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Une éducation laïque

Il s’agit maintenant de mettre en évidence le point névralgique, central et constitutif de la puissance publique, de la πολιτεία, politeía (de la république). Cette clef de voûte est la παιδεία, paideía, l’instruction, le partage du savoir : il faut former les citoyens sinon il ne peut tout simplement pas y avoir de citoyen et donc, il ne peut pas y avoir de cité (c’est le citoyen qui forme la cité et réciproquement, d’où l’obligation qui est faite d’apprendre à lire pour devenir citoyen dans le monde Grec, car il faut pouvoir lire les lois qui sont promulguées et gravées sur des stèles visibles de tous). Pour donner le pouvoir à tous, il faut donner le savoir à tous, ou pour le moins, les outils permettant l’acquisition de ce savoir. Mais, l'éducation n’est pas l’affaire de l’école (qui s'occupe d'enseignement et d'instruction), c’est le travail des parents que d’éduquer leurs enfants. Or l’enfant n’est tendanciellement plus éduqué, il est souvent placé devant la télé et des programmes répétitifs (parce qu'ils captent son attention) afin que ses parents puissent jouir d’un peu de temps libre supplémentaire. Ainsi, il découvre la solitude, le quasi-abandon. C’est cette double spirale réciproque qui est fondamentale. Mais tout comme Rousseau à propos de la politique (comment des hommes injustes peuvent-ils fonder une politique juste ?), il faut appliquer la question à l’éducation : comment des parents dés-éduqués pourront-ils élever leurs enfants pour en faire des êtres humains éduqués ?

Cependant, au-delà de la famille, de l’école et de l’instruction que l’enfant devrait pouvoir y acquérir (et qui reste fondamentale), c’est la question de l’éducation politique des adultes telle que la décrit Condorcet qui est posée, et telle qu’elle se prolonge dans l’éducation populaire (quand elle est bien comprise, car emmener des jeunes faire du foot, ce n’est pas faire de l’éducation populaire, contrairement à une acception répandue et qui a, sans surprise, les faveurs de la classe politique).

Pratiquer l’éducation populaire, c’est pratiquer l’éducation politique des adultes. Mais cette pratique est soumise au même problème : comment peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

des adultes dépolitisés peuvent-ils transmettre des questions, des pratiques permettant une politisation d’autres adultes ? Il y a des pistes à développer dans cette direction : apprendre à décrypter la langue de bois, apprendre des stratégies d’évitement face au management participatif, se réapproprier nos mots pris en otage par la novlangue. Ces difficultés nous invitent à penser l'éducation comme une dynamique réciproque entre deux (ou plusieurs) personnes : une forme dialogique d'échange, au sens de Platon (celui du Ménon).

La laïcité mise à mal

Il nous faut réfléchir à ce qu'implique ce questionnement pour notre société. Si tout est issu d'une éducation spécifique et d'un système éducatif spécifique, revenons à Condorcet, qui organisa de façon pragmatique la répartition géographique des écoles afin qu'elles puissent accueillir la plus grande partie de la population de son temps. En effet, il organisa l'école publique et gratuite pour tous, sur des principes d'abord géographiques égalitaires (une école par bassin de population), mais aussi afin que chaque élève puisse recevoir le meilleur enseignement selon son niveau d'étude : école primaire, école normale, faculté.

Mais bien rapidement, les programmes reflétèrent ce que le pouvoir attendait des enfants qui apprenaient sous son autorité. Ainsi, naquit en 1806 le monopole universitaire130 (qui désigne un équivalent de l’Éducation nationale et non l'enseignement supérieur). Il se trouve que depuis un décret du 15 septembre 1793, les universités avaient disparu en France, la Convention leur préférant des écoles spéciales comme l'École des Beaux-Arts ou le conservatoire des arts et métiers. Il s'agit donc pour l'empereur de créer une université d’État qui aura le monopole de l'enseignement131 et regroupera en son sein tous les établissements d'enseignement. Le décret du 17 mars 1808 sera bien plus extensif et 130 Le 10 mai 1806 est créée l'Université impériale. Le décret d'application sera signé

en mars 1808.

131 Cf., la Gazette nationale ou le Moniteur universel, 7 mai 1806 : « Art. 1er : Il sera formé, sous le nom d'Université impériale un corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publics dans tout l'Empire. Art. 2. : Les membres du corps enseignant contracteront des obligations civiles, spéciales et temporaires. Art. 3 : L'organisation du corps enseignant sera présentée en forme de loi du Corps législatif à sa session de 1810. »

précis, puisque comportant 144 articles, marquant la primauté du pouvoir impérial, structurant l'enseignement public sans laisser de latitude au clergé132. L'objectif de Napoléon Ier est également très bien défini dans ce décret, puisque la base de l'enseignement sera, entre autres choses :

« la fidélité à l'empereur, à la monarchie impériale dépositaire du bonheur des peuples et à la dynastie napoléonienne, conservatrice de l'unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les constitutions »133.

Il est donc question de former les esprits des enfants selon un programme bien réfléchi et tournant autour de la personne de l'empereur et du bien-fondé de l'empire. Napoléon a donc éminemment conscience que c'est à l'école que l'on forme les hommes de demain. De plus, l'éducation de l'Université impériale n'a rien de laïque et dévoie complètement le projet révolutionnaire porté par Condorcet. Toutefois, bien que cette loi ne soit pas anticléricale, le clergé va la combattre, car l'impérieux besoin de disposer d'écoles populaires, autres que ses séminaires dédiés à la formation des prêtres, semble baigné de la nostalgie du temps où le curé faisait l'éducation des enfants (et des adultes) d'une paroisse, du temps où il était le seul référent spirituel et culturel de tous les croyants (catholiques, voir chrétiens pour les plus nostalgiques).

Fort heureusement pour les représentants de l’Église (ces dispositions ayant été maintenues par les deux restaurations, bien qu'avec des aménagements), arrivera Monsieur Falloux, qui pourra légiférer en 1849 132 A titre d'exemple, les premiers articles du décret : « Art. 1. – L'enseignement public, dans tout l'empire, est confié exclusivement à l'Université. Art. 2. – Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction, ne peut être formé hors de l'Université impériale, et sans l'autorisation de son chef. Art. 3. – Nul ne peut ouvrir d'école, ni enseigner publiquement, sans être membre de l'Université impériale, et gradué par l'une de ses facultés. Néanmoins, l'instruction dans les séminaires dépend des archevêques et évêques, chacun dans son diocèse. Ils en nomment et révoquent les directeurs et professeurs. Ils sont tenus seulement de se conformer aux règlements pour les séminaires, par nous approuvés » (Bulletin des lois n° 185). 133 Article 38 : Toutes les écoles de l’Université impériale prendront pour base de leur enseignement : 1° les préceptes de la religion catholique ; 2° La fidélité à l’empereur, à la monarchie impériale dépositaire du bonheur des peuples et à la dynastie napoléonienne, conservatrice de l’unité de la France et de toutes les idées libérales proclamées par les constitutions ; 3° L’obéissance aux statuts du corps enseignant, qui ont pour objet l’uniformité de l’instruction, et qui tendent à former, pour l’état, des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie et à leur famille ; 4° Tous les professeurs de théologie seront tenus de se conformer aux dispositions de l’édit de 1682 concernant les quatre propositions contenues en la déclaration du clergé de France de ladite année.

du fait que l'assemblée élue alors était très majoritairement conservatrice et royaliste. La loi relative à l'enseignement du 15 mars 1850, dite loi Falloux, va opérer deux changements majeurs dans le paysage éducatif français. Tout d'abord elle va autoriser les écoles dites « libres », c'est-à-dire, congréganistes134. Mais cette loi va également remettre l'Université impériale aux mains du clergé135. Ainsi, l'enseignement qui était le monopole de l’État le reste, tout en redevenant le terrain privilégié de l’Église, puisqu'elle exerce désormais une influence très forte sur les écoles publiques fonctionnant dans le système du monopole universitaire et qu'elle a en sus le droit d'ouvrir des établissements où elle pourra « librement » enseigner à sa guise136. Ainsi, le Concordat peut s'exercer au mieux des espérances des congrégations, l'école étant revenue dans leur sphère d'influence.

134 Article 17 : La loi reconnaît deux espèces d'écoles primaires ou secondaires : 1- les écoles fondées ou entretenues par les communes, les départements ou l'État, et qui prennent le nom d'écoles publiques ; 2- les écoles fondées et entretenues par des particuliers ou des associations, et qui prennent le nom d'écoles libres.

Article 18 : L'inspection des établissements d'instruction publique ou libre est exercée : par les inspecteurs généraux et supérieurs ; par les recteurs et les inspecteurs d'académie ; par les inspecteurs primaires ; par les délégués cantonaux, le maire et le curé, le pasteur ou le délégué du consistoire israélite en ce qui concerne l’enseignement primaire. Nous soulignons.

Article 44 : Les autorités locales préposées à la surveillance et à la direction morale de l'enseignement primaire sont, pour chaque école, le maire, le curé, le pasteur ou le délégué du culte israélite, et dans les communes de deux mille âmes et au-dessus, un ou plusieurs habitants de la commune délégués par le conseil académique. Les ministres des différents Cultes sont spécialement chargés de surveiller l'enseignement religieux de l'école. L'entrée de l'école leur est toujours ouverte. Dans les communes où il existe des écoles mixtes, un ministre de chaque culte aura toujours l'entrée de l'école pour veiller à l'éducation religieuse des enfants de son culte. Lorsqu'il y a pour chaque culte des écoles séparées, les enfants d'un culte ne doivent être admis dans l'école d'un autre culte que sur la volonté formellement exprimée par les parents. Nous soulignons.

135 Enfin, pas directement. L’État reste maître de la manœuvre, tout en étant à nouveau très proche de l’Église.

Article 85 : Jusqu'à la promulgation de la loi sur l'enseignement supérieur, le Conseil supérieur de l'instruction publique et sa section permanente, selon leur compétence respective, exerceront, à l'égard de cet enseignement, les attributions qui appartenaient au Conseil de l'université, et les nouveaux conseils académiques les attributions qui appartenaient aux anciens.

Article 82 : Sont abrogées toutes les dispositions des lois, décrets ou ordonnances contraires à la présente loi.

136 Article 23 : L'enseignement primaire comprend : l'instruction morale et religieuse ; la lecture ; l'écriture (…). Nous soulignons.

Anticléricalisme et laïcisme

Dans les années qui suivirent, sous le règne de Napoléon III, plusieurs amorces de séparation des Églises et de l'école seront mises en œuvre. Mais il faudra attendre la IIIe République et Jules Ferry pour que cette séparation soit à nouveau effective et aussi complète que possible. Avec ces lois, l'enseignement sera marqué par trois notions fortes : il sera gratuit137, obligatoire138 et laïque. Le combat anticlérical de Jules Ferry fut âpre, car le pouvoir impérial s'était montré :

« ennemi de toutes les libertés, sauf de la liberté des congrégations ».139

Tant et si bien que l'orateur ajoute qu'aujourd'hui (en 1879) :

« il existe en France plus de congrégations non-autorisées qu'il n'en exista jamais sous l'ancien régime ».140

Il s'agit bien là pour Jules Ferry d'un anticléricalisme et non d'un combat pour la laïcité (qui est de nature non belliqueuse), comme en atteste le désir de Monsieur Ferry de n'accepter aucun curé à ses funérailles141. Toutefois, si par le fait de ces lois l'école sort des mains de l’Église, ce qui est en soi tout à fait positif, ce n'est pas pour émanciper les enfants, mais pour remplacer, dans leur enseignement, la morale chrétienne par une morale laïque et républicaine. C'est une sorte de tour de prestidigitation qui est opéré par ces lois et l'instituteur, s'il est désormais dégagé de tout ce qui a trait à l'instruction religieuse, est maintenant guidé et pressé de dispenser l'enseignement moral et civique de la République. Il s'agit de distinguer :

« deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui

137 Loi du 16 juin 1881, instituant la gratuité de l'enseignement primaire public, dite loi Ferry.

138 Loi n° 11 696 du 28 mars 1882, qui rend l'enseignement primaire obligatoire.

139 Extrait d'un discours de Jules Ferry, au banquet donné en son honneur au Conseil général des Vosges, le 23 avril 1879, dans Discours et opinions de Jules Ferry, tome troisième, Les lois scolaires (1ère partie), p 54, Paris, Armand Colin et Cie

Éditeurs, Paris, 1895. 140 Ibid., p 55.

141 Cf. Testament de Jules Ferry (en bas de page) ( http://www.samuelhuet.com/paid/41-textes-officiels/743-lettre-de-jules-ferry-aux-instituteurs.html) : « Je ne veux, bien entendu, d'aucun prêtre à mes funérailles. » Consulté le 11 février 2016.

sont communes et indispensables à tous ».142

Dans ce geste il s'agit de la relégation de la vie spirituelle dans la sphère privée (qui n'est pas le propos de la loi de 1905, qui ne fait que prendre acte de cette distinction en affirmant que la République « assure la liberté de conscience ». Nous y viendrons). Pour Jules Ferry, dans sa lettre aux instituteurs, il s'agit d'expliquer que la morale laïque, c'est la « bonne et antique morale » de « nos pères et mères ». Elle n'est autre pour lui que « la sagesse du genre humain », destinée à faire des enfants des « honnêtes gens ». Le rôle de l'instituteur est d'élever autour de lui « le niveau des mœurs », de :

« poser dans l'âme des enfants les premiers et solides fondements de la simple moralité »,

dont les deux exemples sont tout à fait parlants : le « respect de la loi » et le « dévouement ». Il s'agit encore d'« exercer le sens moral de l'enfant », de faire « impression sur l'âme des élèves ». Et toutes ces recommandations sont destinées à ce que les enfants puissent rentrer chez eux, auprès de leurs parents, plus respectueux, avec :

« plus de droiture, plus d'obéissance, plus de goût pour le travail, plus de soumission au devoir »

qui sont tous les signes d'une « incessante amélioration morale ». Ce texte, d'un conservatisme éloquent (Jules Ferry est un républicain libéral membre du centre gauche que nous avons évoqué plus haut) donne aux instituteurs leur feuille de route. Il s'agit ici, non pas de laïcité, mais bien plus de laïcisme, de cette sorte d'anticléricalisme qui est ce qu'on reproche souvent, à tort, à la laïcité. Ainsi, après Falloux dont nous pouvons résumer la maxime au fait que l'enseignement doit être dirigé par des prêtres qui apprennent la résignation au peuple (aux pauvres), Ferry fait reculer le prêtre pour que l'instituteur apprenne aux enfants (majoritairement pauvres) le respect des hiérarchies sociales (et donc, à bien garder leur place).

La réforme de Jules Ferry est une réforme à arrière-pensée sociale : il

nous semble réagir à la peur qu'il peut éprouver face au peuple, à la possibilité d'une révolution, au socialisme réprimé de la Commune de Paris, peur qui a poussé jadis les Thermidoriens à prendre le pouvoir. C'est en effet en 1879 que reparaît L’Égalité, premier journal marxiste en France143. Il y avait donc probablement pour Jules Ferry une sorte de danger social à risquer que l'éducation des enfants se fît au travers d'idées marxistes (ou socialistes). Il était donc indispensable que cette nouvelle génération d'enfants soit élevée dans la discipline et le respect de la République (de la loi, de la hiérarchie sociale). Ajoutons à cela l'avis de Jean Jaurès sur son illustre confrère :

« l’essentiel à ses yeux n’était pas de réformer : c’était de gouverner.144 »

143 Fondé en 1877 par deux figures importantes du socialisme, Jules Guesde et Paul Lafargue, gendre de Karl Marx.

144 Cf., Jean Jaurès, Le socialisme et le radicalisme en 1885, introduction aux Discours parlementaires, Paris, Édouard Cornély Et Cie, Éditeurs, 1904. Et Jean Jaurès développe son propos d'une façon fort éclairante : « Ce n’est pas que cet homme remarquable manquât de philosophie et de vues générales. Mais il se refusait de parti pris aux perspectives lointaines, et l’idée qu’il se faisait du rôle dominant de la bourgeoisie brisait presque tout essor. Je le pressais un jour sur les fins dernières de sa politique : « Quel est donc votre idéal ? Vers quel terme croyez-vous qu’évolue la société humaine, et où prétendez-vous la conduire ? — Laissez ces choses, me dit-il ; un gouvernement n’est pas la trompette de l’avenir. — Mais enfin, vous n’êtes pas un empirique : vous avez une conception générale du monde et de l’histoire. Quel est votre but ? » Il réfléchit un instant, comme pour trouver la formule la plus décisive de sa pensée : « Mon but, c’est d’organiser l’humanité sans dieu et sans roi. » S’il eût ajouté « et sans patron », c’eût été la formule complète du socialisme qui veut abolir théocratie, monarchie, capitalisme, et substituer la libre coopération des esprits et des forces à l’autorité du dogme, à la tyrannie du monarque, au despotisme de la propriété. Mais il s’arrêtait au seuil du problème social. Croyait-il donc que la vie humaine est figée à jamais dans les formes économiques présentes ? Non, il avait le sens de l’évolution et de l’histoire. Contre M. de Mun, contre l’utopie rétrograde de la corporation et du petit métier, il avait défendu la grande industrie moderne, le machinisme brutal et libérateur, avec une ampleur de pensée où semblait tenir la possibilité de transformations nouvelles. Les corporations aussi avaient été utiles, jadis ; mais leur rôle était fini, « et les institutions successives s’effeuillent sur la route du temps ».

L’institution de la propriété capitaliste et oligarchique ne tombera-t-elle point à son tour ? Peut-être, mais c’étaient là à ses yeux des spéculations vaines. L’idée d’un ordre social vraiment nouveau n’était point pour lui une force capable d’agir sur le présent, ou même de déterminer un avenir prochain. Au demeurant, il n’avait point sur la propriété de préjugé métaphysique et dogmatique. Il n’y voyait pas « l’expression et le prolongement de la personnalité humaine ». J’ai assisté, entre M. Allain-Targé et lui, à une brève controverse. « La propriété est une institution sociale », disait M. Allain-Targé, et il signifiait par là qu’elle n’était possible que par la société, que la société avait donc le droit de régler, de discipliner par des lois une force qui procédait de la société même. — « C’est avant tout, répondait M. Jules Ferry, une institution politique », c’est-à-dire un moyen de prévenir entre les hommes les compétitions qui naîtraient de l’indétermination de la vie économique, et aussi de constituer une classe dirigeante, capable de communiquer à la vie publique la stabilité des intérêts consolidés. La bourgeoisie républicaine apparaissait à ce

Un autre exemple de cette orientation, qui tend au laïcisme et au républicanisme de l’instruction publique, peut être trouvé chez Félix Pécaut, appelé au ministère par Jules Ferry, et proche de Ferdinand Buisson. Félix Pécaut est un protestant libéral, qui a suivi des études de théologie pour devenir pasteur, mais y a renoncé. La théologie libérale se caractérise par une association du fondamentalisme (retour à la lecture de la Bible, qui a toute autorité en matière de foi et de morale) et du

positiviste comme la synthèse historique des deux grandes forces de progrès et d’ordre qui sont, selon Auguste Comte, les composantes de l’histoire. Il livra toute sa pensée lorsque dans une de ces allocutions méditées et brèves où il excellait, il parla de « cette grande bourgeoisie sans le concours de laquelle rien de durable ne peut se fonder ».

S’il y a quelque vérité en cette parole, c’est une vérité bien incomplète et provisoire. Oui, il est vrai (et je crois en avoir multiplié les preuves dans l’Histoire socialiste) que si la Révolution a été possible, c’est parce que la bourgeoisie était parvenue à une