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École(s), lecture(s) et autres influences

2.1 1924-1948 : les schèmes de RAM

2.1.3 École(s), lecture(s) et autres influences

Bien que les autres contextes dans lesquels Volponi a grandi n’apparaissent pas avec la même vigueur que le contexte familial, pour certains d’entre eux on peut même dire qu’ils

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n’apparaissent pas du tout, c’est le cas par exemple des instances politiques, force est de constater qu’ils confirment la prégnance du schème corporel que nous venons d’évoquer.

En ce qui concerne le contexte scolaire, il est nécessaire de revenir à sa polarisation dans l’expérience du poète. Si celle de l’école institutionnelle est pratiquement absente de RAM,

à moins qu’on associe le vagabondage du père « tzigane41 » aux multiples absences scolaires

du jeune Volponi, on ne peut pas dire la même chose de l’école de la rue. En effet, celle-ci s’inscrit en creux dans l’éloge de l’habilité manuelle du père, fondateur d’une maison.

L’univers des lectures juvéniles participe à son tour de la corporéité de RAM. Dans un article paru dans le Corriere della sera du 24 octobre 1982, dans lequel il est question de ses lectures, Volponi parle de Salgari en ces termes : « Salgari me donnait de l’imagination mais encore plus de la frénésie ; la force de l’aventure mais encore plus le désir et les images de

la puissance et de l’exotisme42 ». Le poète retrouvera le même appel du désir chez Jack

London, en particulier dans L’appel de la forêt, ça va sans dire, et, enfin, dans le sel grec, notamment chez Homère et les poètes lyriques grecs.

La source franciscaine, qui est visible dans la présence abondante d’éléments de la faune et de la flore, informe à son tour la corporéité de RAM. Cette référence puise dans l’expérience de la campagne du jeune Volponi. La rêverie à laquelle s’abandonne Volponi dans un texte de 1989 éclaire on ne peut mieux cette filiation :

[…] Certaines de ces maisons ont été […] trop petites ou trop grandes, trop basses ou si hautes qu’elles se remplissaient d’une obscurité angoissante et hostile. […] Pleines d’insectes et d’oiseaux au printemps, de chants, de vols, de bourdonnements, de bruits, d’appels et, à l’intérieur, toujours [pleines] de grenouilles, de crapauds, de lézards, de grillons, de scorpions, de rats, de serpents, de vers, de limaces, de belettes, de fouines et aussi de blaireaux, de renards, de chiens, de cochons, de brebis, d’oies, de coqs, de canards, de poussins, de moineaux, de merles43.

On retrouve ici la même dialectique de luxuriance et de répulsion que suscite la sensualité d’origine maternelle qui traverse RAM. Par ailleurs, dans un texte dédié à sa terre natale, La

mia Urbino, Volponi parlera de cette capitale de campagne que fit rayonner en son temps le

41 Voir Ibidem, p. 28 : « con le spalle [del padre] tenda di zingaro ».

42 VOLPONI P., « Quando io leggevo », in Corriere della sera [24 octobre 1982], cité in Cronologia, p. XLIX : « Salgari mi dava fantasia ma ancor più frenesia ; la spinta dell’avventura ma più il desiderio e le immagini del dominio della potenza e dell’esotico ».

43 VOLPONI P., Per Case dell’Alta valle del Metauro [1989], in L’immaginazione, n°143, décembre 1997, p. 4 : « Alcune di queste case sono state […] troppo piccole e troppo grandi, troppo basse oppure tanto alte da riempirsi di buio, angoscioso e ostile. […] Piene di insetti e di uccelli a primavera, canti, voli, ronzii, strepiti, richiami, e dentro sempre anche rane, rospi, lucertole, grilli, scorpioni, sorci, serpi, lombrichi, lumache, donnole, faine e anche tassi, volpi, cani, porci, pecore, oche, galli, anatre, pulcini, passeri, merli. »

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duc Frédéric de Montefeltre, comme d’un seul et unique corps vivant, d’un « [l]ieu physique et humain » où se mêlent « tous les liens » de ses habitants, liens qui deviennent « les

fonctions d’un corps et d’un esprit » communs44. Il s’agit par ailleurs de ces mêmes corps et

esprit communs qu’il retrouve dans les toiles de ses illustres concitoyens Raphaël et Federico Barocci :

[Entre la ville et la campagne] j’ai appris à aimer la peinture dans les horizons de Raphaël […], dans ces petits arbres tremblotants et solitaires […]. Ou dans les toiles immenses de Federico Barocci […], un peintre novateur et fou, liquide, sensitif bouleversé, entièrement orienté, comme nos saisons bonnes et mauvaises, vers les toits et les lumières de notre ville, vers les paysages juste au-delà des remparts. [Un peintre] qui peignait la colline la plus proche en guise de Calvaire, son quartier pour représenter Jérusalem et la Palestine […]45.

En définitive, on peut dire que les contextes de formation du jeune Volponi qui émergent dans RAM y sont transposés sous le signe d’une sensualité et d’une corporéité omniprésentes. Quant aux modalités de transposition, nul doute que les traces de la sensualité de D’Annunzio et de Luigi Bartolini, mais surtout de l’hermétisme sont profondes, si bien que nous cautionnons sans hésitation aucune l’analyse d’Emanuele Zinato :

[…] Volponi appliqua aux thèmes de son paysage originaire la langue poétique de l’hermétisme. En effet, l’effort qu’il fait pour s’approprier certaines constantes typiques des poètes les plus hardis de cette saison est remarquable, quoique cela aboutisse parfois aux impérities propres à un apprenti poète. Dans ces vers très courts dominent le substantif absolu, avec suspension de l’article (« Immensités que je subis »), l’analogisme développé au travers d’associations inhabituelles entre un adjectif et un substantif ou de synesthésies (« Des murs rouges d’air », « L’onduleux mois d’octobre », « les gorges rapides »), et le choix d’aligner des mots rares et essentiels pour restituer le prodige de la totalité indivise46.

44 VOLPONI P., La mia Urbino, op. cit., p. 31 : « Luogo fisico e umano dalle conformazioni e abitudini simili, pervaso dagli stessi pensieri, accenti, fobie, da tutti i legami che ciascuno via via vi intreccia, che tutti insieme diventano le strutture e le funzioni di un corpo e di una mente. »

45 Ibidem, p. 32-33 : « [Tra la città e la campagna] ho imparato ad amare la pittura negli orizzonti raffaelleschi […], in quegli alberelli trepidi e soli […]. O nelle tele immense di Federico Barocci […] pittore innovativo e folle, liquido sensitivo sconvolto, tutto versato come tutte le nostre stagioni buone e cattive sui tetti e sulle luci della città, sui paesaggi appena oltre le mura : che dipingeva come Calvario il colle più vicino, come Gerusalemme e Palestina il quartiere che abitava ».

46 ZINATO E., Introduzione, in PO2001, p. XII-XIII : « Volponi esordiente applicò ai temi del proprio paesaggio originario la lingua poetica dell’ermetismo. È infatti notevole, e non privo delle ingenuità dell’apprendistato letterario, lo sforzo di appropriarsi di alcune costanti stilistiche tipiche dei poeti più arditi di quella stagione. Nei versicoli dominano il sostantivo assoluto, con sospensione dell’articolo (“Vastità che soffro“), l’analogismo sviluppato mediante coppie inconsuete di aggettivo e sostantivo o epiteti di tipo sinestetico (“Pareti rosse d’aria“ ; “L’ondoso ottobre“ ; “le gole veloci“), e l’accostamento paratattico di pochi e scabri vocaboli ad articolare l’incanto della totalità indivisa. »

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