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Chapitre introductif Typologie des normes privées

Section 1. Le débat sur les effets commerciau

B. CNUCED et l’OCDE : aspects économiques

1. La CNUCED

La CNUCED s’est intéressée de longue date aux normes privées, même avant que le débat ne soit porté devant l’OMC : dès 1997, le Trade and Development Board publiait un rapport sur les impacts possibles des normes de management environnemental sur le commerce et les investissements dans les pays en développement439. Ce rapport est une réaction à la publication de la norme ISO 14000

en 1996 et la prise de conscience sur ses possibles conséquences en matière de développement. A côté de ses aspects positifs, le rapport reconnaît également la possibilité que la série ISO 14000 constitue un obstacle au commerce pour les entreprises trouvant trop difficile ou trop coûteux de se conformer à ses dispositions440. De manière assez avant-gardiste, il souligne l’importance d’une

reconnaissance internationale (et non seulement mutuelle) des mécanismes de certification et d’accréditation ; il renvoie dans ce domaine aux travaux de Quality System Assessment and Recognition (QSAR) et International Accreditation Forum (IAF). Enfin, le rapport insiste sur l’importance d’une coopération sud-sud, de mesures d’incitation441 et d’une assistance technique de la part des grandes

entreprises envers les PME.

D’autres projets, qui n’étaient pas limités aux normes privés, mais qui recouvraient un domaine particulier des normes commerciales, existaient également : exigences environnementales et accès au marchés, et impact des normes d’agriculture biologique.

Ainsi la ‘Consultative Task Force on Environmental Requirements and Market Access for Developing Countries’ (CTF), qui s’est réunie pour la première fois en novembre 2004, est l’une des initiatives de la CNUCED relative aux normes

439 “Report of the Expert Meeting on possible trade and investment impacts of environmental

management standards, particularly the ISO 14000 series, on developing countries, and opportunities and needs in this context”, TD/B/COM.1/10, TD/B/COM.1/EM.4/3.

440 P. 2.

441 Les gouvernements sont également invités à mettre en place un environnement législatif adéquat ainsi que les

privées442. Réunissant des représentants de gouvernements, d’ONG ainsi que du secteur privé, elle a pour but d’aider les PED à analyser et surmonter les obstacles à l’accès aux marchés créés par les exigences environnementales contenues dans les réglementations étatiques ou les normes privées. La CTF a mené, en collaboration avec la FAO, plusieurs études-pays sur l’impact de la norme EurepGAP pour les fruits et légumes frais (aujourd’hui GlobalGAP) sur l’accès au marché. D’une certaine manière complémentaire à l’OMC, la CTF permet de faire participer au débat sur les normes privées les acteurs qui sont exclus des discussions au sein des comités de l’OMC ; elle permet également de renforcer la communication et les échanges d’informations parmi les organisations internationales sur le sujet des exigences environnementales. Notons toutefois que cette initiative est limitée au domaine de l’environnement, d’une part et va au-delà des normes privées, d’autre part.

Dans le domaine de l’agriculture biologique, une autre initiative de la CNUCED, menée conjointement avec la FAO et IFOAM est la création de la ‘International Task Force on Harmonisation and Equivalence in Organic Agriculture’ (ITF). Active de 2003 à 2008, elle a constitué une plateforme de dialogue pour les acteurs de la filière biologique, organismes publics, ONG ou entités privées. Son but était d’identifier les possibilités d’harmonisation, les mécanismes d’équivalence et de reconnaissance mutuelle, ainsi que les mesures facilitant l’accès au marché biologique par les PME et PED. Le travail fut divisé en trois phases : analyse de la situation (notamment les effets commerciaux des normes biologiques existantes), élaboration de solutions (normes, contrôle de conformité et coopération public-privé) et mobilisation politique (recherche de soutien à la mise en œuvre de la part des gouvernements et organisations internationales). Le principal résultat pratique de ces cinq années de recherche fut l’élaboration de deux instruments d’harmonisation relatifs respectivement à la détermination de l’équivalence des normes biologiques

442 Elle a été mise en place par la Commission sur le commerce des biens et services de la CNUCED

lors de sa 7ème session en 2003 et suite à une Réunion d’experts sur les exigences environnementales

et le commerce international les 2 à 4 octobre 2002. Voir le document TD/B/COM.1/L.26 du 7 février 2003 qui donnemandat à la CNUCED de “explore the possibility of the creation of a consultative

group on environmental requirements and international trade, which should closely coordinate and collaborate with relevant work and initiatives in other bodies and involve the private sector, as a project-based activity”(page 3).

(« EquiTool ») et à l’équivalence en matière de certification (International Requirement for Organic Certification Bodies - IROCB)443.

Le projet ‘Global Organic Market Access’ (GOMA)444, lancé en 2010, fait suite à l’ITF en ce qu’il vise à réduire les obstacles commerciaux pour les produits issus de l’agriculture biologique à travers l’harmonisation, l’équivalence et d’autres dormes de coopération sur les normes et les méthodes de contrôle de conformité. Son champ d’application se concentre sur les pays d’Asie (de l’est, du sud-est et du sud) et la coopération sud-sud entre ces pays est encouragée445. A l’instar de l’ITF, le projet

GOMA englobe explicitement à la fois les normes biologiques publiques et privées446. Des consultations sont en cours pour l’amélioration de l’outil d’évaluation

de l’équivalence Equitool. Le nouvel outil, nommé COROS (Common Objectives and Requirements of Organic Standards – Objectifs et prescriptions uniques en matière de normes relatives aux produits biologiques) a lui aussi pour objectif de « simplifier les flux de produits biologiques entre les divers systèmes de garantie des secteurs public et privé »447.

Dans le domaine environnemental, plusieurs projets abordent la problématique des relations entre commerce et environnement et plus spécifiquement la question des normes environnementales.

La ‘Capacity-Building Task Force on Trade, Environment and Development’ (CBTF), fondée en 2000 conjointement avec le PNUE, a pour but de mettre au service des pays en développement les compétences de la CNUCED et du PNUE sur les aspects développementaux et environnementaux du commerce. Elle vise à renforcer les capacités des PED à travers la coopération avec diverses organisations internationales et ONG448. Etant dépendante de financements extérieurs, la CBTF fonctionne de manière ponctuelle, à travers la réalisation de projets particuliers. Ses thèmes de

443 Ces outils s’adressent aussi bien aux gouvernements qu’aux acteurs privés.

Voir le rapport final de l’ITF, 2008, http://www.unctad.org/trade_env/ITF-

organic/meetings/itf8/ITF_Summary_Report_080908db_%20final%20%20.pdf ainsi que le site web de l’institution

http://www.unctad.org/trade_env/ITF-organic/welcome1.asp (dernière visite le 15.09.2009).

444 Comme l’ITF, le projet GOMA est dirigé par un comité composé de représentants de la CNUCED, la FAO et IFOAM. Il

est financé par l’Agence norvégienne pour la coopération en matière de développement (Norad). Cf. UNCTAD, « Project Brief », http://www.unctad.org/sections/wcmu/docs/ditc_tedb_ted0035_en.pdf et www.goma-organic.org

445La dernière reunion du ‘Asia Working Group on Framework for Cooperation on Organic Labelling and Trade’s’esttenue à

Séoul les 26 et 27 septembre 2011.

http://www.unctad.org/Templates/meeting.asp?intItemID=2068&lang=2&m=22555

446 Voir la description du projet sur http://www.goma-organic.org/about/project/.

447 Voir le communiqué de la CNUCED du 11 février 2011 « Effort d’harmonisation dans les méthodes de comparaison et

dévaluation relatives aux produits biologiques » http://www.unctad.org/Templates/Page.asp?intItemID=5838&lang=2

travail comportent l’agriculture biologique et le « commerce fondé sur la biodiversité » (ou « Biotrade »). C’est sur ce dernier domaine que portent les activités les plus récentes de la CBTF. Elle a dans ce contexte été amenée à se pencher sur les normes privées relatives à un commerce « durable » et leur potentiel en tant que catalyseur pour le commerce des pays en développement449.

Dans le cadre d’un projet nommé “UNCTAD/FIELD450 Project on Building Capacity for Improved Policy Making and Negotiation on Trade and Environment Issues” (ou projet « DFID II451 »), financé par le département britannique pour le développement

international (UK Department for International Development- DFID) la question des labels écologiques a été abordée sous l’angle de la politique environnementale et de l’amélioration de la coopération entre PED dans ce domaine (à l’échelle régionale). L’un des « blocs thématique » du projet, consacré aux thématiques liées à la Déclaration de Doha, fait expressément référence aux labels écologiques ainsi qu’aux normes biologiques452. Comme la plupart des projets de la CNUCED, il s’agit d’un

projet de recherche dont les résultats sont destinés aux diplomates des PED. Après une phase de préparation en 2002, la phase de mise en œuvre s’est déroulée de 2003 à 2006 et a généré plusieurs rapports, analyses et ‘policy briefings’.

Enfin, un projet de coopération technique, a été mené entre 2000 et 2002 conjointement avec l’IDRC (International Development Research Center), une ONG canadienne, dans le but d’étudier et de remédier aux obstacles commerciaux issus des normes environnementales et sanitaires et phytosanitaires453. Plusieurs études de cas dans des secteurs tels que l’horticulture, la pêche ou encore l’agriculture biologique ont conduit à une conférence finale qui a formulé plusieurs recommandations au niveau national, régional et international. Parmi celles-ci, la recommandation aux PED d’adapter leurs législations aux exigences des marchés extérieurs, de soutenir les PME et organismes nationaux dans leurs démarches d’accréditation et de certification (HACCP ou ISO, notamment). Aux pays développés, il est recommandé de faire

449http://www.unep-unctad.org/cbtf/

Voir également l’initiative Biotrade de la CNUCED : http://www.biotrade.org/documentsPUBLI4.asp . Au sein de l’initiative Biotrade a été lancé, conjointement avec le « International Trade Center », le programme BTPF (Biotrade Facilitation

Programme) qui a notamment formulé des directives méthodologiques pour la mise en place de chaînes de valeur relatives

aux produits Biotrade.

450“Foundation for International Environmental Law and Development”.

451Ceprojet fait suite à uneautre initiative menée entre 1999 et 2001 intitulée “UNCTAD/FIELD project on Strengthening

Research and Policy-Making Capacity on Trade and Environment in Developing Countries”.

452 Voir la description du projet sous http://r0.unctad.org/trade_env/test1/projects/fielddescript.htm

453 Voir le Rapport final du projet élaboré par l’IDRC, « Standards and Trade », Project INT/99/A64, Final Report, juin 2002,

participer des représentants de PED à l’élaboration des normes afin de prendre en compte leurs intérêts spécifiques ainsi que de reconnaître les normes et activités de certification provenant des PED, surtout dans les secteurs impliquant un recours aux savoirs traditionnels tels que l’agriculture biologique454. Aux Membres de l’OMC, il est conseillé d’examiner et de clarifier le rôle de la science et de la précaution dans le cadre de l’Accord SPS.

On peut constater qu’à la différence de l’OMC, la CNUCED est tournée vers l’action concrète. Ainsi, les projets qu’elle met en place sont en général orientés vers une assistance technique aux pays en développement (‘capacity building’).

Une autre initiative de la CNUCED est liée, elle, plus spécifiquement aux normes privées dans le domaine de l’horticulture. Limitée dans le temps (2005-2008), elle a associé des acteurs divers (producteurs, importateurs, organismes de normalisation, etc.) afin de faire en sorte que les chaînes d’approvisionnement dans le domaine de l’horticulture (en particulier les normes et systèmes de certification) ne constituent pas un obstacle au commerce ou une discrimination à l’égard des petits producteurs des PED. Ce projet, mis en place et financé455 par le Département pour le

développement international du Royaume-Uni (Department for International Development – DFID) en collaboration avec le International Institute for Environment and Development (IIED), était construit autour de trois piliers : la création d’un dialogue entre les acteurs concernés, l’information sur les normes et procédures de mise en conformité, l’élaboration de « best practices » en matière de normalisation et de conformité prenant en compte les besoins spécifiques des petits producteurs.

2. L’OCDE

Avant d’aborder directement la question des normes privées, l’OCDE s’était déjà penchée sur la question des obstacles non-tarifaires, pour étudier leurs effets sur les

454 Rapport précité, p. 5 s.

455 L’Agence suisse pour le développement et la coopération (Swiss Agency for Development and Cooperation – SDC) a

pays en développement456. Elle s’était particulièrement intéressée au cas des labels457 et spécifiquement à celui des écolabels458.

Par la suite, l’OCDE a d’abord examiné l’impact des normes privées sur le système agro-alimentaire dans une étude de 2006, puis a mené des études de cas sur leur effet sur l’accès au marché de quatre pays en développement : le Pérou459, le Chili460, l’Afrique du Sud461 et le Ghana462. Les résultats préliminaires de ces études ont été

présentés dans une communication à l’OMC463. Il ressort de celle-ci que le secteur

alimentaire a connu trois évolutions significatives au cours de la décennie écoulée : - Le mouvement vers l’utilisation de schémas ou systèmes de management volontaires

pour le contrôle des attributs des produits et des processus de production ;

- L’émergence de coalitions d’entreprises ayant pour but d’élaborer des normes collectives ;

- Le recours croissant aux normes interentreprises (business-to business ou ‘B2B’),

456 “Analyse des obstacles non-tarifaires touchant les pays en développement”, Document de travail de l’OCDE sur la

politique commerciale n°16,TD/TC/WP(2004)47/FINAL, 2005.

457“Analysis of Non-Tariff Measures. The Case of Labelling: Overview and Analysis of WTO Data”,

TD/TC/WP(2002)40/FINAL, 2003.

458“Eco-labelling: Actual Effects of Selected Programs”, OCDE/GD(97) 105, aussi “Labelling Requirements for

Environmmental Purposes; Trade Implications of Selected Schemes. Preliminary Outline”, COM/ENV/TD(2002)110, 2002, J. EARLEY, L. KNEALE ANDERSON, “Developing-Country Access to Developed-Country Markets Under Selected Eco- labellingProgrammes”, COM/ENV/TD(2003)30/FINAL, 2003; “Effects of Eco-labelling Schemes: Compilation of Recent Studies”, 2005.

459“Market Access and Private Standards: Case Study of the Peruvian Fruit and Vegetable Markets”;

AGR/CA/APM(2006)23/FINAL, 10 September 2007,

http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote=agr/ca/apm(2006)23/final&doclang uage=en

460“Market Access and Private Standards: Case Study of the Chilean Fruit Markets”,

AGR/CA/APM(2005)27/FINAL, 16 October 2007,

http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote=agr/ca/apm(2005)27/final&doclang uage=en

461“Market Access and Private Standards: Case Study of the South African Fruit Market”,

AGR/CA/APM(2005)28/FINAL, 12 September 2007,

http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote=agr/ca/apm(2005)28/final&doclang uage=en

462“Market Access and Private Standards: Case Study of the Ghana Fruit Markets”,

AGR/CA/APM(2006)22/FINAL, 12 September 2007,

http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote=agr/ca/apm(2006)23/final&doclang uage=en

463 L. FULPONI, “Private Voluntary Standards and Developing Country Markey Access: Preliminary

Results”, G/SPS/GEN/763, 27 février 2007.

Voirégalement“Private Standard Schemes and Developing Country Access to Global Value Chains: Challenges and Opportunities Emerging from four Case Studies”, AGR/CA/APM(2006)20/FINAL, 5

October 2007,

http://www.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf?cote=agr/ca/apm(2006)20/final&doclang uage=en

La dernière tendance traduit une évolution de la norme, d’abord perçue et utilisée comme argument de marketing vis-à-vis du consommateur, vers un recours aux normes comme condition préalable à l’instauration d’une relation d’affaires (que ce soit pour satisfaire aux exigences de la législation nationale ou pour assurer la sécurité et la réputation de l’entreprise en termes de qualité et sécurité des produits). Outre les avantages et inconvénients des normes pour les producteurs des PED, ce document met en lumière cinq facteurs qui constituent des défis importants pour le traitement de la question des normes privées :

- Celles-ci constituent en pratique une exigence obligatoire pour l’accès aux grandes chaînes de distribution.

- Les exportateurs jouent un rôle de liaison très important entre acheteurs et producteurs : ils transmettent les demandes des premiers et assistent les seconds pour les aspects financiers, d’organisation et de contrôle, ainsi que pour les certifications. - Les infrastructures et services au niveau régional sectoriels, tels que les

télécommunications, le transport, l’accès à l’énergie et les dispositifs de tests, sont indispensables afin de pouvoir répondre à la demande commerciale.

- Les petits producteurs courent le risque de se voir exclus du circuit des grands distributeurs en raison du manque de moyens techniques et financiers.

- Le rôle des Etats (à tout le moins ainsi qu’il est perçu par les pays développés) et d’assister les producteurs en leur fournissant le cadre et les infrastructures nécessaire à leur activité commerciale.

A la différence des études menées par d’autres organisations qui sont centrées sur les bénéfices et inconvénients commerciaux des normes privées, l’OCDE met l’accent également sur le contexte dans lequel sont appliquées les normes privées, en insistant sur le rôle d’acteurs qui ne sont pas directement impliqués dans leur application mais créent les conditions nécessaires à celle-ci, tels que les exportateurs (intermédiaires) et les Etats. L’OCDE pose aussi de manière spécifique la question de l’exclusion des petits producteurs des chaînes de valeur globales par les normes privées464. En 2010,

elle publie une étude dédiée spécifiquement à la question des rapports entre normes

464“Private Standard Schemes and Developing Country Access to Global Value Chains: Challenges and Opportunities

publiques et privées465 dans le domaine alimentaire qui démontre la complémentarité entre ces deux types de réglementation.

C. UNIDO, FAO et Banque mondiale : questions d’assistance