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disciplinaire scolaire

Domaine 4 : Les systèmes naturels et les systèmes techniques

3. Caractérisation des scénarios d’apprentissage en sciences

Les enchaînements de focalisations que nous avons repérés pendant les séances révèlent une manière différente de conduire l’enseignement chez les trois enseignants. Nous en reprenons les moments clés que nous explicitons et qui nous permettent d’en déduire des scénarios d’enseignement de la discipline personnalisés.

3.1. Scénario d’enseignement développé par M1

Tout au long de la séance, M1 s’attache donc à décrire, nommer et expliquer la feuille et sa constitution par la mise en œuvre d’un questionnement fermé dominant dans le scénario que nous établissons et que nous reprenons de manière synthétique dans le tableau 10 ci-dessous :

➢ Présentation de la situation (étude des feuilles)

Questionnement fermé sur le vocabulaire (forme et le nom de la feuille) + apport d’information

(vocabulaire)

Questionnement fermé sur vocabulaire (nom des traits de la feuille) + apport d’information

(vocabulaire : les nervures)

Explication de la nutrition des feuilles+ apport d’information (rôle des nervures) Questionnement fermé sur la forme, la taille, le nom des feuilles (vocabulaire) Questionnement fermé sur la disposition des nervures pour les dessiner (vocabulaire)

Questionnement fermé sur le vocabulaire (nom de la tige) + apport d’information (vocabulaire : le pétiole)

Explication de la nutrition des feuilles+ apport d’information (rôle de la sève) Questionnement fermé sur le vocabulaire (vérification de la mémorisation)

Apport d’information fruit/feuille/graine (vocabulaire)

161 Ainsi, M1 focalise sur du vocabulaire spécifique aux sciences par l’intermédiaire d’un questionnement fermé par lequel elle transmet aux élèves les éléments de savoir dont elle est détentrice. Elle choisit d’expliquer elle-même les savoirs scientifiques complexes, comme celui de la nutrition des feuilles, privilégiant tout au long de la séance la découverte et la mémorisation de mots à la prise en compte des remarques d’élèves et au questionnement en rapport avec les savoirs scientifiques.

• Lors de l’atelier de sciences, les élèves s’approprient le scénario déroulé par l’enseignante. En effet, ils ont compris qu’il s’agissait de retenir et de répéter le vocabulaire apporté et relatif à la description des feuilles :

MAIT 74 : avec des dents/elles sont = alors tout à l'heure j'ai dit dentelées aux copains mais y

aussi un autre mot qu'on peut utiliser c'est dentées/c'est= on peut dire les deux mais je pense que dentées c'est plus facile à retenir

PAU 75 : dentelées et dentées

MAIT 87 : les feuilles de radis effectivement elles ont des petites dents elles sont dentées […] EUL 91 : là elles sont dentées

PAU 97 : elles aussi elles sont dentées

MAIT 100 : tout le monde regarde les feuilles de lunaire/elles sont= GAB 101 : dentées

MAIT 102 : dentées en effet

MAIT 104 : et l'œillet d'Inde aussi regardez alors là elles sont bien dentées elles sont bien

dentées […]//elles sont bien dentées oui

MAIT 106 : et ça ce sont les feuilles de haricot/est-ce qu'elles sont dentées les feuilles de haricot

MAIT 189 : […] /c'est bien vous avez bien=vous avez bien appris/vous avez bien été concentrés/

est-ce que vous pouvez juste me redire rapidement comment on appelle une feuille où il y a des petites:: pointes sur les côtés on dit qu'elle est comment la feuille

JOS 190 : dentée

MAIT 191 : dentée

Toutefois ce genre de scénario ne permet pas aux élèves de s’approprier les manières d’agir-parler-penser de la discipline, car le « parler » développé se limite à des éléments de vocabulaire qui ne sont d’ailleurs pas tous spécifiquement disciplinaires. Faire des sciences serait apprendre un vocabulaire scientifique.

3.2. Scénario d’enseignement développé par M2

M2 amène les points de focalisation en fonction de ce que disent les élèves et qu’elle perçoit comme pouvant baliser un chemin possible vers la construction du savoir et diffère ceux qui qui ne sont pas tout à fait dans la cible du moment, sans pour autant les rejeter. Elle semble donc garder en tête le but qu’elle s’est fixé tout au long de sa séance, mais reste ouverte au

162 programme73 des élèves pour construire le chemin vers le savoir visé en tissant la part provenant des élèves avec son propre programme d’enseignement. Ainsi, M2 opte pour une construction du savoir au fur et à mesure d’un raisonnement logique qu’il s’agit de jalonner au cours du processus d’enseignement. Ce déroulement nous amène à élaborer le scénario d’apprentissage suivant, qui nous semble représentatif de sa pratique en sciences :

➢ Mise en évidence d’une situation problème (« mode de déplacement » des vers à soie) et

questionnement ouvert

Tissage

Questionnement ouvert (les oreilles)

Tissage (pas de rapport entre oreilles et déplacements)

➢ Nouveau questionnement ouvert (nombre de pattes) et questionnement explicatif Tissage (nombre de pattes/insecte)

➢ Nouveau questionnement ouvert (la soie) Questionnement explicatif (le cocon) Questionnement ouvert (la chenille)

Tissage avec les interactions précédentes et retour sur la situation problème (mode de déplacement des vers à soie)

Tissage/verbalisation du savoir construit (le ver à soie est une chenille)

Tableau 11 : Type de scénario d'enseignement développé par M2 en sciences

Chez M2 les éléments de focalisation sont non seulement le plus souvent issus du discours des élèves, renforçant leur implication, en faisant l’objet d’un questionnement plutôt ouvert mais aussi constitutifs des caractéristiques du savoir visé. Par ailleurs l’enseignante s’attache à verbaliser des points d’étape et à expliciter les liens via une activité langagière de tissage par la pratique de reformulations régulières, qu’elle produit ou qu’elle fait produire aux élèves pour les maintenir centrés sur l’objectif visé, s’assurant ainsi de la régularité et du partage de leur compréhension tout au long du processus. Le scénario aboutit sur un savoir coconstruit, résultat des raisonnements conduits tout au long de l’activité et reformulés par l’enseignante en fin de séance.

Le tableau 25 (« Exemples de traces d’appropriation de raisonnements chez les élèves de M2 en sciences »p.188 )74montre que plusieurs élèves s’approprient les conduites explicatives de l’enseignante en sciences, soit par reproduction du modèle explicatif , soit par appropriation

73 Au début de l’âge scolaire « un programme d'enseignement et d'éducation devient possible. Cependant, ce n'est pas encore un programme scolaire. Il doit être encore dans une certaine mesure le programme de l'enfant lui-même. » (Vygotski, 1935/1995)

163 du raisonnement déductif, soit par reprises d’éléments significatifs des raisonnements antérieurs pour tenter des verbalisations du savoir sur le modèle de l’enseignante dont ils ont perçu et adopté le scénario, rendu identifiable par son activité langagière et surtout par ses très nombreuses opérations de tissage.

3.3. Scénario d’enseignement développé par M3

Dans le discours de M3, les objets de focalisations, moins connectés entre eux, sont proposés par l’enseignant, indépendamment du discours des élèves. La comparaison des modalités de focalisation opérées par M2 et M3 met en évidence un plus grand nombre de points de focalisations pour orienter les élèves chez M3, qui les guide sans que leurs remarques n’interfèrent dans son projet de séance, en suivant les étapes qu’il a anticipées dans le temps qu’il a prévu d’y consacrer. Il sait quelle expérience il veut que les élèves réalisent pour amener au résultat attendu et situe son action dans le dévoilement d’un savoir préexistant que la situation proposée vise à illustrer.

MAIT 196 : alors final’ment comme tu sais déjà tout on n’a même pas besoin de l’faire MAIT 47 : alors/on verra on f’ra l’expérience […] / on verra

De manière synthétique, nous élaborons le scénario suivant qui nous semble représentatif de la conduite de la séance mise en œuvre par M3 :

Questionnement fermé sur un constat d’observation (T-shirt mouillé devenu sec)

➢ Questionnement fermé sur vocabulaire (l’air) + apport d’information (la vapeur d’eau est invisible) Questionnement fermé sur le vocabulaire + apport d’information (la vapeur est un gaz)

➢ Questionnement ouvert rapide sur une nouvelle observation (le chiffon est moins mouillé que le T-shirt)

➢ Nouveau constat d’observation (évaporation de l’eau dans un bac)

➢ Nouveau questionnement fermé sur un constat d’observation (mesure du niveau d’eau et de la température)

➢ Questionnement ouvert d’anticipation (qu’est-ce qui pourrait se passer avec plus de temps ?) ➢ Questionnement ouvert rapide sur les possibilités de mise en œuvre de l’expérimentation

Questionnement fermé rapide sur une expérience quotidienne (référence) connue

Description de l’expérience proposée sur l’évaporation ➢ Focalisation sur le schéma à réaliser

Tableau 12 : Type de scénario d’enseignement développé par M3 en sciences

Ce scénario s’appuie sur un questionnement plutôt fermé, issu de différents constats d’observations, et alterné avec des apports d’informations tôt dans la séance. L’enseignant

164 cherche ainsi à se focaliser rapidement sur la réalisation de l’expérimentation qu’il prévoit de manière à ce que le résultat corresponde à ses attentes. Celle-ci est envisagée pour illustrer le savoir transmis en amont, et pour être finalisée par un schéma.

Le scénario basé sur un questionnement essentiellement fermé limite considérablement l’élaboration langagière des élèves qui répondent aux questions par des mots isolés ou formulent de courtes phrases pour décrire des constats. L’activité langagière de l’enseignant pendant la séance invite quand même à la construction d’un point de vue particulier en s’intéressant à des faits d’ordre scientifique (par exemple la disparition de l’eau) avec un discours majoritairement au présent pour faire état d’observations ou pour généraliser un phénomène, qui le distingue du discours du récit :

MAIT 37 : « mais avant d’aller dans les nuages c’est quoi »

MAIT 60 : « […] c’est quoi la vapeur d’eau/quand elle part dans l’air comme ça qu’on n’la voit

plus= »

MAIT 98 : « elle s’évapore beaucoup moins bien comme ça quand il est en boule »

dont les élèves arrivent parfois à s’emparer au cours de la séance :

JOS 55 : « la pollution c’est aspiré par les arbres et après les arbres y ressortent la pollution

mais en air propre »

LILO 171 : « et ça met heu: # »

LILO 173 : « beaucoup plus longtemps que sur le T-shirt et sur le mouchoir/du coup on peut

mettre de l’eau sur le T-shirt […] »

Mais nous repérons peu de traces d’appropriation du scénario dans les discours d’élèves.

3.4. Synthèse comparative des scénarios déroulés par les trois enseignants

La démarche proposée par M2 nous semble la plus en prise avec les interactions des élèves. Elle est jalonnée de points de repères qui s'enchaînent et qui s’appuient sur des raisonnements que l’enseignante s’efforce de rendre visibles et compréhensibles par des reformulations filées et systématiques tout au long du processus et accompagnées de connexions clairement verbalisées. Les éléments de langage choisis montrent un tissage régulier entre l’observation et l’activité explicative. Il s’agit pour elle de faire découvrir le réel par des observations, puis d’en tirer un questionnement, de revenir sur le réel pour vérifier la

165 plausibilité des raisonnements émis, et de rassembler en fin de séance, par une opération de reformulation synthétique, les éléments de savoir issus de l’activité produite par le groupe.

Les démarches de M1 et de M3 semblent avoir des points communs. Elles sont basées sur un savoir dont ils sont détenteurs, préexistant aux pratiques scolaires. Les principaux éléments de savoir scientifique sont apportés par l’enseignant. Ils font alors l’objet de constats observables (avec une utilisation très importante des verbes voir, regarder, montrer) d’apport d’informations de manière anticipée, et d’explications cadrées par l’enseignant et peu négociables. Les questionnements produits sont majoritairement « fermés »75, portent pour l’essentiel sur une description peu élaborée des éléments observés et ne permettent pas (chez M1) ou peu (chez M3) aux élèves de développer un discours explicatif. Le savoir faisant l’objet d’une transmission par apport d’information de l’enseignant, l’activité de construction de savoirs scientifiques se voit détournée vers des objectifs annexes (activités de dessin chez M1 et réalisation de schémas chez M3) au fur et à mesure de l’avancée de la séance (et même très tôt chez M1).

Cette analyse des scénarios langagiers didactiques mis en œuvre par chacun des enseignants en sciences nous permet d’identifier des démarches différenciées en rapport avec l’étayage langagier produit en situation d’enseignement, que nous pensons en corrélation avec des conceptions de l’enseignement des sciences. Nous cherchons dès lors à rendre compte plus précisément de ces gestes d’étayage langagiers en analysant les discours produits par les enseignants en situation d’enseignement des sciences.

4. Place des élèves et place de l’enseignant dans les échanges en

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