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Chapitre 3: Etude quantitative longitudinale avant/après le décès Processus de deuil des conjoints de patients : description et analyse des déterminants de l’ajustement à la perte

3.3 Analyses statistiques

Pour décrire la nature de la détresse psychologique des participants, nous avons utilisé des dénombrements et des comparaisons bivariées (t de Student et corrélations).

Pour les modèles de régression linéaires expliquant la dépression à T2, nous avons tout d’abord mené des régressions transversales (les prédicteurs sont mesurés à T2), puis des analyses de régressions longitudinales (adaptation mesurée à T2 associée à des prédicteurs mesurés à T1).

Analyses transversales : pour la dépression à T2, les prédicteurs candidats étaient ainsi : la durée de la maladie depuis le diagnostic, le genre du conjoint, leur niveau d’étude, et leurs styles d’attachement. Les variables sociodémographiques mentionnées ci-dessus étaient donc contrôlées, ainsi que le niveau de dépression à T1. Pour les modèles de régression linéaires expliquant l’intensité des réactions de deuil, les prédicteurs candidats étaient: les styles d’attachement mesurés à T2, les styles de coping de deuil et les interprétations catastrophistes de deuil ; la dépression, ainsi que les données sociodémographiques ont là aussi été contrôlées. Pour le développement post-traumatique, les prédicteurs candidats étaient les styles d’attachement et les interprétations catastrophistes de deuil. Nous avons également mené des régressions logistiques en utilisant les mêmes modèles afin de prédire le risque de dépression (BDI SF>9) et le risque de trouble du deuil prolongé (selon l’algorithme de Prigerson et al., 2009).

Analyses longitudinales : pour la dépression et l’intensité des réactions de deuil évaluées à T2, les prédicteurs candidats étaient le fardeau mesuré à T1, les styles d’attachement, les styles de coping et les facteurs de personnalité mesurés à T1. La dépression à T1 et les variables sociodémographiques étaient contrôlées.

Nous avons détaillé les analyses statistiques au début de chaque sous-partie concernant les analyses de régression, afin de faciliter la lecture. L’ensemble des analyses statistiques a été réalisé à l’aide du logiciel SPSS (SPSS Inc 19.00).

3.3 Résultats

Trente-six conjoints (23 hommes, âge moyen= 62,9 ans) ont accepté de participé au deuxième temps de l’évaluation. Quatre d’entre eux avaient consenti à participé à T1, mais n’avaient pas eu le temps de remplir les questionnaires ; les données T1 les concernant sont donc manquantes. Les données sociodémographiques et cliniques concernant ces participants figurent au tableau 13. Ils ont renvoyé le questionnaire T2, et se sont entretenus avec nous, en moyenne 7,9 mois (SD=1,2) après le décès de leur conjoint(e). On ne note pas de différence significative entre les conjoints qui ont participé aux deux temps de l’étude, et ceux qui n’ont participé qu’à T2, à l’exception d’un usage des substances et/ou alcool plus important chez les premiers (t=2.13 ; p=.037), et d’un recours plus important à la suppression des activités concurrentes (t=.2.82 ; p=.007), par rapport à ceux qui n’ont participé qu’au premier temps d’évaluation.

Tableau 14: Données sociodémographiques et cliniques de l'échantillon à T2 (N=36)

M(SD) %

Nombre de conjoints 36

Femmes 13

Hommes 23

Age moyen 62.9(12.36)

Statut professionnel conjoint (retraité) 60

Niveau d’études

du conjoint (études secondaires) 56.7

Statut marital conjoint-patient décédé (mariés) 90

Enfants (au moins 1 enfant) 85

3.3.1 Adaptation psychologique à la perte du conjoint

Le tableau 15 synthétise les résultats des conjoints à la BDI et à l’ITG.

Tableau 15 : Intensité des symptômes dépressifs (BDI SF) et des réactions de deuil des conjoints endeuillés (N=36)

Minimum Maximum Moyenne Ecart type

Dépression T2 ,00 22 8,6 5,6 Intensité des réactions de deuil T2 39 138 81,05 25,6 3.3.2 Symptomatologie dépressive

Six mois après la mort de leur conjoint, les participants de cette étude présentent un score moyen de 8,6 à la BDI, ce qui suggère une dépression modérée en moyenne. Vingt- quatre conjoints (66,7%) présentent des scores significatifs à la BDI SF (score=4+). Si l’on adopte, comme nous l’avons fait pour les analyses à T1, un cut-off à 9 pour identifier la dépression clinique, quatorze participants (38,9%) sont au-dessus de ce seuil. On note que six conjoints (16,7%) présente une dépression dite ‘sévère’ (score égal ou supérieur à 16).

Un test-t pour échantillons appariés révèle une différence significative entre les scores moyens à la BDI entre le premier et le deuxième temps dévaluation. Il apparaît en effet que la symptomatologie dépressive est significativement plus intense à T2 qu’à T1 (t=2,2 ; p=.036). Une analyse de corrélations bivariées met en évidence une association positive très significative entre les deux scores (p=.6**). Concernant le diagnostic clinique de dépression (score BDI SF=9+), on n’observe pas de changement significatif entre les deux temps d’évaluation. Le tableau 16 présente les évolutions diagnostiques entre les deux temps d’évaluation.

Tableau 16 : Evolution du diagnostic de dépression entre les deux temps d’évaluation (N= 36)

Conjoints non déprimés T2 Conjoints déprimés T2 Conjointsnon- déprimés T1 17 7 Conjoints déprimés T1 2 6

En utilisant le cut off à 9 à la BDI SF, on observe ainsi que 17 conjoints (47%) qui n’étaient pas considérés comme cliniquement déprimés à T1 le demeurent à T2; 7 conjoints (19%) étaient non-déprimés à T1 mais le sont à T2. Deux conjoints (5%) étaient déprimés à T1, mais pas à T2 ; et enfin 6 (16%) sont déprimés à T1 et à T2.

Un autre regard sur l’évolution de la symptomatologie dépressive entre T1 et T2 consiste à évaluer combien de conjoints ont une symptomatologie dépressive plus intense à T2, et combien une symptomatologie moins intense. Il apparaît que 17 conjoints (53%) ont des symptômes plus intenses à T2 ; quatre conjoints (12,5%) ont une symptomatologie stable ; et enfin 11 conjoints (34%) présentent une amélioration. Le sous-groupe de participants présentant une symptomatologie plus intense fait l’objet d’une catégorie ‘dégradés’ qui nous servira pour les études de régression.

On ne note pas de différence significative à la BDI selon le genre des conjoints.

3.3.3 Symptômes de deuil

Le score moyen des participants à l’ITG est de 81,05 (SD=25,6). En adoptant la classification diagnostique du trouble du deuil prolongé (algorithme de Prigerson et collègues), il apparaît que 5 conjoints (13,9%) peuvent être diagnostiqués comme souffrant d’un TDP. On ne note pas de différences significatives en fonction des variables

sociodémographiques et cliniques entre les conjoints souffrant d’un TDP, et ceux qui n’en souffrent pas. Afin d’affiner notre compréhension de la symptomatologie du deuil, nous avons dichotomisé les réponses aux 30 items de l’ITG ; ainsi un score de ‘presque jamais/aucun’ à ‘rarement/léger’ est recodé ‘0’ (on considère qu’il y a une fréquence ou une intensité symptomatologiques moindres). Un score initial de ‘parfois/moyennement’ à ‘toujours/de manière insurmontable’ est recodé ‘1’ (fréquence/intensité plus importantes). Le tableau 17 présente la prévalence de la symptomatologie de deuil, en utilisant cette méthode.

Tableau 17 : Prévalence des réactions de deuil chez les conjoints endeuillés (N=36)

Numéro Description du symptôme % de conjoints rapportant 1

de l’item symptomatologie plus marquée

1 Le décès de mon/ma conjoint(e) me submerge ou me dévaste 66,7% 2 Je pense tellement à mon/ma conjoint(e) que je trouve difficile d’accomplir

les choses que je réalise d’habitude 66,7%

3 Les souvenirs de mon/ma conjoint(e) me bouleversent 86,1%

4 Je sens que j’ai des difficultés à accepter le décès 75%

5 Je me sens nostalgique et je me languis de mon/ma conjoint(e) 91,7%

6 Je me sens attiré(e) par les lieux et les choses liés à mon/ma

conjoint(e) 77,8%

7 Je ne peux m'empêcher d’éprouver de la colère au sujet du décès de mon/ma

conjoint(e) 58,3%

8 J’ai du mal à croire au décès de mon/ma conjoint(e) 58,3%

9 Je me sens stupéfait(e), sidéré(e) ou choqué(e) par le décès de mon/ma

conjoint(e) 55,6%

10 Depuis que mon/ma conjoint(e) est décédé(e), il m’est difficile de faire

confiance aux gens 25%

11 Depuis le décès de mon/ma conjoint(e), j’ai l’impression que je ne suis plus capable de prendre soin des autres, ou je me sens distant(e) des personnes

auxquelles je tiens 22,2%

12 Je ressens de la douleur dans les mêmes régions de mon corps, ou certains symptômes similaires, ou j’ai adopté certains des comportements ou

caractéristiques de mon/ma conjoint(e) 27,8%

13 Je m’évertue à éviter ce qui me rappelle que mon/ma conjoint(e) est

décédé(e) 36,1%

14 J’ai le sentiment que la vie est vide ou dénuée de sens sans mon/ma

conjoint(e) 75%

15 J’entends la voix de mon/ma conjoint(e) qui me parle 36,1%

16 Je vois mon/ma conjoint(e) se tenir devant moi 33,3%

17 J’ai le sentiment de ne plus rien ressentir depuis le décès de mon/ma

conjoint(e) 36,1%

18 Je trouve injuste que je doive vivre alors que mon/ma conjoint(e)est décédé(e) 25%

19 Je ressens de l’amertume vis à vis du décès de mon/ma conjoint(e) 63,9% 20 J’envie les personnes qui n’ont pas perdu quelqu’un de proche 44,4% 21 J’ai le sentiment que le futur n’a pas de sens ou de but sans mon/ma

conjoint(e) 50%

22 Je me sens seul(e) depuis que mon/ma conjoint(e) est décédé(e) 88,9%

23 Il est difficile pour moi d’imaginer que la vie soit épanouissante sans mon/ma

conjoint(e) 69,4%

24 J'ai l’impression qu'une partie de moi est morte avec mon/ma conjoint(e) 75% 25 J’ai l’impression que le décès a changé ma vision du monde 63,9% 26 J'ai perdu mon sentiment de sécurité ou de sûreté depuis le décès de mon/ma

conjoint(e) 44,4%

27 J'ai perdu mon sentiment de contrôle depuis le décès de mon/ma

conjoint(e) 25%

28 Je crois que mon deuil a significativement détérioré mon

fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines 33,3% 29 Je suis à fleur de peau, prêt(e) à sursauter ou facilement effrayé(e)

depuis le décès 33,3%

On remarque que les symptômes ressentis le plus intensément ou le plus fréquemment (en gras) ont trait au languissement, à la nostalgie à l’égard du défunt (item 5), au sentiment de solitude (item 22), et à la remémoration douloureuse de souvenirs liés au défunt (item 3). Les symptômes le moins fréquemment ressentis sont liés aux relations aux autres (items 10 et 11), au sentiment de contrôle (item 27) et au sentiment d’injustice (item 18).

On ne note pas de différence significative dans l’intensité de la symptomatologie de deuil selon le genre des conjoints. Enfin, on notera que quatre conjoints endeuillés (11,11%) souffrent de dépression (BDI=9+) et d’un trouble du deuil prolongé.

3.3.4 Développement post-traumatique (DPT)

Comme le montre le tableau 18, les moyennes des participants aux différentes échelles du PTGI, ainsi qu’au score total, sont toutes en deçà de la valeur référence, à partir de laquelle on peut considérer qu’un développement post-traumatique est vécu. Seule exception : les relations aux autres, sous-échelle où le DPT semble expérimenté par les conjoints de cet échantillon.

Tableau 18 : Scores de développement post-traumatique des conjoints endeuillés (N=36)

PTGI-Autres PTGI-nouvelles possibilités

PTGI-forces personnelles

PTGI-

spiritualité PTGI-élan vie

post-traumatic- growth Total Moyenne 15,11 7 5,33 2,61 5,3 36,37 Ecart-type Valeurde référence 8,59 14 7,03 10 5,75 8 3,17 4 3,83 6 22,45 42

Comme suggéré par Lelorain (2009), nous avons cherché à étudier de manière détaillée la prévalence du développement post-traumatique, selon la méthode de Shroevers et Téo (2008). Ainsi les réponses à chaque item du PTGI ont été dichotomisées ; pour chaque item, et donc pour chaque changement, un score initial de ‘pas du tout vécu’ à ‘peu vécu’ est codé ‘0’ (on considère qu’il n’y a pas de changement). Un score initial de ‘un peu’ à ‘totalement’ est recodé ‘1’(on considère alors que le changement lié à l'item est vécu). Un score total est alors à nouveau calculé, allant de 0 à 21 (21 items au total). En moyenne, sur les 21 items du PTGI, les conjoints endeuillés de notre échantillon rapportent 8 changements vécus de ‘un peu’, à

‘totalement’ (M=8,19, SD=6,3). Le tableau 19 montre la prévalence du développement post- traumatique, en utilisant cette méthode.

Tableau 19 : Prévalence du développement post-traumatique chez les conjoints endeuillés (N=36)

Numéro Changement décrit % de conjoints

De l’item ayant vécu ce changement

1. J'ai changé de priorités dans la vie 50%

2. J'apprécie plus ma vie à sa vraie valeur 41,7%

3. Je me suis intéressée à de nouvelles choses 30,6%

4. J'ai acquis plus de confiance en moi 25%

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