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(2)

syndicalisme, corporatisme

et Etat corporatif

IHrl

Roger

BONNARD

professeur a la faculte de droit de luniversite de bordeaux

PARIS

LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE DROIT & DE

JURISPRUDENCE

Ancienne Librairie Chevalier-Marescq et O et ancienne Librairie F. Pichon réunies

R. PICHON et R. DURAND-AUZIAS,administrateurs

Librairie du Conseil d'État etde la Société deLégislationcomparée

20, rue soufflot (5^ arr1)

1937

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SYNDICALISME, CORPORATISME

ET ÉTAT CORPORATIF

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(5)
(6)

426476

SYNDICALISME, CORPORATISME

ET ÉTAT CORPORATIF

PAR

Roger

BONNARD

PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

w

PARIS

LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE

DROIT & DE JURISPRUDENCE

AncienneLibrairie Chevalier-Marescqet O et ancienne LibrairieF.

Pichon réunies

R. PIGHON et R. DURAND-AUZIAS, administrateurs

Librairie du Conseil d'Étatet de la Société deLégislation comparée

20, RUE SOUFFLOT (5e ARR1)

(7)
(8)

Syndicalisme, Corporatisme et Etat corporatif.

L'activité de l'individu peutavoir pour butde donner satis¬

faction avant tout soit à ses propres intérêts, soit à ceux de l'Etat, soit enfin à ceux de la communauté. Cette distinction

entre ces tendances individualistes, étatistes et communau¬

taires vient de cequ'ayant opposé à l'individu soit l'Etat, en

tant que personne supérieure aux

individus, soit,

sous

le

nom de communauté, la collectivité sociale en tant qu'entité

une et distincte des individus qui la composent, on a donné

la primauté àl'intérêt soit de

l'individu, soit de l'Etat, soit de

la communauté.

Cette triple conception de l'activité de

l'individu

entraîne

pourl'activité de l'Etatune

triple conception correspondante.

L'Etat peut avoir pour but

dans

son

activité de satisfaire

ou

d'aider à satisfaire soit lesintérêts desindividus, soit les siens

propres, soit ceux de la communauté.

Pour l'Etat à but individualiste, àla différence de l'Etat éta-

tiste et de l'Etat communautaire, il se pose l'alternative entre Etat de classe ou Etat d'intérêtgénéral. Voici d'où vient cette

alternative et en quoi elle consiste.

Dans une collectivité sociale les intérêts des individus ne sont pas tous identiques. Ces intérêts comportent

des diver¬

sités et des oppositions. De là

les

classes

sociales qui

sont précisément ces groupements constitués

dans

une

société

sur la base des. différentescatégories d'intérêts individuels.

Vu leur élément de base, lesclasses socialessont entreelles plus ou moins en état d'hostilité permanente.

Actuellement,

l'antagonime de classes le plus vif est

celui qui

existe entre

R. BONNARD. 1

(9)

Ja classe des employeurs et celle des travailleurs, entre le

monde du capital et celui du travail. La doctrine socialiste a élevé cet antagonisme à l'état de dogme plus ou moins mythique sous le nom de « lutte des classes ».

Or, en présence de ces oppositions d'intérêts et de ces

antagonismes de classes, il se pose pour l'Etat en ce qui

concerne les buts de son activité la question de savoir s'il

doit donner satisfaction exclusivementaux intérêts d'une des classes sociales antagonistes; ou bien s'il doit assurer l'égale

satisfaction de tous les intérêts individuels en établissant pour cela, vu leurs divergences, une conciliation et un équi¬

libre entre eux. Dans le premier cas, on a un Etat de classe,

un gouvernement de classe; dans le second, un Etat d'inté¬

rêt général, ungouvernement d'intérêt général.

Mais toute difficulté n'est pas encore écartée pour les inter¬

ventions de l'Etat quand on a pris partijjfentreces deux solu¬

tions. En effet, spécialement en ce qui concerne le gouverne¬

ment d'intérêt général, il se pose la question de savoir

comment ce gouvernement se réalisera, c'esl-à-dire comment il aboutira à assurer la conciliation et l'équilibre de tous les

intérêtsindividuels qui sont en présence et en opposition; et cela surtout pour les intérêts économiques, car c'est pour

eux que le conflit est le plus aigu. Or voici les principales positions doctrinales qui ont été prises à cet

égard.

Le libéralisme qui est individualiste quant aux buts de l'activité, mais qui veut l'égale

satisfaction

de tous

les inté¬

rêts individuels, a prétendu assurer la conciliation et l'équi¬

libre des intérêts par la liberté laissée aux individus. Mais

cette politique libérale a déterminé en fait la prédominance

de la classe bourgeoise capitaliste. L'Etat libéral, au lieu

d'être un Etat d'intérêtgénéral, est devenu en fait un Etat de

classe.

Aussi, en présence de ce résultat, le

libéralisme

a été

aban¬

donné et on s'est tourné vers l'intervenlionisme. Mais on n'a

pas entendu utiliser

l'interventionisme,

comme

le fait le

socialisme, pour obtenir un exercice

du

pouvoir

de l'Etat

au

profit de la classe des travailleurs et

avoir ainsi

un gouverne¬

ment de classe prolétarienne à la place du gouvernement

de

(10)

classe bourgeoise. On a entendu utiliser Pinterventionisme

pour produire une conciliation et un équilibre des intérêtset réaliser de cette façon un gouvernement d'intérêt général.

Mais, arrivé à ce point ayant ainsi admis le principe inter- ventioniste, le problème de l'activité de l'Etat quantà ses buts

n'est pas encore complètement résolu. Il s'agit de savoir sous

quelle forme va se produire cette intervention "de l'Etat en

faveur de l'équilibre des intérêts. Voici ce qui semble être

le dernier point de vue doctrinal à cet égard.

Le procédé étatiste qui est resté pendant longtemps le

mode courant de l'interventionisme et qui consiste dans l'in¬

tervention directe et immédiate de l'Etal et des organes, a paru présenter certainesinsuffisances, surtout enmalière éco¬

nomique.

Aussi on a conçu et appliqué le procédé syndicaliste et le procédé corporatif qui consistenten ce que l'Etat organise et

fait fonctionner sous son contrôle ces institutions sociales que sont le syndicat et la corporation, de façon à réaliserpar leur intermédiaire la conciliation et l'équilibre des intérêts spécialement dans le domaine économique. Ainsi, avec ces

procédés, ce n'est plus du libéralisme; et, si c'est encore de l'étatisme, c'est un étatisme indirect.

Cependant certains, voulant revenir au procédé étatiste et

reconnaissant d'ailleurs les insuffisances de l'ancien étatisme,

ont pensé que grâce à une certaine organisation de l'Etat, le procédé étatiste pourrait être repris avec une intervention

directe de l'Etat notamment en matière économique. C'est de

qu'est sortie la conception de l'Etat corporatif.

On se propose d'examiner ici, en la comparant avecla poli¬

tique italienne, comment et dans quelle mesure, vu les chan¬

gements récents qu'elle vient de subir, la politique française

actuelle s'est tournée vers ces conceptions nouvelles : syndi¬

calisme, corporatisme et Etat corporatif.

(11)

I. LE SYNDICALISME

En France, depuis la Révolution, c'est la conception indi¬

vidualiste qui a prévalu pour les buts de l'Etat (i). En même temps, la doctrine révolutionnaire affirma l'idée du gouver¬

nement d'intérêt général. Mais la pratique du libéralisme a fait que l'Etat français est devenu au cours du xixe siècle un

Etat de classe bourgeoise. Sous la IIIe République, une réac¬

tion se produisit pour rétablirun certain équilibre en faveur

de la classe des travailleurs au moyen de l'intervention de

l'Etat. Une importante législation fut élaborée à cet effet.

Mais ces interventions furent d'ordre purement étaliste. Le législateur était intervenu pour établir des dispositions impératives concernant le contrat de travail, pour organiser

des procédés d'économie dirigée réaliséspar l'Etat lui-même,

pour prévoir des aides aux travailleurs sous la forme de

grands travaux publics destinés à absorber le chômage. Or, pendant longtemps, pour toutes les interventions, le procédé syndicaliste fut rigoureusement exclu. Les syndicats furent

(1) La conception individualiste de la Révolution a remplacé la conception étatiste qui, pourles buts de l'Etat, était celle de l'Ancien

Régime. L'Etat qui s'incarnait dans la personne du prince, devait être très fortvu son caractère autoritaireet pour pouvoir remplir sa mission de gouvernantcar, disait-on, les individusne segouvernent paseux-mêmes : ils doivent être gouvernés. Or, pourpouvoir augmen¬

ter sanscesse sapuissance et son autorité, l'Etat devait agir constam¬

ment enfaveur deses propres intérêts enleur donnant la primautésur les intérêts individuels desparticuliers.

La conception communautaire consiste à mettre à laplacedel'Etat,

la collectivité nationaleconsidérée comme formant une communauté.

Au lieu de dire que l'individunevitque danset par l'Etat, ondit qu'il

nevit que dansetparla communauté. D'où la primauté des intérêts de la communauté. C'est ce pointde vue communautaire qui, sous la Restauration, futopposé àl'individualisme révolutionnaireparles doc¬

trinaires, notamment par Bonald. Actuellement, c'est la conception

communautaire que professe le national-socialisme allemand pour s'opposer au libéralismeindividualiste (Bonnard, Ledroitet/'Etatdans la doctrine nationale-socialiste, Paris, 1936, p. 34 et s. etp. 174).

(12)

écartés systématiquement de toute collaboration aux inter¬

ventions de l'Etat.

Or le ministère Blum, appuyé sur la majorité dite de

«Frontpopulaire » issue des élections de mai ig36, a entendu

revenir nettement sur cette exclusion du procédé syndica¬

liste.Ce futundesesprincipesessentiels. Il asemblé poursui¬

vre une politique d'équilibre des intérêts en utilisant

large¬

ment le procédé syndicaliste, sans d'ailleurs abandonner complètement le procédé étatiste.

Que le gouvernementde M. Léon Blum ait visé h être non pas un gouvernement de classe,

mais

au

contraire

un gouver¬

nement d'intérêt général, on doit le croire, malgré certaines

apparences contraires, à raison des affirmations répétées

de

M. Léon Blum dans ce sens (i). En tout cas, ce qui n'est pas (1)Voici enquels termes M. Léon Blum, Président duConseil, dans

son discours radiodiffusé adressé au pays pour le 1er janvier 1937 a affirmé que son gouvernementétaitnon pas ungouvernementdeclasse,

mais ungouvernement d'intérêtgénéral :

« Ais-je besoin de répéter une fois de plus que nous nesommes pas

un gouvernementsocialiste, que nous ne cherchons ni directement, ni

insidieusement à appliquer au pouvoir le programme socialiste, que

noustravaillonsavec une entièreloyauté dans le cadre des institutions

actuelles, de la société actuelle, durégime de propriété actuel; quenotre

seule volonté, quenotreseuleambition estd'extraire de cesinstitutions,

de cette société, dece régime, toutcequ'ils peuventcontenir, d'ordre de justice, de bien-être; que nous sommes résolus à poursuivrecettetâche

nécessairepar le jeude lalégalitérépublicaine et, s'il se peut, par l'ac¬

cord cletoutes les catégoriessociales.

« Nous sommes un gouvernementde bien public. Nous n'avons pas d'autre souci, ni d'autre objet que le bien public. De même que sur le

plan national, nous ne pourrions pas avoir d'autres ennemis que les

ennemis de la paixeuropéenne, de mêmesurle plan intérieur, nous ne pouvons avoir d'autres adversairesquelesadversaires de l'intérêt collec¬

tif de la France. GouvernementdeFrontpopulaire, fidèle àson origine

et à son mandat, nous prétendons être, au sens le plus élevé du mot,

un gouvernement national.

« Voilà pourquoinous nous adressons aujourd'hui à tous les français

et à touteslesfrançaises.Voilà pourquoinous appelons àtravailleravec

nous quiconqueest prêt à accepterle devoir civique.

« Concorde entre les citoyens : c'est ainsi quele plus grand denos, poètes a défini lapatrie. »

De mêmeencore, auSénat (séancedu 27 décembre 1936,p. 1770),au

(13)

douteux, c'est l'intention bien arrêtée qu'avait M. Léon Blum d'utiliser le plus possible le procédé syndicaliste. L'acharne¬

ment qu'il a mis dans les discussions parlementaires à faire admettre l'intervention des syndicats dans l'élaboration des conventions collectives de travail et dans les procédures de

conciliation et d'arbitrage en est la preuvemanifeste.

Mais, avant de préciser les applications du syndicalisme

dans la législation récente, il convient de préciser en quoi

consiste exactement le procédé syndicaliste.

A. - NOTION GÉNÉRALE

Le syndicalisme est un système social qui consiste à faire jouer un certain rôle aux syndicats professionnels dans l'or¬

ganisation et le fonctionnement de la vie économique. C'est

ce système social qui, organisé d'une certaine façon par

l'Etat, lui permet d'assurer autrement que par le procédé

étatisle l'équilibre des intérêts dans le domaine économi¬

que, plus spécialement l'équilibre des intérêts du capital et du travail pour aboutir finalement à atténuer et même sup¬

primer la lutte des classes. Cela résulte des caractères actuels du syndicat professionnel (i).

Le syndicat se présente actuellement comme un groupe¬

ment unitaire, professionnel et qui, tout en jouant le rôle de

collaborateur de l'Etat, reste organisme privé.

Le syndicat est unitaire, c'est-à-dire qu'il est constitué exclusivement soit de patrons, soit d'ouvriers. Le syndicat est

patronal ou ouvrier. Le syndicat mixte qui comprend à la

coursde la discussion de la loi surl'arbitrage dansles conflits collectifs dutravail, M. Léon Blum a affirmé qu'il ne poursuivrait qu'un but

d'union des classes : « Nous ne vous demandons pasautre choseque des moyens d'agirpour créerentre le capitalet letravail dans ce pays

une collaboration active, de façon à recréer une concorde civique, à ranimer uneactivité de production. C'est là ce que nousvoulons».

(1) Sur le syndicalisme, sur ses différentes organisations et sur ses

conceptions doctrinales, cf. B. Todorovitch, Le droit syndicaletles doc¬

trines syndicalistes. Thèse, Paris, 1934.

(14)

fois les deux éléments, patrons et ouvriers, est

bien autorisé

parcertaines

législations

et

notamment

par

la loi française.

Mais il est peu pratiqué, car

il

est en somme

contraire à la

nature même du syndicat, comme on va

l'expliquer plus loin.

C'est pourquoi la loi

italienne interdit

aux

syndicats

recon¬

nus de prendre la forme

mixte

:

ils doivent être unitaires

(Loi du 3

avril 1926,,

art.

3).

D'autrepart, le syndicat

actuel eslprofessionnel. Cela signifie

qu'il ne

s'étend qu'à

une

profession

ou

à

ces

professions qui

sont connexes comme étant le plus souvent

associées à

un

même travail. Il existe cependant des unions

interprofession¬

nelles desyndicats, soit

des unions établies entre professions

non connexes. Ainsi, en France, à côté des

fédérations loca¬

les ou nationales

professionnelles de syndicats,

on

trouve,

commegroupements

interprofessionnels, les unions intersyn¬

dicales départementales et, sur

le plan national, des confédé¬

rations interprofessionnelles

dont les plus importantes sont

la confédération générale du patronat

français

et

la confédé¬

ration générale du

travail (C. G. T.). Mais, à la base de ces

groupements

interprofessionnels, il

y a

toujours des syndi¬

cats

professionnels.

Ce double caractère unitaire et professionnel

qui s'attache

maintenant au syndicat vient

de

ce que

l'esprit du syndicat

a été de se limiter de plus en plus à

la représentation des

intérêts individuels de ses membres et à la

défense de

ces

intérêts. Par suite, le syndicat s'est

modelé

sur

le particula¬

risme des intérêts entre employeurs et

travailleurs

et, pour

chacun d'eux, sur les particularismes

professionnels

:

le

syn¬

dicat est devenu unitaire et

professionnel.

Ainsi, avec ce caractère unitaire et

professionnel, le rôle

normal du syndicat se

situe dans l'antagonisme entre

employeurset

travailleurs, soit dans la lutte des classes. A ce

titre, le syndicat fut

d'abord utilisé

comme arme pour

soute¬

nir la lutte des classes. II fut, pour la classe

ouvrière,

son

instrument de combat contre la classe patronale, notamment

en lui facilitant l'emploi de ce moyen

de violence qu'est la

grève. Actuellement

la tendance consiste

en ce que

l'Etat

intervient pour utiliser

le syndicat toujours à raison de la

(15)

lutte des classes, mais pour y mettre fin en faisant participer

le syndicat à la conciliation et à l'équilibre des intérêts res¬

pectifs du patronat et du salariat.

Mais alors, pour que le syndicalisme ainsi compris ne se ramène pas à l'étatisme, il faut que le syndicat ne soit pas

incorporé dans l'Etatet neconstitue pas unorganisme public.

Car, avec un syndicat étatisé, on se trouverait en présence de l'Etat agissant au moyen d'un de ses organes : ce qui serait proprement de l'étatisme. Il faut au contraire que le syndicat

reste un organisme privé, contrôlé dans une certaine mesure

par l'Etat puisqu'il doit être le collaborateur de l'Etat, mais ayant cependant assez d'autonomie pour conserver le carac¬

tère privé.

La collaboration des syndicats à l'œuvre de conciliation et

d'équilibre des intérêts peut s'établir de différentes façons.

Ellejoue avec une efficacité particulière dans les deux matiè¬

res suivantes : dans la réglementation des rapports entre

employeurs et travailleurs, par le moyen de la convention collectivede travail et, pour la procédure de conciliation et

d'arbitrage,

dans les conflits collectifs du travail.

C'est précisément dans ces matières que le ministèreBlum

a établi la collaboration des syndicats. Des lois récentes vien¬

nent d'organiser cette collaboration : la loi du 24 juin ig36

pour les conventions collectives de travail et la loi du 3i décembre ig36, complétéepar le décret du 16janvier 1937,

pour la procédure de conciliation et d'arbitrage dans les

conflitscollectifs du travail. On vadécrireles régimes qu'elles

établissent en comparaison avec les régimes correspondants prévus par la législation italienne.

B. LA CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL

Pourpouvoir comprendre, analyser et apprécier le rôle des

syndicats dans l'élaboration des conventions collectives de

travail, il fautse baser sur la nature

juridique

de ces conven¬

tions.

A cet égard, on peut dire que la convention collective de

(16)

travail n'est pas un contrat. Elle est un acte législatif élaboré

par des organes privés et par voie conventionnelle. Elle est,

au point de vue matériel, un acte-règle qui possède, au point

de vue organique, le caractère privé et, au point de vue for¬

mel, le caractèreconventionnel. En outre la convention collec¬

tive peut constituer la « loi de la profession » en ce qui

concerne les rapports du capital et du travail. Elle peut être

l'acte législatif qui vaut comme ordonnancement de ces rap¬

ports pour tous les membres de la profession.

Ainsi le rôle du syndicat dans sa participation à l'élabora¬

tion des conventions collectives de travail apparaît comme étant d'ordre législatif. Seulement la portée de cette compé¬

tence législative ainsi déférée aux syndicats peut varier. Il

faudra préciser les modalités qui existent à ce sujet.

Acte législatif. Le caractère législatif, au point de

vue matériel, de la convention collective de travail a été

l'objet de vives controverses (i). Le désaccord en cette matière est manifestement à cette confusion qui vicie si

souvent les recherches en droit public : la confusion des points de vue matériel, organique et formel (2).

Ainsi, de ce qu'un acte est une convention, c'est-à-dire un acte par accord de volonté, ce qui est une idée simplement formelle, on en conclut qu'il est un contrat; alors que, dans

l'idée de contrat, il ya quelque chose de plusque dans l'idée

de convention : à l'élément formel, accord de volonté, s'ajoute un élément matériel, la création de situations juridi¬

ques individuelles. On dit aussi que la convention ne peut pas être une loi, alors que la convention ne contient qu'une

idée formelle, tandis que la loi est une notion à la fois

d'ordre matériel (acte-règle) et d'ordre organique (faite par les organes législatifs de l'Etat). On n'envisage pas que la

(1) Surcescontroverses,voir notamment : G. Pirou, Les conceptions juridiques successives du contratcotlectif de travail (Thèse, Rennes, 1909) ; J. Brethe, De la naturejuridique de la convention collective

de travail (Thèse, Bordeaux, 1921); Scelle, Précis de légistation industrielle, Paris, 1927, p. 190 ets.

(2) Surces distinctions des actes et des fonctions, cf. : R. Bonnard,

Précis de droitadministratif, Paris, 1935, p. 35 ets.

(17)

convention peut revêtir un caractère matériel qui précisé¬

ment l'éloigné du contrat pour en faire un acte législatif,

soit une manifestation de la fonction législative, et que,

cependant, la convention n'est pas nécessairement une loi puisque la notion de loi est surtout d'ordre organique, tan¬

dis que la notion d'acte législatifest simplement d'orde maté¬

riel. Or c'est précisément de ces méprises que procède l'opi¬

nion qui tend à faire de la convention collective un contrat

plutôt qu'un acte législatif.

Pour pouvoir soutenir que la convention collective de tra¬

vail est un acte législatif, il faut établir : i° que la fonction législative n'est pas le monopole de l'Etat ; que cette fonc¬

tion peut s'exercer par la voie conventionnelle.

a) La législation privée. La fonction législative s'exerce

au moyen d'actes-règle, lesquels ont pour objet de formuler

des règles pour la conduite humaine par voie générale et

impersonnelle. C'est là l'aspect matériel de la fonction. Or,

du point de vue organique, cette fonction n'est pas le mono¬

pole de l'Etat. Ce n'est pas une fonction qui est exclusive¬

ment et nécessairement étatique. Elle peut être exercée par des organes privés. En plus de la législation étatique, il peut y avoir et y a une législation privée. Gela résulte de la conception même du droit en tant que phénomène social.

A toutgroupementsocial nettement intégré, correspond un droit qui lui est propre parce que tout groupement social comporte une interdépendance, une solidarité entre ses membres qui détermine un système de normes juridiques lesquelles forment le droit objectif du groupement. Ainsi les groupements secondaires qui existent à l'intérieur du groupe¬

ment national ont, comme ce dernier, leur droit propre.

Alors, si ces groupements secondaires sont assez forte¬

ment constituéset dans la mesure l'Etat leuren reconnaît le pouvoir, ils viennentconstater et formuler ce droit objectif

du groupement issu des rapports d'indépendance de ses membres. Une véritable fonction législative est ainsi exercée par des organes non étatiques. La législation qui en résulte

est une législation privée.

b) La législation par voie conventionnelle. La fonction

(18)

législative peut être exercée par

voie conventionnelle. Car

l'acte-règle peut s'accomplir par accord de volonté, c'est-à-

dire sous forme conventionnelle. Rien dans sa nature maté¬

rielle ne s'oppose à ce qu'il revête cette forme.

La forme conventionnelle est d'ailleurs la forme normale pour l'exercice

de la fonction législative dans le droit inter¬

national public. Elle s'y réalise au moyen des

traités appelés

traités-lois. C'est qu'en effet la forme

conventionnelle

est

nécessaire pour l'acte-règle quand il s'agit pour

lui d'établir

des règles de droit intersociales. Ce qui est

le

cas en

droit

international (i).

c) Le caractère législatif de la

convention collective.

De

ce qu'en principe la fonction

législative

peut ne pas

être

exclusivement une fonction étatique et peut s'exercer par voie conventionnelle, il en résulte que la convention collec¬

tive de travail peut être considérée comme étant un acte

légis¬

latif par voie conventionnelle.

D'abord les groupements patronaux et ouvriers compor¬

tent une certaine interdépendance et des rapports

sociaux

qui entraînent un droit

particulier qui leur

est propre.

D'au¬

tre part, si ces groupements sont assez

fortement intégrés

et constitués, ils sont à même de prétendre à ce que l'Etat

leur

reconnaisse le pouvoir de constater et de

formuler leur droit

propre. Il se manifeste ainsi un

exercice extra-étatique de la

fonction législative.

D'autre part, cette fonction

législative doit ici s'exercer

par voie conventionnelle. En effet,

la convention collective

a

pour objet d'assurerl'organisation par

voie générale des

rap¬

ports entre employeurs et

travailleurs. Mais, du fait de la

lutte des classes, ces deux éléments sociaux sont

antagonistes.

Il y a opposition entre employeurs et

travailleurs. Ce qui

s'exprime dans le système du

syndicat unitaire. Alors, de

même qu'entre Etats qui

prétendent à l'indépendance réci¬

proque, les règles

intersociales qui forment le droit inter¬

national ne peuvent être

formulées

que par

voie convention-

(1) Sur ce point, Duguit, Droit constitutionnel, 3e éd.,

1927, I,

p. 415 etScelle, Précis de Droitdesgens(1932-34).

(19)

nelle, de même, entre patrons et ouvriers, groupements

opposés et en lutte, la forme conventionnelle s'impose pour formuler ces règles intersociales qui forment la loi inter¬

syndicale.

On ne peut pas dire que, par cette élaboration convention¬

nelle, la convention collective de travail devient en quelque

manière un contrat. Ce serait confondre convention et contrat.

Cependant on pourrait objecter qu'il se produit dans la convention collective de travail la même opération que dans

le contrat individuel. En effet, on y voit également deux parties qui s'opposent, voulant des choses différentes et pré¬

tendant devenir réciproquement créancières et débitrices.

Mais cet effet juridique ne suffit pas pour constituer le

contrat. Il manque l'essentiel. En effet, le contrat est essen¬

tiellement un acte par voie individuelle qui élabore des dis¬

positions juridiques de portée individuelle, soit un acte

subjectif; le contrat est une des formes de l'acte subjectif. Or,

dans la convention collective, il s'agit d'un acte par voie générale qui formule des dispositions par voie générale et

qui, par conséquent, se présente au point de vue matériel

comme un acte-règle.

Ainsi donc, puisque la convention collective de travail doit

s'interpréter comme étant un acte législatif, si les syndicats participent à son élaboration, c'est donc qu'ils sont investis d'attributions législatives et qu'ils font fonction de législa¬

teur (i). Il faut voir maintenant comment apparaît le syndi-

(1) A propos du caractère législatif de la convention collective de travail, il y a lieu d'envisagerquelle est la situation juridiquedes indi¬

vidusDuguitaprès application dela convention ence qui les concerne. D'après (Droit constitutionnel, p. 412) la situation des intéressés serait

unesituationcontractuelle parce que laconvention collectiveimplique¬

rait des contrats individuelsde travail passés en vertu des dispositions

de la convention. La convention collective formulerait impérativement

les clauses des contrats individuels : ceux-ci étant ainsi exclusivement constitués par les dispositions impératives contenues dans les conven¬

tions collectives. Duguitdéfinit, en effet, delafaçon suivante la conven¬

tion collective : « La convention qui détermine la règle générale, la loi

(20)

cat avec l'autre caractère que peut revêtir la convention col¬

lective qui consiste à être la loi générale de la profession.

Loi de la profession. La convention collective de tra¬

vail peut être à l'égard des membres de la profession

d'une

portée variable. Trois

solutions

sont

possibles

à cet

égard.

La convention collective est considérée comme étant et restant définitivement valable uniquement pour les membres

des groupements professionnels qui l'ont élaborée.

La convention collective peut aussi être considérée

comme valable immédiatement pourtous les membres de la profession, y compris ceux

n'appartenant

pas aux groupe¬

ments professionnels qui l'ontconclue; la convention consti¬

tue alors la loi générale de la profession quant aux rapports

des employeurs et travailleurs de cette profession.

Enfin, dans une solution intermédiaire entre les deux précédentes, la convention

collective

est

considérée

comme valable d'abord exclusivement pour les membresdes groupe- suivant laquelledevront être passés à l'avenir clans la profession consi¬

dérée les contratsindividuels detravail » (eod. loc.).

En réalité, le fait d'introduire dans la technique juridique de la

convention collectivececontratindividuelet cettesituation contractuelle est une complication inutile et procède aussi peut-être d'une idée

inexacte. En effet, d'une façon générale, des dispositions impératives

de la loi relatives auxcontrats,il n'en résultepas une situationcontrac¬

tuelle, sous prétexteque ces dispositions impératives seraient incorpo¬

rées dans le contratpour enconstituer des clauses. La vérité estqu'en

vertu de ces dispositions impératives, l'intéressé est simplement dans

unesituation légale ou réglementaire. Car, s'il estobligé, c'est directe¬

ment et immédiatementen vertu de ladisposition impérative; l'incor¬

poration de celle-ci dans le contratn'ajoute rien à sa force obligatoire.

Par conséquent, si la convention collective règle entièrement les

rapports des patrons et des ouvriers, ne laissant plus place à unestipu¬

lation individuelle, onpeut dire que, la convention collective étantun acte législatif, les patrons et les ouvriers sont et restent toujours dans

une situation légaleou réglementaire, même lorsqu'ils sont entrés en rapports effectifs sur la base de la convention collective. Ils tiennent

leurs droitsetobligations directementetimmédiatement desdispositions

de la convention. Ainsiun contratindividuel de travail n'estpasnéces¬

saire. On se trouveici en présence de la catégorie des droits subjectifs

actifs etpassifs issus directement des lois et règlements et non de la catégorie des droits subjectifs issusdes actesjuridiques individuels.

(21)

ments qui l'ont conclue, mais comme pouvant ensuite être étendue à tous les membres de la profession par une inter¬

vention du pouvoir réglementaire de l'Etat qui en fait ainsi

la loi de la profession.

Il faut examiner les éléments qui déterminent ces solu¬

tions et le rôle que jouent les syndicats dans chacune d'elles.

La question des portées variables de la convention collec¬

tive se pose comme conséquence de la liberté syndicale, du

caractère conventionnel de la convention et aussi à raison du caractère contractuel qu'on persiste parfois à lui maintenir.

C'est de la liberté syndicale que résulte ce fait que les

groupements professionnels qui concluent les conventions collectives n'englobent en fait jamais la totalité des membres

de la profession. En effet, la liberté syndicale implique : pour les syndicats, le droit de se former librement, de

conserver leur autonomie et ainsi d'adhérer ou non à telle union, fédération ou confédération ; 2° pour les individus, le

droit d'adhérer au syndicat de leur choix ou de n'adhérer à

aucun syndical.

La liberté syndicale rend donc possible l'existence dans la

même profession de plusieurs syndicats ou de plusieurs fédé¬

rations, ainsi quede plusieurs confédérations interprofession¬

nelles. C'est aussi grâce à la liberté syndicale qu'il peut y avoir des membres de la profession n'adhérant à aucun syn¬

dicat. Par conséquent, avec la liberté contractuelle, en fait,

aucun groupement professionnel ne peut s'étendre à tous les

membres de la profession. Dans ces conditions, quelle va être la portée des conventions collectivesconclues par une partie

des groupements de la profession ? C'est àcette question que

répondent les solutions mentionnées plus haut.

La première solution limitation de la convention collective auxsyndicats qui l'ont conclue procède de l'idée

que la convention collective est non seulement une conven¬

tion, mais aussi un contrat. Alors, en vertu du principe que lescontrats ne valentjamais qu'entre ceux qui lesontconclus,

on est amené à décider que la convention collective est et reste définitivement exclusivement valable pour les membres

des groupements qui ont participé à sa conclusion.

(22)

La deuxième solution qui est à l'opposé

de la première

consiste en ce que la convention

collective

est

traitée

comme

valable immédiatement pour tous les

membres de la profes¬

sion,ycomprisceux

qui n'appartiennent

pas aux

groupements

qui l'ont

conclue. Il faut toutefois

que

les groupements inter¬

venants soient lesgroupements « les

plus représentatifs

»

de la

profession, reconnus et

désignés

comme

tels

par

l'Etat. Cette

solution est admise en vertu du principe

démocratique, bien

qu'elle porte

atteinte

à

la liberté syndicale et malgré la ten¬

dance à l'étatisme qu'elle implique.

En effet, d'abord cette solution

supprime

ou

atténue la

liberté syndicale en ce sens

qu'il

en

résulte qu'une certaine

contrainte pèse sur les

individus

pour

adhérer à

un

syndicat

et à un certain syndicat et, sur

les syndicats,

pour se

ratta¬

cher aux groupements désignés comme

étant les plus repré¬

sentatifs. Les individus et les syndicats seront poussés

à aller

vers ces groupements de façon à

avoir

part

à l'élaboration

des conventions collectives destinées à être valables pour

eux.

En second lieu, la solution tend vers

l'étatisme, puisque

c'est l'Etat qui va

intervenir

pour

décider quel est celui des

syndicats qui est

le plus représentatif. Sans doute,

on

peut

poser des règles pour

limiter le pouvoir discrétionnaire de

l'Etat dans,le choix qu'il va exercer : par

exemple, dire quels

sont les éléments qui donnent aux groupements ce

caractère

d'être les plus

représentatifs. Mais il n'en reste

pas

moins

que

cette désignation par

l'Etat du groupement le plus représen¬

tatif équivaut à une sorte

de reconnaissance officielle qui

donneau groupement désigné

le caractère d'un

organe

public

ou quasi-public. On se

rapproche ainsi de l'étatisme.

Ces atteintes à la liberté syndicale et au

caractère privé du

syndicalisme pourraient être

évitées

en

admettant tous les

syndicats à participer à

l'élaboration de la convention collec¬

tive. Mais, vu la multiplicité des groupements et

le

peu d'importance de certains, vu

aussi l'esprit de rivalité et de

concurrence qui existe entre eux, cette

admission générale de

tous les groupements

mettrait pratiquement dans l'impossi¬

bilité d'aboutir à un accord quelconque.

C'est pourquoi la

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