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III. Mise en forme des polymères de coordination poreux

III.1. Mise en forme de polymères de coordination poreux sur des surfaces

III.1.1. A l’interface de surfaces fonctionnalisées

a) Fonctionnalisation du substrat

La fonctionnalisation du substrat a souvent été envisagée afin de contrôler la formation du revêtement de PCP à sa surface. Dans le cas des surfaces d’or, celle-ci s’effectue grâce à la formation de liaisons covalentes Au–S, par réaction de la surface d’or avec des organothiols (X–R–SH), dans des conditions douces. Dans le cas des surfaces d’oxyde, des molécules portant des groupements alcoxysilane (X–R–Si–(R’)3, R’= Cl, OMe, OEt) sont fréquemment

employées : des liaisons Si–O–M (dans lesquelles M est le métal de l’oxyde), plus robustes que celles obtenues dans le cas précédent, sont généralement formées.

Dans ces molécules organiques, le groupement X va permettre l’ancrage du matériau moléculaire sur la surface : ce groupement peut être une fonction chimique jouant le rôle de ligand ancillaire pour le centre métallique entrant dans la composition du PCP (fonction alcool, amine, pyridyl…). Il peut aussi s’agir de fonctions acide carboxylique ou imidazole, qui seront appropriées pour construire des PCP à base carboxylate et imidazolate, respectivement. La fonction organothiol est compatible avec tous ces groupements X. Dans le cas des alcoxysilanes, des étapes de traitement post-greffage seront indispensables pour obtenir la fonction désirée dans certains cas. Les fonctions acide carboxylique, qui peuvent amorcer la polycondensation des alcoxysilanes, seront obtenues via le greffage d’alcoxysilanes portant des groupements vinyliques terminaux, après l’oxydation de ces derniers.241, 242

Le groupement R, qui joue le rôle d’espaceur entre la fonction destinée au greffage avec le support et celle destinée à l’ancrage du matériau moléculaire, aura un rôle décisif sur le résultat final. Dans le cas des surfaces d’or, de longues chaînes alkyles sont généralement utilisées. Elles favorisent la formation de monocouches auto-assemblées (SAM, pour « Self-

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Assembled Monolayers »)243 de molécules organiques, grâce à l’établissement d’interactions de van der Waals entre les chaînes alkyles.242 Une représentation schématique idéalisée est donnée en Figure 1.34-b. Des couches beaucoup moins homogènes sont obtenues quand des espaceurs alkyle plus court, des espaceurs terphényle ou dérivés du triptycène sont utilisés :244 ces modifications se traduisent par une modification/absence d’orientation

préférentielle des cristaux de PCP formés à la surface de la monocouche quand les groupements X de surface sont identiques. Un résultat identique pourra être obtenu pour des R identiques en faisant varier le nature des substituants X.245 Le même type d’observation a

été effectué pour des surfaces d’oxyde greffées par des organosilanes.246 Quand ces substrats

sont fonctionnalisés, des molécules commerciales présentant un R court sont généralement employées.247, 248

Figure 1.34. (a) Structure moléculaire d’un organothiol (fonction d’accrochage = SH) portant une fonction X = OH.242 L’établissement d’interactions de van der Waals entre chaînes alkyles permet la formation d’une

monocouche hautement ordonnée de molécules organiques à la surface du substrat (b).

b) Construction de PCP sur des surfaces d’or fonctionnalisées

La formation de SAM à la surface de substrats d’or offre la possibilité d’y lier des PCP via les groupements terminaux X de la monocouche auto-assemblée. Dans ce qui suit, les monocouches seront désignées par l’abréviation SAM-X, dans laquelle X désigne le groupement terminal. Ces substrats présentent une limitation importante liée à leur stabilité thermique : l’augmentation de la température peut se traduire par la désorption d’une partie des molécules ce qui peut diminuer la densité de la monocouche,249 et/ou provoquer sa

destruction.250 Ces caractéristiques imposent la construction du PCP à température ambiante

ou à des températures modérées.

Substrat d’or

SH

X

R

51 Le premier article traitant de la construction de PCP à la surface d’un SAM (qui est aussi le premier concernant la mise de forme d’un PCP) date de 2005.251 Il concerne le MOF- 5, qui a été construit à partir d’un SAM-COOH, à température ambiante. Pour ce faire, Fisher et al. ont eu l’idée d’utiliser la liqueur mère issue de la synthèse solvothermale du PCP comme source de réactifs. Une fois revenue à température ambiante et après filtration des solides formés à haute température, l’immersion du substrat fonctionnalisé par le SAM- COOH dans cette solution permet la formation d’un film polycristallin du PCP souhaité, d’environ 500 nm d’épaisseur, à la surface du SAM. Cette méthode a depuis été utilisée pour former des revêtements d’autres PCP comme le HKUST-1252 et le MIL-88B.253

L’influence des conditions de synthèse sur le revêtement formé est illustrée dans le cas de MOF-5 en Figure 1.35. Le traitement à température ambiante permet la formation d’un revêtement homogène (Figure 1.35-a), alors que les conditions de la synthèse solvothermale détruisent le SAM, et conduisent à la formation de cristaux de MOF-5 isolés (Figure 1.35-b).

Figure 1.35. Clichés MEB pour un substrat traité à température ambiante (a, vue en coupe en insert) et dans les conditions solvothermales (b). Clichés de microscopie optique (c) et à force atomique (d) de substrats structurés par impression par micro-contact : le PCP est formé uniquement sur les régions du SAM-COOH.251

Le rôle décisif des fonctions COOH à la surface du SAM a aussi été démontré en réalisant la synthèse du PCP sur des surfaces structurées par impression par microcontact

100 µm 15 µm

100 µm

a)

b)

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(« micro-contact printing », ou µCP).254 Dans le cas présent, cette technique permet de créer à la surface de l’or des domaines micrométriques de SAM-COOH, et de séparer ces domaines par des domaines de SAM-CF3, ces derniers groupements terminaux ne se lient pas au PCP.249

Ceci est possible grâce à la fonctionnalisation de la surface d’or en deux étapes : la première étape permet la formation des zones micrométriques de SAM-COOH, par transfert des molécules d’organothiol depuis un « tampon encreur » (généralement, en silicone) vers la surface d’or. Cette étape permet d’ «imprimer » les motifs micrométriques présents sur le tampon sur la surface, et de générer des domaines micrométriques de SAM-COOH aux endroits ou le tampon encreur entre en contact avec l’or. Dans un deuxième temps, la surface imprimée est immergée dans une solution d’organothiol-CF3, ce qui permet de greffer ces

thiols sur les zones d’or dépourvues de SAM-COOH, et de former des SAM-CF3 dans ces

régions de la surface.255

Les clichés de microscopie optique et de microscopie à force atomique (Figures 1.35-c et 1.35-d, respectivement) montrent que le revêtement de MOF-5 est formé sélectivement au niveau des zones correspondant au SAM-COOH (carreaux de 40 µm de côté), tandis que les zones fonctionnalisées par des SAM-CF3 (zones noires entre les carreaux dans la Figure 1.35-

c) ne présentent pas de PCP.

Figure 1.36. a) Représentation schématique de la formation de HKUST-1 par diffusion lente sur une surfaces fonctionnalisées par un SAM-COOH (haut) et microstructurée par µCP (bas). b) Cliché AFM pour une revêtement de HKUST-1 construit sur la surface microstructurée.256

Des surfaces d’or microstructurées du même type (présentant la dualité SAM- COOH/SAM-CH3, ou la dualité SAM-pyridyl/SAM-CH3) ont été utilisées par Bein et al. pour

former des revêtements du PCP HKUST-1 suivant une autre approche (Figure 1.36).256 Dans ce cas, les réactifs entrant dans la composition du MOF, dissous dans le DMSO, sont déposés sur la surface microstructurée par spin-coating. Le PCP est formé quand la surface résultant

4 µm b) Précurseurs dans le DMSO 1. Spincoating 1. Spincoating 2. Vapeurs de MeOH/EtOH 2. Vapeurs de MeOH/EtOH a)

53 de ce traitement est placée en présence de vapeurs d’un non solvant (MeOH ou EtOH). La répétition de ces différentes étapes permet de former des revêtements de plusieurs centaines de microns.

Au-delà de ces approches qui impliquent le mélange direct des réactifs, une approche séquentielle, dans laquelle les réactifs sont amenés au contact du substrat à tour de rôle, a été développée conjointement par les équipes de Fischer, Veciana et Woll257-259 dans le cadre du

projet européen SURMOF.e Cette approche, décrite à l’origine comme « approche couche

pour couche » puis,257 plus raisonnablement, comme « approche étape par étape »,258 s’est

avérée particulièrement efficace pour construire des revêtements de PCP à base carboxylate, et des architectures mixtes, résultant de l’empilement de couches métal-dicarboxylate (ligand A) sur des piliers de ligands ancillaires ditopiques (ligand B, Figure 1.37).

Figure 1.37. Représentation schématique de l’approche étape par étape.245

La croissance d’architectures supramoléculaires sur des surfaces par une approche étape par étape est bien connue,260 et cette approche a été appliquée dès 2006 à la construction

de revêtements de matériaux moléculaires de type clathrate d’Hoffman (matériaux de formule [Fe(pyrazine)(M(CN)4]) sur des surfaces d’or fonctionnalisées par des pyridyls.261

HKUST-1 a été le premier PCP à être mis en forme suivant cette approche.258

L’immersion d’un SAM-COOH, de façon cyclique, dans une solution de Cu(OAc)2 dans

l’éthanol, puis dans une solution de ligand organique H3BTC dans le même solvant, permet de

former le PCP à la surface du SAM. Des étapes de lavage intermédiaires permettent

e Page web du projet STREP SURMOF: http://www.ifg.kit.edu/english/2872.php Ligand B Sel métallique

Ligand A

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l’élimination des réactifs n’ayant pas réagi après chaque immersion. L’épaisseur du film de HKUST-1 formé dépend du nombre de cycles appliqués sur le substrat : le dépôt associé à chaque cycle est d’une épaisseur relativement faible (1,5 nm environ),262 ce qui peut rendre cette stratégie de mise en forme assez besogneuse si elle est effectuée manuellement. Une mise en forme automatisée, en mode statique ou dynamique, a été décrite pour ce matériau.245

Plus récemment, ce même PCP a été mis en forme grâce à l’utilisation d’aérosols en lieu et place des solutions de réactifs :263 alors que la construction d’un revêtement de 150 nm

d’épaisseur nécessitait 100 cycles et 72h de temps, cette même épaisseur de revêtement est atteinte en 10 minutes, après seulement 10 cycles par utilisation de cette stratégie de synthèse. Outre le matériau HKUST-1, la méthode étape par étape a aussi permis la synthèse d’autres PCP à base de cuivre, et celle de matériaux à base ligands mixtes du type [M2(L)2(P)]

(M = Cu, Zn ; L = ligand dicarboxylate ; P = ligand ancillaire comme le DABCO ou la bipirydine) à la surface de SAM variés.264-266 Par exemple, la mise en forme d’analogues du

MOF-2, dans lesquels la distance séparant les fonctions carboxylate du ligand a été modulée, a été décrite récemment.267 A l’image de ce qui a été fait dans la série des IRMOFs (cf

paragraphe I.3), des matériaux moléculaires dont la taille de pore peut être augmentée jusqu’à 3 nm ont été construits de façon systématique à la surface du SAM de départ. La flexibilité des PCP a aussi été exploitée pour effectuer la post-fonctionnalisation de revêtements construits sur des surfaces268 et/ou pour accéder à des films à PCP multiples,269 dans lesquels plusieurs architectures moléculaires poreuses de structure très proches (par exemple, MOF-5 et IRMOF-3),270 sont construites l’une sur l’autre par croissance épitaxiale.198 Des travaux récents ont aussi démontré la possibilité de construire des architectures de PCP chirales sur des surfaces, ce qui confère à ces revêtements la capacité à adsorber sélectivement des molécules chirales.271 L’influence de l’orientation préférentielle des films de PCP sur les

propriétés de sorption a aussi été mise en évidence.272

Les travaux peut être les plus originaux concernent l’utilisation des substrats d’or fonctionnalisés afin d’éviter l’interpénétration des PCP (Figure 1.38-a).245 Dans le cas du

MOF-508, qui peut être obtenu sous la forme de deux phases interpénétrées comme matériau massif (MOF-508a et MOF-508b, respectivement), Woll, Fisher et al. ont démontré que des architectures moléculaires poreuses non interpénétrées, sont formées grâce au substrat (voir diffractogrammes DRX poudre dans la Figure 1.38-b). Ces résultats suggèrent l’accès à la synthèse et à la mise en forme simultanée de nouveaux matériaux poreux à partir des réactifs conduisant pour les matériaux massifs à la formation d’architectures interpénétrées.245

55 Figure 1.38. Croissance de MOF-508 sur des surfaces fonctionnalisées (SAM-pyridyl). a) MOF-508 est obtenu sous la forme de deux phases interpénétrées (MOF-508a et MOF-508-b) ; la présence du substrat rend l’interpénétration impossible. b) Diffractogrammes RX poudre simulés pour MOF-508a et MOF-508-b (en rouge et noir), et mesurés pour le réseau poreux construit à la surface du SAM.

En dépit des possibilités qu’elle offre, la méthode étape par étape présente quelques inconvénients. Elle nécessite la répétition d’un nombre de cycles important, donc la formation du revêtement de matériau moléculaire peut durer plusieurs jours. En outre, d’après les exemples de la bibliographie, elle semble réservée à des PCP partageant le même type de « SBU », à savoir un dimère de cuivre ou de zinc, présentant un arrangement de type roue à aube (Figure 1.6, partie I.3).273

c) Construction de PCP sur des surfaces d’oxydes fonctionnalisées

La majorité des techniques évoquées dans la partie précédente s’applique au cas des surfaces d’oxydes fonctionnalisées par des SAM, qu’il s’agisse de la synthèse du matériau ou de la structuration du SAM : la formation de revêtements de PCP à base carboxylate a été décrite grâce à l’approche étape par étape,246 et la croissance sélective du matériau sur des

zones données du substrat rendu possible par microstructuration.274

Si on se réfère à la construction du revêtement de matériau moléculaire, l’avantage des surfaces d’oxydes fonctionnalisées réside essentiellement dans la stabilité thermique du SAM formé à leur surface, qui autorise l’utilisation des conditions de synthèse solvothermale pour obtenir le PCP, dans une deuxième étape. Ainsi, les nombreux exemples de revêtements de PCP à base carboxylate construits à la surface de monocouches auto-assemblées ont pu être complétés par des exemples de PCP à base imidazolate.275-277

Matériau massif interpénétré

Matériau poreux mis en forme

a) b)

Croissance Étape par étape

Synthèse solvothermale

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Figure 1.39. Clichés MEB d’un film de ZIF-90 construit à la surface de d’alumine poreuse fonctionnalisée par l’APTES. a) Vue de dessus et b) vue en tranche.277

Des polymères comme le ZIF-8,275 le ZIF-22,276 et le ZIF-90277 ont été construits

suivant cette approche sur des substrats d’alumine et de dioxyde de titane fonctionnalisés au préalable par de l’APTES ((EtO)3Si(CH2)3NH2). Les films formés sont généralement

beaucoup plus épais que ceux obtenus suivant l’approche étape par étape, qui est approprié pour obtenir des revêtements de quelques centaines de nanomètres dans le meilleur des cas. Des épaisseurs de plusieurs dizaines de microns sont atteintes pour les revêtements de ZIF formés (Figure 1.39). Cette technique, comme l’approche étape par étape, peuvent s’appliquer à la construction de revêtements de polymère de coordination poreux à la surface de nanoparticules d’oxyde ou de métal.278-280

Figure 1.40. Evolution de l’épaisseur du revêtement de ZIF-8 en fonction du nombre de cycles n appliqué sur la surface du SAM-imidazole. Barre d’échelle = 1 µm.281

n = 1

n = 2

57 L’accès à des revêtements de ZIF-8281, 282 a été aussi décrit à partir de suspensions colloïdales de ces matériaux, à température ambiante. Le revêtement de PCP est formé par immersion des substrats d’oxyde fonctionnalisés par des SAM-imidazole 281 ou des SAM- NH2282 dans des solutions de nanoparticules du ZIF dans l’alcool (MeOH ou EtOH). La

répétition de cette étape, entrecoupée de phases de lavage avec de l’alcool pur, ainsi que le contrôle de la taille des nano-objets de PCP préformés, permettent d’exercer un contrôle précis sur l’épaisseur du dépôt, qui peut atteindre plusieurs microns après quelques cycles seulement (Figure 1.40).