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À l’échelon de la Congrégation de l’Index

CHAPITRE II : MAGISTÈRE CATHOLIQUE CONFRONTÉ À LA CRISE MODERNISTE

SECTION 2 : LES CONGRÉGATIONS ROMAINES ET LA PRISE DE POSITION DE PIE X

A. Procédure de mise à l’Index des œuvres de Alfred Loisy

1. À l’échelon de la Congrégation de l’Index

Cette démarche devra mettre en évidence les raisons qui ont motivé des cardinaux à se prononcer en faveur de la mise à l'index, mais aussi d'apprécier l'attitude des membres des congrégations romaines tout au long de la procédure.

1. À l’échelon de la Congrégation de l’Index

Quelle procédure était en vigueur dans la mise à l’index des ouvrages dénoncés au début du XXe siècle ?

La procédure à suivre pour la censure des ouvrages incriminés était définie dans la Constitution apostolique Sollicita ac provida de Benoît XIV (1753).317 Selon le paragraphe 8 de cette constitution, la charge et l'office de recevoir les dénonciations des livres revenait au secrétaire de la congrégation de l’Index. Avant de soumettre une œuvre littéraire au jugement des cardinaux de la sacrée Congrégation de l’Index, deux étapes étaient nécessaires : D’abord une expertise préliminaire. Avec l’accord du préfet de la congrégation, et l'approbation du souverain pontife, le secrétaire de la congrégation assermentaient deux consulteurs indépendants. Leur tâche consistait à déterminer les motifs de recevabilité de la dénonciation du livre. Ils devaient ensuite élaborer un rapport contenant des observations et préciser, page par page, les faits reprochés à l’œuvre littéraire incriminée. La constitution exigeait également que les consulteurs soient des experts dans la matière soumise à leur examen.

Cette phase préliminaire étant concluante, suivait la phase d’expertise formelle, encore appelée la préparatoire. Le secrétaire de la Congrégation convoquait des rencontres privées des consulteurs de la Congrégation de l’Index pour une expertise formelle. Au cours de ces rencontres, les consulteurs devaient examiner les propositions à la lumière de la doctrine en vigueur. Il s’agissait de confronter les différents avis des experts pour une juste et meilleure appréciation des idées contenues dans le livre à censurer. Pour cela, la commission des consulteurs doit être composée des membres issus de différentes écoles de pensée.

317 Cf. BENEDICTUS PP XIV, « Constitution Sollicita ac provida, 9.07.1753 », in card. Petri GASPARRI (éd.), Codicis iuris canonici fontes. Vol. 2. Romani Pontifices. A. 1746-1865. N. 365-544, Romae, Typis Polyglottis Vaticanis, 1928, p. 408.

L'assemblée préparatoire devrait se tenir une fois par mois ou le plus souvent selon les demandes. Le résultat de leurs observations et leurs votes étaient alors transmis aux cardinaux qui devaient décider de la condamnation ou non de l’œuvre dénoncée.

Dans le cas de l’Affaire d’Alfred Loisy, nous distinguons deux moments de la procédure : le traitement des articles qui se rapportent à la question biblique, ensuite les œuvres littéraires traitant des questions doctrinales, notamment avec la publication de L’Évangile et l’Église, de Alfred Loisy.

a) Le traitement canonique de la Question biblique

La procédure de mise à l’Index au sein de la Congrégation de l’Index débuta le 2 novembre 1900 avec la dénonciation par François Cardinal Richard de la Vergne (1819-1908)318 de plusieurs articles que Alfred Loisy.319

Le Cardinal Steinhuber préfet de la Congrégation de l’Index et son secrétaire, le dominicain Thomas Esser (1850-1926) qui, selon Arnold Claus, étaient des gardiens vigilants du respect de cette procédure, 320 confièrent l’expertise préliminaire privée au jésuite Enrico Gismondi (1850-1912) 321, orientaliste

318 Le cardinal Richard était alors archevêque de Paris et membre de ladite Congrégation depuis 1899.

319 Alfred Loisy les avait publié par des pseudonymes dans la Revue du Clergé français et la Revue d’histoire et de littérature religieuse.Il s’agit de : A. FIRMIN, « L’idée de la Révélation », dans Revue du clergé français, 1 janvier 1900, p. 250-271 ; Idem, « Les preuves et l’économie de la Révélation », dans Revue du clergé français, 15 mars 1900, p. 126-153 ; idem, « La Religion d’Israël. (Première partie : Les origines) », in Revue du Clergé Français, 15 octobre 1900, p. 337-(363) ; Cet article a été publié par plusieurs éditeurs ; Isidore Després, « La lettre de Léon XIII au clergé français et les études bibliques », dans Revue du Clergé Français, 1 juin 1900, p. 5-17.

320 Notre source, Claus Arnold note que Steinhuber et Esser qui, sur le plan théologique, étaient plutôt des néo-scolastiques et non des libéraux, manifestaient cependant une certaine volonté d’assurer la justesse de la procédure. Par conséquent, les procédures étaient très longues. Leur attitude d’ouverture et leur position modérée vont se manifester dans le choix équilibré des consulteurs afin d’aboutir à une juste sentence équitable. Voir le propos introductif de Claus ARNOLD « Le cas Loisy devant les congrégations romaines de l’Index et de l’Inquisition (1893-1903) », in Claus ARNOLD, Giacomo LOSITO (éd.), La censure d’Alfred Loisy ((1893-1903). Les documents des congrégations de l’Index et du Saint Office, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2009, p. 15-16, 17-18.

321 Le consulteur jésuite, n’était pas un "libéral", mais manifestait de l’intérêt à l’égard de la méthode critique et historique de la nouvelle exégèse. Il devient consulteur à la Congrégation de l’Index en 1902. Bien qu’il ne partageait pas les idées d’Alfred Loisy, son attitude en faveur de la critique exégétique, lui fit perdre, deux ans après, sa chaire de professeur à la Grégorienne. Claus

enseignant à la Grégorienne. Dans ses conclusions, il fût très critique vis-à-vis des positions scientifiques et exégétiques véhiculées par les articles de Alfred Loisy. Cependant, il n’opta pas en faveur de la censure des articles dénoncés qu’il jugeait inopportune et précoce. Enrico Gismondi privilégiait plutôt une réelle discussion théologique et exégétique. Ce n'est qu'à la lumière d'une véritable confrontation des idées et des méthodes, que le consulteur jésuite envisageait une prise de position de l’autorité magistérielle pour déterminer la position orthodoxe de l’Église. Tant que les sujets n'étaient pas profondément débattus par les experts, il jugeait non nécessaire l'intervention magistérielle. Il situait cette dernière au terme des discussions des experts pour clarifier la position officielle de l’Église sur les questions abordées. Le préfet et le secrétaire de la Congrégation de l'Index validèrent cet avis du consulteur.

Dans cette première tentative, la procédure fût arrêtée à sa phase préliminaire. Le préfet de la Congrégation, le cardinal Steinhuber et son secrétaire décidèrent de ne pas soumettre les articles de Alfred Loisy à l’expertise formelle et à l’examen des cardinaux de la Congrégation de l’Index. 322

Un autre livre de Alfred Loisy, l'Évangile de Jean, fut directement dénoncé par le rédemptoriste Willem Van Rossum CSSR (1854-1932) à la Congrégation du Saint Office. À la suite de la consultation du livre par David Fleming, OFM (1851-1915)323, les cardinaux de la Suprême décidèrent de renvoyer son examen approfondi à la compétence de la Congrégation de l'Index pour une éventuelle censure des deux propositions notifiées par le consulteur.

Une nouvelle dénonciation de l’archevêque de Paris survenue avant le 31 mars 1902 avait amené le secrétaire de la Congrégation de l’Index à assermenter David Fleming comme non-consulteur afin d’examiner l’article sur les origines de la

religion d’Israël. Il rédigea un votum plutôt très favorable à Alfred Loisy de telle manière que Steinhuber et Thomas Esser demandèrent une seconde expertise à

ARNOLD « Le cas Loisy devant les congrégations romaines de l’Index et de l’Inquisition (1893-1903) », loc. cit., p. 17-18.

322 Ibidem, p. 19-20.

323 David Fleming fût nommé secrétaire de la Commission biblique, nouvellement instituée par le pape Léon XIII. Sa position était plutôt en faveur de la nouvelle exégèse.

Laurentius Janssens, OSB (1855-1925)324. Son votum était en contradiction avec celui de David Fleming. Conformément aux règles de la procédure définie par la Constitution Sollicita ac provida de Benoît XIV, en présence de deux vota opposés, le préfet et le secrétaire de la Congrégation de l’Index demandèrent une troisième expertise au jésuite Enrico Gismondi.

À cette étape de la procédure, nous notons avec Arnold Claus que, de manière générale, en ce qui concerne les œuvres d’Alfred Loisy, les autorités de la Congrégation de l’Index ont fait preuve d’ouverture en faveur de la science, et particulièrement en ce qui concerne la question biblique, malgré les dénonciations et les pressions parisiennes et romaines. Cette attitude positive se caractérise d’une part par le respect rigoureux des étapes de la procédure telle que prescrite par la Constitution apostolique "Sollicita ac provida" de Benoît XIV. D’autre part, le préfet et le secrétaire de la sacrée Congrégation de l’Index se montrèrent ouverts aux débats théologiques et exégétiques pour répondre aux problèmes que suscita la nouvelle exégèse. Cette attitude d’ouverture, qui n’était en rien un traitement de faveur, s’illustrait par le choix des personnes modérées tels que le jésuite Enrico Gismondi, et David Fleming OFM (1851-1915). 325

b) La publication de "l’Évangile et l’Église" et les votes des consulteurs

La procédure connut une orientation particulière avec les publications, entre 1902 et 1903, de quatre ouvrages de Alfred Loisy.326 Le premier livre intitulé,

l’Évangile et l’Église327 est dénoncé le 12 janvier 1903 par le jésuite Louis Billot à qui

324 Il était consulteur à la Congrégation de l’Index depuis 1898.

325 Claus ARNOLD « Le cas Loisy devant les congrégations romaines de l’Index et de l’Inquisition (1893-1903) » introduction à l’ouvrage Claus ARNOLD, Giacomo LOSITO (éd.), La censure d’Alfred Loisy (1903). Les documents des congrégations de l’Index et du Saint Office, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2009, p. 14-16.

326 Les quatre œuvres qui s’ajoutent à l’article sur les origines de la religion d’Israël sont : Alfred LOISY, Études Évangéliques, Paris, Picard, 1902, xiv-333 p. ; Idem, L’Évangile et l’Église, Paris, Picard, 1902, xxxiv-234 ; Idem, Autour d’un petit livre, Paris, Picard, xxxvi-290 p. ; Idem, Le quatrième Évangile, Paris, Picard, 960 p.

327 Nous n’allons pas exposer toute la pensée que développa Alfred Loisy dans cet ouvrage. Il existe de très nombreuses synthèses et travaux sur ce livre et sur son auteur. Nous conseillons particulièrement les travaux très intéressants de Émile Poulat. Voir, Émile POULAT, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste. Postface de Alphonse Dupront, 3e édition, Paris, Albin Michel, 1996, 739 p. Dans ce livre, il situe la publication de l’Évangile et l’Église (1902) dans un contexte de

la hiérarchie de la Congrégation de l’Index confia l’analyse du livre. Le jésuite Enrico Gismondi fût nommé de nouveau consulteur pour défendre cet l’ouvrage328 Cette publication, comme souligne notre source, allait susciter l’intervention de nouveaux consulteurs plus perspicaces et réduire les chances d’une résolution positive de la question de l’exégèse biblique.

Lorenzo Janssens (osb), assura l’expertise des Études évangéliques de Loisy dénoncé le 29 janvier 1903. Son votum rendu le 1er janvier 1903 sera favorable à la censure. Avec la publication du livre de La religion d’Israël, en 1901 une quatrième expertise fut confiée à Rafael Merry del Val (1865-1930).329

Le destin des œuvres de Alfred Loisy se détermina donc d’une part sur les arguments avancés par les consulteurs et d’autre part sur le vote des cardinaux. Intéressons-nous d’abord aux conclusions des consulteurs sur la question biblique et sur les questions doctrinales.

Le vote de David Fleming datant du 31 mars 1902 portait sur une question exégétique. Dans la troisième partie de ce vote, David Fleming répond au principal chef d’accusation du cardinal Richard, archevêque de Paris. Celui-ci affirmait que l’article sur l’Origine de la Religion d’Israël de Alfred Loisy était contraire à la doctrine contenue dans le Décret du Concile du Vatican sur la foi et dans l’Encyclique Providentissimus Deus. Une accusation que récusait le consulteur. réplique que Alfred Loisy adresse à L’Essence du Christianisme de Harnack (1900) et confronte les pensées des deux auteurs, voir notamment les pages 43 à 102.

328 Il y a au total trois votes qui portent sur le livre Évangile et Église de Alfred Loisy. La source que nous exploitons note qu’en présence du votum de trois (3) pages rédigé par Enrico Gismondi sur cet ouvrage et rendu le 17 mars 1903 et de celui de Louis Billot, plus méthodique et argumenté, le secrétaire de la Congrégation de l’Index, le dominicain Thomas Esser demanda à Enrico Gismondi une nouvelle expertise. Celle-ci fût remise le 2 mai 1903, mais elle péchait déjà par sa longueur (136 pages imprimées).

329 Nous remarquerons que dans le mouvement procédural, aucun votum ne s’intéresse au dernier livre de Alfred Loisy intitulé, Autour d’un petit livre. Cela s’explique éventuellement par le fait qu’il s’agit d’un commentaire du livre sur l’Évangile et l’Église. Seule la Relatio de Langogne traite de ce livre dans la phase consacrée à la Congrégation du Saint Office. Au total, sur les huit documents rédigés qui constituent le dossier de "l’Affaire Loisy" à la Sacrée Congrégation de l’Index quatre lui sont favorables : le vote de David Fleming sur « La religion d’Israël : les origines », le vote de Enrico Gismondi sur l’article « La religion d’Israël – les origines », les deux votes du même consulteur sur le livre L’Évangile et l’Église. Tandis que les quatre autres votes sont hostiles ou soutiennent la censure des œuvres de Alfred Loisy : les deux votes de Janssens sur l’article « La religion d’Israël – les origines » et sur les Études évangéliques, celui de Louis Billot sur L’Évangile et l’Église, enfin celui de Rafael Merry del Val (1865-1930) sur l’article publié sous le pseudonyme de Loisy, A. Firmin, « La religion d’Israël – les origines » publié dans la Revue du clergé français, le 15 octobre 1900 et le livre de Alfred LOISY, La religion d’Israël, Paris, Letouzey et Ané, 1901.

Selon lui, rien dans l’argumentation citée n’est en contradiction avec le Décret du Concile du Vatican, ni avec l’Encyclique Providentissimus Deus. Certes, l’article de Alfred Loisy émet des hypothèses improbables voire discutables sur des questions complexes, mais il ne trouve pas d’erreur doctrinale se rapportant à la foi. Dans sa critique, il soulignait tout de même quelques manquements de style et de présentation qui devraient être portés à l’attention d’Alfred Loisy : Selon David Fleming, l’auteur rédigea avec une "petulantia gallica" ; il expose, avec légèreté et de manière insuffisante, des opinions nouvelles qui pourraient choquer, etc.Enfin, si le consulteur reconnaît à l’archevêque de Paris le droit de vigilance manifesté par l’interdiction de l’article de Alfred Loisy, le consulteur appelle plutôt à une sage prudence pour ne pas prononcer de jugement définitif sur des questions qui nécessiteraient encore de profondes réflexions. 330

Le premier vote de Lorenzo Janssens porte sur "La religion d’Israël. Les origines" de Alfred Firmin331. Avant de présenter sa conclusion, Lorenzo Janssens expose quelques considérations : Il remarque que l’article a déjà été examiné il y a deux ans et qu’il avait déjà été condamné par l’autorité locale compétente. Il proposa qu’au lieu de condamner un écrit isolé, il soit préférable de faire un examen global de la doctrine contenue dans les œuvres de Alfred Loisy. Cependant, tenant compte du contexte politique marqué par les tensions dans les rapports entre les religions et l’État en France et du risque de division interne entre catholiques français, le consulteur s’interrogea sur l’opportunité d’une sanction du théologien français, compte-tenu du contexte politique qui prévalait en France et du risque de division interne entre catholiques français. Il observait aussi que le Saint-Siège avait institué une Commission pour les études bibliques à laquelle étaient déjà soumises des thèses non moins radicales que celle d’Alfred Loisy. Il note que quelques adeptes bien connus du maître sont comptés parmi les membres de ladite Commission romaine. Ne serait-il pas cependant indiqué de ne pas précipiter un jugement sur de telle matière par une condamnation ?

330 David FLEMING, « Document 1 : Vote de Fleming sur "La religion d’Israël". Sacra Congregatio Indicis» in Claus ARNOLD, Giacomo LOSITO (éd.), La censure d’Alfred Loisy (1903). Les documents des congrégations de l’Index et du Saint Office, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2009, p. 138-139.

À ces considérations, Lorenzo Janssens apporte quelques réponses : il pense que la thèse d’Alfred Loisy émise il y a deux ans ou plus continue, nonobstant l’interdiction, a exercé une grande influence sur le public qui s’intéresse aux études sacrées. Par conséquent, la sacrée Congrégation de l’Index, par sa condamnation approuvera efficacement l’autorité locale qui, jusqu’ici n’a point été suffisamment considérée dans son droit de regard. La condamnation de cet article frappera, par extension, les autres articles du même auteur et affectera sa renommée grandissante. Par ailleurs, envisager la condamnation de cet article n’exclut pas l’examen, par la sacrée Congrégation, de toutes les autres œuvres de Alfred Loisy. Si elles étaient gravement répréhensibles, elles seraient pareillement censurées. Quant au contexte politique, Lorenzo Janssens pense que le danger politique extérieur n’est peut-être pas forcement la plus grave menace qu’encoure l’Église en France. Dans la même logique, il argumente qu’ils ne sont pas peu nombreux ceux qui pensent que le danger interne moral et doctrinal est supérieur au danger émanant des divisions politiques. Raison pour laquelle Lorenzo Janssens juge urgent de prévenir le danger le plus grand en mettant un frein à la nouveauté philosophique et théologique qui se répand ainsi, envahissant de plus en plus le champ des idées au détriment de l’éducation de la jeunesse, en particulier du clergé. Enfin, le fait que plus d’un des disciples de Alfred Loisy fait partie de la Commission romaine pour les études bibliques, et que parmi les questions soumises figurent celles qui sont les plus téméraires, a contribué à faire accroître le prestige de cette école jusqu’à faire croire que les audaces de la Commission recevront le soutien généreux du Saint Siège. En définitive, la censure de l’étude de Alfred Loisy sur la religion d’Israël estomperait très opportunément cet enthousiasme croissant.

Finalement son votum se résume en une combinaison des raisons pour et contre. Lorenzo Janssens propose la condamnation de l’article de Alfred Loisy, mais sans toutefois la rendre publique, à condition que l’auteur se soumette sincèrement au jugement de la condamnation de la sacrée Congrégation. Il doit aussi accepter de s’expliquer et de défendre sa pensée de manière satisfaisante sur les différents aspects incriminés, puis il doit publier sa soumission dans la même

Revue du clergé français. Un avertissement paternel mais sévère devrait également être adressé à cette revue pour qu’elle adopte désormais une politique prudente dans ses publications philosophiques et théologiques. 332

Le vote de Lorenzo Janssens sur les Études évangéliques est plus concis et tranché : Le consulteur remarque que le livre sur les Études évangéliques de Alfred Loisy a été publié sans approbation ecclésiastique, bien qu’il traite directement des sujets sacrés, et que l’auteur aurait été averti à plusieurs reprises par ses supérieurs hiérarchiques. Il note également que les études qui portent sur des paraboles évangéliques ou sur le quatrième évangile contiennent des doctrines incompatibles avec les Évangiles eux-mêmes et avec la tradition autant patristique que théologique. Il note l’absence d’aucune référence au caractère inspiré des Évangiles dans l’ensemble du livre et reproche à l’auteur d’user un style proche d’un écrivain non-croyant qu’à celui d’un prêtre catholique.

Il conclut qu’à l’évidence, non seulement un tel livre ne pourrait ne pas être sévèrement censuré par la sacrée Congrégation de l’Index, mais que son auteur mériterait d’être convoqué devant la Sainte Inquisition pour vous rendre compte de sa foi. 333

Le vote du Père Louis Billot, SJ sur L’Évangile et l’Église fût déterminant et décisif dans la condamnation des œuvres de Loisy, par sa méthode rhétorique et son argumentation.

Dès l’introduction de son vote, Louis Billot aborde la question du contenu. Il juge que le livre de Alfred Loisy sur l’Évangile et l’Église est plein d’hérésies (haeresibus plenum). D’après ses observations, il n’y a aucune partie saine en ce livre. À peine s’y trouve une proposition qui ne mérite d’être censurée. Ensuite il note les points doctrinaux sur lesquels se cristallisent toutes ses critiques : Il affirme que du début à la fin, Alfred Loisy conteste catégoriquement l’autorité de