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Il faut prendre conscience, gu' en trente-six ans depuis son avènement, la PPE n'a pas déclenché au sein de la population un total enthousiasme qui permette de conclure à un réel succès. Il faut toutefois nuancer l'analyse et se rendre à l'évidence que son évolution n'est pas linéaire et qu'elle revêt des aspects forts différents suivant les régions.

Si l'on examine le développement de la PPE dans les régions touristi-ques ou de montagne, il y a lieu de constater que son développement a suivi avant tout les retombées économiques nationales ou internationales et que parfois, elle a été soutenue artificiellement pour éviter l'effondrement du marché. Dans bien des cas, on se trouve face à une économie régionale sous perfusion qui ne peut, en aucun cas, être significative en matière de déve-loppement de la PPE. Tout au plus, il faut saluer le côté positif qui a permis à ces régions de faire face à une récession latente accentuée par les effets de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à 1' étranger.

Pour les grands centres, les résultats du recensement effectué à la fin de l'année 2000 n'ont pas encore été publiés. Dans sa thèse de doctorat sur

«L'utilisation de l'unité d'étage dans un immeuble en propriété par étages», Amédéo Wermelinger-de Gottrau25, fait état qu'en 1980, soit quinze ans après son entrée en vigueur, on dénombrait en Suisse 18.942 propriétés par étages, comprenant au moins un logement ce qui ne représentait que le 1, 72%

de tous les immeubles munis d'un ou plusieurs logements. Ce résultat, rela-tivement médiocre a certainement été amélioré et les statistiques qui seront prochainement publiées devraient apporter une vision plus objective de 1' évo-lution.

25 WERMELINGER-DE GOTIRAU, Amédéo, L'utilisation de l'unité d'étage dans 1111 immeu-ble en propriété par étages, Fribourg, Imprimerie St-Paul, 1992.

PIERRE FÉLICITÉ-IVANES

Néanmoins, la division de notre pays en plusieurs cantons influence favorablement le développement des régions. Les législations cantonales, ou du moins leur application, ne réservent pas le même accueil à la PPE.

La Loi sur l'Aménagement du Territoire peut jouer un rôle formateur à cet égard. Dans beaucoup de régions et en particulier dans les cantons ville, l'habitation individuelle devrait faire place à la PPE.

Dans ce but les citoyens devraient smmonter leur égoïsme et faire preuve de civisme. Cette réflexion pose la question de savoir si la PPE est viable ou si elle court le risque d'être à nouveau abolie comme cela l'a été au début du 20e siècle.

Adhérer à la PPE, c'est en quelque sorte entrer en religion!

Dans ce contexte, deux mots-clés doivent être retenus: Communauté et Solidarité.

Pour prendre en compte toute la portée de l'enjeu, il faut rappeler la définition du «Petit Robert», qui précise:

Pour «Communauté»: Groupe social dont les membres vivent ensemble ou ont des biens, des intérêts communs. Cette dénomi-nation a un caractère éminemment religieux qui jus-tifie des affinités, une unanimité et une unité.

et pour «Solidarité»: Relation entre personnes ayant conscience d'une communauté d'intérêts, qui entraîne, pour les unes, 1' obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance26.

C'est en fait d'une vie commune qu'il s'agit et lorsque l'on sait toutes les difficultés qui sont liées à cette définition, il y a lieu de faire preuve de beaucoup d'humilité.

Il n'est pas exagéré d'affirmer que la PPE est une école de vie. En ce sens, nos voisins français peuvent nous apporter dans ce domaine une expé-rience précieuse. Donnons-leur la parole:

26 Le Petit Robert 1, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, cop. 1986.

LA PPE EN SUISSE, HIER, AUJOURD'HUI, DEMAIN: LE POINT DE VUE DU PRATICIEN

«Psychologie de la copropriété. Ceux qui vivent dans une copropriété ou côtoient la copropriété savent bien que l'univers de la copropriété est un univers un peu «curieux» et que, loin d'être une démocratie idéale, la copropriété est agitée de mouvements «étranges», «fous», «incontrôla-bles», laissant perplexes, quand ce n'est pas «groggy» les plus sages.

La copropriété est un univers à trois personnages:

- 1' administrateur (le syndic)

- la délégation des copropriétaires ou le conseil de gestion (le conseil syndical)

- le copropriétaire isolé.

Alors qu'il serait si simple, avec un peu d'efforts, de faire vivre en bonne intelligence ces trois secteurs, ce sont la plupart du temps cris (par der-rière), chuchotements (par devant), ressentiment, rancœur de tous les cô-tés, autant de choses qui font que la copropriété est trop souvent un uni-vers infernal et invivable. C'est d'ailleurs là qu'il faut voir la principale cause d'absentéisme. Un copropriétaire normal supporte souvent malle climat de la copropriété et recherche donc dans la fuite une solution.»27 La Suisse, d'une manière générale, n'en est pas encore là, mais il faut se garder de faire preuve d'un optimisme béat!

En effet, l'achat d'un appattement, à la rigueur d'un bureau ou d'une arcade, dans un immeuble paisible où les copropriétaires pat·viennent à s'en-tendre est une opération saine dont les données sont claires; ses avantages et ses inconvénients peuvent être appréciés sans trop de difficultés en général.

Dans une copropriété régulièrement secouée par d'incessants soubresauts relatifs, par exemple, au contentieux, la situation est tout autre. Or il suffit de peu, d'une mutation de lot par exemple pour que la tempête succède au calme.

A l'inverse, l' atTivée d'un, ou de nouveaux copropriétaires peut com-plètement modifier le climat et entraîner des affrontements qui auront pour conséquence de créer une atmosphère inespirable aux conséquences impré-visibles.

Le vieillissement des copropriétaires a tendance à accentuer cet aspect avec tout ce que cette évolution entraîne comme dysfonctionnements. La venue de nouveaux titulaires, qui ignorent totalement l'historique de la

27 «Psychologie de la copropriété» -in La copropriété pratique en 300 questions, Associa-tion des responsables de copropriété, Paris, ADDEL, 2001.

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communauté à laquelle ils entendent participer activement, constitue égale-ment un facteur important.

A ce stade, se pose la justification du droit de préemption au sens de l'art. 682 CC. Sur le principe, il y a lieu des 'y opposer d'autant que dans les PPE qui soumettent les garages à la copropriété ordinaire, il faut imposer la renonciation au droit de préemption.

Avec le temps et l'expérience, cette attitude devrait être nuancée.

Dans le cadre de copropriétés plus petites de la taille d'environ 10 à 15lots, on peut se demander si l'acceptation du droit de préemption au sens de l'art. 682 CC ne serait pas une protection légitime contre les attitudes néga-tives venant de l'extérieur. Sans prendre position définitivement c'est néan-moins une intenogation qui mérite d'être retenue pour l'avenir.

Tout copropriétaire doit adhérer au principe de la tolérance, c'est-à-dire qu'il ne peut interdire ou exiger, sans qu'auparavant il ne se soit livré à une réflexion objective tenant compte de ses propres intérêts et de ceux de la communauté.

Sur ce point, il faut donner la parole à M. le Professeur Amédéo Wermelinger-de Gottrau28, dans sa thèse, sous la mention «Le devoir de tolérance».

«Les relations de voisinage ne sont pas toujours faciles et requièrent une certaine tolérance, une acceptation du voisin avec toutes les différences qui le caractérisent. Le but du droit de voisinage est de faciliter la «coexis-tence pacifique» des voisins. Pour y parvenir, il est indispensable qu'il tienne compte, lors d'un conflit, de tous les intérêts en présence. Le juge appelé à analyser un cas concret sous 1' angle du voisinage, devra procé-der à une véritable pondération des intérêts entre demandeur et défendeur.

Dans cette optique, il doit apprécier l'immission invoquée en adoptant un critère objectif d'homme moyennement sensible. La loi n'a pas pour but de protéger les propriétaires d'étages trop sensibles. Ainsi, un proprié-taire d'étage doit, en principe, faire preuve du même degré de tolérance envers ses voisins qu'un locataire, un usufruitier ou un propriétaire indi-viduel. Il ne peut pas faire valoir des «états d'âme». en règle générale, le devoir de tolérance existe d'une manière plus importante pour les immissions diurnes que pour les immissions nocturnes».

28 L'utilisation de l'unité d'étage dans un immeuble en propriété par étages, Fribourg, Imprimerie St-Paul, 1992.

LA PPE EN SUISSE, HIER, AUJOURD'HUI, DEMAIN: LE POINT DE VUE DU PRATICIEN

C'est donc bien le respect de l'autre qui se manifeste en tout premier lieu et qui va influencer la vie de la communauté.

Un autre aspect de la propriété par étages ne doit pas être négligé. Il s'agit de la destination de la chose. Si dans le cadre des sociétés immobiliè-res d'actionnaiimmobiliè-res-locataiimmobiliè-res il avait été adopté la notion du principe de l'habitation bourgeoise, il n'en a pas été de même dans le contexte de la PPE. Or il faut reconnaître que l'évolution rapide des moyens de communi-cations et des technologies liées va profondément bouleverser le contexte et l'environnement de la PPE par le fait que beaucoup de copropriétaires peu-vent exercer leur profession à leur domicile privé. Si c'est déjà le cas aujourd'hui, dans une moindre mesure, on peut estimer qu'il sera nécessaire de tenir compte de cet aspect à l'avenir dans 1' élaboration des règlements d'utilisation et d'administration ou même pour donner plus de précisions lors de la constitution de la PPE.

Autre sujet qui prend actuellement une certaine ampleur, c'est le cas des travaux de rénovation et de transformation qu'entreprennent les copro-priétaires, bien souvent dans le cadre d'une acquisition récente.

Certes un lot représente une partie privée et la plupart des règlements d'utilisation et d'administration sont en général très laconiques à cet égard.

Les versions récentes donnent certains pouvoirs à 1' administrateur ou à l'assemblée générale pour remédier à des inconvénients qui entraînent des affrontements évitables avec un minimum de compréhension et de comtoi-sie. Très souvent, ces interventions débouchent également sur des domma-ges causés aux parties communes. Là encore, une attention toute pmticu-lière doit être portée à cet aspect car très souvent les conséquences sont irrémédiables et entraînent une perte de valeur pour l'ensemble de la communauté.

La Suisse, malgré l'accès à la jurisprudence y relative, ne dispose pas pour l'instant de la même richesse des décisions prononcées par les tribu-naux français pour ne citer qu'eux.

Faut-il s'en inspirer? Sans vouloir diminuer la spécificité de la PPE en Suisse, une réflexion continue doit être menée.

PIERRE FÉLICITÉ-IVANES

La propriété par étages, malgré ses incohérences et ses défauts appa-rents est une solution qu'il faut privilégier pour beaucoup de candidats à la propriété. Pour ratifier ce point de vue, il faut rappeler la dernière constata-tion, déjà citée précédemment, qui figure dans la conclusion de M. le Professeur Guy Flattet29 lors de la «Sixième journée juridique du 9 octobre 1966»:

«La loi a créé une institution nouvelle en faisant une large part à l'esprit communautaire - organisé de la copropriété, mais si étendue que soient les détails de l'organisation, il est douteux que toutes les éventualités aient été envisagées. Le texte est assez difficile à comprendre. Pourtant, il fau-dra sans doute que la pratique l'interprète ou même la complète. C'est pourquoi nous pouvons suivre avec un vif intérêt l'évolution dans l'appli-cation de la loi. Il est vraisemblable que la gestion de la propriété par étages n'est pas définitivement épuisée, ce qui est le meilleur signe qu'il s'agit d'une institution bien vivante et bien actuelle».

Faut-il voir en matière de copropriété dans l'affirmation de Jean-François Demole une utopie lorsqu'il affirme: «L'homme est essentiellement une intelligence perfectible; le but de la vie est le petfectionnement de cette intelligence, et le bonheur, la joie de chaque succès dans cette noble car-rière».

Ce sont les vœux qu'il faut formuler aujourd'hui pour la copropriété de demain.

29 FLATTET, Guy, CORNIOLEY, Pierre, GRAVEN, Jean, Sixième journée juridique, 9 octobre 1966, Genève, Georg, 1967 (Mémoires de la Faculté de droit de l'Université de Genève;

no 22).

LES ATTRIBUTIONS RESPECTIVES DES ORGANES DE LA PPE

François Vouilloz

I. LA COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES

D'ÉTAGES