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PAA1 IN PLANTA

C. Caractérisation phénotypique du double mutant hma1/paa

Le double mutant hma1/paa1 étant viable, nous avons cherché à savoir si ce double mutant présente des différences morphologiques par rapport aux simples mutants hma1 et paa1.

1. Comparaison de la croissance du double mutant hma1/paa1 par rapport à celle des simples mutants hma1 et paa1.

Les premiers tests effectués pour la caractérisation phénotypique du double mutant hma1/paa1 ont consisté à comparer sa croissance avec celles des simples mutants hma1 et paa1 et des plantes sauvages d'écotypes Col et Ws. Le double mutant possède en effet un fond génétique "mixte" puisqu'il est issu du croisement de mutants d'écotypes différents.

Afin de déterminer l’impact de la concentration en cuivre présent dans le milieu de culture sur la croissance de ces six lignées et en particulier du double mutant hma1/paa1, nous avons utilisé un milieu MS contenant du saccharose non supplémenté en cuivre (Figure 33, A, Cu 0,1 µM) et un milieu MS supplémenté en cuivre (Figure 33, B, Cu 5 µM), La figure 33 montre que l’ajout de cuivre dans le milieu de culture n'a pas d'impact sur la croissance des plantes WT, ni sur celle du mutant hma1. En revanche, sur un milieu MS standard, le mutant paa1 et les doubles mutants hma1/paa1 présentent un retard de croissance très prononcé par rapport aux plantes sauvages et au mutant hma1. Ce retard de croissance est partiellement supprimé par l'apport de cuivre 5 µM dans le milieu de culture (Figure 33, B). Sans ajout de cuivre dans le milieu, le mutant paa1 et les doubles mutants hma1/paa1 présentent aussi une photosensibilité pour des intensités lumineuses supérieures à 50 µmoles de photons / sec / m2 (au delà de ce seuil, les plantules meurent).

Dans ces conditions, la croissance des doubles mutants hma1/paa1 est semblable à celle du simple mutant paa1. La suppression du phénotype du mutant paa1 par ajout de cuivre dans le milieu de culture a été décrite par Abdel-Ghany et collaborateurs (2005). Les auteurs ont conclu qu’il existait une seconde voie d’import de cuivre dans le chloroplaste (Abdel-Ghany et al., 2005). Cette deuxième voie pourrait correspondre à HMA1, la deuxième ATPase à cuivre associée à l'enveloppe des chloroplastes (Seigneurin-Berny et al., 2006). Nous démontrons ici, que lorsque les deux voies d’import du cuivre dans les plastes (voies dépendantes des protéines HMA1 et PAA1) sont affectées, ce n'est pas létal pour la plante. De plus, bien que la croissance de ces plantes soit très affectée, l'ajout de cuivre dans le milieu

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85 peut partiellement "sauver" ces doubles mutants hma1/paa1. En d’autres termes, ces résultats démontrent qu'il existe dans l'enveloppe des chloroplastes, une troisième voie d’import de cuivre, voie encore non caractérisée à ce jour.

Figure 33 : Le double mutant hma1-paa1 est viable et se comporte comme le simple mutant paa1 sur un milieu contenant du saccharose.

Des plantes de type WT d’écotype Col et WS, les deux doubles mutants hma1/paa1 31B.33 et 136.23 ainsi que les simples mutants hma1 et paa1 ont été mis en culture sur milieu MS supplémenté avec du saccharose 0,5 % (p/v) et contenant A : du CuSO4 0,1 µM et B : du CuSO4 5 µM. Les photos ont été prises après 29 jours de

culture sous une intensité lumineuse de 100 µmoles de photons / sec / m2.

2. Le double mutant paa1/hma1 est plus photosensible que le simple mutant paa1

Le mutant paa1 est photosensible mais peut se développer presque normalement en présence de cuivre dans le milieu et sous une faible intensité lumineuse. Le mutant hma1 présente uniquement un phénotype de photosensibilité pour de fortes intensités lumineuses, qui se traduit par un blanchiment total ou partiel des feuilles. Nous avons analysé l’impact de l’intensité lumineuse sur la croissance du double mutant hma1/paa1. Afin de permettre un développement optimal du mutant paa1 et du double mutant hma1/paa1, du cuivre en concentration supérieure ou égale à 5 µM a été ajouté au milieu de culture.

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86 Figure 34 : Le double mutant hma1/paa1 est plus photosensible que le mutant paa1.

Des graines issues du double mutant hma1/paa1 (lignée 136.23) et du simple mutant paa1 sont mises en culture sur du milieu MS contenant du saccharose 0,5 % (p/v) et différentes concentrations de cuivre (A : CuSO4 5 µM ;

B : CuSO4 10µM ; C : CuSO4 20 µM). Les photos ont été prises après 21 jours de culture sous une intensité

lumineuse de 50, 150 et 200 µmoles de photons / sec / m2.

L'ajout de 5 et 10 µM de cuivre dans le milieu de culture permet au double mutant hma1/paa1 et au mutant paa1 de se développer pour des intensités lumineuses allant jusqu’à 150 µmoles photons /sec / m2 (Figure 34, colonnes 50 et 150 µE). Une concentration de cuivre plus importante (20 µM) est toutefois nécessaire pour que ces mutants puissent se développer en lumière plus forte (200 µmoles photons /sec / m2). Ces résultats indiquent que la suppression du phénotype de photosensibilité est dépendante de la quantité de cuivre présent dans le milieu, mais qu’elle n’est pas totale, en particulier lorsque l'activité photosynthétique augmente (à 200 µmoles photons / sec / m2).

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87 En présence de 5 µM de cuivre et sous une intensité lumineuse de 50 µmoles photons / sec / m2, le double mutant hma1/paa1 se développe comme le mutant paa1 (Figure 34, A.). Lorsque les plantes sont placées sous une intensité lumineuse plus forte (150 µmoles photons / sec / m2), le double mutant hma1/paa1 semble présenter un blanchiment de ses feuilles. La différence de phénotype n’est plus visible lorsque les plantes sont placées sous une intensité lumineuse de 200 µmoles photons / sec / m2, car les deux lignées sont très fortement affectées. La photosensibilité du double mutant hma1/paa1, se traduisant par un blanchiment partiel des feuilles, est aussi observée lorsque les plantules se développent dans un milieu contenant 10 et 20 µM de cuivre et pour des intensités lumineuses de 150 et 200 µmoles photons /sec / m2 (Figure 34, B. et C.).

Ces résultats indiquent probablement un effet cumulatif de la perte de fonction de HMA1 et de PAA1. Ces observations renforcent l'hypothèse selon laquelle ces deux protéines ont des rôles complémentaires dans la cellule. Elles suggèrent aussi que la troisième voie d'import du cuivre dans le chloroplaste utilise probablement un transporteur de faible affinité pour le cuivre qui ne peut complémenter la perte de HMA1 et PAA1 seulement en condition de faible intensité lumineuse et en présence de fortes concentrations en cuivre dans le milieu.

3. Croissance du double mutant hma1/paa1 en condition photoautotrophe

Les conditions de culture photoautotrophes ont permis de révéler un phénotype associé à la perte de HMA1 (Figure 29). Nous avons donc analysé la croissance des doubles mutants hma1/paa1 dans ces mêmes conditions.

Dans ces conditions de culture, les deux lignées de plantes WT (écotypes Col et WS) ont une croissance comparable quel que soit le milieu (Figure 35). Comme décrit précédemment, le mutant hma1 présente un jaunissement des feuilles et un retard de croissance par rapport aux plantes WT en absence de cuivre dans le milieu (Figures 29 et 35 A.). Ce phénotype est supprimé par l’ajout de cuivre dans le milieu de culture et le mutant hma1 présente une croissance similaire aux plantes WT lorsque du cuivre (5 et 10 µM) est ajouté au milieu de culture.

Les deux lignées du double mutant hma1/paa1, tout comme le simple mutant paa1 ne sont pas viables sur milieu MS dépourvu de saccharose contenant une concentration en cuivre inférieure ou égale à 0,1 µM (Figure 35 A et B). Lorsque du CuSO4 (5 µM ou 10 µM) est

ajouté au milieu de culture, le phénotype de ces trois lignées est partiellement supprimé. Les plantules sont viables mais présentent un retard de croissance par rapport aux lignées sauvages.

La photosensibilité de ces différentes lignées n’a pu être testée en condition photoautotrophe car les plantules meurent dès qu'elles sont cultivées sous une intensité lumineuse supérieure à 100 µmoles de photons / sec / m2 (non montré).

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88 Figure 35 : Le double mutant hma1/paa1 présente un phénotype similaire au mutant paa1 lorsqu'il est cultivé en condition autotrophe

Des plantes de type WT (écotypes Col et WS), les deux doubles mutants

hma1/paa1 31B.33 et 136.23 ainsi que les simples mutants hma1 et paa1

sont mis en culture sur milieu MS dépourvu de saccharose et contenant différentes concentrations de cuivre : A, CuSO4 0 µM ; B, CuSO4 0,1 µM,

C : CuSO4 5 µM et D, CuSO4 10 µM. Les photos ont été prises après 21

jours de culture sous une intensité lumineuse de 50 µmoles de photons / sec / m2.

Ces résultats indiquent qu'en condition photoautotrophe et en présence de faibles concentrations en cuivre, la troisième voie d'import du cuivre dans le chloroplaste n'est pas fonctionnelle. Dans ces conditions, seules HMA1 et PAA1 peuvent importer du cuivre dans le chloroplaste pour garantir le fonctionnement de la photosynthèse et donc le développement de

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89 la plante en condition photoautotrophe. La troisième voie d'import du cuivre pourrait donc dépendre d’un transporteur de basse affinité pour le cuivre (suppression partielle du phénotype en présence de concentration en cuivre supérieure à 5 µM). En condition de fortes intensités lumineuses, l’utilisation d’une concentration en cuivre élevée ne permet pas non plus de complémenter le double mutant hma1-paa1. Cela suggère que dans ces conditions, la troisième voie d'import du cuivre est limitante et ne peut pas fournir suffisamment de cuivre pour garantir le fonctionnement de la chaîne de transfert d'électron et la détoxification des ROS produits en forte lumière.

D. Conclusion

Le double mutant hma1/paa1 a pu être obtenu et contre toute attente, il est viable. La caractérisation de son phénotype indique que sa croissance est très similaire à celle du mutant paa1 et qu’il existe très probablement une troisième voie, encore non caractérisée, pour l’import du cuivre dans le chloroplaste.

Abdel-Ghany et collaborateurs ainsi que Shikanai et collaborateurs (Shikanai et al., 2003 ; Abdel-Ghany et al., 2006) ont observé que le phénotype du mutant paa1 peut être supprimé lorsque l’on augmente la concentration en cuivre dans le milieu de culture. La suppression de ce phénotype est liée la formation d’holo-plastocyanine et de holo-SOD Cu/Zn attestant qu’une plus grande quantité de cuivre est présente dans le chloroplaste. Les auteurs ont donc émis l’hypothèse qu’il existait deux transporteurs de cuivre dans l’enveloppe du chloroplaste. En 2006, les résultats obtenus lors de la caractérisation de HMA1 ont permis de proposer que cette protéine est le deuxième transporteur de cuivre associé à l’enveloppe du chloroplaste mais aussi un bon candidat pour expliquer la suppression du phénotype de paa1 (Seigneurin- Berny et al., 2006).

Le double mutant hma1/paa1 présente un phénotype très similaire à celui du mutant paa1 suggérant que HMA1 n’est pas le transporteur impliqué dans la suppression du phénotype de ces deux lignées. En effet, si tel était le cas, le phénotype du double mutant ne pourrait être supprimé par ajout de cuivre dans le milieu de culture.

Il existe donc une troisième voie d’import de cuivre encore non caractérisée dans le chloroplaste. L’enveloppe des plastes contient un très grand nombre de protéines dont la fonction est inconnue (Ferro et al., 2002 ; Ferro et al., 2003 ; Ferro et al., Soumis). Parmi les protéines de l’enveloppe déjà caractérisées, PIC1 qui est impliquée dans le transport du fer, pourrait être un candidat pour ce troisième transporteur de cuivre. En effet, Duy et collaborateurs ont montré que l’expression de cette protéine pouvait supprimer la perte de fonction de CTR1, un transporteur de cuivre présent chez la levure (Duy et al., 2007). Nos expériences suggèrent aussi que ce troisième transporteur aurait une faible affinité pour le cuivre. Ceci est cohérent avec l'hypothèse qu'un transporteur de métal, autre que le cuivre, puisse dans certaines conditions extrêmes, transporter du cuivre à la place de son substrat

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90 naturel. La faible affinité pour le cuivre permettrait à cette protéine PIC1 de transporter en priorité son substrat spécifique.

En présence de cuivre dans le milieu de culture, le double mutant hma1-paa1 présente un phénotype de photosensibilité (dès 150 µmoles de photons / sec / m2) qui se traduit par un blanchissement partiel ou total des feuilles. Ce phénotype n'est pas observé pour le mutant paa1 et correspond au phénotype déjà observé chez le mutant hma1 pour des intensités lumineuses supérieures à 280 µmoles de photons / sec / m2. Ces observations suggèrent que le phénotype du mutant hma1 se cumule au phénotype du mutant paa1. La photosensibilité est observée pour des intensités lumineuses plus faibles dans le cas du double mutant hma1-paa1. Ceci est probablement dû à la carence en cuivre plus importante dans ces lignées. Ces informations suggèrent des rôles complémentaires pour HMA1 et PAA1.

Nous avons aussi noté que ce phénotype est plus marqué pour la lignée double mutante 31B.33 issue des plantules de génotype hh/pP. Les doubles mutants résultant d'un croisement entre un mutant issu de l’écotype WS et un mutant issu de l’écotype Col, il est possible que ces deux lignées n'aient pas le même fond génétique et ne se comportent donc pas de façon tout à fait similaire. En effet, Schiavon et collaborateurs (2007) ont montré que l’écotype Col est plus sensible au cuivre que l’écotype WS. Ces auteurs mettent aussi en évidence des différences d'expression de certains gènes liés à l'homéostasie du cuivre entre les deux écotypes. Par exemple, le gène codant pour ATX1, une chaperonne à cuivre cytosolique est surexprimé lorsque l’écotype Col est placée dans un milieu riche en cuivre alors qu'il est réprimé dans l’écotype WS (Schiavon et al., 2007). Cela indique que les mécanismes de contrôle de l’homéostasie du cuivre entre ces deux écotypes sont sensiblement différents. Le brassage génétique entre ces deux écotypes peut donc induire des variations dans la régulation de l’homéostasie du cuivre.

La caractérisation du double mutant hma1-paa1 va être poursuivie par l’analyse des réponses transcriptionnelles de gènes liés à l’homéostasie du cuivre ainsi que par le dosage de métaux dans les feuilles et les chloroplastes de ces plantes.

IV. IMPACT DE LA SUREXPRESSION DE HMA1 DANS UN FOND GENETIQUE MUTANT PAA1

Afin de déterminer si HMA1 présente des redondances fonctionnelles avec PAA1, nous avons cherché à savoir si HMA1 était capable de compenser la perte de fonction de PAA1 in planta. Pour cela, nous avons surexprimé HMA1 sous le contrôle d’un promoteur constitutif fort dans le mutant paa1-1. S’il y a une redondance fonctionnelle entre les deux protéines, il était attendu que le phénotype de photosensibilité de paa1 puisse être partiellement supprimé par la surexpression de HMA1.

Comme le démontrent les résultats obtenus en système hétérologue levure, HMA1 possède une domaine N-terminal riche en histidines potentiellement impliqué dans la régulation de

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91 l’enzyme (Seigneurin-Berny et al., 2006). Mana-Capelli et collaborateurs ont démontré que le domaine N-terminal riche en histidines de CopB a un rôle de régulation de l’enzyme. En effet, cette ATPase d’Archaeoglobus fulgidus est affectée dans sa déphosphorylation lorsque son N- MBD est manquant (Mana-Capelli et al., 2003). La surexpression de HMA1 dépourvue de cette séquence in planta pourrait nous permettre de mieux comprendre le fonctionnement de ce domaine riche en histidines. Pour ces raisons, nous avons surexprimé deux formes de HMA1 dans le mutant paa1 : la forme entière de HMA1 et une forme dépourvue de sa séquence riche en histidines appelée HMA1∆HIS.