucun système d'attestation interne ou externe.

Pour qu'une marque ou un « label » puisse figurer dans le document de

spécifications techniques464, il faut qu'une telle mention n'ait pas pour effet de favoriser ou

d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits et qu'elle soit justifiée par l'objet du marché ou, exceptionnellement, qu'elle soit accompagnée par le terme « ou équivalent » en cas d'impossibilité de décrire suffisamment précisément et

intelligiblement l'objet du marché465. Il peut être fait référence dans les documents de

spécifications techniques à des référentiels, des normes privées ou à d'autres documents équivalents, lorsqu'ils sont élaborés par des organismes de normalisation et qu'ils sont

459 Art. 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, précitée note 114.

460 Art. 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, précitée note 114. Cf., n° 70. 461 Cf., nos

90 et s.

462 G. CANTILLON, op.cit., note 450, n° 27. 463 Cf., n° 131, note 859.

accessibles aux soumissionnaires. Les cahiers des charges actuels d'attestation de qualité

relatifs au commerce équitable ne remplissent pas ces critères466. Ainsi, dans le document

de spécifications techniques, il peut être fait référence à l'ecolabel à condition qu'il soit approprié à la définition des caractéristiques des fournitures ou des prestations faisant l'objet du marché, que les mentions figurant dans l'ecolabel aient été établies sur la base d'une information scientifique, que l'ecolabel ait fait l'objet d'une procédure d'adoption à laquelle ont participé des représentants d'organismes gouvernementaux, des consommateurs, des fabricants, des distributeurs et des organisations de protection de l'environnement, et que l'ecolabel soit accessible à toutes les parties intéressées. Par analogie, et sans que l'ecolabel soit identique à un futur « label (officiel) commerce

équitable »467, nous estimons qu'il peut être fait référence au commerce équitable dans le

document de spécifications techniques à conditions que les principes du commerce équitable soient définis dans l'objet du marché public éventuel, que les mentions relatives au commerce équitable ait été établies sur la base d'informations scientifiques, qu'un éventuel « label (officiel) commerce équitable » ait fait l'objet d'une procédure de certification à laquelle auront participé des représentant des organismes gouvernementaux, des consommateurs, des fabricants, des distributeurs et des organisations de protection de l'environnement et que le « label (officiel) commerce

équitable »468 soit accessible à toutes les parties intéressées. Les mentions « label (officiel)

commerce équitable » et « ou équivalent » pourraient ainsi figurer dans les documents de spécifications techniques d'un marché public sans porter atteinte à la concurrence.

465 Art. 6. IV. CMP. CJCE, n° C-359/93 du 24 janvier 1995 Commission des Communautés européennes

contre Pays-Bas : Rec. CJCE 1995, I, p. 157 ; note dans CMP Dalloz 2011. CE, 11 septembre 2006,

n° 257545 Commune de Saran contre Société Gallaud (inédit) : Cont. march. pub., 2006, n° 286, obs. J.-P. PIETRI CJCE, 17 novembre 1993, n° C-71/92 Commission des Communautés européennes contre

Royaume d'Espagne, Rec. CJCE 1993, I, p. 5923 ; RDI. 1994, p. 47, obs. F. LLORENS et P.

TERNEYRE ; D. 1994, p. 225, obs. P. TERNEYRE ; Cf. note 451. 466 Art. 6. I, CMP.

467 Contrairement à ce qu'affirme M. Guillaume CANTILLON, il n'y a pas de condition de paiement de « juste prix » dans la certification d'ecolabel : 2011, op.cit., note 450 ; n° 204 et s.