Diophante A2839 – Commutation à la chaîne
Deux polynômes P et Q d’une seule variable x sont dits « commutables » si P(Q(x)) = Q(P(x)).
On s’intéresse ci-après aux polynômes commutables Pk(x) dont le coefficient du monôme de degré le plus élevé k est égal à 1, par exemple P1(x) = x et P2(x) = x2 – 1.
Q1 Démontrer qu’il existe un entier naturel a > 0 et un polynôme P (x) de degré 3 tel que ₃ P2(x) = x2 – a et P3(x) sont commutables.
Q2 Avec la valeur de a ainsi trouvée dans Q1, démontrer que pour tout entier k ≥ 4, il existe un seul polynôme Pk(x) de degré k commutable avec P2(x) = x² – a.
Application numérique : déterminer les coefficients des quatre monômes de degrés les plus élevés de P2021(x).
Q ₃Pour les plus courageux : démontrer que dans la suite des polynômes P ,P ,P ,…P₁ ₂ ₃ k
ainsi obtenus, tous les polynômes Pi et Pj pris deux à deux sont commutables, 2 ≤ i ≤ k, 2
≤ j ≤ k, i ≠ j Réponses:
Q1
{P3(x)}2 - a = P2(P3(x)) = P3(P2(x)) = P3(x2 - a) est un polynôme pair.
P3(x) est un polynôme impair, disons x3 + bx.
De chaque côté de l'égalité P2(P3(x)) = P3(P2(x)),
les degrés 4 et 2 en x donnent respectivement 2b = - 3a et b2 = 3a2 + b.
a(a - 2) = 0. Selon l'énoncé, a ≠ 0. a = 2.
b = - 3. Le degré 0 en x donne - a = - a3 - ba qui est alors vérifié.
Les polynômes P3(x) = x3 - 3x et P2(x) = x2 - 2 sont commutables.
Q2
Supposons qu'un deuxième polynôme Qk(x) soit commutable avec P2(x).
Soit d ≤ k - 1 le degré en x le plus élevé dans le polynôme différence Rk(x) = Pk(x) - Qk(x).
Rk(x2 - 2) = Pk(x2 - 2) - Qk(x2 - 2) = ({Pk(x)}2 - 2) - ({Qk(x)}2 - 2)
= {Pk(x)}2 - {Qk(x)}2 = Rk(x) (Pk(x) + Qk(x)).
Le degré en x le plus élevé de Rk(x2 - 2) est 2d tandis que le degré en x le plus élevé de Rk(x) (Pk(x) + Qk(x)) est d + k, d'où d = k et une contradiction.
Observons que P2(x) = 2 T2(x/2) et que P3(x) = 2 T3(x/2), où Tn(x) est le polynôme de Tchebychev défini par cos[n t] = Tn(cos[t]) soit Tn(y) = cos[n arccos[y]].
T2(y) = 2y2 - 1 et T3(y) = 4y3 - 3y.
D'où vient l'idée de tester plus généralement Pk(x) = 2 Tk(x/2).
Effectivement,
Pk(P2(x)) = Pk(x2 - 2) = 2 Tk((x2 - 2)/2)
= 2 cos[k arccos[(x2 - 2)/2]]
= 2 cos[k arccos[2(x/2)2 - 1]]
= 2 cos[k (2 arccos[x/2])]
= 2 cos[2 (k arccos[x/2])]
= 2 (2 (cos[k arccos[x/2]])2 - 1)
= (2 cos[k arccos[x/2]])2 - 2
= {2 Tk(x/2)}2 - 2 = {Pk(x)}2 - 2 = P2(Pk(x)).
Il existe un polynôme Pk(x) de degré k, et un seul, commutable avec P2(x) = x² – a.
La formule cos[(n + 1) t] = 2 cos[t] cos[n t] - cos[(n - 1) t] donne la récurrence Tn+1(y) = cos[(n + 1) arccos[y]]
= 2 y cos[n arccos[y]] - cos[(n - 1) arccos[y]]
= 2yTn(y) - Tn-1(y).
T4(y) = 2yT3(y) - T2(y) = 2y(4y3 - 3y) - (2y2 - 1) = 8y4 - 8y2 + 1, T5(y) = 16y5 - 20y3 + 5y,
etc.
Ainsi, lorsque 0 ≤ k ≤ n/2,
le coefficient du monôme de degré (n - 2k) dans Tn(y) est (-1)k 2n - 2k - 1 n C(n - k, k) / (n - k), où C (n - k, k) est le nombre de parties de k éléments dans un ensemble de n - k éléments soit (n - k)! / {k! (n - 2k)!}.
Lorsque n = 2021 et 0 ≤ k ≤ 3, nous obtenons Tn(y) = (22020) y2021
- (22018 . 2021) y2019
+ (22016 . 2021 . 2018 / 2) y2017 - (22014 . 2021 . 2017 . 2016 / 6) y2015 + ...
En revenant à x, P2021(x) = 2 T2021(x/2).
P2021(x) = x2021 - 2021 x2019 + 2039189 x2017 - 1369655952 x2015 + ...
Q3
La suite des polynômes ainsi obtenus est la suite des 2 Tk(x/2).
Pi(Pj(x)) = 2 Ti(2 Tj(x) / 2) = 2 Ti(Tj(x)) tandis que Pj(Pi(x)) = 2 Tj(Ti(x)).
Or Ti(Tj(x)) = cos[i arccos[Tj(x)]]
= cos[i (j arccos[x])]
= cos[ij arccos[x]]
= cos[ji arccos[x]]
= Tj(Ti(x)).
La propriété est aussi satisfaite lorsque i ou j = 1.
Dans la suite des polynômes P ,P ,P ,…P₁ ₂ ₃ k ainsi obtenus, tous les polynômes Pi et Pj
pris deux à deux sont commutables, 2 ≤ i ≤ k, 2 ≤ j ≤ k, i ≠ j.
Jean-Louis Legrand