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Caractérisation des films de BiFeO 3

Chapitre 4 Croissance de BiFeO 3

4.2 Les dépôts de BiFeO 3 par MOCVD

4.2.2 Dépôts de Bi-Fe-O

4.2.2.3 Caractérisation des films de BiFeO 3

Nous présentons dans ce paragraphe les caractérisations structurales et microstructurales des films. Nous avons de plus mesuré les propriétés magnétiques des films. Nous n’avons pas pu effectuer de mesures ferroélectriques sur les films de BiFeO3, car ils ont été déposés

directement sur SrTiO3 qui est isolant. Il aurait fallu faire croître les films sur une couche

électrode comme SrRuO3, ou sur substrat STO dopé, pour pouvoir mesurer les caractéristiques

livrée directement dissoute, nous a conduit à limiter notre étude. En effet, la conservation des précurseurs est difficile, une fois que le bulleur est ouvert. Pour l’équipement MOCVD du LTM, une solution est actuellement à l’étude, afin de pouvoir connecter directement le bulleur aux injecteurs, en évitant tout contact avec l’atmosphère.

Analyses par diffraction X

Les paramètres cristallins hors du plan, pour les films avec Xs=1, Xs=1,1 et Xs=1,2 ont été déduits des analyses de diffraction X de la Figure 4.2.7. On mesure 2θ003=69,970° pour Xs=1,

2θ003=69,875° pour Xs=1,1, 2θ003=69,61° pour Xs=1,2, ce qui conduit aux paramètres

d001=0,403 nm, d001=0,404 nm, d001=0,405 nm (respectivement pour Xs=1, Xs=1,1 et

Xs=1,2). Les films apparaissent donc contraints car d001, BFO=0,3960 nm (soit une différence de

paramètre de maille de 2% selon l’axe c pour le film en comparaison du matériau massif). Selon l’axe [001], on observe une dilatation de la maille cristalline de BiFeO3, le film semble donc contraint

de façon compressive dans le plan du film, ce qui est cohérent avec le fait que le substrat présente un paramètre d001 inférieur à celui de BiFeO3 (d001, STO=0,3905 nm).

Morphologie du film - Analyses en microscopie électronique à transmission

Les caractérisations en microscopie électronique à transmission du film obtenu pour Xs=1,1 sont présentées sur la Figure 4.2.8. Le film a une épaisseur totale comprise entre 23 nm et 30 nm, soit une vitesse de croissance estimée à 55 – 72 nm.hr-1. Il est texturé dans la direction

<001>. Sur le cliché MET présenté, on ne distingue pas de joint de grains et le film semble constitué de façon homogène de BiFeO3 texturé. L’image ne permet cependant pas de

distinguer clairement la qualité de l’interface. Le cliché de diffraction est pris selon une direction parallèle au plan du substrat. Son analyse mène aux paramètres de maille suivants: d001= 0,403 nm et d010=0,393 nm. Cela révèle que le film est soumis dans le plan à une

contrainte hétéroépitaxiale avec dilatation de la maille selon l’axe c, et contraction des paramètres dans le plan. Les analyses du cliché de diffraction électronique concordent avec les mesures effectuées sur le diagramme de diffraction X de la Figure 4.2.7-b. Le film est rugueux (rms~2,4 nm ; voir l’image AFM présentée sur la). L’image AFM témoigne de la présence de

différents grains. L’image MET ne permet pas de distinguer les différents grains car les orientations cristallines entre deux grains voisins sont très proches. On parle alors de sous joints de grains.

Analyses XPS

L’état de valence du cation fer a été analysé par spectroscopie XPS. Le spectre du niveau de cœur Fe2p pour un film de BiFeO3 de ~30 nm est présenté sur la Figure 4.2.9. La

déconvolution du spectre Fe2p est plus complexe à interpréter pour le composé BiFeO3, (par

rapport aux spectres de γ-Fe2O3 ou Fe3O4). Nous avons vu dans le § 4.1.2.1 qu’au sein du

cristal de BiFeO3, il y a deux distances Fe-O différentes. Nous avons donc déconvolué le

spectre XPS Fe2p en tenant compte de cela, soit en utilisant 2 pics pour la contribution des ions Fe3+, et 1 pic pour la contribution des ions Fe2+. Les différentes contributions Fe2p

3/2 et

Fe2p1/2 pour les cations Fe2+ et Fe3+ sont présentées selon les données du tableau de la Figure

4.2.9-a. La nécessité d’utiliser le pic 1 (ions Fe2+) et le pic 2 (ions Fe3+) pour déconvoluer

convenablement le flanc droit du pic principal Fe2p3/2 traduit de façon fiable la présence d’ions

Fe2+. Le film présente donc une valence mixte de cations Fe3+/Fe2+, qui est différente de la

Figure 4.2.8 : Analyse en microscopie électronique à transmission du film de BiFeO3 obtenu à Xs=1,1. Sur le

cliché de diffraction, l’indice S correspond au substrat et l’indice B à BiFeO3.

Figure 4.2.9: a) Données utilisées pour la déconvolution ; b) Spectre XPS du niveau de cœur Fe2p effectué pour un film de BiFeO3 (épaisseur ~ 30 nm)

a) pic POSITION +/-0,1eV CONTRIBUTION 1 710,0 Fe 2p 3/2 de Fe(II) 2 711,2 Fe 2p 3/2 de Fe(III) 3 712 Fe 2p 3/2 de Fe(III) 4 714,5 Satellite shake up de Fe 2p3/2 de Fe(II) 5 719,2 Satellite shake up de Fe 2p3/2 de Fe(III) b)

Pour les dépôts de BiFeO3 en couches fines (e < 120nm), d’autres auteurs ont déjà émis la

possibilité de cette valence mixte Fe2+/Fe3+. L’explication la plus simple pour la présence des

ions Fe2+ est qu’il y a formation de lacunes d’oxygène pour les fines épaisseurs [EER2005,

EDE2005b]. Dans ces conditions, BiFeO3 doit perdre son potentiel ferroélectrique. Cependant,

Wang et al. ont obtenus des films de BiFeO3 sur SrTiO3, d’une épaisseur comprise entre 70 nm

et 120 nm, avec une valence mixte Fe2+/Fe3+, mais qui présentent de façon inattendue des

propriétés électriques élevées.

Nos mesures XPS montrent que la valence mixte Fe2+/Fe3+ dans les films minces de BiFeO 3 ne

semble pas liée à la technique de dépôt. Il est difficile cependant d’exclure totalement la présence d’une seconde phase Fe3O4 dans nos films de BiFeO3. Sa présence n’apparaît ni sur le

cliché de diffraction électronique, ni sur les spectres de diffraction X, cependant, il faut noter que comme les paramètres de maille de Fe3O4 et de BiFeO3 sont relativement proches (d001, BFO= 0,396 nm et d002, Fe3O4= 0,419 nm), la présence minoritaire de Fe3O4 n’est pas forcément

évidente à détecter.

Par contre, les dépôts de BiFeO3 ont été effectués en atmosphère très oxydante (PO2=3,3

mbar). Dans ces conditions, nous avons vu au chapitre III que la phase Fe3O4 est totalement

oxydée en γ-Fe2O3. Ainsi, il nous semble que la valence mixte Fe2+/Fe3+ soit plutôt liée à des

effets d’interface.

Nous pensons à deux mécanismes distincts permettant d’expliquer l’apparition de cette valence mixte Fe2+/Fe3+ :

- Le premier est lié aux interactions électrostatiques entre le substrat STO et le film de BiFeO3

en croissance. Matjivestik et al. [MAT1996] ont déjà souligné que pour les premières monocouches d’un dépôt, la stœchiométrie des cations dépend de la surface du substrat et est différente de la stœchiométrie du massif. Les auteurs pensent que les interactions électrostatiques entre les plans de surface du substrat et du dépôt semblent pouvoir déterminer la structure à l’interface. Dans le cas présent, les substrats de STO ont été préparés de façon à contrôler un état de surface de type –TiO2. Si on considère les valences

chimiques selon une description ionique de STO et BiFeO3, le substrat STO est constitué de

couches non polaires de SrO et TiO2, alors que BiFeO3 est constitué d’un empilement de

couches polaires (BiO)+ et (FeO

2)-. Durant les premières étapes de la croissance, il y a donc

formation d’une interface fortement polarisée. Pour satisfaire les conditions de neutralité des charges à l’interface, il peut y avoir une redistribution des charges, avec formation de lacunes, d’oxygène, de bismuth ou de fer. Cet argument est renforcé par le fait que le bismuth est connu pour être volatile.

- Le second argument est lié de façon directe aux mécanismes de croissance. Dans le cas de la croissance d’un film de Fe3-δO4 sur substrat STO et sur substrat MgO, nous avons observé que

lorsque les films sont fins (e<7-10 nm), l’environnement chimique du fer est perturbé. Nous avons attribué cette perturbation à l’augmentation de la proportion des ions Fe2+. Dans le cas

de la croissance de Fe3-δO4, la formation d’ions Fe2+ est vraisemblablement liée à des lacunes

d’oxygène plutôt qu’à des effets électrostatiques d’interface. Nous pensons donc que l’oxydation des premières monocouches d’oxyde de fer est difficile. Les constations d’autres auteurs pour la croissance des oxydes de fer, sur différents substrats, vont dans ce même sens car ils observent la formation d’une première couche sous stœchiométrique en oxygène. Il semble en conséquence que les mécanismes pour l’oxydation sont modifiés lors de la croissance des premières monocouches. Il est possible que cela soit lié à une adsorption difficile de l’oxygène sur les substrats, ou à une cinétique d’oxydation limitée.

Figure 4.2.10: Schéma proposé pour la séquence d’empilement des premières monocouches de BiFeO3 sur un

substrat (001) STO préparé de façon à sélectionner les plans TiO2 en surface. Les charges des plans sont

déduites du modèle ionique.

TiO

2

SrO

(BiO)

+

(FeO

2

)

-

Sr

Ti

Fe

Bi

O

substrat

film

TiO

2

SrO

(BiO)

+

(FeO

2

)

-

Sr

Ti

Fe

Bi

O

substrat

film

Mesures magnétiques

Nous avons effectué des mesures du comportement magnétique par VSM. Les variations du moment magnétique en fonction du champ magnétique appliqué sont présentées sur la Figure 4.2.11. Le film présente une aimantation à saturation de 70 emu.cm-3 (0,35 µ

B/Fe) et un faible

champ coercitif de 130 Oe. Ce comportement magnétique est proche de celui relevé par Wang et al. [WAN2005] qui mesurent un moment magnétique de ~150 emu.cm-3 (0,7µ

B/Fe) et un

champ coercitif de ~ 200 Oe pour des films de BiFeO3 d’une épaisseur de 70 nm. Nous

rappelons que pour BiFeO3 massif, on attend un moment magnétique de 0,05 µB [EDE2005a]

(en considérant l’absence de la spirale cycloïdale).

Comme nous l’avons expliqué (§ 4.1.3), les raisons pour le magnétisme important dans les

couches minces, comparé au massif, ne sont pas clairement déterminées. Différentes explications peuvent être avancées :

- la présence dans nos films de phases parasites telles que Fe3O4 peut être une hypothèse,

néanmoins, on n’en détecte pas la trace sur le cliché de diffraction des électrons, ni sur le spectre de diffraction des rayons X et nous sommes dans des conditions oxydantes qui favoriseraient plutôt la croissance de Fe2O3 (Cf. Chapitre III).

- Selon Eerstein et al. c’est la présence de lacunes d’oxygène qui est responsable de l’apparition de la valence mixte Fe2+/Fe3+, et un arrangement ferrimagnétique entre les ions

Fe2+ et les ions Fe3+ mène à l’apparition d’un moment magnétique spontané. Il est certain que

dans les composés perovskites, il y a facilement formation de lacunes en oxygène.

- Enfin, Wang et al. ainsi que Ruette et al. [WAN2005, RUE2004] estiment qu’il est possible que les spins sont inclinés plus fortement lorsque BiFeO3 est déposé en couches minces, soit

car il est contraint hétéroépitaxialement, soit à cause de lacunes d’oxygène (ou les deux mécanismes simultanés), en supposant que la spirale cycloïdale est détruite pour BiFeO3

Figure 4.2.11 : Mesures magnétiques effectuées sur des films de BiFeO3