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La thèse s‘organise comme la déclinaison de trois figures de la tiercéité – le professionnel, le passant et le parent– construites dans leur rapport archétypique au secours et

167 La recherche s‘attache à construire une terminologie fine des différents acteurs – requérants, bénéficiaires des secours, chaque groupe de professionnels, etc. - mais pour plus de fluidité dans cette présentation rapide des tenants et des aboutissants de la recherche, nous nous en tenons à une désignation générale en terme de « public », de « service » et de « professionnels ».

168 Néanmoins, certains autres centres d‘appels s‘externalisent, et de nombreux professionnels font appel à des centres d‘appel privés généralistes qui emploient des standardistes spécialisés ou non, pour une partie parfois du champ d‘appel. Dans ces trois cas, il y a régulièrement redirection de certains appels à des acteurs spécialisés en fonction du motif d‘appel.

169 Cette expression fera l‘objet d‘un approfondissement. Indiquons déjà que ce qui est à l‘œuvre s‘exprime mieux dans la terminologie anglo-saxonne qui distingue le cure et le care.

à ses autres protagonistes. Elle analyse, tout au long de la recherche, les différentes manières d‘être tiers du professionnel, du parent et du passant dans l‘interaction.

Dans une première partie (I. Le professionnel), consacrée à l‘activité des professionnels du secours et de l‘urgence, nous replaçons l‘échange avec le public dans le contexte d‘une succession rapide d‘interactions le plus souvent triadiques (1) qui forment différentes configurations. Les échanges eux-mêmes s‘inscrivent au cours de l‘interaction dans divers dispositifs techniques, mobilisent des équipements experts, des objets, une ergonomie et finalement une organisation multimodale qui en transforme profondément la nature conversationnelle : l‘échange se fait travail, équipé (2). Le caractère multimodal et hautement interactionnel de l‘activité des pompiers, multitâche et soutenu par toutes sortes de documents des médecins des urgences, interroge la texture même de l‘activité d‘urgence

Entre souci constant des demandes en attente, perçues comme un flux à écouler et des priorités à renégocier, transformation de la crise en cas « parole plurielle »170 et polylogue

permanent, comment les professionnels font-ils face à la multiactivité sous-jacente du secours d‘urgence(3) ?

L‘activité de secours doit s‘organiser dans le contexte d‘une multitude de patients et de pathologies simultanées : comment se traduit-elle en particulier dans l‘organisation des temporalités, des rythmes croisés des professionnels et du public (4). L‘écart de perspectives profond entre professionnels et publics, quant à ce qui fait urgence ne met-elle pas en question la notion même de prise en charge, entre multiactivité d‘un traitement collectif et care work des proches ? Dans quelle mesure les professionnels, pour parvenir à porter secours, ne façonnent et ne se placent-ils pas dans un rapport très différent de celui du patient avec ses

170 M. Lacoste, « Parole plurielle et prise de décision », in E. Goffman, Le parler frais d’Erving

tiers, rapport d‘altérité, diffus et dynamique constamment mis à l‘épreuve par les situations elles-mêmes, et par les non-professionnels au cours de l‘interaction ? Pour porter secours, le professionnel doit en effet avant tout hiérarchiser, trier, et par là, ne pas porter secours immédiatement à tous (5). Nous verrons comment le professionnel opère des cadrages dans l‘interaction pour poser ses propres grilles de lecture et d‘action sur la situation et que ces cadrages sont néanmoins à la fois plastiques, et vulnérables(6). Ayant ainsi cheminé en territoire professionnel pour tenter d‘en caractériser la tiercéité dans ses différentes facettes, nous avons croisés des tiers, donneurs d‘alerte et accompagnants, presque à chaque pas. Si nous avons interrogé ce que fait le professionnel (dans l‘interaction), il nous faut alors nous demander également ce que font les tiers non-professionnels, du passant qui donne l‘alerte au parent qui reste avec le patient dans les services d‘urgences ?

En analysant la part prise par le tiers dans l‘alerte, la deuxième partie (II. Le passant et le parent), se penchera sur l‘auto-mobilisation de l‘inconnu d‘un côté, du parent de l‘autre, les positions dans lesquelles la situation d‘urgence les place et le rôle qu‘ils y jouent.

Nous explorons d‘abord ce qui est en jeu dans l‘appel au secours lorsqu‘il est passé par un tiers qui n‘a pas de lien avec le patient pour lequel il donne l‘alerte (1 le passant). Entre signalement, enrôlement et engagement, nous verrons quels peuvent être les régimes de mobilisation du donneur d‘alerte. Médiateur, porte-parole, partie-prenante, au-delà de l‘alerte nous verrons comment le rôle qu‘il se donne détermine en partie son engagement dans la situation.

Le cas de l‘entourage relève d‘autres logiques, et donne lieu à d‘autres formes d‘engagement (2 le parent). Quelle peut être la forme de l‘implication du parent dans les situations de secours? Comment se présente-t-il alors compte tenu de la place qu‘il occupe ? Son rôle dans la prise en charge de la douleur sera plus particulièrement observé, car il met en

lumière l‘importance que la présence de l‘entourage peut avoir en pratique, dans la qualité et le confort de la prise en charge. Nous verrons qu‘en fait, à toutes les étapes de la prise en charge médicale, la communication avec les proches joue un rôle qui peut être déterminant. Au-delà, c‘est tout un travail de care partagé qui se déploie entre professionnels et parents autour de l‘enfant, au prix, souvent, de son effacement interactionnel… A l‘issue de cette seconde partie, nous aurons identifié et souligné différents rôles joués par des tiers autour du secours d‘urgence qui nous conduiront à revoir le périmètre de ce qu‘il est convenu d‘appeler la « prise en charge » pour y intégrer, outre ce que les professionnels font directement, d‘un côté, tout ce qu‘ils font faire, et de l‘autre, tout ce qui est fait autour du problème, indépendamment d‘eux (Conclusion : Le tiers-paradigme).

Faisant retour sur la multi-activité de C. Licoppe171 et les concepts de « moments » et

de « situations » d‘E. Goffman, nous envisagerons une « situation de secours » qui comprenne non seulement le rôle des services de secours dans leur tiercéité, mais aussi des tiers. Cela nous amènera à dégager une notion, celle de multiactivité situationnelle, afin de rendre compte de ces co-activités.

Le professionnel, le passant et le parent incarnent de façon intéressante l‘actualisation autour d‘un patient du lien entre la solidarité nationale, le souci de l‘autre familial et le souci des autres du citoyen. Par delà les formes de leur mobilisation peut-on penser la tiercéité comme principe ordinaire du secours et avec quelles implications ?

171 C. Datchary, C. Licoppe, « La multi-activité et ses appuis : l‘exemple de la « présence obstinée » des messages dans l‘environnement de travail », @ctivité, 2007.

Ciblée sur les situations de secours en urgence, la recherche se demande donc qui sont ces tiers et comment ils portent secours et s‘inscrivent finalement dans une situation de secours. La thèse porte sur le tiers dans les situations de secours et d‘urgence et interroge ensemble à la fois le secours en tant qu‘il est endossé par des tiers, et la figure du « tiers secourant » comme personnage - méconnu - du jeu social.