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Brève histoire de la discipline d’éducation physique au Brésil

I. PROBLÉMATIQUE

1.3 Le contexte du problème à l’étude

1.3.1 Brève histoire de la discipline d’éducation physique au Brésil

Tout comme les autres matières ou disciplines scolaires, l’ÉP subit d’importants développements qui façonnent sa forme actuelle. Cependant, force est de constater que ce n’est qu’à partir des années 1930 qu’elle commence effectivement à gagner en importance pour devenir, à la fin du 20e siècle, une discipline à part entière ayant un corpus de connaissances

spécifiques et une place reconnue au sein des curriculums scolaires, au Brésil. Sans trop nous attarder, rappelons quelques jalons de ce long parcours de l’ÉP jusqu’à ce qu’elle devienne une discipline dans les écoles brésiliennes telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Selon Soares et al. (2012), dans les quatre premières décennies du 20e siècle au Brésil,

l’influence des méthodes gymnastiques européennes et de l’institution militaire sur l’éducation physique est remarquable. La militarisation de l’école correspond au projet social conçu par la dictature de l’État nouveau7. Pendant cette période, l’ÉP est considérée exclusivement comme

une activité pratique, ce fait ne contribuant pas à la différencier de l’instruction physique militaire. Aucune action théorico-pratique ne permet de développer un corps de connaissances scientifiques afin d’imprimer une identité pédagogique de l’ÉP dans les programmes scolaires. Ainsi, les professionnels qui travaillaient en tant qu’enseignants d’éducation physique à l’époque sont des instructeurs de l’armée. La première école civile de formation des enseignants d’éducation physique au Brésil n’est créée qu’en 1939.

7 L’État Nouveau est le nom du système politique brésilien fondé par l’ex-président Getúlio Vargas le 10 novembre

1937, lequel durera jusqu’au 29 octobre 1945 et est caractérisé par la centralisation du pouvoir, le nationalisme, l’anticommunisme et l’autoritarisme.

Après la Seconde Guerre mondiale, d’autres références en éducation physique émergent dans l’institution scolaire, comme la méthode naturelle autrichienne et la méthode d’éducation physique sportive généralisée. Cette dernière se développe de façon importante, non seulement au Brésil, mais dans différentes parties au monde, plaçant le sport comme un élément dominant de la culture corporelle. À cette époque, l’influence du sport dans le système scolaire est très forte, au point que le sport détermine le contenu de l’ÉP, en établissant une nouvelle relation entre l’enseignant et les élèves. Ceux-là deviennent donc des enseignants-entraîneurs et ces derniers, des élèves-athlètes (Soares et al., 2012).

Dans cette perspective, l’ÉP était liée à un paradigme biologique, c’est-à-dire guidée par les connaissances biologiques, anatomiques, physiologiques et kinésiologiques du corps humain et elles se matérialisent dans un curriculum qui privilégie notamment les pratiques sportives visant à la formation des athlètes et le développement de l’aptitude physique (Caparroz, 2005)8.

Qui plus est, dans les années 1980 est apparu un mouvement qui a remis en question l’identité même de l’ÉP. Des débats importants au sujet de l’ÉP nationale instaurent un climat de tension dans les relations entre les politiciens, les chercheurs et les praticiens dans le domaine. Le mouvement de questionnement est intense, contestant les politiques éducatives d’une part, et remettant en question les pratiques pédagogiques traditionnelles axées sur la performance sportive et d’aptitude physique, d’autre part. Notons également toutes les tensions et litiges entre les camps éducatifs, sportifs et de la santé, lesquels ont toujours été à la base d’identité du domaine d’ÉP.

Cette période est ainsi marquée par l’apparition d’un mouvement de « renouveau » en éducation physique et différentes conceptions apparaissent sur la scène nationale : développementaliste, humaniste, constructiviste, phénoménologique, anthropologico-culturelle, historico-critique et systémique. Néanmoins, selon Caparroz (2005), les auteurs des nouvelles approches ne semblent pas être préoccupés par la caractérisation de l’ÉP comme composante

8 Le sport a été le contenu hégémonique dans l’ÉP pendant plusieurs décennies. Cependant, depuis les années 1980

et 1990, les théories et les programmes d’éducation physique défendent la diversification des contenus, tels que les jeux, les sports, la danse, la gymnastique, les sports de combat, les activités de cirque, etc.

curriculaire, et ils ne cherchent qu’à présenter les principes pédagogiques généraux de leurs propositions d’éducation physique à l’école.

Plus tard, plusieurs auteurs soutiendront que ces propositions théoriques sur l’ÉP n’atteignent pas leur cible, ne changeant ni les pratiques des enseignants, ni l’enseignement en ÉP à proprement parler. Ils dénoteront, entre autres, les faiblesses dans les formations initiales et continues des enseignants, l’insuffisance des politiques publiques pour soutenir l’implantation des programmes et former une masse critique chez les enseignants dans les processus d’appropriation, voire l’intégration des différentes orientations curriculaires, ces dernières utilisant des références diverses. Enfin, ils souligneront le fait que les théories pédagogiques sont interprétées différemment par les enseignants (Betti, 2005 ; Kunz, 2006 ; Caparroz et Bracht, 2007 ; González et Fensterseifer, 2009), surtout quand ceux-ci sont laissés à eux-mêmes.

En ce sens, González et Fensterseifer (2009) soutiennent que l’ÉP au Brésil dans cette période est entre le « pas vraiment » et le « pas encore », c’est-à-dire entre une pratique en laquelle nous ne croyons plus vraiment (la pratique de l’ÉP centrée sur le sport) et une autre pratique que nous avons encore de la difficulté à développer (dans ce cas, celle prônée par le mouvement de renouveau). Ainsi, la rupture avec la tradition sportive crée le besoin de réinventer l’espace de l’ÉP à l’école dans la perspective d’une composante curriculaire, couvrant un spectre plus large que les activités sportives. Autrement dit, une ÉP responsable pour une connaissance spécifique liée aux différentes formes de manifestation de la culture corporelle et du mouvement (les jeux, les arts martiaux, la gymnastique, les activités collectives et individuelles, la danse, etc.), aux sciences du mouvement et de la santé, et le tout intégré aux fonctions sociales d’une école dite républicaine.

Sur le plan de la législation, il est important de noter qu’en 1996, avec la promulgation de la Loi 9394/96 - qui établit la dernière Loi des directrices et bases (LDB) de l’éducation nationale (Brésil, 1996) et définit l’organisation des systèmes éducatifs en collaboration avec l’Union9, les

États (ou provinces), le district fédéral et les municipalités -, le gouvernement fédéral

9 La République fédérative du Brésil est formée par l’union indissoluble des 26 États, du District fédéral et des

responsabilise les États et municipalités par l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et plans d’éducation régionaux et municipaux, tout en respectant les lignes directrices et les plans nationaux d’éducation. Ainsi, cette loi précise que les curriculums de l’enseignement fondamental (primaire) et de l’enseignement secondaire10 ont une base nationale commune, mais

qu’ils doivent être complémentés par une partie diversifiée liée aux caractéristiques locales et sociales de chaque État ou municipalité. Depuis, selon l’article 26 de ladite loi, l’ÉP est définie en tant que composante curriculaire obligatoire de l’éducation de base et, par ce fait même, elle est intégrée au projet pédagogique des écoles (Brésil, 1996).

Cela signifie un changement important pour l’ÉP qui connait dès lors une série de changements en termes de contenus à enseigner et d’orientations pédagogiques. Sur le plan fédéral, des Paramètres curriculaires nationaux (PCN), ou standards curriculaires, voient le jour. Ils instaurent les balises pour toutes les matières des programmes scolaires, dont l’éducation physique devient part intégrante. Bien que ces paramètres ne soient pas obligatoires, ils deviennent une référence incontournable pour plusieurs États et municipalités. Toutefois, comme au plan de la fédération (le Brésil étant un État fédéré) ces derniers bénéficient d’une certaine autonomie, au plan provincial et municipal, des nouvelles lignes directrices émergent, dans différents états et municipalités.