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UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS VI)
Faculté de médecine Pierre et Marie Curie
ANNEE 2011 N°2011PA06G
THESE
DOCTORAT EN MEDECINE
MEDECINE GENERALE
PAR
Anne MILLERAND
Présentée et soutenue publiquement le 4 Mai 2011
La modernisation de la médecine japonaise d'Edo à Meiji :
Rupture ou continuité ?
DIRECTEUR
M. Philippe CORNET, Professeur associé de médecine générale PRESIDENT
M. Pierre HELARDOT, Professeur des universités JURY
Mme Christine GRAPIN-DAGORNO, Professeur des universités M. Francis GOLD, Professeur des universités
M. Patrice JOSSET, Maître de conférences des universités
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Remerciements
À Monsieur le Professeur Pierre Hélardot,
Vous me faites l’honneur de présider cette thèse.
Veuillez trouver ici le témoignage de mon profond respect.
À Monsieur le Professeur Philippe Cornet,
Vous m’avez fait confiance en acceptant la direction de cette thèse.
Je vous remercie pour votre soutien et vos éclairages essentiels.
À Madame le Professeur Christine Grapin-Dagorno, Vous avez accepté d’être membre de mon jury.
Veuillez recevoir mes sincères remerciements.
À Monsieur le Professeur Francis Gold,
Vous avez accepté d’être membre de mon jury.
Veuillez croire en ma gratitude profonde.
À Monsieur le Maître de conférences Patrice Josset, Vous avez accueilli ce sujet avec enthousiasme et intérêt,
Je vous remercie de l'appui si précieux que vous m'avez accordé.
Aux bibliothécaires et employés de la BIUM qui ont gentiment attiré mon attention sur les rares ouvrages japonais de la réserve, notamment Madame Florence Karpp qui a récemment exhumé le Yoka hiroku et le Zoku Yoka hiroku du chirurgien Soken Honma.
À Madame Cécile Galichet, bibliothécaire à la BIUM pour m'avoir aidée dans une traduction ardue de l'allemand médical du 19e siècle.
À Madame Claire Nguyen, bibliothécaire à la BIUM, pour avoir facilité mon accès à la bibliothèque de l'Académie.
Au Colonel Pierre Geoffroy pour m'avoir éclairée sur la pensée biopolitique du Maréchal Liautey.
Je remercie toutes ces personnes pour avoir rendu mes travaux encore plus passionnants.
À mes parents, pour leur soutien de toujours, À Aurélien, pour sa pensée positive,
4 PROFESSEURS DES UNIVERSITES-PRATICIENS HOSPITALIERS UFR MÉDICALE PIERRE ET MARIE CURIE
SITE SAINT-ANTOINE
AMARENCO Gérard Rééducation fonctionnelle et neurologique Hôpital ROTHSCHILD AMSELEM Serge Génétique Hôpital TROUSSEAU
ANDRE Thierry Cancérologie Hôpital La Salpétrière
ANTOINE Jean Marie Gynécologie Obstétrique/Médecine de la Reproduction Hôpital TENON ARACTINGI Sélim Unité de Dermatologie Hôpital TENON
ARLET Guillaume Bactériologie Hôpital TENON ARRIVE Lionel Radiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
AUCOUTURIER Pierre INSERM U 712 Hôpital Saint-Antoine AUDRY Georges Chirurgie viscérale infantile Hôpital TROUSSEAU
BALLADUR Pierre Chirurgie générale et digestive Hôpital SAINT-ANTOINE BARDET Jean (surnombre) Cardiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
BAUD Laurent Explorations fonctionnelles multidisciplinaires Hôpital TENON BAUDON Jean Jacques (surnombre) Néonatologie Hôpital TROUSSEAU
BEAUGERIE Laurent Gastroentérologie et Nutrition Hôpital SAINT-ANTOINE BEAUSSIER Marc Anesthésie Ŕ Réanimation Hôpital SAINT-ANTOINE BENIFLA Jean Louis Gynécologie Obstétrique Hôpital ROTHSCHILD
BENSMAN Albert Néphrologie, Dialyses et transplantations pédiatriques Hôpital TROUSSEAU BERENBAUM Francis Rhumatologie Hôpital SAINT-ANTOINE
BEREZIAT Gilbert (surnombre) UMR 7079 Physiologie et physiopathologie Campus Jussieu BERNAUDIN Jean François Histologie biologie tumorale Hôpital TENON
BILLETTE DE VILLEMEUR Thierry Neuropédiatrie Hôpital TROUSSEAU
BOCCON GIBOD Liliane (surnombre) Anatomie pathologique Hôpital TROUSSEAU BONNET Francis Anesthésie réanimation Hôpital TENON
BORDERIE Vincent Ophtalmologie CNHO des 15/20
BOUCHARD Philippe Endocrinologie Hôpital SAINT-ANTOINE BOUDGHENE STAMBOULI Franck Radiologie Hôpital TENON BREART Gérard Gynécologie obstétrique Hôpital TENON CABANE Jean Médecine interne Hôpital SAINT-ANTOINE
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CADRANEL Jacques Pneumologie Hôpital TENON CALLARD Patrice Anatomie pathologique Hôpital TENON
CAPEAU Jacqueline Inserm U.680 Faculté de Médecine P. & M. Curie CARBAJAL SANCHEZ Ricardo Urgences pédiatriques Hôpital TROUSSEAU CARBONNE Bruno Gynécologie obstétrique Hôpital SAINT-ANTOINE CARETTE Marie France Radiologie Hôpital TENON
CASADEVALL Nicole Hématologie biologique Hôpital SAINT-ANTOINE CAYRE Yvon Hématologie immunologie Hôpital DEBRE
CHAZOUILLERES Olivier Hépatologie gastroentérologie Hôpital SAINT-ANTOINE CHOSIDOW Olivier Dermatologie Ŕ Allergologie Hôpital TENON
CHOUAID Christos Pneumologie Hôpital SAINT-ANTOINE
CHRISTIN-MAITRE Sophie Endocrinologie Hôpital SAINT-ANTOINE CLEMENT Annick Pneumologie Hôpital TROUSSEAU
CLERGUE François Anesthésiologie Hôpital Cantonal 24, rue Micheli-du-Crest GENEVE 14 (Détaché au Ministère des Affaires Etrangères)
COHEN Aron Cardiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
CONSTANT Isabelle Anesthésiologie réanimation Hôpital TROUSSEAU COSNES Jacques Gastro-entérologie et nutrition Hôpital SAINT-ANTOINE COULOMB Aurore Anatomie et cytologie pathologiques Hôpital TROUSSEAU DAMSIN Jean Paul Orthopédie Hôpital TROUSSEAU
DARAI Emilen Gynécologie obstétrique Hôpital TENON
DE GRAMONT Aimery Oncologie médicale Hôpital SAINT-ANTOINE
DENOYELLE Françoise ORL et chirurgie cervico-faciale Hôpital TROUSSEAU DEVAUX Jean Yves Biophysique et médecine nucléaire Hôpital SAINT-ANTOINE DOUAY Luc Hématologie biologique Hôpital TROUSSEAU
DOURSOUNIAN Levon Chirurgie orthopédique Hôpital SAINT-ANTOINE DUCOU LE POINTE Hubert Radiologie Hôpital TROUSSEAU
DURON Françoise Endocrinologie Hôpital SAINT-ANTOINE DUSSAULE Jean Claude Physiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
FAUROUX Brigitte Gastro-entérologie et nutrition pédiatriques Hôpital TROUSSEAU FERON Jean Marc Chirurgie orthopédique et traumatologique Hôpital SAINT-ANTOINE FLEJOU Jean François Anatomie pathologique Hôpital SAINT-ANTOINE
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FLORENT Christian Hépato gastro-entérologie Hôpital SAINT-ANTOINE FRANCES Camille Dermatologie Ŕ Allergologie Hôpital TENON
FUNCK BRENTANO Christian Pharmacologie clinique Hôpital SAINT-ANTOINE GARABEDIAN Eréa Noël ORL et chirurgie cervico-faciale Hôpital TROUSSEAU GARBARG CHENON Antoine Bactériologie virologie Hôpital TROUSSEAU GATTEGNO Bernard (surnombre) Urologie Hôpital SAINT-ANTOINE
GENDRE Jean Pierre (surnombre) Gastro-entérologie et nutrition Hôpital SAINT-ANTOINE GIRARD Pierre Marie Maladies infectieuses et tropicales Hôpital SAINT-ANTOINE
GIRARDET Jean Philippe Gastro-entérologie et nutrition pédiatriques Hôpital TROUSSEAU GIROT Robert Hématologie biologique Hôpital TENON
GOLD Francis Néonatologie Hôpital TROUSSEAU
GORIN Norbert Hématologie clinique Hôpital SAINT-ANTOINE GRATEAU Gilles Médecine interne Hôpital TENON
GRIMFELD Alain (surnombre) Pédiatrie: pneumologie et allergologie Hôpital TROUSSEAU GRIMPREL Emmanuel Pédiatrie générale Hôpital TROUSSEAU
GRUNENWALD Dominique Chirurgie thoracique Hôpital TENON GUIDET Bertrand Réanimation médicale Hôpital SAINT-ANTOINE HAAB François Urologie Hôpital TENON
HELARDOT Pierre Georges Chirurgie viscérale infantile Hôpital TROUSSEAU HOURY Sidney Chirurgie digestive et viscérale Hôpital TENON
HOUSSET Chantal Biologie cellulaire Ŕ Inserm U. 680 Faculté de Médecine P. & M. Curie JAILLON Patrice Pharmacologie clinique Faculté de Médecine P. & M. Curie
JOUANNIC Jean-Marie Gynécologie obstétrique Hôpital TROUSSEAU
JUST Jocelyne Pneumologie et allergologie pédiatriques Hôpital TROUSSEAU LACAINE François Chirurgie digestive et viscérale Hôpital TENON
LACAU SAINT GUILY Jean ORL Hôpital TENON
LACAVE Roger Histologie biologie tumorale Hôpital TENON
LANDMAN-PARKER Judith Hématologie et oncologie pédiatriques Hôpital TROUSSEAU LAROCHE Laurent Ophtalmologie CHNO des Quinze-Vingts
LE BOUC Yves Explorations fonctionnelles Hôpital TROUSSEAU LEBEAU Bernard Pneumologie Hôpital SAINT-ANTOINE
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LEGRAND Ollivier Hématologie Oncologie médicale Hôpital HOTEL DIEU LEVERGER Guy Hématologie et Oncologie pédiatriques Hôpital TROUSSEAU LEVY Richard Neurologie Hôpital SAINT-ANTOINE
LIENHART André Anesthésie Ŕ Réanimation Hôpital SAINT-ANTOINE LOTZ Jean Pierre Cancérologie Hôpital TENON
LOUVET Christophe Oncologie médicale Hôpital SAINT-ANTOINE MARIE Jean Pierre Hématologie Hôpital HOTEL-DIEU
MARSAULT Claude Radiologie Hôpital TENON
MASLIAH Joëlle Inserm U.538 Faculté de Médecine P. & M. Curie MAURY Eric Réanimation médicale Hôpital SAINT-ANTOINE MAYAUD Marie Yves Pneumologie Hôpital TENON
MENU Yves Radiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
MEYER Bernard ORL et chirurgie cervico-faciale Hôpital TENON
MEYOHAS Marie Caroline Maladies infectieuses et tropicales Hôpital SAINT-ANTOINE MICHEL Pierre Louis Cardiologie Hôpital TENON
MILLIEZ Jacques Gynécologie obstétrique Hôpital SAINT-ANTOINE MIMOUN Maurice Chirurgie plastique Hôpital ROTHSCHILD
MITANCHEZ Delphine Néonatologie Hôpital TROUSSEAU
MONTRAVERS Françoise Biophysique et médecine nucléaire Hôpital TENON MURAT Isabelle Anesthésie réanimation Hôpital TROUSSEAU
NICOLAS Jean Claude Virologie Hôpital TENON
OFFENSTADT Georges Réanimation médicale Hôpital SAINT-ANTOINE PAQUES Michel Ophtalmologie CHNO des 15/20
PARC Yann Chirurgie générale et digestive Hôpital SAINT-ANTOINE
PATERON Dominique Service d’accueil des Urgences Hôpital SAINT-ANTOINE PAYE François Chirurgie générale et digestive Hôpital SAINT-ANTOINE
PERETTI Charles-Siegfried Psychiatrie d’adultes Hôpital SAINT-ANTOINE PERIE Sophie ORL Hôpital TENON
PETIT Jean Claude Bactériologie virologie Hôpital SAINT-ANTOINE PIALOUX Gilles Maladies infectieuses et tropicales Hôpital TENON
POUPON Raoul Hépatologie et gastro-entérologie Hôpital SAINT-ANTOINE RENOLLEAU Sylvain Réanimation néonatale Hôpital TROUSSEAU
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RODRIGUEZ Diana Neuro-pédiatrie Hôpital TROUSSEAU RONCO Pierre Marie Néphrologie et dialyses Hôpital TENON
RONDEAU Eric Urgences néphrologiques Ŕ Transplantation rénale Hôpital TENON ROSMORDUC Olivier Hépato gastro-entérologie Hôpital SAINT-ANTOINE
ROUGER Philippe I.N.T.S. 6, rue Alexandre Cabanel 75739 Paris cedex 15 ROUZIER Roman Gynécologie obstétrique Hôpital TENON
ROZENBAUM Willy Maladies infectieuses et tropicales Hôpital SAINT-LOUIS SAHEL José Alain Ophtalmologie CHNO des 15/20
SAUTET Alain Chirurgie orthopédique Hôpital SAINT-ANTOINE SEZEUR Alain Chirurgie générale Hôpital des DIACONESSES
SIFFROI Jean Pierre Génétique et embryologie médicales Hôpital TROUSSEAU
SOUBRIER Florent Département de génétique Groupe Hospitalier PITIE SALPETRIERE TALBOT Jean Noël Biophysique médecine nucléaire Hôpital TENON
THIBAULT Philippe (surnombre) Urologie Hôpital TENON THOMAS Guy Psychiatrie d’adultes Hôpital SAINT-ANTOINE
THOUMIE Philippe Rééducation neuro-orthopédique Hôpital ROTHSCHILD TIRET Emmanuel Chirurgie générale et digestive Hôpital SAINT-ANTOINE TOUBOUL Emmanuel Radiothérapie Hôpital TENON
TOUNIAN Patrick Gastro-entérologie et nutrition pédiatriques Hôpital TROUSSEAU TRAXER Olivier Urologie Hôpital TENON
TRUGNAN Germain Inserm U538 Faculté de Médecine P. & M. Curie TUBIANA Jean Michel (surnombre) Radiologie Hôpital SAINT-ANTOINE
UZAN Serge Gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction Hôpital TENON VALLERON Alain Jacques Unité de santé publique Hôpital SAINT-ANTOINE
VAYSSAIRAT Michel Cardiologie Hôpital TENON
VAZQUEZ Marie Paule Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Hôpital TROUSSEAU WENDUM Dominique Anatomie pathologique Hôpital SAINT-ANTOINE
WISLEZ Marie Pneumologie Hôpital TENON
9 SITE PITIÉ
ACAR Christophe Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire AGID Yves (surnombre) Fédération de neurologie
AGUT Henri Bactériologie-virologie-hygiène ALLILAIRE Jean-François Psychiatrie d’adultes AMOURA Zahir Médecine interne
ASTAGNEAU Pascal Epidémiologie/Santé publique AURENGO André Biophysique et Médecine nucléaire AUTRAN Brigitte Immunologie
BARROU Benoît Urologie BASDEVANT Arnaud Nutrition
BAULAC Michel Anatomie / Neurologie BAUMELOU Alain Néphrologie
BELMIN Joël Médecine interne IVRY BENHAMOU Albert Chirurgie vasculaire BENVENISTE Olivier Médecine interne
BERTRAND Jacques-Charles Stomatologie et Chirurgie maxillo-faciale BITKER Marc Olivier Urologie
BODAGHI Bahram Ophtalmologie
BOISVIEUX Jean-François (surnombre) Biostatistiques et Informatique médicale BOURGEOIS Pierre Rhumatologie
BRICAIRE François Maladies infectieuses - Maladies tropicales BRICE Alexis Génétique
BRUCKERT Eric Endocrinologie et Maladies métaboliques
CABANIS Emmanuel (surnombre) Radiologie et Imagerie médicale
CACOUB Patrice Médecine interne (Chef de service par intérim)
CALVEZ Vincent Virologie et Bactériologie
CAPRON Frédérique Anatomie et Cytologie pathologique CARPENTIER Alexandre Neurochirurgie
CATALA Martin Cytologie et Histologie (département de génétique) CATONNE Yves Chirurgie orthopédique et traumatologique
CAUMES Eric Maladies infectieuses - Maladies tropicales
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CESSELIN François Biochimie et Biologie moléculaire CHAMBAZ Jean Biologie cellulaire
CHARTIER-KASTLER Emmanuel Urologie CHASTRE Jean Réanimation médicale CHERIN Patrick Médecine interne
CHIGOT Jean-Paul (surnombre) Chirurgie générale CHIRAS Jacques Radiologie et Imagerie médicale III CLEMENT-LAUSCH Karine Nutrition
CLUZEL Philippe Radiologie et Imagerie médicale II COHEN David Pédopsychiatrie
COHEN Laurent Neurologie
COMBES Alain Réanimation médicale
CORIAT Pierre Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale CORNU Philippe Neurochirurgie
COURAUD François Biochimie et Biologie moléculaire DANIS Martin (surnombre) Parasitologie
DAUTZENBERG Bertrand Pneumologie DAVI Frédéric Hématologie biologique DEBRE Patrice Immunologie
DELATTRE Jean-Yves Neurologie Fédération MAZARIN DERAY Gilbert Néphrologie
DERENNE Jean-Philippe (surnombre) Pneumologie DOMMERGUES Marc Gynécologie Ŕ Obstétrique DORMONT Didier Radiologie et Imagerie médicale DUBOIS Bruno Neurologie
DURON Jean-Jacques (surnombre) Chirurgie digestive DUGUET Alexandre Pneumologie
DUYCKAERTS Charles Anatomie et Cytologie pathologiques EYMARD Bruno Neurologie
FAUTREL Bruno Rhumatologie
FERRE Pascal Biochimie et Biologie moléculaire
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FONTAINE Bertrand Fédération de neurologie FOSSATI Philippe Psychiatrie d’adultes
FOURET Pierre Anatomie et Cytologie pathologiques
GANDJBAKHCH Iradj (surnombre) Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire GIRERD Xavier Thérapeutique / Endocrinologie
GOROCHOV Guy Immunologie
GRENIER Philippe Radiologie et Imagerie médicale II GRIMALDI André Endocrinologie et Maladies métaboliques HAERTIG Alain Médecine légale / Urologie
HANNOUN Laurent Chirurgie générale
HAUW Jean-Jacques (surnombre) Anatomie et Cytologie pathologiques HELFT Gérard Département de cardiologie
HERSON Serge Thérapeutique /Médecine interne
HEURTIER Agnès Endocrinologie et Maladies métaboliques HOANG XUAN Khê Neurologie
ISNARD Richard Cardiologie et Maladies vasculaires ISNARD-BAGNIS Corinne Néphrologie
JARLIER Vincent Bactériologie-Hygiène JOUVENT Roland Psychiatrie d'adultes
KATLAMA née WATY Christine Maladies infectieuses et tropicales KHAYAT David Oncologie médicale
KIEFFER Edouard Chirurgie vasculaire KLATZMANN David Immunologie
KOMAJDA Michel Cardiologie et maladies vasculaires KOSKAS Fabien Chirurgie vasculaire
LAMAS Georges Oto-rhino-laryngologie LANGERON Olivier Anesthésiologie
LAZENNEC Jean-Yves Anatomie / Chirurgie orthopédique LE FEUVRE Claude Département de cardiologie
LEBLOND née MISSENARD Véronique Hématologie clinique LEENHARDT Laurence Endocrinologie / médecine nucléaire LEFRANC Jean-Pierre Chirurgie générale
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LEHERICY Stéphane Radiologie et imagerie médicale III LEHOANG Phuc Ophtalmologie
LEMOINE François Immunologie LEPRINCE Pascal Chirurgie thoracique
LUBETZKI ép. ZALC Catherine Fédération de neurologie LYON-CAEN Olivier Fédération de neurologie
MALLET Alain Biostatistiques et informatique médicale MARIANI Jean Biologie cellulaire/Médecine interne MAZERON Jean-Jacques Radiothérapie
MAZIER Dominique Parasitologie
MEININGER Vincent Neurologie Fédération MAZARIN MENEGAUX Fabrice Chirurgie générale
MERLE-BERAL Hélène Hématologie biologique
METZGER Jean-Philippe Cardiologie et maladies vasculaires MONTALESCOT Gilles Cardiologie et maladies vasculaires OPPERT Jean-Michel Nutrition
PASCAL-MOUSSELLARD Hugues Chirurgie orthopédique et traumatologique PAVIE Alain Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire.
PERRIGOT Michel Rééducation fonctionnelle PETITCLERC Thierry Biophysique / Néphrologie PIERROT-DESEILLIGNY Charles Neurologie PIETTE François Médecine interne IVRY PIETTE Jean-Charles Médecine interne POIROT Catherine Cytologie et histologie POYNARD Thierry Hépato-gastro-entérologie
PUYBASSET Louis Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale RATIU Vlad hépato-gastro-entérologie
RICHARD François Urologie
RIOU Bruno Anesthésiologie/Urgences médico-chirurgicale ROBAIN Gilberte Rééducation fonctionnelle IVRY
ROUBY Jean-Jacques Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale
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SAMSON Yves Neurologie/Urgences cérébro-vasculaires SIMILOWSKI Thomas Pneumologie
SPANO Jean-Philippe Oncologie médicale
THOMAS Daniel Cardiologie et Maladies vasculaires TOUITOU Yvan (surnombre) Nutrition / Biochimie
TOURAINE Philippe Endocrinologie et Maladies métaboliques VAILLANT Jean-Christophe Chirurgie générale
VAN EFFENTERRE Rémy Neurochirurgie VERNANT Jean-Paul Hématologie Clinique
VERNY Marc Médecine interne Pavillon MARGUERITE BOTTARD VIDAILHET Marie-José Neurologie
VOIT Thomas Pédiatrie neurologique WILLER Jean-Vincent Physiologie
ZELTER Marc Physiologie / Explorations fonctionnelles
14
15
INTRODUCTION ... 19
MATÉRIEL ET MÉTHODE ... 21
CHAPITRE 1: LA FORMATION DE LA PENSÉE MÉDICALE JAPONAISE ... 23
ILA DEUXIÈME PÉRIODE SINO-JAPONAISE : D'UNE MÉDECINE CHINOISE SPÉCULATIVE VERS UNE MÉDECINE PLUS EMPIRISTE ... 24
A Assimilation de la médecine des correspondances Jin-Yuan ... 24
B L'honzo gaku et l'école Kohoha (école des classiques) : vers plus d'empirisme ... 31
Conclusion de la partie « La deuxième période sino-japonaise » ... 46
Illustrations de la partie « La deuxième période sino-japonaise » ... 47
IILA PÉRIODE RANGAKU ... 55
A La transformation de l'anatomie ... 56
B La transformation de la médecine et de la thérapeutique ... 81
C La transformation de la chirurgie ... 102
IIIMEIJI ... 125
A Le paradigme expérimental allemand ... 125
B Le paradigme évolutionniste ... 151
C Développement d'une thérapeutique japonaise ... 159
Conclusion de la partie « Meiji » ... 167
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ... 168
CHAPITRE 2: L’ÉVOLUTION DE LA PROFESSION MÉDICALE ... 171
IEVOLUTION DU SYSTÈME TRADITIONNEL ... 172
A Le système kagaku et la tradition des moines médecins ... 172
B L'évolution de la profession sous Muromachi ... 172
C La profession médicale pendant la période de séclusion ... 174
IIMEIJI ... 184
A Le choix du système allemand ... 184
B La mise en place du nouveau système ... 187
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 ... 191
CHAPITRE 3: LA CRÉATION DE LA SANTÉ PUBLIQUE JAPONAISE ... 193
IL'ORGANISATION SANITAIRE À LA PÉRIODE PRÉMODERNE ... 194
A L'organisation sanitaire du Japon prémoderne ... 194
B L'émergence d'une pensée biopolitique ... 202
IILES DÉBUTS DE LA SANTÉ PUBLIQUE SOUS MEIJI ... 206
A Les raisons de l'adoption d'un système de santé publique moderne ... 206
B Structure et financement ... 207
C Les plans de santé publique ... 212
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 ... 224
CHAPITRE 4: EVOLUTION DES NOTIONS DE CORPS, DE MALADIE ET DE SOIN AU NIVEAU DE LA SOCIÉTÉ ... 227
ILA CULTURE MÉDICALE POPULAIRE DE LA PÉRIODE PRÉMODERNE ... 228
A Concepts archaïques ... 228
B Concepts empruntés à la littérature savante ... 233
IILA MODERNISATION : UNE NOUVELLE DIALECTIQUE ? ... 236
A Devenir des concepts archaïques ... 236
B Passage du yojo à l'eisei ... 242
C Survivance de la médecine des correspondances ... 245
IIILE CONSUMÉRISME MÉDICAL D’EDO À NOS JOURS : IMAGE DU MÉDECIN ET PLURALISME JAPONAIS ... 248
CONCLUSION DU CHAPITRE 4 ... 251
ILLUSTRATIONS DU CHAPITRE 4 ... 252
CONCLUSION ... 277
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE ... 283
GLOSSAIRE... 303
ANNEXES ... 311
ANNEXE 1 :REPÈRES CHRONOLOGIQUES AVANT ET APRÈS EDO ... 312
16
ANNEXE 2 :OUVRAGES OCCIDENTAUX ÉTUDIÉS PAR LES RANGAKUSHA... 313
ANNEXE 3 :PUBLICATIONS JAPONAISES ET LEURS SOURCES D’INSPIRATION SOUS EDO ... 325
ANNEXE 4 :L’ÉLABORATION DU CONCEPT JAPONAIS DE SANTÉ PUBLIQUE ... 337
Nagayo Sensai et l'eisei ... 337
Shinpei Goto et le darwinisme social ... 340
17 Notes concernant la transcription :
Titre des ouvrages :
Dans le texte, les titres des ouvrages sont signalés en italique (hormis dans les annexes 2 et 3).
Noms propres :
Il est de coutume au Japon de donner dans l’ordre le nom de famille puis le prénom.
Par commodité, nous avons préféré nous conformer à l’usage occidental (prénom-patronyme).
Mots japonais :
Par souci de simplification, nous n’avons pas reproduit les signes diacritiques (macron, accent circonflexe) utilisés pour marquer les syllabes longues.
Seuls les noms figurés dans les dictionnaires français (samouraï, shogun, daimyo) reçoivent le pluriel, les autres sont considérés comme invariables.
Mots chinois :
En ce qui concerne les mots chinois, nous avons utilisé la transcription en pinyin sans reproduire l’accentuation.
18
19 Introduction
Quelles images nous renvoie la médecine japonaise ? Espérance de vie la plus importante au monde, matériel high-tech, médecine traditionnelle nommée kampo.
Tout cela est un peu confus.
Le contexte entourant la modernisation de cette médecine l’est encore plus.
Tout au mieux, on le confond avec le processus d’ouverture initié au 19e siècle, quand, vivant en autarcie depuis 250 ans, le Japon embraya une modernisation accélérée afin d’égaliser avec un Occident menaçant. Ce dernier lui aurait ainsi permis de s’émanciper de la torpeur féodale imposée par une farouche élite guerrière.
En effet, suite à la restauration de l'Empereur Meiji (1868), le gouvernement japonais décréta un changement de modèle médical, c'est-à-dire le remplacement du système traditionnel par un système moderne à l'occidental. Cette décision impliquait de substituer au mode de pensée sino-japonais fondé sur la philosophie néoconfucianiste le paradigme occidental hérité de la pensée mécaniste. Cette conversion scientifique nécessitait également l'adhésion de la population. Enfin toutes ces transformations étaient elles-mêmes assujetties à la mise en place d'un enseignement médical et de structures sanitaires modernes.
Bien qu’une telle acculturation semble irréalisable en à peine 30 ans, hôpitaux, universités, médecins et programmes de santé publique étaient pourtant devenus des réalités concrètes dès la fin du 19e siècle. Ce constat singulier nous a stimulé à examiner les arcanes du « miracle » japonais.
Postulant que ce phénomène de modernisation ne saurait correspondre au transfert passif d'un modèle extérieur Ŕ l'Occident apportant la science médicale au « barbare japonais », l’objectif de notre thèse est donc de montrer que la médecine japonaise a obéi à une évolution endogène propre (idée de continuité) et qu'elle s'est nourrie des apports extérieurs qu'elle a adaptés aux conditions locales (idée d'adaptation). Pour cela, nous proposons d’étudier l'évolution de la médecine japonaise de la période féodale (dite prémoderne ou période Edo) à la période moderne (Meiji) en nous concentrant sur 4 domaines représentatifs : la pensée médicale, la profession de médecin, le système de santé publique et la représentation populaire de la maladie.
Dans la première partie, nous étudierons l'évolution de la pensée médicale japonaise, de la deuxième moitié du 16e siècle jusque dans les années 1920. Tout d’abord, nous assisterons au passage d'une médecine chinoise spéculative vers une médecine plus empiriste, phénomène débouchant sur la publication du Kaitai shinsho (1774). La parution de ce traité d'anatomie « moderne » sera considérée comme le point de départ de la seconde étape, dite période rangaku. Cette période sera appréhendée à travers la transformation de l'anatomie, de la médecine, de la thérapeutique et de la chirurgie. Enfin, nous examinerons les profonds changements survenus pendant l’ère Meiji. Pour cela nous nous concentrerons sur l'introduction du paradigme expérimental allemand, puis du paradigme évolutionniste, et enfin sur les développements d'une thérapeutique japonaise moderne.
Dans la deuxième partie, nous verrons les mutations de la profession médicale depuis l'époque Muromachi (1336-1573) jusqu'à la fin de l’ère Meiji (1912). Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la transition d'un art réservé à l'élite vers un métier dont l'exercice se démocratise. Nous analyserons les raisons de cet essor en se concentrant sur les transformations du statut social et les modalités de la professionnalisation. Ensuite nous examinerons les effets de la restauration de Meiji.
Nous essaierons de comprendre les raisons qui motivèrent le choix du modèle
20 éducatif allemand. Enfin, nous exposerons les caractéristiques du système professionnel moderne.
Dans la troisième partie, nous explorerons les évolutions du système sanitaire depuis ses balbutiements jusqu'aux années 1920. Tout d'abord, nous verrons l'organisation sanitaire du Japon prémoderne, puis les débuts de l'intrusion du pouvoir dans la sphère individuelle. Ensuite, nous étudierons la création du système publique moderne à travers ses institutions, son mode de financement et ses programmes sanitaires.
Dans la quatrième partie, nous nous intéresserons à la représentation populaire du corps, de la maladie et du soin, d'Edo à Meiji avec des incursions dans la période contemporaine.
Dans un premier temps, nous exposerons les différents modes de représentations de la maladie, répartis en concepts dits archaïques (démonologie, religion) et en concepts empruntés à la médecine savante. Dans un deuxième temps nous examinerons le devenir de ces concepts sous Meiji jusqu'à nos jours. Enfin, nous conclurons par l'étude du consumérisme médical d'Edo à nos jours.
La conclusion permettra de revenir sur notre hypothèse de départ (continuité et adaptation) au regard de ces différents chapitres.
21 Matériel et méthode
Méthodologie :
Dans un premier temps, nous avons fixé le cadre de notre étude.
Pour cela, nous avons cherché à déterminer :
les éléments que l’on pourrait définir comme les constituants fondamentaux de tout système médical (pensée médicale, aspects professionnels, offre de soin, aspects anthropologiques). Une fois définis, ces items délimitèrent la structure thématique de notre plan (axe thématique de la thèse).
les repères chronologiques de l’évolution de la médecine japonaise. Ces éléments permirent de diviser notre exposé en phases significatives (axe chronologique de la thèse).
Dans un deuxième temps, nous nous sommes astreints à identifier les changements qui relevaient soit d'une maturation endogène, soit d’influences extérieures. Ainsi cette analyse exigea l'étude comparative des modèles médicaux importés au Japon (chinois, occidental).
Matériel :
Nous avons réalisé une revue de la littérature concernant l'histoire de la médecine japonaise et corollairement occidentale. Cette recherche s’est effectuée en langue française et anglaise, et accessoirement allemande. En dépit de l’abondance de sources en langue originale, notre étude a été obligatoirement limitée du fait de notre ignorance du japonais.
Nos mots-clés initiaux étaient : « médecine japonaise » (« japanese medicine »),
« modernisation » (« modernization »), « Edo », « Meiji ». Au fur et à mesure que nous progressions dans notre étude, la recherche de mots-clés plus spécifiques s’imposa, mots-clés ayant trait à la culture médicale japonaise (« kampo »,
« ranpo », « Kaitai Shinsho », « Hanaoka Seishu », etc.), chinoise (« traditional chinese medicine », « TCM », « qi », « médecine Jin-Yuan », etc.) et occidentale (« vitalisme », « mécanisme », « Boerhaave », etc.).
La recherche des mots-clés s'est effectuée :
dans des catalogues de bibliothèques (Bibliothèque interuniversitaire de Médecine, Bibliothèque de l’Académie de médecine, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque de l'École française d'Extrême Orient, Bibliothèque interuniversitaire des langues orientales, bibliothèque de la Maison de la culture du Japon à Paris, Bibliothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, British Library, Bibliothèque Sainte-Geneviève)
sur portails internet (le portail scientifique japonais anglophone CiNii, Google, Medline).
Ainsi notre matériel regroupe :
articles de revue, encyclopédies, monographies, symposium, romans
documents anciens (livres, manuscrits, estampes) sous forme numérisée accessibles sur des sites internet institutionnels : BIUM [34], Waseda library [355], Naito Museum of Pharmaceutical Science and Industry [88], Collection
22 Kano de la Tohoku University Library, National Library of Medicine [340], University of California of San Francisco (UCSF) [342], Googlebook, Archive.org, etc.
informations accessibles sur des sites internet spécialisés : site History of cultural contacts Europe - East Asia du Pr. Wolgang MICHEL (Professeur d'histoire de la médecine à l'Université de Kyushu) [206], site Japan- Netherlands Exchanges in the Edo Period mis en place par la National Diet Library (Japon) et la Koninklijke Bibliotheek (Pays-Bas) [231], Website for History of the Body, Disease, Society and Medicine du Pr. Akhito SUZUKI (Professeur d'histoire de la médecine à l’université de Keio) [322], site de l'École française d'Extrême Orient, etc.
Indexation de la bibliographie et des notes de bas de page :
En fin de thèse, les références bibliographiques sont indexées par ordre alphabétique des noms d’auteur et numérotées. Dans le corps de la thèse, la citation d’une référence est signalée en fin de phrase par le numéro d’indexation de la référence placé entre crochets. Lorsque la source est un livre, le numéro de la page citée est fréquemment indiqué entre parenthèses après le numéro de la référence.
Enfin, les numéros placés en indice dans le texte renvoient aux notes de bas de page correspondantes.
Illustrations
Les illustrations proviennent pour la plupart de collections numérisées disponibles en ligne.
Leur source est identifiée en légende entre crochets.
23 Chapitre 1: La formation de la pensée médicale japonaise
ILA DEUXIÈME PÉRIODE SINO-JAPONAISE : D'UNE MÉDECINE CHINOISE SPÉCULATIVE VERS UNE MÉDECINE PLUS EMPIRISTE ... 24
A Assimilation de la médecine des correspondances Jin-Yuan ... 24 1) La médecine des correspondances ... 24 2) L'implantation de la médecine Jin-Yuan sous Edo ... 28 3) La médecine des missionnaires (Nanban-ryu geka) : une influence controversée ... 29 Conclusion de la partie « Assimilation de la médecine des correspondances » ... 30 B L'honzo gaku et l'école Kohoha (école des classiques) : vers plus d'empirisme ... 31 1) L'essor de la pharmacologie et des sciences naturelles japonaises, le honzo gaku ... 32 2) L'école Kohoha ... 34 3) Les afférences médicales hollandaises dans la première moitié d'Edo (avant le Kaitai Shinsho) ... 39 Conclusion de la partie « La deuxième période sino-japonaise » ... 46 Illustrations de la partie « La deuxième période sino-japonaise » ... 47 IILA PÉRIODE RANGAKU ... 55 A La transformation de l'anatomie ... 56 1) Le travail de traduction ... 56 2) La pratique de la dissection ... 68 Conclusion de la partie « La transformation de l’anatomie » ... 80 B La transformation de la médecine et de la thérapeutique ... 81 1) Médecine ... 81 2) Thérapeutique ... 93 Conclusion générale de la partie « Médecine et Thérapeutique » ... 101 C La transformation de la chirurgie ... 102 1) Obstétrique... 102 2) Ophtalmologie ... 110 3) La chirurgie générale ... 117 Conclusion de la partie « La transformation de la chirurgie » ... 124 IIIMEIJI ... 125 A Le paradigme expérimental allemand ... 125 1) La théorie cellulaire ... 125 2) Neurosciences ... 134 3) Le paradigme bactériologique ... 141 Conclusion générale de la partie « Le paradigme expérimental allemand »... 150 B Le paradigme évolutionniste ... 151 1) L'anthropologie biologique... 151 2) Génétique et eugénisme ... 154 Conclusion de la partie « Le paradigme évolutionniste » ... 157 C Développement d'une thérapeutique japonaise ... 159 1) La naissance d'une recherche en acupuncture et moxibustion ... 159 2) Recherche pharmacologique ... 162 3) La psychothérapie de Morita ... 164 Conclusion générale de la partie thérapeutique japonaise ... 166 Conclusion de la partie « Meiji » ... 167 CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ... 168
24 Lorsqu'en tant qu'occidental on aborde la modernisation de la pensée médicale japonaise sous Meiji, deux éléments posent problème : la notion de transfert scientifique (germano-japonais) et la notion d'étape chronologique (par rapport à l'idée que nous nous faisons de la science). Ainsi la notion de transfert semble contredire celle d'histoire des sciences.
Or, nous voulions montrer qu'il n'y pas eu de réelle rupture, mais plutôt une continuité de pensée entre Edo et Meiji. Afin d'établir cette continuité, nous avons cherché les germes d'un esprit scientifique à la période prémoderne. Ainsi nous verrons que l'idée de transfert ne signifie pas simple imitation et qu'elle s'intègre dans un processus de maturation endogène. Ceci permettra de comprendre la modernisation japonaise sous un angle un peu moins réducteur et ethnocentré, et, plutôt de souligner l'originalité épistémologique nippone.
Ainsi nous étudierons cette dynamique épistémologique selon trois grandes périodes :
-la 2e période sino-japonaise -la période rangaku
-la période moderne
I La deuxième période sino-japonaise : d'une médecine chinoise spéculative vers une médecine plus empiriste
A Assimilation de la médecine des correspondances Jin-Yuan
A partir du 15e siècle et jusqu'à la période de séclusion, des voyageurs japonais ramenèrent de Chine la forme la plus aboutie de la médecine des correspondances, la médecine dite Jin-Yuan.
La médecine Jin-Yuan commença à s'implanter au Japon à la fin du 16e siècle, pour véritablement s'épanouir pendant la période de séclusion (sakoku) conjointement au néoconfucianisme Zhu Xi.
1) La médecine des correspondances
a) Mode de raisonnement et soubassements philosophiques
La médecine chinoise fait appel à un mode de pensée inductif et holiste, associé à la notion de correspondance systématique de tous les phénomènes.
Ainsi, Manfred Porkert définit cette induction comme le lien logique entre deux positions simultanées mais distantes spatialement, par opposition au mode causal occidental, qui lui est un lien logique entre deux positions situées au même endroit de l'espace mais à des moments différents [268]. Joseph Needham précise que cette pensée corrélative correspond à une vision différente de l'univers. Pour cela, il cite une phrase de Marcel Granet convoyant ce qu'il appelle une « conception morphologique de l'univers » [233] :
« Au1 lieu de constater des successions de phénomènes, les Chinois enregistrent des alternances d’aspects. Si deux aspects leur apparaissent liés, ce n’est pas à la façon d’une cause et d’un effet : ils leur semblent appariés
1 Phrase originale de Marcel Granet cité en anglais par Joseph Needham.
25 comme le sont l'endroit et l’envers, ou, pour utiliser une métaphore consacrée dès le temps du Hi ts’eu, comme l’écho et le son, ou, encore, l’ombre et la lumière. » [187] (pages 329-330)
Ainsi l'univers est conçu comme une alternance cyclique et non une succession caténaire d'évènements, comme un tout et non un assemblage de parties : « Ainsi le mécanique et le quantitatif, ce qui est forcé ou imposé de l'extérieur étaient tous absents. La notion d'Ordre excluait celle de Loi. » [233]
Unschuld stipule que les « correspondances magiques » (archaïques) furent organisées en un système élaboré, un « paradigme de correspondance » dans lequel « les manipulations d'un élément au niveau d'une ligne de correspondance spécifique peuvent influencer les autres éléments de la même ligne » [345].
Par ailleurs, il montre que l'histoire de cette pensée suit de près l'évolution de la doctrine confucianiste et la transformation socio-économique du pays. Cette filiation est très importante car en retour elle éclaire la conceptualisation du corps humain, tant au niveau de la structure que de la physiologie [345].
b) Les deux sous-paradigmes de la médecine des correspondances Le paradigme de correspondance de la médecine chinoise réalise lui-même le syncrétisme entre deux sous-paradigmes : la théorie du yin/yang et la théorie des 5 phases (wu-xing).
Ces deux théories naquirent de manière indépendante dans la deuxième moitié du premier millénaire avant J.C. Elles reposent sur une philosophie naturelle, comparable à celle apparue en Grèce à peu près à la même époque, qui tente non plus d'expliquer les phénomènes par la démonologie mais par des causes naturelles [345] (p55).
-La théorie du yin/yang
L'univers est conçu comme la somme de deux entités opposées et complémentaires, évoluant en sens inverse. Les premières traces écrites de cette théorie se trouvent dans le Shijing (Classique des vers ou Livres des odes, premier millénaire av J.C.).
Un des vers évoque les deux versants d'une colline sous le soleil. Le yang renvoie à l'adret de la montagne (versant ensoleillé, sec et chaud) tandis que le yin correspond à l'ubac (versant ombragé, humide et froid). Le yang c'est aussi la partie masculine, l'extérieur, le haut ; alors que le yin est la partie féminine, l'intérieur, le bas [345](p55- 56).
-La théorie des 5 phases (wu-xing)
Zou Yan (350-270 av. JC) est considéré comme le fondateur de cette seconde philosophie naturelle, et donc, par extension, de la médecine des correspondances.
Cette doctrine organise les phénomènes naturels en 5 lignes de correspondances symbolisées par 5 éléments : métal, bois, eau, feu, terre. Les différentes lignes entretiennent entre elles des relations, dont les plus connues sont celles de destruction et de génération mutuelles. Elles s'expriment ainsi :
L'eau surpasse le feu ; le feu fond le métal ; le métal -sous la forme d'un couteau par exemple- surpasse le bois ; le bois -en tant que bêche- surpasse la terre ; la terre Ŕ en tant que digue- contrôle l'eau.
26 L'eau produit les plantes et les arbres, c-à-d le bois ; le bois fournit le feu ; le feu produit des cendres, c-à-d la terre ; la terre fournit le métal ; quand il est chauffé, le métal produit de la vapeur, c-à-d l'eau.
L'assignation des phénomènes naturels aux lignes de correspondances, que ce soit dans le système yin-yang ou dans celui 5 phases, était totalement subjectif, ce qui explique l'existence d'une variabilité entre les diverses écoles [345](p58-61).
c) La médecine systématisée des correspondances
Cette médecine est exposée dans le canon médical chinois Huangdi neijing.
-Théorie
Elle émergea sous les Han (-207+220), après que l'Empereur Qin eut réussi à unifier le pays pour la première fois en -221. A la même époque, le confucianisme fut finalement adopté comme doctrine d'État. Cette période correspondait à un phénomène de circulation des biens, d'expansion des canaux d'irrigation, de création de greniers. Aussi cette vision de l'environnement socio-économique fut transférée par les philosophes à la structure et à la fonction du corps humain [345](p79-80).
Ainsi les organes furent classés en zang (cœur, foie, rate, poumons, reins, péricarde) et en fu (petit intestin, estomac, vésicule biliaire, grand intestin, vessie et triple réchauffeur). zang signifie « dépôt », ce qui ramène à l'idée de grenier. Fu signifie
« palais », c'est-à-dire les centres de consommation [345](p77,81). De la même manière, le système de conduit traversant le corps symbolise le système d'irrigation [345](p75, 81-82) :
-les 12 canaux principaux qui relient les organes entre eux s'appellent jing-mo, terme faisant référence au fleuve,
-les canaux de traverse qui relient les canaux principaux entre eux s'appellent luo, terme qui s'applique dans les villes aux canaux d'évacuation des eaux usées vers la rivière.
-le chong-mo, sorte de Grand Canal traversant de part en part l'organisme et desservant tous les autres canaux.
Il existe un organe imaginaire appelé triple réchauffeur qui se trouve réparti en trois endroits du corps pour transformer par le moyen de la chaleur les matières brutes.
On notera l'analogie avec les fonderies et salines [345](p81).
Enfin, c'est aussi vers -200-300 que se cristallisa le concept de qi, c'est-à-dire d'influences environnementales qui affectent l'organisme de l'extérieur (dont des influences néfastes xie qi) mais qui sont aussi présentes dans l'organisme. Le qi est donc l'élément circulant dans le système de canalisation, sorte de courant formé de particules très fines, un souffle matériel comparable au pneuma grec. Unschuld rapproche d'ailleurs le pictogramme qi (気, figurant de la vapeur surmontant un récipient contenant du riz) au concept (phusai ek ton perittomaton2), idée pathogénique centrale de la médecine hippocratique au 4e siècle avant J.C [345](p67-73).
Cette médecine reposait ainsi sur la relation entre microcosme et macrocosme, les deux étant soumis au dogme du yin-yang et des 5 phases. Zang, fu, qi intérieur et extérieur, astres, saisons, couleurs et odeurs, aliments, tous étaient intégrés dans ce système. Cosmos et soma suivaient les mêmes lois universelles de changement ; l'alternance du jour (yang), de la nuit (yin), le cycle du printemps (bois), de l'été (feu), de l'automne (métal), de l'hiver (eau). Les éléments cosmiques et somatiques
2Signification: Le souffle s’exhalant de la nourriture digérée, Cf. [270],[186].
27 figuraient au même plan, la dichotomie entre intérieur et extérieur avait peu d'importance. Toutefois, réparti en plusieurs textes d'époques et d'auteurs différents, le Huangdi neijing contenait une vision hétérogène et partiellement systématisée de la médecine des correspondances. Aussi vers la fin des Han, on mit à plat et réécrivit le corpus théorique de la médecine des correspondances d'une façon cohérente et homogène dans le Nanching [345](p83-99).
Au 8e siècle ap. J.-C., dans sa révision du Huangdi Neijing Suwen, Wang Ping corréla le système de correspondance au calendrier astrologique, au point d'obtenir un concept cosmobiologique extrêmement complexe appelé wu-yun liu-qi, 5 phases (de circulation) et 6 qi (climatiques) lequel délivrait les configurations sur un cycle de 60 ans [345](p170-171),[344](p393-394).
-Clinique et thérapeutique
L'art médical consistait à prévenir la maladie, tout comme le souverain devait prévenir le désordre social. Ainsi le philosophe confucéen Xun Zi (312-230 av. JC.) déclarait : « Le véritable souverain commence à mettre de l'ordre alors que celui-ci prévaut déjà ; il n'attend pas que l'insurrection ait déjà éclaté. » Le Huangdi neijing applique ce concept à la médecine : « Les sages ne traitent pas ceux qui sont déjà malades, mais plutôt ceux qui ne le sont pas encore. Ils ne mettent pas de l'ordre lorsqu'il y a une révolte, mais avant que l'insurrection n'ait lieu. » [345](p63)
Le diagnostic reposait sur la prise des pouls, lesquels reflétaient l'état du qi au niveau des différents zang et fu. L'arsenal thérapeutique incluait acupuncture sur les méridiens (projection cutanée des canaux internes) et médication. En fait, le Huangdi neijing préconisait la piqure de certain points acupuncturaux en fonction du tableau, mais indépendamment de la logique des correspondances [345](p92-99). Par ailleurs, il restait évasif en termes de pharmacopée ; seule des versions tardives comme celle du 8e siècle de Wang Ping (Huangdi Neijing Suwen), contenait une sorte de pharmacopée abstraite. Cette dernière exposait les propriétés thérapeutiques des médications, en accord avec les théories de la médecine des correspondances, mais sans mentionner leur nom [345](p99,179-181).
Aux époques suivantes, le confucianisme, ainsi que la médecine des correspondances, subirent la concurrence du taoïsme et du bouddhisme. Mais sous les Song, des philosophes décidèrent de régénérer la doctrine essoufflée. On nomme ce courant le néoconfucianisme. Le bouddhisme enseignait que le monde n'était qu'illusion. En réaction, les néoconfucianistes réaffirmèrent que l'univers était constitué de qi matériel, preuve de sa réalité. Puis ils ajoutèrent un nouveau concept : le li ; c'est-à-dire le principe qui sous-tend tous les phénomènes, qu'ils soient naturels, humains, sociaux. Le li était aussi bien l'éthique que la physique.
Ainsi l'ancienne doctrine sociale fondée sur la vertu était remplacée par une métaphysique dualiste de l'univers, laquelle ne justifiait plus le recours au bouddhisme et encourageait à une nouvelle compréhension du monde, au gewu/qiongli (investigation des choses/étude approfondie de leur principe). Son principal représentant était le philosophe Zhu Xi (1130-1200) [80](p42- 43),[345],[317](p240). En fait cette conception métaphysique du monde permit au courant confucianiste de concurrencer le bouddhisme et le taoïsme : c'était une vision très proche du taoïsme qui prêche l'unité de l'homme et de la nature, et une alternative séduisante au bouddhisme qui n'offre qu'une vision pessimiste de la condition humaine (pas d'espoir dans la vie en cours). Prônant l’intelligibilité des choses, cette philosophie encourageait d’une certaine façon l’essor des « sciences ».
28 La reviviscence du confucianisme se traduisit rapidement par le renouveau de la médecine des correspondances. Celle-ci subit alors deux types de transformations.
D'une part, on tenta de la simplifier en appliquant un certain réductionnisme étiologique. D'autre part, on essaya d'y intégrer la pharmacopée qui jusque-là était restée déconnectée de la démarche théorique. Pour cela, on s'inspirait de la démarche du Shanghan lun, un traité de la fin des Han qui s'axait principalement sur l'influence néfaste du « froid », et donnait des indications thérapeutiques concrètes.
Le Shanghan lun avait été longtemps ignoré, jusqu'à sa réédition sous les Song sous directive impériale. Mais on suivit aussi la démarche cosmobiologique extrêmement complexe (wu-yun liu-qi, 5 phases de circulation et 6 influences climatiques) employée dans le Huangdi Neijing Suwen de Wang Ping, cela notamment pour classification des drogues [345](p168-171),[163](p57).
Faisant appel à une argumentation totalement spéculative et subjective, les différents auteurs ne pouvaient parvenir qu'à des résultats divergents tant au niveau de la théorie que de l'action pharmacologique des drogues [345](p179-187). Aussi il était fréquent qu'en plus des aspects théoriques, les livres contiennent un appendice simplement intitulé « Traitement des symptômes » [345](p188).
Ainsi plusieurs grandes écoles virent le jour : notamment celles de Liu et de Zhang pendant la dynastie Jin (1115-1279, la dynastie mandchoue Chin avait pris le pouvoir au nord), puis celles de Li et de Zhu sous le règne mongol (1271-1338, la dynastie mongole Yuan avait remplacé les Song du sud et les Jin du nord). Les deux premiers sont dits représentants de la médecine Jin, les autres de la médecine Yuan, d'où le nom de médecine Jin-Yuan.
2) L'implantation de la médecine Jin-Yuan sous Edo
Au début de la deuxième vague chinoise (1400-1858), une poignée de moines et de laïcs japonais partirent étudier la médecine Jin-Yuan. Toutefois, on ne commença vraiment à comprendre les théories Jin-Yuan qu'à la fin du 16e siècle, cela grâce à Dosan Manase (1507-1594). Manase qui disposait d'une formation confucianiste et bouddhiste, fut sensibilisé à la médecine Yuan par le moine Sanki Tashiro. Tashiro était l'un de ces voyageurs indépendants partis se former en Chine. Manase, quant à lui, se lança dans la synthèse des théories de Li et de Zhu [317](p213-216).
Li (1180-1252) pensait que la déficience de la rate et de l'estomac, organes corrélés à la terre, jouaient un rôle pathogénique prépondérant. L'endommagement interne de ces organes était provoqué par une intempérance dans la nourriture, la boisson et le travail. Son principe était de « renforcer la rate et l'estomac » ou « reconstituer la terre » [345](p177),[292](p28).
Dans la continuité de Li, Zhu (1281-1358) considérait que le mode de vie jouait un rôle prédominant dans la pathogénie. Il existait toujours selon lui une tendance à l'excès de yang couplée à une tendance déficitaire yin, aussi fallait-il élever le taux de yin, notamment par rapport à son rôle dans la fonction splénique et gastrique ; d'où le nom d’école de l'entretien du yin [292](p30).
Manase exposa toutes ces théories dans le livre Keitekishu (1574, publié en 1648), lequel fut recopié par ses centaines de disciples. Gensaku Manase, le fils adoptif de Dosan poursuivit ce travail. Ainsi une médecine épurée d’éléments bouddhistes et intégrant le système des correspondances apparut au Japon à la fin du 16e siècle.
Elle prit le nom de Goseihoha (école des derniers développements) c'est-à-dire école moderniste par rapport à la période pré-Song [317](p215-216, 279).
29 Au milieu du 17e siècle, la médecine Jin fut à son tour introduite au Japon. Ainsi l'école Goseiho beppa (école moderniste variante) diffusa les théories de Liu et de Zhang.
Liu (1110-1200) pensait que les phases feu et chaleur avaient un rôle pathogénique capital et prescrivait des médications aux propriétés froides pour contrer ces influences néfastes ; d'où le nom d'école du froid [345](p172).
Zhang (1156-1228) considérait les influences extérieures différentes des influences intérieures, aussi sa démarche ne consistait pas à établir un état d'équilibre mais à chasser les influences extérieures par l'emploi d'émétiques, purgatifs et diaphorétiques [345](p174),[292](p28).
Les partisans de l'école Goseiho beppa étaient Toan Aeba (1615-1673) et Ippo Okamoto (1686-1754). Bien qu'importante, cette école n'égalisa jamais avec la Goseihoha de Dosan Manase.
Ainsi les théories Jin-Yuan furent synthétisées et vulgarisées au Japon à la fin du 16e siècle, si bien qu'elles tinrent lieu d'orthodoxie médicale dès le 17e siècle. La communauté médicale digérait le corpus chinois. C'était l'étape d'assimilation nécessaire avant la remise en question [176],[115]. Enfin on peut noter qu'au Japon la médecine Jin-Yuan précéda l'implantation du néoconfucianisme Zhu Xi (Shushigaku), phénomène inverse de ce qui s'était passé en Chine [317](p215).
Or au 16e siècle, les missionnaires européens étaient déjà implantés au Japon.
Ainsi, Manase s'était converti au christianisme. Cependant, il ne portait aucun intérêt à la médecine importée par ces hommes. Aussi quelle influence l’art médical des jésuites eut-il vraiment au Japon ?
3) La médecine des missionnaires (Nanban-ryu geka) : une influence controversée
En raison du Concile de Tours de 1163 (Ecclesia abhorret a sanguine), les missionnaires ne devaient ni enseigner, ni pratiquer la médecine. Ainsi le seul chirurgien licencié, le nouveau converti Luis de Almeida (1525-1583) ne put exercer que pendant trois années (circ. 1560).
Or on mentionne classiquement une école japonaise d'inspiration occidentale, l'école de chirurgie des barbares du Sud (nanban=barbares du sud ; ryu=style ; geka=chirurgie).
Ses principaux représentants furent Doki Kurisaki (1582-1665) et l’apostat Chuan Sawano (1580-1652), alias Christovao Ferreira. Il semblerait que Doki Kurisaki (1582-1665) ait reçu des principes de chirurgie ibère pendant qu’il vivait aux Philippines. De retour au Japon, il s’installa comme médecin à Nagasaki. Cependant le Pr. Wolfgang Michel fait remarquer que les écrits de son école ne contiennent aucune référence à des ouvrages occidentaux, pas plus qu’elle ne parle d'anatomie, matière pourtant chère aux universités médicales et aux guildes de chirurgie européennes. De surcroît la description du traitement des furoncles, le point phare de l'enseignement de Kurisaki, ne correspond pas du tout à celle faite dans les livres européens [208]. L’autre pionnier de la Nanban-ryu geka, l’ex-missionnaire portugais Chuan Sawano, n’était pas plus chirurgien que Kurisaki ; cherchant à acquérir quelques connaissances médicales, il venait même assister aux « opérations » pratiquées par les Hollandais du comptoir de Nagasaki (traitement de plaies) [32](p25). Aussi ses écrits (Nanban geka hidensho, Namban Chuan geka hidensho, Nanban geka-shu) ne faisaient que décrire la théorie des humeurs hippocratique, la genèse de la purulence, ainsi que de nombreux emplâtres censés la combattre [251].
30 Aussi la nanban-ryu geka correspondait plutôt à une chirurgie empirique pratiquée par des praticiens autoproclamés, homologues de nos chirurgiens barbiers.
Par ailleurs, les missionnaires eux-mêmes se fiaient à la médecine et à la pharmacopée sino-japonaise. En cas de maladie, ils n'hésitaient pas à consulter les praticiens tels que Dosan Manase. Le père Luis Frois relate même s’être initié à la prise traditionnelle du pouls (myakushin), tandis que d’autres s’intéressaient à la moxibustion. D’ailleurs, hormis l’introduction de l'alcool pour la détersion des plaies, l'huile d'olive et la graisse de porc, les missionnaires se servaient majoritairement des remèdes disponibles (réglisse, noix d'arec, cinabre...) [208],[176].
Ainsi, en dépit de ce que laisserait penser le terme de « chirurgie des barbares du Sud », la chirurgie, pas plus que la médecine ibérique, n'ont influencé la pensée médicale japonaise. En fait, les conditions nécessaires à ce changement n'étaient pas réunies. Certes quelques japonais parlaient le portugais voire le latin. Mais la politique anti-chrétienne débutée dans les années 1580 assombrit rapidement l’avenir de la médecine occidentale, d’autant plus que le Clergé lui-même refusait à ses membres de la pratiquer. De toute façon, la médecine européenne du 16e siècle étant encore balbutiante. Par ailleurs, les Japonais ne montraient aucun enthousiasme vis-à-vis des techniques invasives occidentales. Ainsi Luis Frois regrettait que les Japonais n’acceptent ni la saignée, ni les lavements, ni les cautérisations. De même, les chirurgiens japonais (kinso-i) se refusaient à utiliser l’huile bouillante pour cautériser les blessures [208].
Pour toutes ces raisons, l'école nanban n'a jamais pu correspondre à un changement de paradigme.
Conclusion de la partie « Assimilation de la médecine des correspondances » Sous l'impulsion du néoconfucianisme Song, la médecine chinoise subit une théorisation métaphysique (médecine Jin-Yuan). A la fin du 16e siècle, ce modèle fut translaté au Japon par Manase Dosan. Ce phénomène entérinait une sécularisation de la science médicale.
La médecine occidentale (médecine des missionnaires), quant à elle, n'eut pas de réelle influence à cette époque.