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CHAPITRE 1. POURQUOI LES ACTEURS ENGAGENT-ILS DE TELS PROCESSUS ?

1.5. Avec ou sans co-construction

Le dernier pôle est celui qui donne son « épaisseur » au processus, c'est-à-dire que selon le niveau d’objectif que se donne le promoteur de la concertation, celle-ci sera perçue comme plus ou moins consistante par ceux qui sont appelés à y participer. C’est ce que nous avons souhaité représenter dans la Figure 11, p. 92.

L’objectif de co-construction peut être totalement absent et il n’est alors recherché qu’une simple information et acceptation des parties prenantes, cantonnées à un rôle très passif. Dans des cas extrêmes, l’information est très limitée et le consentement recherché à travers le processus n’est pas un « oui » mais une absence de « non ». On rencontre cette situation par exemple dans certaines réunions publiques organisées autour des Plans Locaux d’Urbanisme ou des Schémas de Cohérence Territoriale, dans le cadre de démarches participatives mises en œuvre par des collectivités locales plus par obligation que par choix.

Nous trouvons ensuite un gradient, avec trois niveaux de référence :

- Ajustements mineurs du projet à partir de demandes locales. Le porteur du projet ou de

la décision entend faire accepter son projet, quitte à procéder à des ajustements mineurs, voire tout à fait symboliques. Ces ajustements sont parfois pertinents et acceptés comme tels. Dans d’autres cas, ils rentrent dans un jeu de négociation et ont avant tout une valeur de contrepartie : ces compensations peuvent avoir un caractère anecdotique mais elles peuvent aussi être très conséquentes, lorsque le porteur du projet / décideur en a les moyens. On est alors dans une négociation, plus que dans une concertation. Le cas de Bon Air relève par exemple de ce type de processus : des ajustements mineurs sont envisagés à partir de certaines remarques entendues lors des réunions. Les réunions de suivi des études, dans le cas de la LINO, visent aussi à procéder à des ajustements. Une modification importante a été décidée, celle du passage de la rocade sous un tunnel sur une portion de la commune de Talant, et différentes adaptations ont été faites telle que celle concernant la hauteur des murs de protection phonique. Les démarches engagées étaient, selon un agent des services de l’Etat, « un moyen de ne rien oublier de significatif ».

- Consultation visant à faire un choix parmi différents scenarii, qui préexistent ou se

construisent au gré des interactions. Dans ce cas, le porteur du projet / décideur accepte de soumettre différents scenarii aux parties prenantes. Il garde son pouvoir de décision mais se met à l’écoute des avis et propositions exprimés, dans le cadre d’une consultation. La consultation peut aller plus ou moins loin : elle est d’autant plus « consistante » que les participants sont peu nombreux, que leur participation s’inscrit dans une séquence de plusieurs temps de rencontre, que les modalités de consultation permettent un échange entre les participants (nous parlons alors de consultation interactive, par opposition à une

consultation contributive). Le cas du Parc Hydrolien de Paimpol Bréhat relève de ce type de démarche : le porteur du projet n’a pas voulu présenter de plan préétabli mais avait un scenario qu’il a mis en discussion. Le processus a fait émerger d’autres scenarii : le choix du site et la technologie envisagés ont changé. C’est également le cas à Méricourt l’Abbé concernant la friche agricole au centre du bourg : des scénarii élaborés par un bureau d’études ont été présentés aux habitants et discutés, dont un proposé par le maire mais qui n’a finalement pas été retenu.

- Co-construction du projet. On entre alors dans une véritable concertation, au sens strict du

terme car, comme le rappelle un acteur associatif et ancien élu rencontré, « il n’y a concertation que s’il y a une construction collective ». La co-construction n’implique pas une co-décision, sauf si elle associe des parties prenantes parmi lesquelles aucune ne se trouve en position de décideur. Dans les autres cas, les élus se réservent très généralement le pouvoir de décider, mais le font à l’issue de séquences de co-construction auxquelles les parties prenantes sont réellement associées. L’architecture du processus est organisée de façon à avoir une succession de temps de co-construction, puis de temps de décision, qui sont parfois tout aussi longs les uns que les autres.

Finalement, nous retrouvons ce gradient dans la Figure 12 :

Compromis Consentement

Co-construction

Co-construction Concertation Scenarii mis en dialogue / consultation Ajustements mineurs / négociation Diffusion et collecte d’informations Diffusion et ouverture à la réception d’informations Simple diffusion d’information

Information

Par qui ? Le grand public, un(des) groupe(s) spécifique(s), les élus…

Appropriation

Acceptation

Figure 12 : Les objectifs de la concertation selon ceux qui l’engagent et la portent : 3 pôles et pour chacun d’entre eux, un gradient dans les ambitions que l’on se donne

Les acteurs environnementaux et les élus locaux se saisissent de la concertation en lui affectant des objectifs qui correspondent à trois pôles à la fois distincts et en interaction. Pour chacun de ces pôles existe un gradient qui correspond à des ambitions différentes que se donnent ces acteurs environnementaux et élus locaux, dans la participation effective des parties prenantes.

Il est important de souligner qu’un acteur peut avoir un objectif différent selon la concertation qu’il engage et qu’il porte. En effet, un élu peut par exemple engager une concertation pour l’élaboration de

son PLU avec des objectifs d’information, et, par ailleurs, être l’initiateur d’une démarche de co- construction autour de la gestion d’une zone humide dans sa commune.

Les trois pôles permettront de situer les objectifs de ceux qui engagent et portent une concertation, pour un processus donné, et non une posture qui serait adoptée systématiquement par un acteur vis- à-vis de la concertation en général.

Malgré cela, on observe que même si nombre d’acteurs ont une approche de la concertation qui varie en fonction de l’objet du processus, d’autres acteurs ont par contre une approche presque toujours identique, les objectifs des concertations qu’ils envisagent étant positionnés de façon récurrente autour d’un même pôle : ce constat nous conduira à distinguer plusieurs approches, voire « cultures de la concertation ».

1.6. Diverses polarités correspondant à diverses approches de la