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Ce qui frappe le visiteur lorsqu’il se présente aux douaniers béliziens c’est le fait d’être accueilli en anglais. À ce sujet, le pays est une sorte de minuscule bastion de la langue de Shakespeare coincé à l’étroit entre la mer Caribéenne à l’est, le Mexique au nord et le

Guatemala à l’ouest et au sud : une singulière création westphalienne dans l’échiquier central américain. Pour bien comprendre sa création, il est utile de rappeler les origines coloniales du territoire qui remontent aux premières occupations de la baie de Chetumal par les colons espagnols et anglais au sein d’une région anciennement densément peuplée par différents groupes mayas.

Le territoire bélizien comporte plus d’une dizaine de sites archéologiques majeurs,

témoignant d’une occupation importante du territoire par les Mayas dont l’apogée remonte à l’époque classique tardive (allant de 600 à 900 ans de notre ère). Seulement pour la région de

Three River (ce qui représente environ 800 km2) dans le nord-ouest du pays, les estimations de la population tournent alors autour de 400 000 habitants pour des densités avoisinant les 400 à 800 hab./km2 approximativement7. Cependant, à partir de l’an 1000 l’importante

population maya s’effondre, et au moment du contact espagnol, il ne subsiste que quelques communautés dispersées le long de certaines rivières et lacs situés à l’intérieur du territoire (Graham et al., 1989). La présence maya aux abords de différent cours d’eau permet dans un premier temps de contenir stratégiquement les incursions espagnoles sans pour autant

qui tient compte de l’ensemble des nuances définissant précisément la société bélizienne. Pour plus de détails, voir l’éclairante discussion de Cunin et Hoffman (2012) sur les catégories de recensement du Belize.

7La population actuelle du Belize est légèrement inférieure à cette donnée, sachant que de nouvelles

technologies par imagerie télémétrique optique permettent de déceler plus facilement les anciens sites

d’occupations mayas sous la canopée, il est probable que ces estimations seront revues à la hausse (Chase et al. 2011).

empêcher ceux-ci de conquérir temporairement les populations locales et leur imposer divers travaux et une conversion forcée (Graham et al., 1989).

Cette première vague de contacts se poursuit jusqu’en 1638, alors que se produit une série de rébellions des Mayas dans cette même région, ce qui leur permet finalement de repousser les colons espagnols vers la côte caribéenne de la baie de Chetumal. Il s’en suit, selon Aimers (2013), une longue période de retour à un mode de vie précolombien pour les Mayas, lesquels doivent tout de même gérer des tentatives de reconquête sporadiques de la part des Espagnols dans la région de Lamanai. Cette période de contact espagnol se produit en parallèle à l’arrivée un peu plus au sud, plus précisément à proximité de l’embouchure de la rivière Belize, de pirates anglais déjà très présents ailleurs dans la mer des Caraïbes. Ces derniers sont attirés dans la région par la présence du bois de Campêche (Quamochitl), lequel permet d’obtenir des teintures réputées et possédants conséquemment une forte valeur marchande (Bulmer-Thomas et Bulmer-Thomas, 2012). Déjà, à cette époque, les navires espagnols exportent ce bois en Europe afin de produire de la teinture. La concurrence commerciale amène les Espagnols, dès le milieu du XVIIe siècle, à attaquer l’ennemi colonial anglais, dont découle un manège de représailles successives qui durera jusqu’en 1667 : le Traité de Madrid marque la fin des activités de pirateries entre les deux puissances. Dès lors, ce sont les Anglais qui investissent le territoire, à partir de la rivière Belize, ce qui leur confère l’avantage de couper et exporter eux-mêmes le bois de Campêche. En 1670, le nombre d’anglais dans la nouvelle colonie de Belize s’élève déjà à environ 700 colons (Sutherland, 1998).

Le caractère non officiel du site d’implantation des Anglais8 – qui poursuivent l’exploitation du bois de cette région sur une centaine d’années – explique que les colons essuient à plusieurs reprises des attaques espagnoles, dont les installations sont basées non loin au nord. À la suite du traité de Paris, qui met fin à la guerre de Sept Ans remportée par l’Angleterre, l’exploitation du bois est finalement officialisée sans pour autant conférer aux Anglais une souveraineté sur le territoire. Étant maintenant moins importunés dans leurs

8Les colons anglais étaient tolérés à cet endroit par les autorités espagnoles, sans que cela n’empêche le fait

qu’ils doivent occasionnellement se défendre contre des attaques de leurs voisins hispaniques basés un peu plus au nord dans la baie de Chetumal (Shoman 2011).

activités par les Espagnols, les colons anglais sont en mesure de développer davantage la traite du bois et ouvrent leurs opérations au bois d’acajou. Ce bois précieux, aux qualités indéniables en ébénisterie et beaucoup plus lucratif que le bois de Campêche, donne lieu à un essor du commerce de meubles de luxe en Angleterre (Shoman, 2010).

L’accalmie avec les Espagnols est cependant de courte durée. Un nouveau traité de Paris, signé à la suite de la défaite anglaise de la guerre d’Indépendance américaine de 1783, permet au pouvoir espagnol de reprendre le contrôle de la côte (et surtout une emprise sur le

commerce du bois d’acajou), sur un territoire allant du Yucatán à l’actuelle côte du Honduras située plus au sud. Les Espagnols exigent alors le retrait des Anglais pour l’ensemble de cette zone : une grande partie de ces derniers, accompagnée de leurs esclaves africains, trouvent refuge auprès de colons installés dans la région de la rivière Belize. Ce groupe nouvellement formé de colons anglais justifie leur présence par le fait que les Espagnols n’ont jamais véritablement occupé ce territoire, qu’eux exploitent depuis déjà un siècle. De ce fait, ils refusent de quitter le territoire de la rivière Belize (Sutherland, 1998). Cette situation, à l’origine de vives tensions entre les deux nations, culmine en 1798 avec la bataille de

George’s Caye où la victoire des Anglais rend pérenne leur présence, et pose du coup le

premier jalon de la création une cinquantaine d’années plus tard d’une nouvelle colonie officielle : le Honduras britannique (Camille, 2000).