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Action et représentation

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Chapitre I – Problématique

1. Réussir l’incorporation du Savoir

1.2. Action et représentation

Le paradigme de Leplat nous enseigne que, d’un point de vue épistémologique, l’activité est plus complexe que la tâche. Pour Leplat, faire une analyse du travail, c’est faire une analyse de la tâche et une analyse de l’activité. L’une ne peut se substituer à l’autre, aucune des deux ne « comprend » l’autre, il faudrait commencer par l’analyse de la tâche avant de pratiquer celle de l’activité. Le paradigme de Leplat a permis de rendre compte des différences, du côté du prescripteur, entre tâche prescrite, affichée ou attendue, et du côté de l’opérateur, entre tâche comprise, tâche appropriée et tâche

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effective qui se trouve portée par l’activité. Pour Falzon en tant qu’ergonome, l’activité « résulte d’un couplage entre conditions internes » qui sont du côté de l’opérateur et « conditions externes. » (Falzon, 2004, 27) qui sont du côté de la tâche. L’ergonome aura pour mission « d’éliminer ou limiter les effets indésirables affectant l’opérateur ou la tâche. » c’est-à-dire « chercher à transformer les conditions internes de l’agent, par exemple en le formant mieux, ou les conditions externes de la tâche, par exemple en modifiant les contraintes de la tâche, en la rendant plus flexible, en augmentant les ressources de l’environnement, etc. » (Falzon, 2004, 28)

Cela concerne-t-il l’activité d’apprendre ? La tâche du pilote est d’apprendre à atterrir, c’est-à-dire à comprendre ce qu’il lui faut connaître pour réussir. De même, le chercheur a pour tâche d’élaborer des concepts, c’est-à-dire comprendre ce qu’il a à exprimer, et jusqu’où il lui faut aller pour considérer qu’il a réussi à conceptualiser correctement. Même si tous, dans ces différentes activités, s’entendent pour dire que rien n’est jamais

achevé, que le pilote peut toujours et encore perfectionner ses atterrissages, et le

chercheur ses conceptualisations, il est des moments, que l’histoire ponctue de reconnaissances sociales, pour dire que le travail est fait. Cela nous renvoie, d’après Dejours, à deux groupes de présupposés relatifs au concept de travail.

Premièrement, si le travail d’apprendre n’est pas bien fait, cela parle, pour certaines théories, de la « défaillance humaine », par rapport à ce que serait une activité correcte. Et il y a dans ce cas deux groupes d’hypothèses possibles. Un premier groupe où on évoque la négligence et/ou l’incompétence du Sujet, bien difficiles à caractériser et à définir. Ce sont des hypothèses faibles et qui renvoie à deux conceptions différentes du Sujet : un sujet cognitif pour lequel on s’en remettra à une « naturalisation de la défaillance et de l’erreur », ou un sujet social, pour lequel « une méthode compréhensive (…) conduira à une interprétation constructiviste de la défaillance et de l’erreur humaine. » Et un deuxième groupe d’hypothèses où l’erreur ou la défaillance « procèdent plutôt d’une erreur ou d’une insuffisance de la conception et de la prescription » (Dejours, 1995, 19-20). Et Christophe Dejours nous fournit ensuite ce qui nous intéresse le plus ici : « Mais de toute façon, dans un cas comme dans l’autre, on

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évite une question fondamentale : quelles que soient la qualité de conception et la précision des procédures, il reste une part de responsabilité revenant aux hommes qui n’est jamais prise en considération. Une part qui relève de la décision. Non pas la décision en tant que résultat logique d’un diagnostic exact mais la décision au sens fort du terme, c’est-à-dire celle qui concerne les situations inédites pour les acteurs, ou les situations dont l’analyse ne peut pas être soldée a priori en termes strictement scientifiques. (…) Entre les données de la situation et l’action, il y a alors une place nécessairement occupée par l’interprétation et la délibération. Il en est de même pour une consigne que pour une loi. » (Dejours, 1995, 20). L’apprentissage, comme les conditions d’application d’une loi, ne peut jamais être décrit dans toutes ses composantes, de même que « la situation dont on fait le procès, relève ou non du cadre d’application de cette loi. » Le facteur humain dans l’apprentissage nous apparaît analogique de la jurisprudence en matière de législation. Il vient éclairer peu à peu l’histoire de l’apprentissage, où se confirment, avec l’accumulation de l’expérience individuelle, les invariants présents dans les inférences inductives qui se produisent dans la situation d’apprendre. Nous ne parlons donc pas de travail à exécuter quand il s’agit de cette part interne de l’activité du Sujet apprenant, mais, nous parlons, pour le moment, d’une tâche non prescrite en tant que telle, cependant attendue au moins par le prescripteur, et d’une tâche nécessaire, cependant non comprise tant qu’elle n’est pas réussie, c’est-à-dire tant qu’elle n’est pas appropriée, intégrée, et par métaphore alimentaire, digérée, incorporée, par le Sujet acteur (l’opérateur).

Le facteur humain

Jouanneaux, dans « Le pilote est toujours devant », rappelle des propos tenus lors d’un Congrès d’ergonomie16 : «Il n’y a pas un facteur humain et un facteur technique, mais deux facteurs humains dont l’un se dissimule derrière une expression technique » (Jouanneaux, 1999, 38). Ce qui l’amène à refuser ce qui devient une strate

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supplémentaire de normalisation pour le facteur humain. En effet, les équipages professionnels sont formés, depuis les années 1990, à la connaissances des ressources humaines, au CRM17, afin d’acquérir une conscience collective explicite des facteurs humains. Jouanneaux critique cette nouvelle conscience car elle n’est pas informelle et elle représente une nouvelle exigence normative.

Notre étude rencontre une difficulté aporétique, et ce, dès le premier niveau de la formation initiale de tout pilote, signalée, d’après Christophe Dejours, comme l’impossibilité de construire une démarche qui unifierait dans une problématique commune les trois dimensions du facteur humain18, à savoir la dimension bio-cognitive (ou le réel du corps), la dimension intersubjective et la dimension de la mobilisation subjective (Dejours, 1995, 113-116). La dimension bio-cognitive contient à la fois la notion de limitation des performances physiologiques et la notion de régulation des processus cognitifs telle que décrite par les neurosciences. On y parle du corps bio-cognitif et des dispositifs d’assistance et/ou d’automatisation. Où il ne faut jamais perdre de vue que le dernier niveau d’intervention est toujours humain. La bio-cognition ne développe pas ce qui échappe à la description et à la standardisation, et cela représente une limitation très claire : toute production conserve une part décisive d’intervention humaine non automatisable. Ce qui ne laisse pas de poser de nouveaux problèmes spécifiques aux dispositifs d’assistance à l’homme, entre travail prescrit et travail réel, tel que nous en avons rappelé la distinction ci-dessus. Les automatismes sont programmés avec et pour le travail prescrit. Et nous pouvons y percevoir le danger d’une radicalisation d’un décalage entre automatismes et facteur humain au sens de subjectivité humaine. La deuxième dimension irréductible du concept de facteur humain pour Christophe Dejours est sa dimension intersubjective dont la pertinence est vive pour notre recherche, car tout travail implique des interactions individuelles dont ni l’interchangeabilité technique ni la standardisation morale et idéologique n’est possible. La troisième dimension est celle de la mobilisation subjective, c’est-à-dire la compétence engagée par chaque acteur. Si ces trois dimensions du facteur humain sont

17 CRM : Crew Ressource Management. 18 Cité par Jouanneaux, 1999, 42

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hétérogènes, Dejours propose un lieu de convergence organisatrice : « la coopération » (Dejours, 1995, 117). Mais qui dit œuvre commune dit qu’il existe une dimension surdéterminante du facteur humain, d’ordre sociologique.

Ce socius au sens que nous lui donnons de topique social, est omniprésent dans le constructivisme social de Vygotski : « Le social est aussi là où il n’y a qu’un individu avec ses vécus personnels » (Vygotski, 1925 : 2005, 346). Même quand il est seul. Ainsi l’activité d’apprendre, comme toute activité, n’est jamais solitaire. L’acteur n’est jamais seul, et même s’il est physiquement isolé, il est sans cesse immergé dans le socius. Car « le trait d’union (des relations de l’homme) avec les choses, ce sont les relations avec les hommes » dit Leontiev (Clot, 2004, 323)19. Pour l’acteur qu’est le Sujet apprenant, réussir est un enjeu social, la reconnaissance d’un nouveau statut. Et l’acteur se retrouve non seulement seul à devoir agir, mais cette solitude est regardée par le fantôme d’autrui, sans cesse présent et qui pousse le Sujet à se dépasser, sans savoir quand il y réussira ni comment. Vygotski parle de « zone de développement potentiel20 », qui ne concerne pas seulement l’enfant, mais aussi tout adulte en formation, concept qui s’applique aussi à l’acteur dans sa solitude. Le dépassement de soi-même s’opère non seulement lorsqu’il s’agit d’être en relation avec autrui, mais aussi dans les situations qui nous intéressent ici, de soi à soi, dans la conquête du « je sais » avant même qu’il ne s’éprouve avec d’autres hommes. C’est la référence à autrui, à l’enseignant pour l’élève dans la dynamique de la médiation, au psychanalyste pour l’analysant dans le transfert, et en sociologie générale, à ce que Dejours appelle « la rationalité morale pratique de l’action ». L’intérêt est de découvrir des performances qui ne s’accomplissent que parce qu’existe cette coopération organisatrice de l’activité, en étant « le niveau de conjugaison des qualités singulières et de compensation des défaillances singulières. » (Dejours, 1995, 119)

19 Leontiev, A.-N. (1958) Activité, conscience, personnalité. Éditions du Progrès, Moscou.

20 La ZPD est l’acronyme anglais de « Zone of Proximal Development », zone proximale de développement, zone de prochain développement, zone de développement potentiel. Il s’agit de la zone d’écart entre le niveau de ce qui peut être résolu grâce à la médiation collective (adulte/enfant, formateur/stagiaire, enseignant/élève) et le niveau actuel de résolution autonome. A quoi s’ajoute pour Vygotski l’idée de ce que le Sujet sera capable de résoudre par lui-même après avoir été aidé. ZPD signifie donc deux sortes d’écarts qui sont liés par le développement du Sujet.

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Pour l’apprenti pilote, se met en place peu à peu une coopération, plus ou moins tacite, entre lui et son moniteur. L’activité de l’apprenant comporte une double référence : de la construction personnelle du Sujet apprenant et de la reconnaissance donnée/reçue du domaine social. Le résultat positif de la dimension surdéterminante est à la fois psychologique, c’est l’axe de la construction, et pratique, c’est l’axe de la production : compréhension de Soi parce que compris par l’Autre, acquisition de compétence prescrite parce qu’incorporation de connaissances par le Sujet apprenant.

Revenons aux théories sur les présupposés relatifs au concept de travail : premièrement, donc, le travail qui n’est pas bien fait renverrait à une défaillance humaine. Deuxièmement, lorsque le facteur humain est caractérisé en terme de ressource, on va discuter « essentiellement de l’initiative, de l’engagement et de la motivation. » C’est ainsi que certains instructeurs se plaignent de leur élève pilote en le rendant responsable : « Quand tu en auras marre… (de ne pas atterrir correctement) » dit celui-là (A2, lignes 19 et 20). Pour nous, l’ignorance n’est pas du même ordre que la défaillance, et l’ignorance n’aura pas le même destin selon la représentation que s’en feront les acteurs. Car tout apprentissage s’appuie sur des représentations, et quelles que soient leurs origines, celles-ci engagent le Sujet dans la situation, à partir d’une part, de ses perceptions, et d’autre part, à partir d’autres éléments qui n’ont pas de rapport évident avec ce qui est accessible dans l’environnement. Il nous a semblé que l’explication par les niveaux d’interprétation de l’expérience, dans la mesure où ces niveaux seraient « pilotés par des inférences analogiques et logiques » (Vergnaud, 2002,

33) ne parle pas du cœur de notre questionnement. Si nous ne doutons pas du caractère

constructiviste de l’activité d’apprendre, la part d’inventer ne semble pas être une décision cognitive, dont l’analyse des strates d’expérience et du développement soit robuste. Comment et à partir de quoi se met en place l’apprendre comme inventer ? Tout apprentissage trouve certaines de ses causes dans des relations avec des événements et des éléments antérieurs, sans toutefois qu’il y ait de relation causale d’emboîtement qui déterminerait l’effet. Il semble bien qu’il y ait « conjonction contingente de phénomènes indépendants » (Vergnaud, 2002, 37), ou du moins

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apparemment indépendants, car sans doute en relations si complexes qu’il semble impossible de les démêler. Le hasard, le destin, le talent sont des notions très générales, employées la plupart du temps pour exprimer le « système dynamique d’actions individuelles et collectives, elles-mêmes circonstanciées… » (Vergnaud, 2002, 38) par la situation, par la psychologie et par l’histoire des personnes en présence. Il en est de même en psychologie de l’éducation, « parce qu’on ne peut pas tenir compte de tout, et que certains déterminants pèsent plus lourds que les autres. (…) Par exemple, on évoque plus facilement les compétences individuelles des élèves et leur histoire personnelle que les processus d’appropriation du savoir » (Vergnaud, 2002, 39). Mais la représentation dont nous parlons ici n’est pas l’obstacle didactique habituel, présent chez l’apprenant a priori, ou du moins concerne-t-elle un ensemble indifférencié de conceptualisations de toutes sortes, qui occupent le Sujet apprenant. On parle de « représentation fonctionnelle » depuis Leplat (1985, 269-275), c’est-à-dire « ce qu’un opérateur retient de la situation de travail comme pertinent par rapport au but assigné » (Pastré & Samurçay, 2001, 102). L’expert sait prélever, c’est-à-dire simplifier, ce dont il a besoin pour agir, là où le novice se noie dans un flot de détails indifférenciés à ses yeux. Pour Pastré, ce sont les éléments nécessaires et d’importance suffisante pour conduire l’action, les invariants opératoires mis en lumière grâce à des indicateurs, qui deviennent « des concepts pragmatiques au niveau de la représentation » (Pastré & Samurçay, 2001, 102). Nous ne savons pas comment ces détails, qui peuvent être insignifiants, et dont nous savons qu’ils peuvent être très différents d’une personne à l’autre, sont utilisés comme connaissances appropriées par le Sujet pour agir dans la situation. Et là où nous nous interrogeons, dans le strict cadre de notre questionnement sur l’apprendre comme inventer, c’est sur l’ingénierie de formation, lorsqu’elle pense faciliter la tâche de l’opérateur en lui fournissant les concepts pragmatiques nécessaires pour l’action qui sont donc des représentations externes proposées comme aides au travail. Les ergonomes et les spécialistes des sciences de l’éducation considèrent très important de « faire la différence entre l’aspect figuratif de ces représentations externes et la conceptualisation que fait ou ne fait pas l’opérateur qui les utilise. D’où la question : quel usage les acteurs font-ils des représentations externes pour

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conceptualiser les situations de travail ? » (Pastré & Samurçay, 2001, 102). La notion de représentation est très polysémique, et nous voulons préciser l’emploi que nous en faisons ici, grâce aux éclairages fournis par P.Pastré à une de ses questions : « Quelle est la fonction des représentations dans l’apprentissage : obstacles ou supports à la conceptualisation ? » (Pastré, 1994, 42). La perspective vygotskienne dans laquelle nous nous situons, fait de la représentation une entité mentale qui n’est pas observable. La représentation s’exprime et se communique grâce à différents systèmes sémiotiques. Qu’elle soit analogique, figurative, arbitraire comme il est dit parfois, ou non, la situation d’apprendre comme inventer met en jeu un ordre de la pensée qui reste interne au Sujet. Cette représentation reste donc « inaccessible à l’observation » en tant que telle, « incommunicable directement » et « en gardant comme règle de méthode que rien ne nous assure qu’un sujet qui décrit, par la parole ou le dessin, une de ces représentations internes, épuise dans cette description son contenu et sa forme. » (Pastré, 1994, 43). Nous oublierons d’autant moins cette règle qu’elle se trouve au fondement de notre méthodologie de recueil des traces de l’apprendre comme inventer, ainsi que nous l’étudierons au chapitre deuxième.

Avant de poursuivre, il nous faut questionner la fonction des représentations telle qu’elle existe non seulement pour la psychologie cognitive, mais aussi dans le paradigme de Vergnaud, pour qui : « La fonction principale de la représentation (est) de

conceptualiser le réel pour agir efficacement21 ». Même si Gérard Vergnaud ajoute que : « La représentation n’est pas un ensemble homogène d’éléments et de fonctions psychologiques. » (Vergnaud, 1985, 246), nous rencontrons la même difficulté de rendre compte d’un système représentationnel qui échapperait au moins en partie à une relation de référence. Car pour être efficace, l’action humaine est fondée sur des opérations mentales qui sont homomorphiques des évolutions, des changements, et des adaptations qui transforment le réel. La relation d’homomorphisme entre la représentation et le réel de référence ne signifie pas « que la pensée reflèterait la réalité, comme une photographie ressemble à son modèle » (Pastré, 1994, 45) mais que le

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concept de schème rend compte à la fois de l’organisation invariante et adaptative de l’activité, et à la fois de la conceptualisation sur laquelle repose l’action. Et, nous dit G.Vergnaud, « Ce qui est vrai des schèmes d’action gestuelle est vrai aussi des schèmes de raisonnement scientifique et technique, des schèmes d’interaction sociale et langagière, de l’affectivité. L’émotion elle-même repose largement sur la représentation et donc sur le système de catégories et d’interprétations avec lequel nous gérons notre rapport au monde. Il n’y a pas plus d’affectif sans cognitif que de cognitif sans affectif. Le concept de schème devrait permettre d’intégrer en une seule unité fonctionnelle ces deux aspects de l’activité, qui ne sont séparables que pour les besoins de l’analyse » (Vergnaud, 2002, 41). Nous ne nions pas que les invariants, d’ordre conceptuel, « existent aussi, d’une certaine manière, dans les choses, sans quoi il serait incompréhensible qu’une action intelligente et anticipatrice soit efficace. » (Pastré, 1994, 45), mais nous disons seulement que si « la représentation est le domaine du psychisme qui renvoie à l'élaboration individuelle et finalisée par laquelle un sujet construit et structure ses connaissances par interactions avec le milieu pour agir sur lui et le transformer » (Audin, 2007, 59), ce qui se passe dans les moments de l’activité d’apprendre qui nous intéressent ici, n’est pas seulement de l’ordre d’une conceptualisation peu ou pas explicite, ni même inconsciente. A l’affectif et au cognitif présents dans la représentation du Sujet, il manque une dimension pour rendre compte de ce qui n’est pas non plus une adaptation, ni une transformation du réel à partir du réel, pour rendre compte de ce passage où le sens se met à exister pour le Sujet à partir de représentations internes dont ce Sujet est l’inventeur. Ce n’est pas seulement « la situation, comme totalité complexe et figurative, qui donne sens à ce que nous vivons, voyons, connaissons » (Pastré, 1994, 49), mais le sens est généré aussi par le Sujet lui-même, autrement qu’en rapport homomorphique avec l’action et avec la situation. Autrement dit, il y a quelque chose dans l’apprendre comme inventer qui échapperait au schème comme unité temporelle d’articulation des invariants, des opérations, des buts, des règles et des étapes. Dans l’apprendre comme inventer, il n’y a pas seulement de la connaissance « qui se connaît » et de la connaissance en acte c’est-à-dire des éléments conceptuels mobilisés dans l’action sans système de signifiants, du moins pour le Sujet.

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Il n’y a pas seulement du sens dans et par la compréhension du réel, mais il y a quelque chose qui s’approche d’un « travail « négatif » du concept dans la représentation », c’est-à-dire « non plus comme compréhension immédiate, mais comme interprétation. »

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