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C - Une place nouvelle pour les CHU dans l’organisation des formations

1 - La prise en compte des évolutions en cours concernant les internes

La hausse du nombre d’internes et la réforme du troisième cycle des études médicales modifient le profil des internes accueillis en stage et leurs conditions de participation aux soins.

a) Les modifications des conditions de formation des internes

L’afflux actuel d’internes en stage est susceptible d’encombrer les lieux de stage en CHU et de réduire leur capacité pédagogique. Le CHU d’Angers indique que l’augmentation

« peut diminuer l’intérêt pédagogique des stages », par exemple en réduisant le temps au bloc opératoire pour les internes de chirurgie et le temps sur les consoles d’imagerie pour les internes de radiologie. Le CHU relève la « diminution du nombre de gardes réalisées par chaque étudiant (étant plus nombreux à se partager les gardes à effectuer alors qu’un quota de gardes est imposé par leur statut) » et « le faible nombre de chefs de clinique et assistants (comparé au nombre d’internes) pour contribuer à leur encadrement. » L’AP-HP indique que « pour les spécialités comportant des gestes techniques comme la chirurgie, il est attendu une diminution d’actes par interne […]. L’augmentation du nombre d’internes aboutit à une diminution de la quantité du temps de formation : moins de présence au bloc, en salle de cathétérisme, en apprentissage de techniques complémentaire, moins de formation, etc. ».

En revanche, les stages effectués dans d’autres types d’établissement accueillant traditionnellement moins d’internes (centres hospitaliers, notamment) ont pu être jugés par les internes plus formateurs en raison de conditions d’accueil plus favorables : hiérarchie moins lourde, possibilité de réaliser davantage de gestes, formation plus généraliste qu’en CHU.

Par ailleurs, le décret du 25 novembre 2016 relatif à l’organisation du troisième cycle des études de médecine, applicable à partir de la rentrée 2017, modifie les conditions d’accueil des internes en CHU. La réforme prévoit une formation en trois phases successives : une première « phase socle » (un an) « correspond à l’acquisition de connaissances de base de la spécialité et des compétences transversales nécessaires à l’exercice de la profession ; une

125 Soit 8 000 étudiants x 600 € x 1,5 mois de stage.

126 Source : DGOS, Fiche mesure PTS II, « Engagement 4 : Développer les stages en secteur ambulatoire pour attirer les jeunes à la médecine libérale. Stage en ville au cours du 3e cycle ».

deuxième « phase d’approfondissement » (deux à trois ans) permet l’acquisition approfondie des connaissances et des compétences nécessaires à l’exercice de la spécialité, phase qui se termine par la soutenance de la thèse de médecine ; une troisième phase « de consolidation » (un à deux ans) se terminera par la soutenance du diplôme d’études spécialisées.

Cette organisation pédagogique a un impact direct sur les modalités de formation pratique dans les CHU. L’article R. 632-28 du code de l’éducation prévoit que les agréments de stage « sont délivrés au titre d'une ou de plusieurs phases » du troisième cycle. Si aucune disposition réglementaire ne définit les conditions de répartition des stages entre catégories de terrains d’accueil, les stages de la « phase socle », consacrés à l’acquisition des connaissances fondamentales, seront logiquement ouverts en priorité dans les services des CHU.

Cette modification au regard des pratiques anciennes (jusqu’alors, les « jeunes internes » effectuaient des stages hors CHU avant de finir leur internat en CHU) pose plusieurs difficultés : les « jeunes internes » accédant immédiatement aux stages en CHU lors de leur phase socle pourraient priver de ces mêmes stages les internes plus anciens qui n’y avaient pas accès lorsqu’ils ont eux-mêmes débuté leur internat ; d’autre part, les « jeunes internes » étant moins productifs en termes de soins que les internes plus avancés dans le cursus médical, l’instauration de la phase socle pourrait entraîner une diminution de la production de soins dans les CHU. Enfin, les CHU de l’échantillon soulignent un nouveau risque de tensions sur les capacités d’encadrement : les Hôpitaux universitaires de Strasbourg estiment que « le risque est grand d’être en insuffisance de capacité de formation dans certains services (car trop d’internes) », et l’AP-HP que « le nombre de médecins encadrant ces internes devra être suffisant pour répondre à ces besoins nouveaux » et qu’il faut donc « anticiper un accroissement de la charge d’encadrement pour les enseignants et les praticiens seniors ».

b) Un impact sur la production de soins et les charges administratives des CHU La participation des internes à la production de soins pendant leurs stages est étroitement liée aux maquettes des différents diplômes d’études spécialisées, qui définissent précisément le parcours de formation, la nature et la durée des stages et les compétences attendues à l’issue des trois phases de la nouvelle organisation de l’internat. Les nouvelles maquettes, détaillées dans l’arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d’études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine, pourraient modifier l’organisation des soins en CHU.

S’il est prématuré d’évaluer les effets de cette réforme, qui n’est entrée en vigueur que depuis le 1er novembre 2017, certains établissements prévoient des difficultés dans son application.

Selon les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, la nouvelle maquette du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine générale, qui prévoit une augmentation du nombre de stages ambulatoires et une forte diminution des stages hospitaliers, « risque d’éloigner les internes de médecine générale du CHU ; cela impactant directement l’organisation des services de médecine du CHU de Strasbourg ». L’AP-HP prévoit que « le nombre de stages ambulatoires va augmenter, dès la phase socle pour la médecine générale et en phase d’approfondissement et de consolidation pour un certain nombre de spécialités médicales. Cette augmentation du nombre de stages ambulatoires pourrait aboutir à une diminution du nombre de DES dans certains services de spécialité, en particulier dans des spécialités médicales. »

Il est également relevé que la hausse du nombre d’étudiants et d’internes accroît la charge de gestion du CHU en tant qu’établissement administratif de référence. Le CHU d’Angers souligne ainsi « l’augmentation de la charge de travail concernant la gestion des étudiants, la plupart des tâches étant proportionnelle au nombre d’étudiants (inscriptions, gestion des stages, gestion des arrêts maladie et des congés, rémunérations, conventions d’accueil, situations particulières, etc.) », la nécessité d’adapter l’organisation des services (« certains services ne pouvant pas accueillir trop d’étudiants en même temps, ils doivent mettre en place des roulements afin de pouvoir assurer un bon encadrement des étudiants »), et d’augmenter le budget (« plus d’étudiants = plus de rémunérations versées »).

2 - La coordination des stages : une place ambiguë pour les CHU

a) La double mission du coordonnateur local

Les modalités de coordination dans l’affectation et le suivi des stages de troisième cycle ont été précisées par deux arrêtés en 2011127 et renforcées en 2016.

La collégialité en matière d’organisation des stages a été renforcée par la création dans chaque subdivision de deux commissions :

- une « commission d'évaluation des besoins de formation », présidée par le doyen et comprenant notamment le directeur général de l’ARS, un représentant enseignant de chaque discipline et des représentants du ou des CHU de la subdivision ;

- et une « commission de subdivision », présidée par le directeur général de l’ARS et comprenant notamment le doyen de médecine, le ou les directeurs généraux des CHU de la subdivision, le ou les présidents de commissions médicales d'établissement des CHU, cinq représentants de disciplines différentes, ainsi que des représentants des centres hospitaliers, des centres spécialisés en psychiatrie et des établissements privés de la subdivision.

Le décret du 25 novembre 2016 relatif à l'organisation du troisième cycle des études de médecine a également institué pour chaque spécialité, au niveau de la subdivision, une commission locale de coordination chargée d’assurer notamment la coordination des enseignements et le contrôle des connaissances avec les doyens. La commission est présidée par « un coordonnateur local » nommé par le doyen parmi les enseignants de la spécialité concernée, en application de l’arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle.

Le coordonnateur local de spécialité, compétent au niveau de la subdivision, est donc un enseignant hospitalo-universitaire en poste dans un CHU, et souvent un responsable de pôle ou de service. Dans ces conditions, son intérêt propre peut se trouver en contradiction avec son rôle de coordonnateur des stages d’internat : s’il cherche à préserver l’activité de son unité en y maintenant des internes, le coordonnateur pourra refuser d’organiser les stages d’internat dans des structures hors CHU, susceptibles de concurrencer son propre service.

127 Arrêté du 4 février 2011 relatif à l'agrément, à l'organisation, au déroulement et à la validation des stages des étudiants en troisième cycle des études médicales et arrêté du 4 février 2011 relatif à la commission de subdivision et à la commission d'évaluation des besoins de formation du troisième cycle des études de médecine.

b) Des modalités d’agrément de stages peu cohérentes avec le rôle des universités La coordination territoriale des formations médicales laisse peu de place aux universités, pourtant responsables en droit de l’organisation des enseignements.

L’arrêté du 4 février 2011 relatif à l’agrément, à l’organisation, au déroulement et à la validation des stages des étudiants en troisième cycle des études médicales prévoit que le directeur général de l’ARS, sur proposition de la commission de subdivision, agrée les lieux de stage et les praticiens-maîtres de stage des universités (art. 1er) et fixe la répartition des postes de stage offerts aux internes (art. 9).

Conformément aux engagements du Pacte territoire santé 1, confirmés par le Pacte territoire santé 2, l’objectif des ARS est de diversifier les stages dans les territoires afin que les étudiants enrichissent leur formation par une meilleure connaissance de la globalité du système de santé.

Si l’ARS demeure l’entité disposant des meilleures informations en matière d’organisation de l’offre de soins sanitaires et médico-sociales et d’exercice professionnel, son rôle prédominant dans les procédures d’agrément revient implicitement à considérer l’interne essentiellement comme un acteur du système de soins, alors qu’il est aussi, voire surtout, un étudiant de troisième cycle. Ce rôle paraît contradictoire avec le renforcement récent de la dimension pédagogique dans l’organisation du troisième cycle des études médicales. Une plus grande association des universités à la procédure d’agrément des stages devrait être recherchée.

Les personnels hospitalo-universitaires ne paraissent pas en mesure de faire face à eux seuls aux évolutions structurelles que connaissent les études médicales, pour des raisons qui tiennent à leur nombre réduit, à leur répartition inégale sur le territoire, à la progression soutenue du nombre d’étudiants et à la prise en compte nécessaire dans les enseignements de la diversité des exercices professionnels. Ces mutations conduisent à faire intervenir davantage de personnels non hospitalo-universitaires (praticiens hospitaliers, médecins libéraux) dans la formation médicale pratique. Dans ce cadre, les universités sont appelées à jouer un rôle accru dans l’organisation des formations pratiques, elles seules étant en mesure d’assurer la cohérence des parcours de formation entre les CHU et les autres lieux de stage et de contrôler l’aptitude de l’ensemble des acteurs à accueillir et à former les étudiants.

III - Des interrogations sur le statut des personnels