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1 - Des enjeux et des critères de compétitivité bien identifiés

La compétitivité de la recherche biomédicale repose d’abord sur la disponibilité et les compétences de ses structures de soutien. Sur le plan administratif, l’évolution du contexte réglementaire impose une veille règlementaire efficace et une capacité d’adaptation des équipes support de la recherche. La complexité et l’hétérogénéité des procédures d’appels à projets, que

le plan de programmation pour le financement de la recherche en santé n’a pas pu simplifier à ce jour, impose un soutien méthodologique affirmé à la veille et au montage de projets, notamment pour les projets européens.

Pour rester compétitive et visible sur le plan international, la recherche biomédicale française doit aussi faire face à trois enjeux majeurs :

- le renforcement des infrastructures de recherche ;

- le développement de la pluridisciplinarité et la capacité à créer un continuum recherche fondamentale-recherche clinique, condition sine qua non pour favoriser les innovations médicales ;

- l’amélioration de la capacité d’inclusion de patients dans des essais cliniques ambitieux.

a) Les performances des infrastructures de recherche

En recherche biomédicale comme dans d’autres secteurs scientifiques, la qualité de la recherche est intrinsèquement liée aux performances des équipements et des plates-formes technologiques (biologie, imagerie, séquençage, etc.). L’aptitude à réaliser une avancée scientifique majeure repose fortement sur la capacité à recourir à des technologies de pointe. À cet égard, les IHU ont permis l’acquisition de plates-formes très performantes mises à la disposition des chercheurs.

Cet enjeu est aujourd’hui essentiel concernant les moyens de stockage et d’exploitation des données. En effet, le développement des capteurs et les progrès de la biologie moléculaire, notamment le développement des technologies dites « omiques » liées au séquençage de l’ADN, entraînent une explosion du volume de données par patient, qui ouvre de nouvelles voies pour la recherche biomédicale par l’exploitation de données en grand nombre. La capacité de production, de stockage sécurisé et d’exploitation des données issues des patients constitue de ce fait l’une des orientations de la stratégie nationale de recherche150.

La politique de l’AP-HP concernant les données en grand nombre

Les activités de recherche médicale s’orientent vers l’exploitation de volumes importants de données qui requièrent une réflexion sur l’adaptation des méthodes de traitement, des outils et des plates-formes technologiques à la disposition des hôpitaux. En accueillant chaque année plus de sept millions de patients, l’AP-HP est dépositaire d’un patrimoine d’informations très volumineux et représentant un potentiel de valorisation important. L’exploration des données hospitalières à des fins de recherche, le développement de la médecine personnalisée, l’appui en temps réel à la prise de décision médicale, l’innovation dans les pratiques d’enseignement universitaire constituent autant de nouveaux terrains d’évolution sur lesquels l’AP-HP souhaite avancer.

150 Orientation n°17 de la Stratégie nationale de recherche : « Le traitement de grandes masses de données est devenu essentiel à la recherche en biologie et en médecine, une recherche qui repose sur une approche de plus en plus intégrée et systémique. Il s’agira donc de favoriser le développement de plates-formes pour la collecte de données biologiques et d’imagerie, la constitution de cohortes de patients et l’ouverture des bases de données administratives à la recherche. Un effort particulier sera porté sur les processus d’innovation technologique et médicale qui permettent la collecte de données : développement de l’instrumentation pour le diagnostic, dispositifs et capteurs pour l’autosurveillance, recueil de données sociologiques, etc. ».

Pour cela, elle conduit une politique de transformation de ses approches quant aux méthodes, techniques et outils afin de « prendre la main » sur les méga-données. L’AP-HP a lancé en 2014-2015 un projet d’entrepôt de données visant à coordonner les initiatives de ses différents groupes hospitaliers. Les usages pour la recherche sont multiples : études de faisabilité en recherche clinique ; pharmaco-épidémiologie (découvrir la toxicité, l’inefficacité ou l’utilité dans de nouvelles indications de médicaments ou dispositifs médicaux) ; identification de nouvelles pistes de recherche au travers d’études statistiques (recherche non interventionnelle sur données), éventuellement via un chaînage avec d’autres bases de données (ex : SNIIRAM, données environnementales, etc.) ; développement et évaluation d’algorithmes d’aide à la décision diagnostique et thérapeutique.

b) La capacité à interagir avec les chercheurs d’autres disciplines et à créer un continuum recherche fondamentale-recherche clinique

La compétitivité de la recherche biomédicale dépend également de sa capacité à interagir avec d’autres disciplines scientifiques, tant il est admis que les découvertes scientifiques et les innovations reposeront de plus en plus sur l’interdisciplinarité. Sur un plan plus appliqué, l’innovation médicale repose de plus en plus sur le recours à d’autres disciplines (progrès en matière d’imagerie, nanotechnologies, robotique, etc.).

La stratégie nationale de recherche retient donc comme orientation « l’analyse multi-échelle de la diversité et des évolutions du vivant […] en faisant appel aux mathématiques, à la physique, la chimie, l’informatique et aux sciences humaines et sociales […]. Ces études s’appuyant sur la diversité des modèles expérimentaux bénéficieront, en particulier, au développement de la biologie de synthèse et de la biologie des systèmes et contribueront à ouvrir des voies originales dans les domaines industriel, environnemental et médical151 ».

Le comité d’orientation scientifique international de l’INSERM a engagé l’établissement à multiplier et à renforcer ses unités mixtes multidisciplinaires comprenant des chercheurs en recherche biomédicale, aussi bien qu’en sciences du vivant, en mathématiques et en sciences de l’ingénieur, comme l’INSERM avait pu le faire en informatique.

La politique de l’Université de Bordeaux en faveur de l’interdisciplinarité de la recherche

L’université a défini des axes stratégiques de recherche en matière de sciences du vivant et de la santé en formulant les questions scientifiques en termes de « problèmes » ou de « défis » dont la résolution fait appel, au-delà des compétences du biologiste ou du clinicien, à celles du physicien, du chimiste, du mathématicien, du bio-informaticien, de l’ingénieur, de l’écologiste et du chercheur en sciences humaines, sociales et environnementales.

L’interdisciplinarité se manifeste dans plusieurs domaines : en matière de médecine prédictive, en intégrant les connaissances du génome, de l’environnement et de leurs interactions pour élaborer de nouvelles stratégies de prévention et de caractérisation du risque ; en associant biologistes, mathématiciens, chercheurs en sciences de l’informatique et chercheurs en santé publique dans des projets de gestion et d’analyse des données massives ; en encourageant les projets de RHU orientés vers le diagnostic et la prise en charge précoce des maladies chroniques et le traitement des maladies dégénératives ; en associant biologistes, chimistes et physiciens dans des projets axés sur les dispositifs de délivrance de molécules à visée diagnostiques ou thérapeutiques, sur les ultrasons focalisés à haute intensité, sur les techniques laser, sur l’imagerie 3D, etc.

151 Orientation n° 16 de la stratégie nationale de recherche.

La recherche doit également tisser des liens avec d’autres domaines de la recherche en santé tels que la recherche en santé publique, en soins primaires ou en soins infirmiers, et la recherche organisationnelle.

L’un des enjeux de la recherche biomédicale est la capacité à créer un continuum entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, par le développement de la recherche dite translationnelle, qui permet d’enrichir la recherche fondamentale par les données issues des patients et simultanément de mettre en place de nouvelles approches thérapeutiques grâce aux progrès de la recherche.

Dans sa contribution à la stratégie nationale de recherche, AVIESAN estimait que « [la mise en œuvre de la recherche translationnelle] demande principalement de décloisonner les activités en s’appuyant sur des structures favorisant le regroupement, sur un même site, de la recherche expérimentale et la recherche clinique. La mise en place de projets de recherche translationnelle compétitifs, associant les activités de recherche et de soins, permettra de structurer la communauté d’acteurs, de favoriser le maintien en France des activités de R&D des industries de santé et de développer l’attractivité de la recherche clinique ».

La mise en place des instituts hospitalo-universitaires (IHU), associant chercheurs académiques, cliniciens et acteurs industriels, correspond à cette ambition.

c) La capacité d’inclusion des patients dans des essais cliniques ambitieux

Sur le plan technique, la mise en place d’essais cliniques ambitieux impose le recours à des compétences spécifiques comme les responsables de la pharmaco-vigilance, les biostatisticiens, les qualiticiens, etc.

Pour être compétitive et attractive vis-à-vis des industriels de la santé, la recherche clinique française doit être en mesure de réaliser des essais cliniques répondant à un certain nombre de critères relevés par le LEEM : délais de montage des projets (autorisations ANSM, approbation CPP, signature des conventions), capacité à inclure les patients (nombre de patients inclus, vitesse d’inclusion), coût des essais, qualité des investigateurs, cohérence avec les objectifs de recrutement, qualité de la prise en charge médicale, simplicité de la prise en charge administrative, etc.

L’un des volets de la qualité est la mise en œuvre de réseaux d’investigateurs, éventuellement européens et extra-européens, permettant l’inclusion rapide de patients.

AVIESAN souligne ainsi que « certains réseaux sont déjà d’envergure internationale et de grande visibilité par des publications d’excellence qui ont influencé les pratiques cliniques. Les réseaux de recherche clinique structurés favorisent l’émergence et surtout la réalisation de nouveaux projets dans des conditions optimales de qualité et d’efficience ».

L’ensemble de ces enjeux dessine les contours d’une recherche biomédicale compétitive, concentrée sur de grands pôles qui hébergent des plates-formes technologiques de haut niveau, des centres de gestion et d’exploitation des données et des moyens d’appui administratifs et techniques performants, où seraient également présents les organismes de recherche et les universités intensives en recherche. Si le continuum recherche fondamentale-recherche clinique ne peut être assuré que dans ces grands pôles, l’organisation de la fondamentale-recherche clinique doit permettre le recours aux moyens de soutien de ces pôles au profit des équipes de recherche clinique qui n’y seraient pas localisées mais seraient néanmoins à la pointe dans leur domaine, ainsi que la mise en place de réseaux d’investigateurs sur l’ensemble du territoire.