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L’attractivité des postes hospitalo-universitaires repose sur la diversité des fonctions exercées (soin, enseignement et recherche), l’intérêt du travail en équipe (équipe hospitalière, équipe universitaire, équipe multidisciplinaire), la liberté offerte par le statut, le système de double rémunération et les perspectives de position managériale (chef de service, chef de pôle, directeur d’UMR). Jusqu’à une date récente, les personnels hospitalo-universitaires semblaient épargnés par les difficultés de recrutement rencontrées par d’autres professions ou spécialités médicales. Aujourd’hui, en dépit de ses atouts, la carrière hospitalo-universitaire apparaît moins attractive et les établissements sont davantage confrontés à l’allongement des délais de recrutement, voire à des vacances de postes.

1 - Des conditions plus exigeantes d’exercice professionnel

Plusieurs indicateurs convergent pour établir le constat d’une perte d’attractivité du statut hospitalo-universitaire.

L’accès à la titularisation résulte d’un parcours hospitalo-universitaire particulièrement long et difficile, caractérisé par une succession de postes précaires, la dualité du cursus

145 Au 30 avril 2017, au CHU Saint-Etienne, d’Angers et de Bordeaux, 11 postes de PU-PH sont vacants et 12 postes de MCU-PH., en anesthésie-réanimation, cancérologie radiothérapie, radiologie, neurochirurgie.

146 Données transmises dans le cadre de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE). La DREES souligne cependant que la méthode de comptabilisation varie au cours du temps, ne permettant pas d’assurer finement l’analyse dans la durée.

universitaire et hospitalier, une forte compétition entre candidats, la rareté des postes offerts et des obligations de performance renforcées (mobilité, nombre de points SIGAPS, etc.).

Les candidats aux fonctions hospitalo-universitaires perçoivent une dégradation des conditions d’exercice dans les CHU, tenant aux difficultés hospitalières, aux tensions financières et sociales, à l’accès plus difficile aux équipements de pointe, aux postes vacants, à la lourdeur de la gestion, au poids croissant des tâches administratives dans un contexte de financement à l’activité et d’exigences accrues de performance.

Ces caractéristiques sont susceptibles de rebuter les nouvelles générations, plus attentives à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, qui semblent hésiter à s’engager dans une carrière qui s’apparente davantage à une vocation qu’à un métier.

Ce contexte est aggravé par la difficulté ressentie dans la profession à exercer simultanément la triple mission de soins, d’enseignement et de recherche, avec des niveaux d’exigence et de production croissants, dans des structures et équipes qui ne présentent pas une taille suffisante. Les rémunérations sont érodées par les faibles revalorisations et peuvent s’avérer peu attractives au regard de celles du secteur privé, en particulier dans certaines disciplines (chirurgie surtout orthopédique et urologique, radiologie, anesthésie-réanimation, etc.), tandis que le statut est défavorable en ce qui concerne la retraite, même après les mesures prises en faveur de la retraite complémentaire des personnels hospitalo-universitaires.

Ce sentiment de perte d’attractivité reste toutefois difficilement mesurable, faute d’éléments précisément documentés sur les personnels en activité, les postes non pourvus ou les délais de recrutement. Les difficultés signalées sont ponctuelles pour certains établissements, disciplines, circonstances (mutation ou décès), sans pouvoir être généralisées.

Ainsi au CHU de Saint-Etienne, le poste de PU-PH en anesthésie-réanimation est devenu vacant suite à un départ à la retraite. Ce poste a été gelé en septembre 2014, le temps que le candidat local remplisse les attendus du CNU. Il sera proposé à la révision 2018 pour une prise de poste en septembre 2018.

Pour sa part, le ministère n’a pas constaté, au cours de ces dernières années, de baisse d’attractivité dans les recrutements au regard du nombre de postes qui ne seraient pas pourvus.

Néanmoins, plusieurs démarches sont engagées pour améliorer la situation statutaire des personnels hospitalo-universitaires, dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) négocié en 2015147 ou du plan d’action pour l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital public148, qui s’adresse également aux personnels médicaux non universitaires.

2 - Une mise en concurrence des établissements et des équipes

L’accroissement de la pression sur les soins ou sur la recherche met sous tension les établissements hospitaliers et universitaires pour attirer les personnels à haut potentiel.

147 Création d’un échelon exceptionnel contingenté permettant d’accéder à la HEB au sommet de la hors-classe des MCU-PH ; création d’un 7ème échelon permettant d’accéder à la HEB au sommet de la 2ème classe des PU-PH.

148 Amélioration des droits sociaux en matière de congés pour raison de santé ou liés à l’arrivée d’un enfant des AHU et des CCA, en les harmonisant sur ceux des praticiens hospitaliers titulaires ; création d’une prime d’exercice territorial dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire.

Certains CHU rencontrés ont souligné que le secteur privé était à même d’offrir des conditions d’exercice plus intéressantes que le secteur public, en raison de rémunérations plus élevées et de conditions d’exercice jugées plus satisfaisantes. Certains jeunes médecins à haut potentiel céderaient ainsi à l’attrait du secteur privé au détriment d’une carrière hospitalo-universitaire exigeante. Plus récemment, quelques professeurs des universités ont arbitré en faveur du secteur privé, à l’instar d’un neurochirurgien au CHU de Saint-Etienne, parti en janvier 2016 dans un établissement privé concurrent. Spécialisé dans l’activité du rachis, ce praticien réalisait entre 240 et 250 actes par an, dont 52 % de l’activité programmée du service.

Son départ a eu pour conséquence immédiate la perte de près de 1,5 M€ de recettes, difficile à compenser par le CHU de Saint-Etienne déjà sous contrat de retour à l’équilibre financier149. Un tel départ ne constituerait pas un cas isolé, les établissements hésitant néanmoins à en faire publiquement état.

La diffusion croissante des activités de recherche et d’enseignement hors du CHU, avec la possibilité d’être associé à ces missions sans avoir sacrifié aux exigences de la carrière hospitalo-universitaire, contribue à réduire l’attrait pour ces carrières, les hauts potentiels pouvant satisfaire leurs ambitions dans ces domaines dans le cadre plus accessible d’une carrière de praticien hospitalier, voire concilier ces ambitions avec une activité libérale en clinique.

Les marges de manœuvre des CHU et des universités sont réduites face à ces enjeux.

Certains établissements ont cependant conçu des stratégies d’attractivité qui mobilisent différents leviers :

- la mise en place de structures mutualisées d’aide au montage de projets de grande envergure comme les projets européens ou les appels d’offres du PIA ou à la recherche de financement pour faciliter le travail des équipes ;

- une gestion des postes hospitalo-universitaires favorisant la constitution d’équipes ayant une masse critique suffisante et favorisant la coopération ;

- un encouragement à la valorisation de la recherche et aux coopérations avec l’industrie dans le respect des règles, de la transparence et de l’intégrité scientifique.

Ainsi, l’université et le CHU d’Angers ont élaboré une stratégie d’attractivité fondée sur trois axes : un accompagnement des jeunes candidats à la préparation de carrière hospitalo-universitaire, un accompagnement à la mobilité et une attention portée par l’UFR de santé et le CHU au soutien des projets des collègues (recherche, coopération internationale, innovation, valorisation).

À l’université Paris-Sud, il s’agit de soutenir les axes forts hospitalo-universitaires et de promouvoir des jeunes praticiens pressentis pour évoluer vers une carrière de PU-PH. Les PU-PH sont prioritairement choisis parmi ceux capables d’assurer un leadership en clinique, en enseignement et en recherche et d’avoir une attractivité nationale et internationale. Chaque praticien est encouragé à intégrer une équipe de recherche labellisée et à s’impliquer dans des actions de recherche et d’enseignement, au sein de structures capables d’être compétitives au niveau national et international.

149 Chambre régionale des comptes Auvergne Rhône-Alpes, Rapport d’observations définitives concernant la gestion du Centre hospitalier universitaire de Saint-Étienne au cours des exercices 2010 à 2014, mai 2016.

Depuis 1958, le choix de la carrière hospitalo-universitaire par les éléments les plus prometteurs de leur génération a contribué significativement à l’accroissement de la qualité des soins, à l’excellence de la recherche et à la diffusion de la formation.

Aujourd’hui, les souplesses ouvertes par le statut ne suffisent plus à masquer les difficultés d’exercice professionnel des personnels hospitalo-universitaires, suscitant doutes et hésitations parmi les plus jeunes à s’engager dans cette carrière. Au-delà des initiatives locales, attirer les plus hauts potentiels implique désormais d’adapter la pratique de la triple mission. L’introduction d’une contractualisation des missions et activités, variable dans son contenu selon les disciplines et les aspirations personnelles, paraît de nature à insuffler une nouvelle dynamique à une carrière devenue moins désirable pour les plus jeunes. Une expérimentation sur sites permettrait d’en préciser les contours et les modalités.

___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________________

Au niveau national, la double tutelle du domaine hospitalo-universitaire, assurée conjointement par le ministère chargé de la santé et par celui chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, est marquée par une faiblesse de pilotage interministériel et par des tensions entre les différents acteurs institutionnels.

Les missions de recherche biomédicale et de formation initiale des médecins sont toujours mal documentées tant en ce qui concerne les financements que les ressources humaines, alors que celles-ci représentent près de 10 000 personnels hospitalo-universitaires et 220 000 étudiants. Les CHU ne sont pas en mesure de calculer le coût réel de ces activités, fortement imbriquées avec celle de soins. L’obstacle majeur est la méconnaissance du temps consacré par les personnels hospitalo-universitaires à l’université et à l’hôpital, ainsi qu’à leurs trois missions d’enseignement, de recherche et de soins. Malgré les demandes répétées de différents corps de contrôle, il n’existe toujours pas de consolidation nationale des financements publics de la recherche biomédicale, qui apparaissent fortement fragmentés.

Cette méconnaissance statistique et budgétaire affaiblit celle du pilotage stratégique global des deux missions concernées.

Tous les établissements de santé peuvent désormais exercer des missions d’enseignement et de recherche et percevoir les recettes qui s’y attachent. Cette situation tranche avec celle de 1958, où les CHU partageaient avec les centres de lutte contre le cancer et quelques autres établissements, un statut, un rôle et des financements spécifiques, et en partie dérogatoires. Seuls le volume et la densité de ces deux missions les distinguent désormais, pour la plupart, des autres établissements.

Le modèle d’allocation des recettes MERRI est marqué par des évolutions incessantes.

Avec la disparition de la part fixe, il est de plus en plus fondé sur des critères de performance, appuyés sur les scores SIGAPS et SIGREC. La formation n’est cependant pas prise en compte, le score SIAPS, encore expérimental, ne couvrant pas la formation pratique à l’hôpital. Ces indicateurs, établis sous la responsabilité d’un établissement, par ailleurs bénéficiaire lui-même de ces financements, reposent sur des données déclarées par les établissements, qui ne sont pas contrôlées (recensement des publications des agents déclarés par les établissements, consolidation des données relatives aux essais cliniques). En outre, les modalités d’allocation des moyens fondées sur ces indicateurs ne sont pas suffisamment discriminantes quant à la

qualité des recherches produites. L’élargissement progressif du financement des structures à d’autres établissements que les 79 établissements qui en ont bénéficié historiquement, ainsi que l’inclusion dans le système SIGAPS et SIGREC de nombreux établissements, dans un contexte de concurrence renforcée de l’activité de recherche, entraîne une érosion régulière du financement des CHU pour leur mission de recherche. La doctrine et les méthodes de détermination des recettes MERRI rencontrent des limites juridiques qui rendent nécessaire la refonte du modèle.

Les objectifs et les modalités de gestion du programme hospitalier de recherche clinique se sont progressivement fragmentés. Une gestion opérationnelle des appels à projets par l’Agence nationale de la recherche permettrait des économies d’échelle, constituerait une étape vers un pilotage plus intégré et stratégique du PHRC et garantirait le respect de standards internationaux dans les modalités de sélection des projets. L’organisation d’une évaluation scientifique de ce programme lancé depuis plus de vingt ans apparaît également nécessaire.

Le système de formation doit faire face aux tensions démographiques résultant de la hausse du numerus clausus, alors que le nombre de postes hospitalo-universitaires reste stable.

Une diversification des lieux de stage est à l’œuvre, réduisant le rôle central du CHU dans la formation pratique, tout en permettant à des étudiants se destinant majoritairement à la médecine générale de connaître des conditions d’enseignement moins centrées sur le fonctionnement des CHU. Le rôle de ces derniers s’en trouve compliqué, car en restant les établissements de référence pour la formation pratique, ils doivent assurer la gestion d’un flux croissant d’étudiants d’un stage à l’autre tout en supportant la relative désaffection des étudiants dans leurs propres services.

Enfin, le statut des personnels hospitalo-universitaires, incarnation de la triple mission, doit rester attractif pour les jeunes générations de médecins, comme il a su l’être depuis 1958.

Sans remettre en cause ses fondements, des ajustements permettraient de garantir son adaptation à la réalité d’aujourd’hui, à savoir l’adjonction continue de missions supplémentaires (managériales, représentatives, d’expertise) alors même que l’exercice simultané à un haut niveau des trois premières (soins, enseignement, recherche) apparaît de plus en plus difficile.

La Cour formule en conséquence les recommandations suivantes :

Au ministère des solidarités et de la santé et au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation :

- consolider dans une annexe commune à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale, les crédits budgétaires, les dépenses fiscales et les emplois affectés à la recherche biomédicale et à la formation initiale des médecins ;

- définir pour les personnels hospitalo-universitaires des obligations de service à mettre en œuvre dans un cadre contractuel et les évaluer périodiquement sur l’ensemble de leurs missions, y compris managériales ;

- rénover le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) :

o en plaçant l’appel à projets interrégional (jeunes chercheurs) dans le PHRC national ;

o en confiant à l’ANR la gestion des appels à projets selon les thématiques et le cahier des charges définis par le ministère chargé de la santé ;

o en demandant au Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) de procéder périodiquement à son évaluation scientifique.

Au ministère des solidarités et de la santé :

- accroître progressivement et de façon significative la part des recettes MERRI réservée au financement des appels à projets et des structures de recherche ;

- d’ores et déjà, modifier les modalités d’affectation des recettes MERRI : relèvement des seuils d’éligibilité ; contrôle des déclarations des établissements et notamment des annuaires des personnels publiants ; définition de règles plus strictes pour la prise en compte des personnels publiants ; modification des scores SIGAPS et SIGREC afin de les rendre plus discriminants au regard de la qualité des travaux de recherche ;

- déterminer un mode de calcul des surcoûts de recherche et d’enseignement, commun à tous les établissements de santé, sur la base du temps médical ou à défaut à partir de critères prédéterminés.

Chapitre III