ment cette solution était difficilement acceptable. Elle se
heurtait à une grave objection, étant donné la composition
du conseil central. On pouvait lui reprocher de faire fixer le prix exclusivement par les producteurs et de risquer un prix
excessif trop onéreux pour le consommateur ; car, dans le
conseil composé de5i membres, les représentants des pro¬
ducteurs, étant au nombre de 29, setrouvaient avoir plus que la majorité absolue.
Aussi on finit à la fin par admettre la solution de la majo¬
rité spéciale qui, dans l'espèce, était une solution transac¬
tionnelle, car elle évitait les inconvénients des deux précé¬
dentes (1).
La loi prévoit (art. 9) que les décisions du conseil sont
prises en principe à la majorité absolue des membres; mais
que, pour les décisions relatives à la fixation du prix, il faut
la présence des quatre cinquièmes des membres duconseil et la majorité des trois quarts des suffrages exprimés. Ainsi,
avec ce système de quorum et de majorité, les représentants
des producteurs, n'étant qu'au nombre de 29, ne pouvaient jamais en aucune façon arriver à constituer à eux seuls la majorité exigée, même si les absents tolérés (le cinquième des membres) appartenaient tous aux catégories autres que celles
des producteurs. Par ailleurs, l'opposition des membres du
Gouvernement ne pouvait pas à elle seule empêcher la majo¬
rité des trois quarts de se former. Donc les producteurs ne
pouvaient pas êtreles seuls à fixer le prix et, en outre, l'oppo¬
sition des représentants du Gouvernement n'était plus sus¬
ceptible d'enlever en fait au conseil son pouvoir de fixation
du prix. On évitait ainsi grâce à cette solution de caractère transactionnel, les inconvénients tant du système du Gou¬
vernement que de celui du Sénat(2).
(1) Cette solution transactionnelle ason origine dansunamendement déposéàla Chambrepar M. Guernier (séance du 7 août 1936, p. 2258).
Repousséparle Sénat, l'amendement fut reprisparla Chambre (séance
du 11 août 1936, p. 2614)et finalement acceptéparle Sénat (séancedu
12 août 1936, p 1244).
(2) Au cours de la discussion surla procédurede fixation du prix, le
ministre del'agriculture, M. Monnet, protestade la pureté deses inten¬
tions. Ilassuraque le Gouvernement nevisait pas à exercerune
main-Le conseil central n'avait pas à fixer le prix des farines et du pain : ces prix devant continuer à être fixés par les préfets
et les maires en fonction du prix du blé. Mais le conseil cen¬
tral doit fixer le taux du blutage.
II. —Le mode d'organisation des opérations commerciales
relatives au blé, souleva aussi de grosses discussions et spécialement unevive contestation entre le Gouvernement et
le Sénat. On se demanda à qui il fallait confier ces opérations commerciales, soit achat et paiement, magasinage, stockage
et livraison à la meunerie, pour que fut assuré le respect du prix minimum imposé et pour éviter le retour des pratiques
antérieures d'inobservation du prix minimum. Sur ce point
la question disculée fut celle de savoir si le commerce
privé
allait être admis à pratiquer ces opérations commerciales ou
bien s'il devait en être exclu complètement; ces opérations
étant confiéesexclusivement aux coopératives de producteurs
de blé dirigées et contrôlées par l'administration.
Le projet primitif du Gouvernement avait adopté cette
deuxième solution. Il prévoyait que pourraient seuls se livrer
à ces opérations commerciales les coopératives et
les
orga¬nismes agricoles, tels qu'associations ou syndicats,
autorisés
par le comité départemental. Cependant, à défaut
de
moyens pour magasiner, stocker et livrer, les coopératives pouvaients'adresser au commerce privé local et lui confier moyennant
rémunération ces opérationsde manutention ; mais à
l'exclu¬
sion desopérations de vente et de paiement qui
restaient le
monopole des coopérativeset des organismesautorisés (i).
mise sur leconseil central pour lafixation du prix. Leministre envisa¬
geait, pourles représentants du Gouvernement dansleconseil, un rôle
de conciliation entre producteurs et consommateurs et pour le Gouver¬
nement un rôle d'arbitreau cas de désaccord irréductibleentre produc¬
teurs et consommateurs. Voir dans ce sensle discours de M. Monnet à la Chambre (séancedu 3 juillet 1936, p 1767).
(1) Le ministre. M. Monnet, expliqua quesi lecommerceprivé était
ainsi réduit à être l'auxiliaire des coopérativespour les manutentions
du blé et setrouvaitexclu des opérations d'achatet depaiement, c'était
pouréviter le retourde ce dualisme dansle marché du blé, marchéau prix légal et marchéau prix inférieur, qui avait obligé de renoncer au prix minimm (Sénat, séancedu 22 juillet 1937, p. 768).
Ainsi tout le blé vendu devait nécessairement passer par
une coopérative ou un autre organisme agricole autorisé. Il
ne pouvait pas être acheté directement aux producteurs par le commerce privé et à plus forte raison par les meuniers ou les boulangers. Cependant les boulangers étaient autorisés à
continuer de recevoir directement des producteurs de blé, jusqu'à concurrence de quatre quintaux par personne, du
blé pour échange contre du pain.
Cette exclusion du commerce privé des opérations d'achat
etde vente n'a pas été maintenue. Le Sénat a fini par triom¬
pher à cet égard de résistances du Gouvernement (i). On
fit valoir que l'intervention du commerce privé était néces¬
saire pour alléger la tâche de coopératives et que, d'autre part, cette exclusion du commerce privé constituait une atteinte excessive à la liberté du commerce.
(1) Voici en bref comment se sont déroulées les péripéties de cette
controverse entre leSénatetle Gouvernement.
La commission du Sénat àl'occasion de la première discussion de la
loi avait proposé l'admission des commerçants sur autorisation du
comitédépartemental. Un amendement de M. Raynaldy qui fut adopté portait admission libresans autorisation de tous les commerçants pour
achatset paiements, avecobligation de transmettre au comité départe¬
mentalun bordereau mensuel de leursopérations àfin de surveillance.
La commission fit ajouter à ces dispositions le contrôle du comité départemental sur lescommerçants(Séancedu 22 juillet 1936, p. 768).
A la Chambre (séance du 30 juillet 1936, p. 2266), les dispositions
votées parle Sénat furent reprises par voie d'amendement, avec toute¬
fois cettemodification importanteque le paiement du bléétait enlevé
aux commerçants et confiéauxcoopératives.
Le Sénatreprit son systèmeainsi modifiéen ce qui concerne le mode
de paiement (séance du 5 août 1936, p. 1052).
Voyant quele Sénattenait absolument à ce que le commerce privé
fut admis aux opérationscommerciales, le Gouvernement comprit qu'il
fallait s'y résigner, à peine d'écbec de la réforme. Il fit voter par la
Chambre l'admission des commerçants sur autorisation du comité départemental (séance du 7 août 1936,p. 2551).
Mais le Sénatcraignantquecette autorisationpréalable ne fututilisée
parle Gouvernement pourécarter systématiquement le commerceprivé
décida la substitution dusystèmede la déclaration à celui de l'autorisa¬
tion (séance du 10 août 1936, p. 1167). Ce qui fut finalement accepté
parlaChambre (séance du 11 août 1936, p. 2614).
Ainsi il a été admis que les commerçants en grains pour¬
raientparticiper non plus comme préposés des coopératives,
mais pour leur compte aux opérationscommerciales relatives
au blé, qu'ils étaient admis à opérer des achats directs aux
producteurs. Cependant il a été décidé
qu'ils
restaientexclus
du paiement direct àleur vendeur. Le prix doit être versé par le commerçant aux caisses de crédit agricole qui se char¬
geaient de le remettre aux vendeurs de blé. Cette interposi¬
tion de la caisse de crédit agricole entre le commerçant et le producteur a pourbut de garantir que le paiement se fait
bien au prix minimum. C'était le moyen pourassurer le res¬
pect du prix minimum.
Au sujet de cette intervention du commerce libre, il y eut
un point qui donna lieu à de très vives controverses : c'est
au sujet du mode de désignation des commerçants
admis
à participer aux opérations commerciales dublé.
On estimaque l'administration devait connaître ces commerçants
afin
de pouvoir les surveiller et qu'en outre, elle devait pouvoir
écarter ceux ne présentant pas les garanties voulues.
A cet égard, on proposa d'abord le procédé de l'autorisa¬