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Chapitre I : Etudes de cas au niveau des filières

2. Le lin oléagineux valorisé en alimentation animale : une filière construite autour d’une espèce de

2.1. L'évolution de la production de lin

Le développement récent de nouveaux débouchés pour la graine de lin a permis un redéploiement des surfaces de lin à partir des années 1990, cependant fortement influencé par les évolutions de la PAC (favorable ou défavorable à la culture). Mais alors que le soutien public à la production s’est atténué au cours des années 2000, le développement du nouveau marché de graines de lin thermo-extrudées à destination de l’alimentation animale, a permis d’observer une nouvelle augmentation des surfaces à la fin des années 2000, et ce malgré une forte concurrence des cultures dominantes. La consolidation de ce marché et l’allocation de parcelles à la culture du lin ont notamment été soutenues par une recherche publique relativement dynamique malgré de faibles surfaces dans les années 1990, et la création d’un GIE pour le transfert de la sélection au secteur privé.

2.1.1. La production française : une évolution des surfaces "en dents de scie"

Avec une production actuelle d'environ 20 000 t/an, la production française de lin oléagineux ne satisfait pas la demande pour les trois principales utilisations de graines (alimentation animale, huile-trituration, alimentation humaine), qui était évaluée à près de 50 000 t/an (Labalette et al., 2011) (dont 35 000 t pour l'alimentation animale) à la fin des années 2000. Actuellement, le principal industriel valorisant la graine pour l’alimentation

animale estime ses besoins entre 50 et 60 000 t/an151. Ne dépassant pas 4 à 5% de la production mondiale de graines de lin avec 80 000 à 100 000 t/an entre 2007 et 2010, l’UE ne peut ainsi répondre qu’à 20% environ de ses besoins et se retrouve donc en situation de forte dépendance vis-à-vis des importations. Les principaux fournisseurs de l’UE sont le Canada, la Russie et l’Ukraine, et la production française, essentiellement tournée vers le marché intérieur, ne fournit que moins de la moitié de la demande française (Labalette et al., 2011), 2011).

Les bassins de production (Figure 42) ont fortement évolué depuis les années 1990. La Picardie, région traditionnelle de culture de lin de printemps, a perdu sa place de leader (47% des surfaces en 1994, 12% en 2009) au profit des régions Centre et Ouest Atlantique (35% des surfaces pour chacun des deux nouveaux bassins). La mise au point de variétés d'hiver au milieu des années 1990, permettant le développement de la culture dans des régions plus exposées au stress hydrique, et l’émergence d’un nouveau marché pour l’alimentation animale développé à la fin des années 1990 par l’industriel Valorex, dont l’usine est localisée en Bretagne, sont les deux principaux facteurs pouvant expliquer le redéploiement géographique des surfaces.

Figure 42. Cartographie des bassins de production de lin (Source : ONIDOL, 2009, in Labalette et al, 2011)

Figure 43. Evolution des surfaces en lin graine en France (Source: ONIDOL, 2011)

L'évolution des surfaces (Figure 43) est caractérisée par une forte progression sur une ou deux campagnes,

alternant avec des périodes de faible mise en culture. Labalette et al. expliquent ces évolutions en distinguant

deux effets majeurs (Labalette et al., 2011) :

"Deux effets PAC" en 1994-95 et en 1999, qui s'expliquent par des changements dans la

réglementation des aides européennes (section 2.1.1.1) ;

La place croissante d’un débouché pour l'alimentation animale à partir de 2007 (2.1.1.2).

2.1.1.1. Les changements au niveau de la PAC

Le régime obligatoire de gel des terres, introduit dans le cadre de la réforme de la PAC de 1992, a évolué en 1994 vers une autorisation de mise en culture de surfaces agricoles en jachère pour des cultures non alimentaires. Cette valorisation des terres en jachères, éligibles pour des mesures de compensation, traduisait une politique de développement de plusieurs secteurs (énergie, biomatériaux…) appuyée par de nombreux programmes de recherche. Les surfaces en lin ont de ce fait connu un pic important lors de la campagne de 1994, (avec 36 410 ha). Le lin est alors principalement utilisé dans certains marchés de niche, notamment la production d’huile à destination non alimentaire (le lin textile n’étant pas éligible au régime de gel de terres). Cependant, cette augmentation des surfaces est également liée à une utilisation plus importante de la fibre de lin oléagineux dans différentes industries. La forte décroissance du lin les années suivantes peut s’expliquer par "l’avènement" du colza, espèce concurrente destinée à la production d'agrocarburants notamment, à partir du milieu des années 1990.

En 1999, la Commission Européenne octroie une aide spécifique au lin pour deux ans. Les surfaces augmentent alors de façon importante, jusqu’à atteindre un pic de 18 600 ha. Mais les réformes de la PAC dans le cadre de l’Agenda 2000 ont eu des effets défavorables sur les surfaces en oléagineux en général. Les surfaces en lin diminuent progressivement jusqu’en 2002.

Finalement, la culture de lin est restée sous le régime d’aides PAC maintenu à hauteur de 25% au titre du recouplage. Elle entre également en compte dans le cadre de certaines MAE, comme la MAE rotationnelle ou l’aide à la diversité des assolements. Néanmoins, certains opérateurs souhaiteraient intégrer le lin dans le plan

protéine tel que mis en place pour tenter de redéployer les surfaces en protéagineux : "Si l’octroi d’une prime

n’est pas un levier important pour le développement de la production, elle serait un signal fort de volonté politique et de soutien, et rassurerait également les agriculteurs dans leur démarche"152.

2.1.1.2. Un nouveau débouché en alimentation animale

Les surfaces de lin oléagineux augmentent à partir de 2003, sous l’effet d’une augmentation de la demande en graines de lin thermo-extrudées pour l’alimentation animale. En effet, le développement d’une filière reposant sur l’utilisation de lin dans les rations, valorisant ainsi certaines propriétés nutritionnelles spécifiques de la graine (teneur en oméga 3), restructure la production. Mais l’évolution des cours mondiaux des céréales, à la hausse en 2007-2008, affectent la mise en culture de lin et la stabilisation de la production. Un contexte de prix plus favorable à la fin des années 2000 amorce une reprise : les surfaces passent alors à 15 000 ha en 2011, et l’Ouest de la France devient une région fortement productrice (cf. Figure 42).

Ainsi, malgré la fin d’un dispositif de soutien à la culture, c’est la création d’un nouveau marché qui permet à la culture de se maintenir dans le paysage agricole français. Cependant, la hausse des cours des céréales à la fin des années 2000 fragilise le développement naissant de ce marché. En effet, agriculteurs et coopératives, tenant compte des signaux des marchés, se positionnent en priorité sur les cultures dominantes sur lesquelles ils sont compétitifs, et dont les prix évoluent à la hausse (cf. Première partie). Les évolutions des cours sur les marchés agricoles impactent donc indirectement la stratégie d’approvisionnement en graines de lin.

Enfin, si l’approvisionnement de Valorex issu de l’UE provient pour moitié des importations (Grande Bretagne et Belgique principalement), le développement des surfaces en France contribue largement également à son approvisionnement, et en fait le principal utilisateur de graines sur le territoire. Mais si le développement du lin oléagineux dans les assolements est en partie dû à l’émergence de ce nouveau débouché, il a notamment été fortement conditionné par le dynamisme de la recherche variétale et de la sélection en amont de la filière.

2.1.2. Une recherche variétale dynamique en soutien de la nouvelle filière

Les programmes de recherche et de sélection sur le lin ont démarré dans les années 1960 à l’INRA, et sont longtemps restés dans la sphère de la recherche publique. Les travaux en partenariat avec certaines coopératives de teillage (notamment Lin 2000) aboutissent en 1995 à l’inscription de la première variété de lin

d’hiver au catalogue français (co-obtention sur la variété Oliver). L’INRA a transféré l’ensemble du matériel

génétique de sélection au GIE Linéa-Lin, structure qui pilote la plupart des travaux de sélection sur le lin. La mise au point de variétés d’hiver permet d’amorcer le développement de la culture dans les régions où l’exposition au risque de stress hydrique est trop importante pour les variétés de printemps. Alors que les zones de culture traditionnelles sont situées au Nord de la Loire, la culture se déploie au Sud.

Le besoin en semences est évalué en fonction de la surface implantée l’année précédente. En 2011, environ 16 000 ha de lin ont été implantés en France (dont 75% de lin d’hiver). Pour l’année 2012, le GIE Linéa-Lin a pla-nifié une multiplication de semences destinées à une surface globale de 20 000 ha. Les variétés multipliées en priorité sont les plus performantes, les plus productives en termes de rendement notamment. En ce qui con-cerne les variétés d’hiver, il y a peu de différences en termes de précocité. Pour les variétés de printemps au contraire, les variétés précoces sont généralement préférées, afin d’éviter les stress hydriques en fin de cycle. Actuellement, 28 variétés de lin sont cultivées en France (20 variétés de printemps et 8 variétés d’hiver), dont 4 représentent près de 90% de la surface annuellement cultivée. Aussi, malgré des surfaces relativement faibles, la sélection sur le lin oléagineux peut être considérée comme très dynamique, avec notamment trois semenciers actifs sur le territoire national. De plus, l’utilisation de semences fermières est très rare, malgré le caractère autogame de l’espèce. Le renouvellement des variétés auprès des agriculteurs représente donc un marché potentiellement intéressant pour les semenciers. Le rythme d’inscription de nouvelles variétés peut être un bon indicateur de ce dynamisme avec 26 variétés inscrites au catalogue depuis 1995 (d’après les données du GNIS). Ce dynamisme peut être considéré comme un atout pour le développement du lin oléagineux. En effet, les multiples utilisations du lin ont permis au secteur oléagineux de bénéficier des avancées sur les autres domaines (section 2.1.2.1). Aussi, ce bénéfice s’est-il concrétisé dans les progrès génétiques réalisés sur plusieurs critères de sélection, dont le rendement (2.1.2.2).

2.1.2.1. La multiplicité de débouchés pour le lin: un atout pour le développement variétal ?

Le secteur de la semence est relativement concentré puisque la multiplication de semences est le fait de quatre principaux acteurs : Linéa-Lin (76% des surfaces de multiplication), Laboulet, Terre de Lin, et Valorex.

Mais Labalette et al. mettent en avant les possibilités de mutualisation avec les programmes développés sur le

lin textile, comme un atout majeur pour le développement de la sélection sur le lin oléagineux (Labalette et al., 2011). Précisons en effet que le GIE Linéa-Lin, qui actuellement coordonne une grande partie des travaux de sélection, est composé, depuis sa création, de quatre coopératives de teillage, à l’origine principalement orientées vers la production de lin textile. Ainsi, les acteurs du GIE sélectionnent des variétés et multiplient des semences à la fois de lin textile et de lin oléagineux.

Des structures comme le GIE Linéa-Lin ou Laboulet sont par exemple des acteurs centraux de projets de recherche comme NOVANOL, "projet de recherche pour la construction d’une filière lin globale", c'est-à-dire intégrant la valorisation du lin dans plusieurs filières différentes (biolubrifiants, matériaux composites…).

2.1.2.2. Critères de sélection et progrès génétique

Le rendement en graine reste le principal critère sur lequel travaillent les semenciers. Les progrès génétiques sur le rendement ont globalement été évalués à 0,76 q/ha/an en lin d’hiver et à 0,44 q/ha/an en lin de printemps. Mais les résultats au champ mettent en évidence des écarts considérables avec les estimations. La stabilisation du rendement à la parcelle est un objectif partagé par l’ensemble de la filière. Il apparaît que le manque de relais technique auprès des agriculteurs est un des facteurs explicatifs de ces écarts (cf. Chapitre II, étude de cas au niveau des exploitations agricoles). L’intégration du lin dans le réseau d’essais du Cetiom est vue comme une opportunité de mettre à disposition des agriculteurs des références techniques adaptées à chaque région agricole.

Au-delà du critère rendement, les travaux de sélection portent sur un ensemble de critères plus ou moins prioritaires : précocité, tolérance à la verse, tolérances aux maladies (septoriose, oïdium, botrytis), tolérance à

la sécheresse, tolérance au froid pour le lin d’hiver. La recherche est segmentée pour développer des variétés adaptées à chaque débouché (lin textile, lin oléagineux pour l’alimentation animale, lin oléagineux pour l’alimentation humaine…) répondant à des critères spécifiques (qualité de la fibre pour le lin textile, profil en acides gras et de la richesse en huile pour le lin oléagineux par exemple). La teneur en oméga 3 est une information obligatoire à fournir dans la publication des résultats depuis 2012 mais aucun taux minimum n’est

requis153. Plusieurs experts154 ont évoqué la question récurrente de la recherche de variétés mixtes entre lin

textile et lin oléagineux permettant de valoriser à la fois la fibre et la graine. Des travaux sont menés

actuellement par les experts de la section Lin et Chanvre du CTPS qui définissent les critères d’acceptation à la

VATE (Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale) à ce sujet mais les acteurs semblent

sceptiques quant à la possibilité de combiner deux cultures aux itinéraires techniques très spécifiques et devant répondre à des exigences qualitatives fortes de l’aval.

2.2. La graine de lin : des spécificités nutritionnelles à la construction

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