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Chapitre 3. Méthodologie

3.8 Analyse des données

Cette section aborde le traitement des données recueillies, soit les règles générales propres à l’analyse par théorisation ancrée, ainsi que les étapes de codification qui y sont associées. La codification des données joue un rôle central dans la qualité de la théorie générée en théorisation ancrée (Strauss, 1987). Cette section aborde les quatre phases d’analyse des données, en les mettant en parallèle avec les étapes de codification proposées par Strauss et Corbin (1990), soit la codification ouverte, la codification axiale et la codification sélective. Précisons qu’au fil de la recherche, les décisions qui ont mené à la structuration de la codification ont été notées dans des mémos, lesquels constituent des éléments importants de l’analyse inductive en théorisation ancrée (Corbin et Strauss, 1998). Le tableau de la page suivante résume les caractéristiques propres à chacune des phases de collecte et d’analyse des données, incluant les modalités d’échantillonnage théorique, le nombre de répondantes, les thèmes abordés et le type de codification.

7 Suite à la deuxième phase d’entrevue, une nouvelle catégorie conceptuelle a été identifiée : les zones de tension. Lors de la

Tableau 1 : Caractéristiques des phases de collecte et d’analyse de données Collecte

de données

Échantillonnage

théorique Répondantes Schéma d’entrevue (thèmes abordés) Codification

Phase 1

Selon le type d’instance (comité de travail, conseil d’administration, équipe d’intervention, équipe de soutien) Alliée 1 Participante 1 Alliée 2

Explorer trois thèmes : 1) pratiques d’empowerment, 2) retombées, 3) facilitateurs et obstacles Ouverte : identification des différents concepts

Phase 2 d’années d’implication Selon le nombre

Participante 2 Alliée 3 Participante 3 Participante 4

Analyser les variations au sein des pratiques, des retombées, des facilitateurs

et des obstacles

Ouverte : identification des

catégories conceptuelles

Phase 3 Selon le statut de TDS ou alliée

Alliée 4 Participante 5 Participante 6

Alliée 5

Faire des liens entre les pratiques, les retombées et

les zones de tension

Axiale : Faire des liens entre les

différentes catégories conceptuelles Phase 4 Selon l’expérience associée au travail du sexe (TDS ou ex-TDS, type de travail du sexe)

Participante 7 Participante 8 Participante 9

Identifier une catégorie centrale: les processus

transformateurs

Sélective : Intégration de la théorie selon une catégorie centrale Employée au début de la collecte et de l’analyse de données, la codification ouverte implique une classification exhaustive du matériel recueilli, visant à faire émerger le plus de concepts possible (Creswell, 2013). Les concepts répertoriés à cette étape sont par la suite comparés les uns aux autres, de façon à ce qu’ils soient regroupés en catégories conceptuelles en fonction de leurs similitudes et de leurs divergences (Corbin et Strauss, 1990). Dans le cadre de cette étude, la codification ouverte a été réalisée en deux phases distinctes. La première phase a permis de dégager une multitude de concepts, à partir d’une codification exhaustive des entrevues. La deuxième phase a conduit à identifier trois catégories conceptuelles permettant de réunir l’ensemble des concepts identifiés, soit : 1) les pratiques d’empowerment, 2) les retombées et 3) les zones de tension. L’identification des concepts et des catégories conceptuelles est une étape cruciale de la théorisation ancrée, puisque les concepts constituent les composantes de la théorie générée (Strauss et Corbin, 1998). Le tableau suivant présente ces trois catégories conceptuelles, les propriétés (caractéristiques) qui ont permis de les distinguer, ainsi que les concepts répertoriés pour chacune d’entre elles. La numérotation des concepts réfère aux liens entre les catégories (voir codification axiale).

Tableau 2: Catégories conceptuelles, propriétés et concepts répertoriés Catégories

conceptuelles Pratiques d’empowerment Retombées Zones de tension

Propriétés (caractéristiques)

– Mises en œuvre par le Projet L.UN.E. – Visent l’empowerment des participantes du

Projet L.U.N.E.

– Engendrées par les pratiques

d’empowerment du Projet L.U.N.E. – Constituent un impact

positif pour les TDS

– Traduisent des perspectives opposées ou contrastées – Défis reliés à la mise

en œuvre des pratiques d’empowerment

Concepts répertoriés

– Reconnaître et valoriser l’expertise des TDS (1)

– Promouvoir une conception plus nuancée du travail du sexe (1)

– Offrir un cadre d’implication structuré aux TDS (2)

– Offrir aux TDS un lieu d’expérimentation et de réflexion sur ses capacités et ses limites (2)

– Adopter une approche d’accueil et d’acceptation inconditionnelle à l’égard des TDS (3)

– Offrir un cadre d’implication souple et flexible (3)

– Créer des lieux de rencontre pour les TDS (4)

– Favoriser la mise en commun des expériences des TDS (4)

– Offrir un soutien aux TDS dans l’optique de faciliter leur participation (5)

– Attribuer une place prépondérante aux TDS dans la structure de l’organisme (5) – Établir des relations non hiérarchiques

entre participantes et alliées (5)

– Mieux répondre aux besoins des TDS (6) – Favoriser l’accès à un revenu décent (6) – Lutter pour la reconnaissance et la défense

de droits des TDS (6)

– Offrir des formations variées aux participantes (7)

– Offrir l’occasion d’apprendre par l’expérimentation (7)

– Redéfinir l’image des TDS (1)

– Développer une routine, un sens de l’organisation et des responsabilités (2) – Apprendre à connaître et à respecter ses capacités et ses limites (2)

– Avoir un lieu d’ancrage et un groupe

d’appartenance (3) – Avoir une place dans la

société (3) – Développer une compréhension plus collective des problématiques vécues par les TDS (4) – Tisser des liens de

solidarité et d’amitié entre TDS (4)

– Prendre plus de place et reprendre du pouvoir (5) – Amélioration des

conditions de vie des TDS (6) – Développer ses connaissances et ses compétences (7) – S’identifier ou se distancier du travail du sexe – Conjuguer normes et marginalité – Passer du je au nous – Partager le pouvoir entre alliées et TDS

Une fois la codification ouverte complétée, nous avons procédé à la codification axiale, par laquelle des liens ont été établis entre les catégories dégagées précédemment. Pour faciliter ce processus, Strauss et Corbin (1990) suggèrent de se baser sur le modèle paradigmatique, qui comprend quatre types d’action permettant de mettre en relation les catégories conceptuelles : les conditions, le contexte, les stratégies et les conséquences. Le modèle paradigmatique représente l’intégration de ces catégories d’action (Corbin et Strauss, 1990 ; Laperrière, 1997 ; Strauss et Corbin, 1998). La troisième phase d’analyse des données a permis de s’attarder aux liens entre les catégories conceptuelles, et donc de réaliser la codification axiale. C’est ainsi qu’il a été possible d’établir des connexions entre les pratiques d’empowerment (stratégies) et les retombées (conséquences). Pour répertorier ces liens, il est possible de se rapporter à la numérotation des concepts dans le précédent tableau. Les pratiques d’empowerment et les retombées qui sont associées portent le même numéro. Quant au contexte et aux conditions propres au modèle paradigmatique, elles ont été explorées à travers la catégorie conceptuelle relative aux « zones de tension ».

La codification sélective, étape finale de la codification, est le processus par lequel toutes les catégories sont unifiées, alors que la théorie est raffinée autour d’un phénomène central émergeant des données (Strauss et Corbin, 1998). Tel que souligné par Laperrière (1997), la codification sélective « vise l’intégration finale de la théorie par rapport à une catégorie centrale, à une ligne narrative qui va au cœur du phénomène et le synthétise en quelques phrases » (p. 320). Cette démarche permet de générer une théorie finale, intégrant l’ensemble des données recueillies. La quatrième phase a permis d’identifier une catégorie centrale permettant d’intégrer tous les concepts : les processus transformateurs. C’est ainsi qu’ont été répertoriés sept processus transformateurs, permettant de produire une explication unifiée théorique qui explicite en quoi les pratiques d’empowerment dédiées aux TDS permettent d’engendrer des retombées :

1. Valoriser les travailleuses du sexe en contribuant à redéfinir leur image 2. Offrir un projet structurant qui permet de « faire de l’ordre dans sa vie »

3. Soutenir l’inclusion sociale des travailleuses du sexe en leur offrant un point d’ancrage 4. Favoriser la collectivisation en rassemblant les travailleuses du sexe

5. Agir sur les rapports de pouvoir pour faciliter la participation 6. Intervenir pour améliorer les conditions de vie

7. Renforcer les connaissances et les compétences