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DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 165 sur 506

I-3-1- LA DECENTRALISATION DE 1982.

Dés la mise en place du gouvernement qui suivit l'élection présidentielle de François Mitterrand, la décentralisation est apparue comme l'une des grandes orientations du septennat qui commençait.

Les lois de décentralisation élaborées sous l'égide de Gaston Deferre, ministre de l'intérieur du 2 mars 1982 "relative aux droits et libertés des communes et des régions" et du 7 juillet 1983 " relative à la répartition des compétences entres les communes, les départements et les régions" concrétisaient cette volonté.

Ces lois ont donné des libertés d'actions nouvelles, notamment dans le développement économique, supprimé la plupart des tutelles et transféraient l'exécutif des conseils généraux et des conseils régionaux à leurs présidents. Elles ont d'autre part fait de la région une collectivité territoriale à part entière.

Des transferts de compétence importants ont été organisés pour:

- les communes dans les domaines de l'urbanisme et des politiques foncières, des constructions scolaires du premier degré, du développement économique…

- les départements dans les domaines du développement économique, des transports départementaux, de la solidarité et de l'action sanitaire et sociale, de l'équipement rural, des constructions scolaires des collèges. - les domaines du développement économique régional, de la formation

professionnelle, des transports régionaux, des constructions scolaires des lycées…

Au contrôle "à priori" des délibérations, fut substitué le contrôle " à posteriori " et la mission des Chambres Régionales des Comptes créées le 10 juillet 1982 .

Ces réformes engagées en 1982 doivent cependant se comprendre à la lumière des mouvements "d'émancipation " des pouvoirs communaux apparus dans la décennie antérieure, notamment à l'issue des élections municipales de 1971 et surtout 1977, tel que développé au chapitre précédent de cette thèse.

Gérard Marcou confortant cette analyse rappelle que " la décentralisation n'est pas apparue en 1982, comme des raccourcis de langage le donnent trop souvent à penser. La réforme engagée en 1982 ne se comprend qu'à la lumière de l'état de la décentralisation en France dans les années 70, et ce système s'est transformé par strates successives que le temps a amalgamé sur une période de prés de deux siècles. En outre la loi du 2 mars 1982 a déclanché un processus de réforme qui s'est poursuivi au cours des années ultérieures par une abondante législation, parfois de manière contradictoire et hésitante, mais sans remise en cause des principes de 1982." 474

474

DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 166 sur 506 L'évolution du pouvoir communal, bien au-delà des "décentralisations "

octroyées jusqu'alors par l'Etat, demeure cependant le principal facteur déterminant qui conduisit à la réforme de 1982, celle-ci consacrant d'ailleurs ce pouvoir communal.

Contrairement à la plupart des pays européens ayant mis en œuvre de telles réformes, le nombre important des communes en France ne fut pas remis en cause tel que rappelé par Serge Regourd:

" La première constatation qui frappe l'observateur lorsqu'il fait retour sur les années 1982- 1983, c'est de mesurer à quel point la réforme alors engagée était objet de vives controverses. La vigueur des débats à l'Assemblée nationale pourrait laisser croire à une réelle rupture, à un bouleversement de l'organisation territoriale issue, pour l'essentiel, des grandes lois du siècle passé, à l'image de la loi municipale du 5 avril 1884 qui a défini les principes généraux d'organisation, de tutelle et de compétences des communes. …Ce n'est assurément pas le contenu intrinsèque des dispositifs de la loi du 2 mars 1982 qui pouvait justifier les violentes diatribes de l'opposition de l'époque, mais le contexte politique général et la rhétorique qui en constituait la musique de fond, axée sur un programme –ou un slogan- de "rupture avec le capitalisme" et dont l'ambition était de "changer la vie".

Situation d'autant plus paradoxale, et même déconnectée de la réalité juridique que contrairement à la plupart des autres pays européens ayant mis en œuvre des réformes de décentralisation au cours des années 1970- 1980, la

décentralisation française s'opérait précisément sans rupture à l'égard du cadre général de l'organisation territoriale antécédente, sans remise en cause des structures locales concernées les lois de décentralisation." 475

Ce "statu quo", dans le maintien des structures en place et notamment du renforcement du pouvoir communal notamment dans l'urbanisme et la politique foncière trouve , bien sûr, son origine dans l'influence prépondérante , en France, des maires , quelle que soit la taille des communes, et notamment de leur présence importante au sein tant de l'assemblée nationale que du Sénat et dans les rangs des ministres dont Gaston Deferre lui-même ainsi que du président François Mitterrand, maire de Château Chinon ( Allier), le cumul des mandats , exécutif local et fonction nationale, étant considéré comme nécessaire.476

D'autre part, un évolution vers un état d'esprit d'intercommunalités, au-delà de la mise en commun de moyens pour la réalisation de réseaux d'eau et d'assainissement ou la collecte d'ordures ménagères, n'était pas suffisamment engagée, il faudra attendre la décennie suivante pour qu'évolue cet état d'esprit et ensuite envisager, à partir des lois de 1999 et 2000 (lois "Voynet, Chevènement et loi SRU), au début du 21eme siècle la préfiguration d'une nouvelle organisation territoriale477, la loi constitutionnelle du 11 décembre

475

REGOURD, Serge. Cahiers français n° 318 de janvier 2004. p.3.

476

cette situation a peu évoluée, malgré la limitation à deux mandats, l'usage demeure d'un mandat national et d'un mandat local, au nom de l'efficacité et de la nécessité de maintenir une vision locale dans les décisions nationales.

477

la loi de 2003 et les lois de 2004 dites acte II de la décentralisation n'ont guère apporté de modifications substantielles, au-delà de l'effet d'annonce par la " constitutionnalisation " de la décentralisation et des transferts nouveaux de charges vers les collectivités locales. La

DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 167 sur 506 2002, dite "relative à l'organisation décentralisée de la république", promulguée

le 28 mars 2003 et la loi 13 août 2004 n'ayant pas apporté d'évolution significative en ce domaine.

L'expérience des Communautés Urbaines engagée en 1966, n'avait pas fait d'émules, le nombre de celles-ci n'ayant pas évolué depuis la création de celles-ci, volontaires ou contraintes. Celles des districts urbains –loi du 31 décembre 1970-478 avait permis d'engager des coopérations plus actives mais bien souvent limitées à une mutualisation de services, sans réflexion stratégique urbaine, et la loi "Joxe" de 1992 eut peu de résultats en terme d'intercommunalités de projet.

De même, les réflexions et coopérations organisées dans le cadre des contrats de pays de 1975 s'ils permirent quelques interventions expérimentales dont celle de Chagny (33) à laquelle j'ai participé, n'avaient pas plus que celles de la loi "Pasqua" de 1995 permit la concrétisation de structures intercommunales transcendant les pouvoirs communaux. 479

Le pouvoir régional fut cependant conforté et légitimé par la décentralisation de 1982 avec l'accession des régions au statut des collectivités territoriales de plein exercice, à l'issue de l'élection des conseillers généraux au suffrage universel.

" La région, une idée neuve pour la gauche" titrait un article de Michel Rocard en 1981480, la gauche française ayant été longtemps réservée et divisée à l'égard de la régionalisation perçue par certains comme une idée passéiste susceptible de remettre en cause les conquêtes de la république jacobine 481 .

Et, selon la formule de Claude Lacour " La grande nouveauté, c'est que la

Gauche est devenue girondine, la Droite Jacobine."482

" A vrai dire, la réalité est plus complexe. S'il est certain que les deux premiers présidents de la République483 qui ont succédé au Général de Gaulle étaient loin de partager sa foi dans les vertus de la régionalisation, il n'y eut pas, de la part de leurs gouvernements, abandon de toute intention de décentralisation. S'affirma, seulement, la conviction que celle-ci devait se faire, non pas au profit des régions "qui ne seront jamais des collectivités locales" 484 , mais en faveur

délégation de gestion des aides au logement, malgré ses restrictions notamment pour les financements de l'ANRU, demeure la mesure positive.

478

il est étonnant de constater le nombre de lois datées du 31 décembre, alors que bien souvent la session parlementaire est achevée!

479

cela permit cependant aux élus de mettre en commun leurs projets, leurs difficultés, de se rencontrer et ainsi faciliter l'émergence des intercommunalités de projet qui aboutiront en 1999. Le rôle des districts tant urbains que ruraux fut important dans cette phase de "pédagogie" et d'apprentissage du "travailler ensemble" tel que j'ai pu le constater dans mes interventions sur Rennes (cf. étude comparative Bordeaux, Rennes, Montpellier) ou dans le Nord Médoc (33) notamment pour la réalisation de projets tels Port Médoc ou le développement touristique des "petits ports de l'estuaire de la Gironde".

480

ROCARD, Michel. Titre d'un article In Pouvoirs, n° 19, 1981. p.131- 138 (cité dans Espace régional et aménagement du territoire. Lajugie, Joseph, Delfaud, Pierre, Lacour, Claude. Dalloz, 1985. p.407.

481

ce débat est redevenu d'actualité, au-delà même de la gauche à propos de l'Europe.

482

LACOUR, Aménagement du territoire et développement régional. Dalloz, 1981. p.63.

483

Georges Pompidou puis Valéry Giscard d'Estaing.

484

DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 168 sur 506 des départements et des communes qui constitueraient les niveaux privilégiés

de l'administration territoriale." 485

La réforme de la décentralisation consacrera cependant l'émergence de la Région comme partenaire à part entière et sur certains points tels le développement économique, la formation, la recherche…comme leader des collectivités territoriales.

La région règle désormais, comme les départements et les communes, toutes les affaires qui sont de sa compétence dont le développement régional, au sens le plus large, et l'aménagement du territoire. Les compétences de la Région, en ces domaines s'exercent en concours avec l'Etat, les Départements et les communes et, tel que le signale Joseph Lajugie dès 1985 cette " formule pouvait faire redouter chevauchements et interférences, mais il est indiqué que la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'effectue, dans toute la mesure du possible, de telle sorte que chaque domaine de compétence et, par voie de conséquence, les ressources correspondantes soient affectées en totalité soit à l'Etat, soit à telle ou telle des collectivités territoriales. Il n'es subsistera pas moins, par la force des choses, des dangers de conflit entre l'Etat et les régions, comme entre les régions elles mêmes". 486 Le législateur a ainsi voulu faire de la région "le pivot de la décentralisation économique" 487 mais, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes.

I-3-2- GOUVERNER PAR CONTRAT.

Cette situation confortera la pratique des partenariats entre collectivités, des financements croisés et l'importance des relations contractuelles entre l'Etat et les collectivités locales.

"Gouverner par contrat" n'était certes pas nouveau dans les nouveaux rapports mis en place entre un "Etat organisateur et modernisateur" 488 et les collectivités locales, notamment sous l'égide de la DATAR et de ses programmes prioritaires- métropoles d'équilibre, villes moyennes, rénovation rurale, plan routier breton, parcs naturels régionaux, décentralisation industrielle, aménagement du golfe de Fos…ce que Joseph Lajugie qualifie de "régionalisation active"489. Cette pratique se renforcera dans les domaines

485

LAJUGIE, Joseph, DELFAUD, Pierre, LACOUR, Pierre. Espace régional et aménagement du territoire. Dalloz, 1985. p.409.

486

LAJUGIE, Joseph…1985. Ibidem. p.418.

487

NEMERY, Jean- Claude. Les nouvelles compétences des régions en matière

d'interventionnisme économique In les Cahiers de l'administration territoriale, 1984. p.31.

488

DELAMARRE, Aliette et LACOUR, Claude. 40 ans d'aménagement du territoire. La Documentation française, 2005. p.25.

489

DELAMARRE, Aliette et LACOUR, Claude. Ibidem. p.34. et page 10 deux définitions de

l'aménagement du territoire, deux visions complémentaires qui demeurent résolument

"modernes" : " celle d'un ministre : L'aménagement du territoire est "la recherche dans le cadre géographique de la France, d'une meilleure répartition des hommes, en fonction des ressources naturelles et des activités économiques. Cette recherche est faite dans la constante

préoccupation de donner aux hommes de meilleures conditions d'habitat, de travail, de plus grandes facilités de loisirs et de culture. Cette recherche n'est donc pas faite à des fins

DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 169 sur 506 traditionnels de la DATAR pour la mise en place des pôles de conversion, du

développement des technopoles, du plan Université 2000 ……

et dans la mise en place des contrats de plan Etat- Région (à partir de 1984). De même les "chartes de développement" permettront aux départements et aux régions de susciter à leur tour des contrats avec les communes.

"L'offre contractuelle ne reste donc pas longtemps l'apanage de l'Etat et elle s'élargit très vite à des contrats conclus entre collectivités locales, visant le développement rural comme l'aménagement urbain." 490

Cette pratique des politiques contractuelles cherchant à favoriser une approche transversale des questions d'aménagement va se développer dans le domaine de ce qui deviendra le "développement local", en substitution "du développement territorial" des précédentes décennies, et dans l'aménagement urbain au travers des "politiques de la ville" qui trouveront leur "justification- alibi" dans les émeutes du quartier des Minguettes491 à Vénissieux, lors de l'été 1991. Hubert Dubedout est alors chargé d'une commission pour le "Développement Social des Quartiers" qui engagera une nouvelle approche de l'aménagement urbain vers ce qui deviendra la politique de la ville, politique qui se voulait expérimentale et limitée dans le temps mais qui, secrétant elle-même sa propre survivance et ayant montré au fil des ans tout à la fois sa nécessité, ses résultats et ses insuffisances 492, perdure tant au niveau national qu'au niveau local.493

" La politique de la Ville manifeste une ambition de recomposer l'ensemble des interventions sectorielles des administrations et des collectivités territoriales ayant trait à l'urbain, à l'économique et au social, autour de l'impératif de lutte conte le chômage et l'exclusion. Elle propose donc de renouveler l'action publique et, pour ce faire, tente de construire de nouveaux référentiels fondés sur la solidarité…..Les politiques contractuelles du cadre de vie ont favorisé la constitution de nouveaux réseaux d'acteurs qui se sont superposés aux réseaux notabiliaires traditionnels .494

Le réseau du développement social urbain essaie de mettre sur pied une nouvelle approche des problèmes sociaux e la ville, en puisant largement dans la thématique développée, dix ans avant, à l'occasion des politiques

strictement économiques, mais bien davantage pour le bien-être et l'épanouissement de la population" Eugène Claudius Petit. Février 1950….ET celle d'un économiste: L'aménagement du territoire a pour fin, à la fois de promouvoir la mise en valeur des ressources régionales et d'améliorer le cadre de vie et les conditions d'exercice des habitants, en atténuant les disparités régionales de développement économique et social par une organisation prospective de l'espace, reposant sur une orientation volontariste et concentrée des équipements et des activités. Joseph Lajugie. In Espace régional et aménagement du territoire. Dalloz, 1979."

490

GAUDIN, Jean- Pierre. Gouverner par contrat: l'action publique en question. Presses de sciences Po. p.27.

491

paradoxalement, c'est dans ce quartier que j'ai débuté ma vie professionnelle d'ingénieur – travaux routiers- en aménageant les voiries sous la direction d'un ingénieur des Ponts et Chaussées et sous l'égide de la SERL (Sem région lyonnaise).

492

rapport de la cour des comptes de 2007.

493

tout comme dans les années 1960, certaines villes avaient des adjoints à l'urbanisme et des adjoints à la ZUP, nous avons aujourd'hui des services et des élus locaux distincts à

l'urbanisme et à la politique de la ville, incohérence ou refus de rupture avec le passé : il est urgent de supprimer la politique de la ville tel que le rappelle Agnès Berland Berthon dans sa thèse sur la démolition des ensembles de logements sociaux (Bordeaux 3, 2004) p.453.

494

y compris en concurrence avec le réseau SEM-SCET, tel que ce fut le cas lors de la précédente procédure d'Habitat et Vie Sociale.

DA ROLD Jacques le 21/11/2008 page 170 sur 506 contractuelles du cadre de vie: l'approche globale, le partenariat, la nouvelle

citoyenneté, l'insertion par l'économique… " 495 , approche qui avait été innovée par Hubert Dubedout à Grenoble et par les Chargés des Questions Sociales en SEML et à la SCET dans les années 1970- 1980.

Au niveau des administrations, les effets cumulés et parfois contradictoires de la décentralisation et des politiques contractuelles n'ont pas réussi à limiter le rôle des administrations locales de gestion et tel que le souligne Jean Pierre Gaudin:

" Les services de l'Equipement (les DDE) ont souvent réussi à s'insérer activement dans des procédures contractuelles qui tentaient pourtant, à l'origine, d'éviter ou de marginaliser les bureaucraties classiques de l'administration de gestion. …

De même, certaines préfectures ont su structurer des services spécialisés autour de ces nouveaux domaines d'action, en se dotant de chargés de mission, coordonnateurs de projets." 496

De même, au niveau régional, si les attributions du préfet de région et de ses services, dont celui du SGAR (Secrétaire général à l'administration régionale), ont changé, ils n'en conservent pas moins un rôle important, sa qualité de seul représentant de l'Etat dans la région étant nettement renforcée.

" C'est dire que la décentralisation s'accompagne d'une large déconcentration et l'expérience fera vite apparaître que paradoxalement, celle-ci se heurte à plus de résistances que celle-là." 497

I-3-3-CONCORDANCE IDEOLOGIQUE ENTRE

DECENTRALISATION ET REFORME DE L'ECONOMIE