• Aucun résultat trouvé

PARTIE I. LA CHINE ET L’ALLEMAGNE, UNE HISTOIRE PARTAGÉE

CHAPITRE 1. LA CHINE DANS LE MONDE, ENTRE FERMETURE ET OUVERTURE

2.2. Les années 1920-1930 et 1937-1949

Après la lourde défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale121

, la Révolution d’Octobre en Russie et la fondation de la République de Weimar, la confiance accordée aux valeurs occidentales fut ébranlée dans une Allemagne fatiguée, blessée et abattue par la sévérité du traité de Versailles.

Der durch Inflation und Arbeitslosigkeit bestimmte trostlose Alltag der 20er Jahre war in der Folge des Weltkrieges in deutschnationalen Kreisen gekennzeichnet von einer „Untergang-des-Abendlandes-Stimmung“. Ideen vom gemeinsamen Schicksal zweier benachteiligter Nationen: Deutschland und China, gegenüber dem als politischen und ideologischen Feind

119

Lü, Yixu, « Tsingtau », op.cit., p. 224.

120

Le temple chrétien de Qingdao, de style allemand, fut bâti en 1910.

121

61

gesehenen Anglo-Amerikanismus produzierten ein besonderes Interesse an China122.

Dans ce contexte difficile, l’Extrême-Orient et la Chine représentèrent un horizon mythique qui suscita bon nombre de rêveries. L’idéalisation fantasmagorique de la Chine s’accompagna d’excursions de la part d’historiens de l’art, de savants, d’écrivains et d’aventuriers de tous acabits dans l’Empire du Milieu. Dagmar Yü-Dembski a rassemblé certains de leurs savoureux témoignages dans l’article qu’elle a consacré à la réception de la Chine dans la République de Weimar123.

La réalité chinoise était cependant bien loin des rêveries enthousiastes de nombreux Allemands en mal d’aventures. La jeune République de Chine sombra en effet rapidement dans l’instabilité politique, Sun Yat-Sen se faisant écarter du pouvoir sans avoir obtenu de soutien de la part de la communauté internationale. Après la mort de Sun Yat-Sen en 1926, Tchang Kaï-chek accéda à la tête de l’État, sans pour autant parvenir à recréer une unité dans une République minée par la guerre civile qui éclata dès 1927 entre les nationalistes (fidèles à Tchang Kaï-chek) et les communistes. Parallèlement à ce conflit interne, la Chine eut à souffrir de l’invasion et de l’aliénation de la Mandchourie par l’Empire du Japon en 1931. Lorsque quelques années plus tard, en juillet 1937, ce dernier envahit de grands pans du nord et du centre de la Chine, la guerre devint inévitable. Elle sévit huit années durant124, fut relayée immédiatement après par la guerre civile qui reprit (après une trêve et une alliance provisoire contre l’ennemi commun) jusqu’en 1949, date à laquelle les communistes vainquirent le Guomindang et fondèrent la République Populaire de Chine.

En 1937 encore, l’Allemagne intervenait en tant que puissance de conseil dans les affaires militaires de la Chine125 (ce qu’elle avait fait dans la deuxième moitié du XIXe siècle également et ce qui lui avait été reproché lors de la révolte des Boxers), coopérait avec elle

122

Leutner, Mechthild, « ‘China ohne Maske‘ Forschungsreisende, Berichterstatter und Missionare erschließen China in den 20er und 30er Jahren », in: Leutner, Mechthild et Dagmar Yü-Dembski (dir.), Exotik und Wirklichkeit. China in Reisebeschreibungen vom 17. Jahrhundert bis zur Gegenwart, op.cit., p. 68.

123

Voir : Yü-Dembski, Dagmar, « Traum und Wirklichkeit. Rezeption und Darstellung Chinas in der Weimarer Republik » Ibid., p. 53-65.

124

L’occupation japonaise laissa des cicatrices douloureuses à la Chine qui dénonce régulièrement cette période très sombre de son histoire (pour laquelle le Japon refuse de s’excuser officiellement). L’un des symboles de la cruauté des Japonais que les Chinois ne sont pas prêts d’oublier ni de pardonner est le massacre de Nankin qui eut lieu fin 1937 et qui fit des centaines de milliers de victimes dans des circonstances particulièrement terribles. Voir à ce propos : Chang, Iris, Le viol de Nankin 1937 : un des plus grands massacres du XXe siècle, Paris, Éditions France Loisirs, 2008.

125

C’est aussi en Chine que l’Allemagne allait chercher les ressources nécessaires à son industrie de guerre, là qu’elle trouva un marché important pour la vente de ses machines de guerre, ses armes, ses équipements techniques, etc.

62

dans le domaine culturel et représentait un partenaire commercial de tout premier ordre pour la jeune République. Les relations sino-allemandes restaient cependant déséquilibrées, l’Allemagne s’efforçant de tirer un maximum d’avantages et de profit du marché chinois grâce à l’exploitation, pour ses besoins militaires, des ressources que possédait la Chine. Or cela devait passer, théoriquement, par l’inclusion de la Chine dans un système politique de domination fasciste du monde. De son côté, la Chine, aux prises avec le Japon, pensait pouvoir utiliser ses relations allemandes pour construire un État national fort, capable de résister aux envahisseurs. Cet espoir fut anéanti lorsque l’Allemagne nazie scella le 25 novembre 1936 le pacte anti-Komintern avec le Japon. Les intérêts allemands en Chine allaient dès lors être poursuivis non pas par le biais de relations directes avec la République chinoise mais à travers l’alliance avec l’agresseur japonais. Le 20 février 1938, l’Allemagne nazie reconnut l’État indépendant de jure Mandchoukouo (1932-1945), mis en place et contrôlé par le Japon dans le nord-est de la Chine. Au cours de la même année, la collaboration sino-allemande dans le domaine militaire fut interrompue. Le commerce bilatéral s’appauvrit lui aussi et devint de plus en plus insignifiant. Les relations culturelles furent réduites de manière drastique. Malgré le pacte entre l’Allemagne et le Japon, les relations sino-allemandes perdurèrent cependant jusqu’en 1941, les intérêts de l’un et l’autre pays d’un point de vue militaire restant intimement liés (la Chine étant scindée en deux, entre une partie occupée par les Japonais et une autre restée indépendante, l’Allemagne continua à entretenir des relations avec, d’un côté les Japonais, et de l’autre le gouvernement de Tchang Kaï-chek).

La rupture, en date du 22 juin 1941, du pacte de non-agression que l’Allemagne et l’Union soviétique avaient conclu le 23 août 1939, et l’attaque de Pearl Harbour par le Japon le 7 décembre 1941, amorcèrent finalement une nouvelle phase dans la Guerre mondiale et modifièrent considérablement la teneur des relations sino-allemandes. Tchang Kaï-chek, qui avait mis un terme aux relations diplomatiques avec l’Allemagne nazie en juillet 1941126

, déclara la guerre à l’Allemagne à la suite de Pearl Harbour et se solidarisa avec les Alliés (États-Unis, Royaume-Uni, Union soviétique et autres puissances amies)127.

La capitulation allemande du 8 mai 1945 fut suivie le 2 septembre par la capitulation japonaise qui mit fin au gouvernement japonais à Nankin et à l’État du Mandchoukouo. La

126

Les diplomates du gouvernement national chinois quittèrent Berlin le même mois.

127

Franklin D. Roosevelt (1882-1945), se référant aux « Trois Grands » (États-Unis, Royaume-Uni et URSS), plus la Chine, les appelait les « quatre gendarmes ».

63

République de Chine sous Tchang Kaï-chek fut réinstaurée pour un court laps de temps puisqu’elle fut évincée quelques années après par les milices communistes. Après la fondation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949, la méfiance vis-à-vis des étrangers grandit dans le pays, qui se referma de plus en plus sur lui-même. Cela conduisit, jusqu’en 1954, la quasi-totalité des Allemands qui étaient restés jusque-là en Chine à quitter définitivement le territoire128.

En ayant joint ses forces aux alliés en 1941, la Chine non-occupée avait choisi le camp des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. À partir de 1949, le destin de la Chine d’un côté, de l’Allemagne de l’autre, et de leurs relations réciproques, se déroula le long de la ligne de partage entre l’Est et l’Ouest, entre le bloc communiste et le bloc capitaliste, qui partagea aussi bien le peuple allemand que le peuple chinois en deux, influençant ce faisant la nature et la fréquence des relations sino-allemandes pendant toute la durée de la Guerre Froide jusqu’à la fin des années 1970.

Germany’s special position in the context of the Cold War, and similarities between China and Germany as two divided nations trying to defend their claim to national unity make Sino-German relations a topic that sheds light on the global dimensions of the Cold War129.