• Aucun résultat trouvé

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 août e chambre Audience publique du 9 avril 2021

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 août e chambre Audience publique du 9 avril 2021"

Copied!
26
0
0

Texte intégral

(1)

Tribunal administratif Numéro 43461 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 août 2019 4e chambre

Audience publique du 9 avril 2021

Recours formé par Monsieur ..., …,

contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43461 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 août 2019 par Maître Michel Karp, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le … à … (Jordanie), de nationalité jordanienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 juillet 2019 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et à la réformation sinon annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2019 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour, déposée le 2 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats, déclarant agir, en remplacement de Maître Michel Karp, préqualifié, pour le compte de Monsieur ... ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. Hellal et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 janvier 2021.

Le 28 novembre 2017, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

(2)

Toujours le 28 novembre 2017, il fut encore entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

Les 16 et 31 mars, ainsi que le 26 avril 2018, Monsieur ... fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

En date du 3 avril 2019, Monsieur ... fut à nouveau entendu dans le cadre d’un entretien supplémentaire consigné dans un rapport d’entretien complémentaire du même jour.

Par courrier de son litismandataire du 4 juin 2019, Monsieur ... fit parvenir au ministère un document de deux pages contenant des précisions supplémentaires par rapport à l’entretien du 3 avril 2019.

Par décision du 16 juillet 2019, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le 18 juillet 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur ... que sa demande de protection internationale avait été déclarée non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter du jour où la décision sera devenue définitive et ce, à destination de la Jordanie ou de tout autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 28 novembre 2017 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci- après.

1. Quant à vos déclarations

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 28 novembre 2017, le rapport d'entretien « Dublin III » du 28 novembre 2017 et les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 16 et 21 mars 2018, du 26 avril 2018 et du 3 avril 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale :

- une copie de votre acte de naissance en arabe,

- une copie conforme de votre acte de naissance en anglais, - une copie de votre permis de conduire jordanien,

- une carte UNRWA, - un carnet de notes, - trois certificats médicaux.

Il ressort de vos déclarations que vous seriez né à …/Jordanie, que vous auriez la nationalité jordanienne, mais que vous seriez d'origine palestinienne. Vous expliquez

(3)

qu'enfant, vous auriez « vu comment les autorités jordaniennes et surtout l'armée procédaient au massacre de la population palestinienne (...) Ces évènements ont eu lieu au camp d'Al- Wahdat (...) C'était entre 1980 et 1982 (...) » (page 3/9 du rapport d'entretien complémentaire).

Ces évènements vous auraient marqué à un tel point que depuis, vous auriez documenté le comportement des soldats jordaniens envers la population palestinienne en Jordanie, par exemple lors de manifestations. Vous auriez également documenté la corruption qui aurait un lien avec la population palestinienne dans le sens où vous auriez noté « wohin fließt das Geld, was die Palästinenser zur Verfügung gestellt bekommen haben (...) Alle Güter und Hilfen für Palästinenser, die die jordanischen Behörden von den europäischen Ländern bekommen haben, wurden auf der Straße verkauft. Ein anderes Beispiel: jordanische Politiker haben ein Geschäft betrieben. Sie haben vergammelte Lebensmittel importiert und an die palästinensische Flüchtlingslager verkauft. Das habe ich als meine Aufgabe wahrgenommen und ich habe alles protokolliert (…) wer hat die vergammelte Lebensmittel importiert, an wen wurden sie weitergegeben und wer hat sie verteilt. Und wer hat die Hilfsgüter auf der Straße verkauft. Das habe ich alles notiert. » (page 7/18 du rapport d'entretien). Vous vous seriez finalement penché sur le sujet des prisonniers palestiniens en vous demandant « Wie wurden sie gefoltert, misshandelt und sogar umgebracht ?» (page 8/18 du rapport d'entretien).

Vous auriez effectué cette activité de documentation avec un groupe d'amis, en marge de vos emplois principaux en tant que camionneur et propriétaire d'une société de transport ainsi que d'un magasin de pièces de rechange pour voitures. Vous auriez également travaillé dans une compagnie d'assurance. Ce groupe aurait été composé d'une dizaine de personnes environ dont chacun aurait eu une tâche précise, la vôtre étant celle de documenter les activités du port d'Aqaba « et des marchandises qui arrivaient par ce port » (page 3/9 du rapport d'entretien complémentaire). Or, vous ne vous seriez pas considéré comme étant une association, « Wir waren kein Verein oder so was Ähnliches » (page 7/18 du rapport d'entretien) et le groupe « n'organisait rien. Nous prenions seulement des photos et on évitait d'organiser quoi que ce soit de peur de la réaction des autorités jordaniennes » (page 3/9 du rapport d'entretien complémentaire). Les informations auxquelles le groupe aurait eu accès seraient provenues de tierces personnes, palestiniennes comme jordaniennes, qui soutiendraient la cause.

Un jour, le gouvernement jordanien aurait pris connaissance des activités du groupe, alors que « Ich vermute, dass sie einen Spitzel innerhalb unserer Gruppe hatten » (page 9/18 du rapport d'entretien) ou encore, tel que vous l'ajoutez lors de votre entretien complémentaire, parce que « Le service de renseignements jordaniens est très fort. Il y a aussi le fait qu'un de nos membres a été pris par le service de renseignements et lors de son interrogatoire, il a reconnu sa participation à ce groupe et il a donné des noms. Mais nous avions tous des pseudonymes » (page 3/9 du rapport d'entretien complémentaire) et les services de renseignements aurait commencé à vous poursuivre. Vous déclarez par la suite avoir été arrêté et emprisonné à maintes reprises, sans vous souvenir du nombre de fois, depuis 2003 ainsi que torturé en prison en 2008 ou 2009. Vous auriez été arrêté la dernière fois début 2011.

Vous auriez à chaque fois été arrêté et emprisonné par les services de renseignements, malgré le fait que vous ne sauriez pas à quoi les reconnaître. On vous aurait reproché « dass ich das Verhalten der jordanischen Regierung aufschreibe und auch Fotoaufnahmen mache » (page 7/18 du rapport d'entretien) et vous auriez été suspecté de détenir des fichiers secrets traitant « de la corruption des politiciens jordaniens » (page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire) que vous auriez dû leur remettre. On vous aurait proposé de les acheter mais vous auriez refusé sur quoi on vous aurait volé vos chéquiers à trois reprises afin de vous

(4)

mettre la pression en émettant des chèques sans provision (pages 9/18 du rapport d'entretien et page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire).

Une de ces fois, vous auriez été enlevé devant votre lieu de travail et amené dans une forêt où cinq personnes vous auraient frappé et volé vos affaires dont vos chèques qui auraient tous été signés à l'avance. Les ravisseurs auraient également demandé après votre classeur dans lequel vous auriez classé toutes vos notes et documentations. Ainsi, vous ne sauriez pas qui auraient été ces personnes et « Ich wusste nicht von wem sie beauftragt wurden » (page 9/18 du rapport d'entretien), « Ich vermute aber, dass es Angehörige des jordanischen Geheimdienstes sind (…) » (page 9/18 du rapport d'entretien). En tout, 160 chèques signés vous auraient été volés jusqu'en 2011 et l'argent aurait été prélevé à la banque par les ravisseurs pendant environ un an. Vous expliquez avoir signé vos chèques en avance, car vous devriez parfois remettre des chèques en blanc et ne pas avoir fermé vos comptes, car la vie de vos enfants aurait été menacée.

Vous auriez dû travailler pour rembourser ces dettes ainsi que vendre les bijoux de votre femme, la société et votre voiture. Vous y auriez mis toutes vos économies et le reste de l'argent aurait été saisi. Vous précisez en outre que vos biens auraient été confisqués et que par conséquent vos enfants n'auraient pas d'héritage. Ainsi, vous précisez que « Mein Hauptgrund (…) » vous ayant poussé à quitter la Jordanie en 2011 aurait été que : « (...) sie haben mich zerstört, mein Unternehmen, meine Ersparnisse... Ich habe mein gesamtes Vermögen verloren. Ich bin arm geworden. Ich hatte gar nichts mehr. (...) Ich war reich aber jetzt bin ich arm » (page 11/18 du rapport d'entretien).

Un membre éloigné de votre famille, une dame jordanienne prénommée ... et avec qui vous auriez eu « eine gute Beziehung » (page 12/18 du rapport d'entretien), travaillerait pour les services de renseignements jordaniens. Elle vous aurait beaucoup aidé que ce soit lors de vos arrestations ou de démarches administratives. Ainsi, vous expliquez que vous auriez également perdu tous vos droits dans le sens où vous n'auriez plus eu la possibilité de renouveler votre passeport ou d'obtenir un duplicata de votre carte d'identité et de votre permis de conduire. Or, grâce à l'aide d'..., vous auriez pu renouveler votre passeport. Surtout, ...

aurait fait en sorte que vous soyez libéré après chaque incarcération. De même, elle vous aurait informé du fait que votre nom aurait été inscrit sur une liste de recherche qui vous aurait empêché de quitter le territoire jordanien. Vous ignoreriez la raison de la présence de votre nom sur cette liste et vous auriez payé un pot-de-vin de 50.000 dollars afin de supprimer votre nom de la liste. Les actions d'... en votre faveur auraient été possibles, car elle détiendrait une

« hohe Position beim jordanischen Geheimdienst » (page 13/18 du rapport d'entretien), or elle n'aurait pas pu vous aider à définitivement régler vos problèmes, car « Sie hat eine hohe Position beim jordanischen Geheimdienst, leider gab es noch Leute die noch höher positioniert sind und einen höheren Grad haben.(…) Ich kenne Ihren Grad leider nicht. Die Leute vom Geheimdienst sind immer in Zivil gekleidet, man kann also ihren Dienstgrad nicht erkennen » (page 13/18 du rapport d'entretien).

Vous auriez également été enlevé par des groupes qui vous seraient inconnus, vous ne sauriez pas de qui il s'agirait « mais je suis pratiquement sûr que ce groupe fait aussi partie du service de renseignements » (page 5/9 du rapport d'entretien complémentaire), parce que

« Je n'ai aucun ennemi (...) J'ai vu leur visages » (page 5/9 du rapport d'entretien complémentaire). Vous expliquez encore que ce qui vous fait dire qu'il aurait s'agit à chaque fois des membres des services de renseignements est le fait que « J'étais celui qui était le plus poursuivi (...) » (page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire).

(5)

En outre, vous faites état de lettres contenant des menaces de mort que vous auriez reçues à votre lieu de travail. Lors de l'entretien complémentaire, vous rajoutez avoir reçu des menaces téléphoniques ainsi que des lettres écrites qui vous auraient été remises alors que vous auriez été dans votre voiture.

Vous expliquez avoir été traité de cette manière, car il y aurait eu un soupçon à votre encontre mais pas de preuves, malgré le fait que lors de vos arrestations on vous aurait dit que ce serait en lien avec votre documentation (page 7/18 du rapport d'entretien et page 5/9 du rapport d'entretien complémentaire). En effet, vous répétez « Ich wurde nie wegen einer Straftat festgenommen, sondern nur wegen eines Verdachts. » (page 13/18 du rapport d'entretien). D'après vous, les services de renseignements vous auraient tué, auraient-ils eu la certitude que vous auriez été en possession des documents.

Monsieur, vous déclarez en outre avoir perdu toutes vos preuves et documents en mer entre la Libye et l'Italie. Vous ne sauriez pas ce qui serait advenu de la documentation des autres membres du groupe étant donné qu'ils auraient été assassinés, « (...) il y a ceux qui ont disparu, d'autres ont été emprisonnés et ils sont morts lors de leur détention. D'autres sont morts lors « d'accidents ».(…) J'avais un registre des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons jordaniens [sic] (...) » (page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire). Vous seriez au courant de cela, car « C'est clair qu'ils sont morts torturés. Notre groupe détenait des informations qui prouvent la corruption des autorités jordaniennes » (page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire) et vous détiendriez cette certitude, puisqu'« Ils ont fait la même chose avec moi » (page 4/9 du rapport d'entretien complémentaire).

Vous ne vous seriez pas présenté aux autorités, étant donné qu'il serait impossible de porter plainte auprès de la police contre les services de renseignements.

Vous expliquez finalement que le but de toutes vos recherches aurait été « von Libyen über Italien nach Kanada zu reisen. Ich wollte die gesamten Informationen der kanadischen Behörden abgeben und dort ein Asylantrag einreichen » (page 13/18 du rapport d'entretien).

Monsieur, vous déclarez aussi avoir été poursuivi pour les mêmes raisons à Dubaï en 2011 et en Libye où vous auriez habité entre 2012 et 2017 avant de venir en Europe.

A Dubaï, on vous aurait « provoqué un accident [de voiture] qui aurait pu être mortel » (page 6/9 du rapport d'entretien complémentaire). Vous auriez reconnu les occupants de la voiture et seriez d'avis que « Ça ne pouvait être que le service de renseignements jordanien » (page 6/9 du rapport d'entretien complémentaire). Vous expliquez également y avoir été convoqué auprès d'un juge, car vous seriez recherché par Interpol, « un avis de recherché a été envoyé aux autorités à Dubaï » (page 6/9 du rapport d'entretien complémentaire). Le juge vous aurait rendu votre passeport et vous aurait conseillé de quitter Dubaï suite à quoi vous seriez parti chez votre sœur à Gaza via le Liban et l'Egypte.

En Lybie, on aurait voulu vous tuer par un attentat à la bombe. Vous expliquez que la maison que vous y auriez louée aurait explosé alors que vous n'y auriez pas été au moment de l'explosion et vous précisez « Sie wissen doch, dass es in Libyen keine Regierung gibt. Libyen wird von Milizen regiert » (page 11/18 du rapport d'entretien). Vous dites savoir que vous auriez été visé personnellement, car la maison aurait été la seule à cet endroit et que personne d'autre n'y aurait habité. Vous dites également savoir que l'attaque aurait été orchestrée par

(6)

les services de renseignements jordaniens, vu que « Man braucht nicht lange darüber zu überlegen. Sie haben mehrmals versucht mich umzubringen. Man muss nicht schlau sein, um das zu wissen. Es ist eine klare Sache » (page 11/18 du rapport d'entretien).

Votre femme et vos enfants à Amman n'auraient pas été convoqués par les services de renseignements jordaniens. Lors de l'entretien complémentaire, vous racontez que votre frère aurait entretemps été convoqué par les services de renseignements et qu'ils auraient fouillé votre maison, ce qui voudrait « dire qu'ils sont toujours à ma recherche et à la recherche des fichiers. » (page 5/9 du rapport d'entretien complémentaire). ... aurait entretemps également subi un interrogatoire vous concernant.

Monsieur, vous invoquez encore que si les services de renseignements jordaniens mettaient la main sur vous, ils vous tueraient à cause de votre conversion au christianisme (page 15/18 du rapport d'entretien). Ainsi, vous expliquez avoir été arrêté une fois après la prière du matin, suite à quoi vous auriez lancé aux agents des services de renseignements que

« wenn man mich schon nach dem Morgengebet vor der Moschee festnimmt, dann kann ich auch zum Christentum konvertieren. Nach diesem Satz wurde ich noch mehr geschlagen und man hat mich Abtrünniger genannt (...) Ich habe dann aufgehört die Moschee zu besuchen (...) Tatsächlich bin ich jetzt Christ geworden. » (page 8/18 du rapport d'entretien). Or, sur demande, vous dites finalement ne pas vous être converti, mais vous iriez actuellement à l'église tous les dimanches.

Vous évoquez également le risque d'être tué par les services de renseignements parce que « Ich hatte eine Liebesbeziehung mit einer jordanischen Frau, die nicht verheiratet war.

Nach einiger Zeit haben ihre Familienangehörigen über unsere Beziehung erfahren. Es handelte sich um eine Ehrensache. Sie wollten mich umbringen » (page 14/18 du rapport d'entretien). Or, vous expliquez que rien ne s'est passé mais que la famille vous aurait tué

« Wenn sie mich begegnet hätten » (page 14/18 du rapport d'entretien). Votre relation aurait commencé avant que vous ne quittiez la Jordanie. Vous auriez entretemps quitté le pays et lorsque la famille de votre amante aurait appris que vous auriez eu des relations intimes, elle se serait rendue auprès de votre frère en menaçant qu'elle vous tuerait. Cette histoire serait problématique parce que le père, le frère et l'oncle de la dame seraient membres des services de renseignements jordaniens.

Rajoutons finalement qu'il nous est parvenu, par l'intermédiaire de votre avocat, en date du 4 juin 2019 soit deux mois après votre entretien complémentaire, une lettre de deux pages rédigées par vos soins dans laquelle vous invoquez que l'interprète présent lors de votre entretien complémentaire « was not a translator at the level of good translation and I could not understand some of the questions » (page 1/2 de la lettre du 3 juin 2019).

En ce qui concerne les nouveaux éléments apportés à votre récit dans la lettre, vous mentionnez avoir voyagé au Qatar, au Koweït, à Bahreïn, aux Emirats Arabes Unis, à Oman, en Syrie, au Liban, en Irak, en Grande-Bretagne, en Palestine et en Israël.

Vous dites ensuite que les services de renseignement auraient été à votre domicile et auraient menacé votre mère de vous tuer, ce qui aurait été la raison principale ayant mené à sa mort.

(7)

Vous ajoutez par la suite, que votre fils de 14 ans aurait été enlevé, que ses pieds et mains auraient été attachés et ses yeux et sa bouche couverts, situation dans laquelle il aurait été laissé pendant plus de quatre heures.

Pour finir, vous énumérez sept noms de personnes que vous accusez être « implicated in all political, humanitarian and other crimes (...) There are many names involved in these crimes but I have mentioned those who are at the top of corruption » (page 2/2 de la lettre du 3 juin 2019). Vous vous excusez enfin de ne pas avoir mentionné ces noms lors de l'entretien complémentaire, expliquant que vous auriez peur pour la sécurité de votre famille.

Vous présentez un passeport jordanien expiré considéré comme étant authentique par l'Unité de la Police de l'Aéroport.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale

Monsieur, soit rappelé ici que les faits invoqués par rapport à Dubaï et la Libye n'ont pas eu lieu dans votre pays d'origine et ne peuvent donc être pris en compte dans le cadre de l'examen de votre demande de protection internationale. En effet, suivant l'article 2 f) de la Loi de 2015, on entend par « réfugié : tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ». Ainsi, l'analyse de votre demande de protection internationale porte uniquement sur les faits qui se seraient déroulés en Jordanie, votre pays d'origine.

Vous relevez néanmoins avoir été recherché par Interpol alors que vous auriez été à Dubaï. Or, d'après nos informations, vous n'êtes pas recherché par Interpol sous l'identité avec laquelle vous vous êtes présenté au Luxembourg. L'autorité ministérielle ne peut qu'en conclure que vous lui avez confié de fausses informations à votre sujet. Relevons cependant que si vous étiez effectivement recherché par cette entité, sous une autre identité, sachez que cela voudrait dire que vous le seriez dans le cadre d'une procédure judiciaire envers laquelle vous avez l'obligation de vous présenter.

Je tiens ensuite à vous informer que la crédibilité de votre récit est remise en cause pour les raisons suivantes :

Premièrement, votre récit manque, en règle générale, de clarté et de précision.

Ainsi Monsieur, pour quelqu'un qui prétend avoir documenté un sujet tout au long de sa vie, en l'occurrence le comportement de l'armée jordanienne ainsi que la corruption liée aux autorités jordaniennes dans leurs relations avec la population palestinienne, vous restez tout à fait vague quant à l'exactitude de vos recherches et de votre documentation.

En effet, vous vous contentez de nommer que deux ou trois exemples furtifs afin d'expliquer véritablement en quoi auraient consisté vos recherches en ajoutant de manière tout aussi abstraite que vos informateurs auraient été des personnes communes soutenant votre cause. Monsieur, non seulement vous n'explicitez pas les sujets recherchés, mais vous restez avare sur ces informateurs, qui ne semblent pas avoir constitué un réseau quelconque, et sur la manière dont ils auraient récolté ces informations. En effet, vous vous limitez à affirmer que le groupe aurait détenu des informations, que celles-ci auraient donc été claires sans pour

(8)

autant préciser l'origine de ces informations. Or, il peut légitimement être attendu d'une personne qui a passé une partie importante de son temps et de sa vie à faire des recherches, des photos et à tout cataloguer sur un sujet déterminé, qu'elle puisse tout au moins donner de plus amples explications quant à ce travail plutôt qu'un vague exemple de biens destinés aux palestiniens qui auraient été vendus dans la rue ou d'aliments pourris revendus dans les camps de réfugiés palestiniens ou bien encore la simple mention de la manière dont les prisonniers palestiniens seraient traités. L'on est d'ailleurs mené à douter de la légitimité de cette documentation alors que vous restez tout aussi imprécis quant aux autres membres du groupe et au groupe en lui-même. Vous précisez simplement que votre groupe n'aurait en aucun cas constitué une association et ne faites par-là que réduire l'impact et l'intérêt prétendu du groupe et de sa documentation. Ainsi, l'explication que vous fournissez quant à cette documentation ne saurait convaincre l'autorité ministérielle ni de son existence ni de son importance.

Il n'est pas non plus crédible que vous ne soyez pas en mesure de soumettre une quelconque preuve de vos prétendues recherches, notes, documentations et fichiers secrets que vous auriez rassemblés depuis toutes ces années. En effet, vous ne parlez que d'un classeur, recherché inlassablement par les services de renseignements jordaniens et vous ne mentionnez aucune autre documentation susceptible d'avoir recueilli leur attention. Or, on peut légitimement s'attendre à ce qu'une personne qui prétend avoir passé sa vie à noter et documenter quelque chose, qui d'autant plus, aurait été d'une importance inouïe, soit en mesure de présenter ne serait-ce qu'une photo, une copie, un papier ou un quelconque document même digitalisé en relation avec ses recherches qu'elle a passé une vie à cacher. On pourrait également penser qu'il y ait plus qu'un seul classeur de documentation. Vos déclarations selon lesquelles vous auriez perdu en mer votre IPad, téléphone portable, ordinateur portable, disque dur et votre classeur sans rien ne vouloir laisser en Jordanie pour ne pas mettre en danger votre famille ne sauraient convaincre l'autorité ministérielle.

Monsieur, si votre documentation avait été d'une telle importance que vous ayez risqué votre vie à la protéger, vous ne vous seriez pas contenté de la perdre en mer mais auriez fait en sorte d'en avoir une sauvegarde quelque part, sous n'importe quelle forme qu'il soit. Par conséquent, l'existence d'une telle documentation est, une fois de plus, fortement remise en cause.

Monsieur, relevons en outre que vous n'êtes pas clair non plus en ce qui concerne les personnes qui seraient après vous. Ainsi, vous déclarez savoir qu'il s'agirait des services de renseignements, or, non seulement cette conviction n'est basée sur rien de concret ni de plausible, mais vous admettez ensuite ne pas savoir qui seraient les personnes qui vous auraient enlevé et agressé. En effet, vous dites vous-même que votre déclaration ne repose que sur une supposition, vous précisez ne pas savoir ni pouvoir reconnaître les agents des services de renseignements puis vous décrivez avoir également été enlevé par des groupes qui vous seraient inconnus, lesquels auraient, dans votre opinion, quand même fait partie des services de renseignements, sur la simple base que vous n'auriez pas d'ennemis et que vous auriez vu leurs visages, pour ensuite ajouter que ces membres appartiendraient à des familles ou tribus jordaniennes connues. Là encore, vous ne savez avancer davantage d'explications plus concrètes ni une quelconque preuve, que ce soit sur les personnes ou sur les prétendus enlèvements. En effet, vous déclarez ne pas savoir qui aurait commissionné les personnes à l'origine de votre enlèvement et ne plus vous souvenir du nombre de fois que vous auriez été arrêté. La seule description que vous fournissez est celle de la fois où on vous aurait amené dans la forêt puis volé vos chèques. Une autre indication qui vous ferait dire qu'il s'agirait des services de renseignement est que vous auriez été le membre le plus poursuivi du groupe, or cela ne démontre manifestement pas qu'il s'agirait effectivement des services de renseignements. Monsieur, force est de constater que vos accusations ne reposent que sur de

(9)

simples soupçons de votre part, nonobstant le flou et les contradictions qui entourent vos déclarations quant à ces personnes ainsi que quant à vos arrestations et enlèvements. Dès lors, l'autorité ministérielle remet vigoureusement en cause votre crédibilité en ce qui concerne les personnes qui vous auraient suivi ainsi que vos prétendus enlèvements voire arrestations.

Deuxièmement, vous vous acharnez à dire que les services de renseignements jordaniens seraient « sehr mächtig » (page 15/18 du rapport d'entretien), raison pour laquelle ils auraient notamment trouvé votre groupe. Or, si cette entité était réellement aussi forte, il est du moins difficile de croire que vous ne vous seriez fait arrêter que sur de simples soupçons.

En effet, vous répétez à deux reprises qu'ils n'auraient jamais eu de preuves à votre encontre, seul un soupçon que vous détiendriez des informations, ce qui les auraient poussés à vous poursuivre sans cesse. Or, si les services de renseignement sont aussi efficaces que vous le prétendez, ils ne vous auraient pas non plus proposé de leur remettre votre prétendu classeur en échange d'argent mais ils auraient fort probablement mis la main dessus par leurs propres moyens, surtout si vous dites l'avoir caché dans votre société de transport. Enfin, auriez-vous été une personne hautement recherchée et contrôlée par les services de renseignements jordaniens, il n'est pas crédible qu'une de vos connaissances, quoique prétendument membre des services de renseignements, ait réussi à vous faire libérer à plusieurs reprises. Il en est de même pour vos droits qui vous auraient été retirés. Il n'est pas crédible que votre connaissance, dont vous ne connaitriez pas vraiment le grade à part qu'elle aurait un grade important tout en ayant des personnes encore plus gradées au-dessus d'elle, ait le pouvoir de faire en sorte que vous puissiez renouveler votre passeport, alors que ce droit vous aurait été retiré, d'autant plus que vous déclarez avoir pu voyager légalement avec ce passeport à partir de la Jordanie via l'aéroport. Ici encore, vous expliquez que votre nom aurait figuré sur une liste de personnes recherchées et interdites de quitter le territoire jordanien, obstacle que vous auriez franchi moyennant de l'argent. Or, une fois de plus, il est hautement improbable que vous ayez pu quitter le territoire jordanien par avion, en toute légalité, si les services de renseignements qui, d'après vous, sont très forts, auraient inscrit votre nom sur une telle liste et ceci pour une raison qui vous serait inconnue.

À vous entendre, les services de renseignements jordaniens auraient des moyens à leur disposition pour vous arrêter de manière définitive, l'auraient-ils voulu, or tel n'est pas le cas en l'espèce. Il en découle que l'explication que vous donnez quant à la motivation des services de renseignements de vous arrêter ou de vous poursuivre n'est donc absolument pas probable voire la motivation inexistante. Au contraire, il ressort plutôt de votre récit que vous ayez pu vivre et voyager normalement.

Soulevons dans ce contexte que lors de l'entretien vous supposiez que les services de renseignements auraient été mis au courant de votre activité par l'intermédiaire d'un dénonciateur au sein de votre groupe et que ce n'est que lors de l'entretien complémentaire que vous relevez que c'est par l'efficacité de leurs services, qu'ils auraient réussi à prendre connaissance de votre activité avant d'ajouter que finalement un des membres du groupe aurait subi un interrogatoire lors duquel il aurait dénoncé le groupe. Il en découle que votre récit n'est pas cohérent, voire contradictoire et entaché de trop nombreuses suppositions concernant des éléments d'une importance singulière.

Troisièmement, vous prétendez qu'on vous aurait volé des chèques qui auraient été signés à l'avance de votre part. Monsieur, il n'est tout d'abord pas clair comment tous ces chèques vous auraient été volés à trois reprises à part la fois où vous auriez été enlevé puis amené dans une forêt, mais il n'est surtout pas crédible que vous auriez signé 160 chèques en

(10)

avance, malgré le fait que vous auriez dû remettre des chèques en blanc de temps en temps, qui, de surcroît, vous auraient tous été volés. Vous expliquez avoir été dépouillé de votre argent suite à ces vols et vous n'auriez pas fermé vos comptes bancaires, car les voleurs auraient menacé de tuer vos enfants. Or, peu de temps après, vous avez quitté la Jordanie en y laissant votre famille pendant des années, sans que rien ne leur arrive. Or, on peut légitimement s'attendre à ce qu'une personne qui craint pour sa vie et celle de sa famille, protège cette dernière. Ainsi, il est surprenant que vous soyez parti à Dubaï pendant près d'un an puis en Libye pendant plusieurs années tout en laissant votre famille en Jordanie pendant tout ce temps. Votre histoire quant à ces centaines de chèques signés à l'avance puis volés ne convainc dès lors pas l'autorité ministérielle.

En outre, vous déclarez que vous auriez dû vendre vos biens ainsi que les bijoux de votre femme et travailler dur pour rembourser les dettes que vous auriez encourues suite aux retraits d'argent significatifs découlant de ces chèques volés et que par conséquent vous seriez pauvre. En même temps, vous expliquez avoir payé une somme de 50.000 dollars pour faire supprimer votre nom d'une prétendue liste de personnes recherchées à l'aéroport. Monsieur, il n'est pas crédible qu'une personne se lamentant d'être devenue pauvre en tentant de rembourser toutes ses dettes puisse avoir encore payé une telle somme en pot-de-vin, surtout que vous dites lors de l'entretien initial que cette somme proviendrait de la vente de votre magasin de pièces de rechange pour voitures pour ensuite déclarer lors de l'entretien complémentaire que celle-ci proviendrait de la vente des bijoux de votre femme, argent que vous auriez aussi utilisé pour couvrir l'important retrait des chèques à la banque.

Quatrièmement, vous déclarez que le but ultime de vos recherches aurait été d'emmener la documentation au Canada afin d'y introduire une demande de protection internationale. Or, ce plan n'aurait pas fonctionné puisque vous auriez perdu la documentation en mer. Monsieur, la question se pose ici de savoir ce que vous espéreriez tirer des autorités canadiennes si ce n'est que l'idée de vous établir à l'étranger pour mener un mode de vie qui vous conviendrait davantage. Ceci est d'autant plus vrai que vous n'avez pas introduit de demande de protection internationale en Italie, France ou Belgique, pays que vous avez parcourus avant de vous rendre au Luxembourg. Monsieur, si vous aviez voulu partager votre documentation en toute sécurité avec les autorités canadiennes, vous auriez pu avant tout vous adresser à l'ambassade canadienne à Amman, chose que vous n'avez pas faite. Ainsi, le fait d'avoir voulu partir au Canada démontre plutôt un intérêt personnel de votre part plutôt qu'une réelle conviction par rapport à votre prétendue documentation.

Cinquièmement, vous ajoutez à votre récit que les services de renseignements voudraient vous tuer pour vous être converti au christianisme ainsi que pour avoir eu une relation extraconjugale avec une femme non mariée.

Monsieur, force est cependant de constater que vous avouez ne pas vous être converti de sorte que la crainte que vous exprimez est incontestablement dénuée de tout fondement. Il semble plutôt que vous tentez inlassablement d'augmenter vos chances en vue de l'obtention d'une protection internationale en rajoutant de nouveaux arguments à votre récit. D'ailleurs et à simple titre d'information, la constitution jordanienne « oblige l'État à protéger le libre exercice de toutes les formes de culte ou de rites religieux (...) » et dispose que « les Jordaniens sont égaux devant la loi. Il ne doit y avoir aucune discrimination entre eux, fondée sur la race, la langue ou la religion, en ce qui concerne leurs droits et leurs devoirs ». En outre, d'après l'Observatoire de la liberté religieuse, « Le droit civil n'interdit pas explicitement aux musulmans de se convertir à une autre religion, et aucune peine n'est prévue si cela se

(11)

produit ». Les chrétiens ont également accès à des postes élevés de l'administration jordanienne et sont représentés au Parlement. Par conséquent, il n'y a aucune raison que les autorités jordaniennes veuillent vous tuer pour la simple raison d'avoir soi-disant clamé que vous seriez chrétien, alors que tel n'est même pas le cas.

Il en va de même en ce qui concerne votre prétendue relation extraconjugale, argument que vous semblez additionner aux autres afin de renforcer encore votre récit initial. Or, une simple surenchère de prétendus faits ne saurait justifier l'octroi d'une protection internationale. Notons en outre que vous n'avez mentionné ce fait que lors du deuxième entretien. Vous dites ensuite avoir été menacé par la famille de la femme, or vous auriez déjà quitté la Jordanie lorsque des membres de sa famille auraient rendu visite à votre frère qui vous aurait dit qu'ils auraient menacé de vous tuer. Relevons dans ce contexte que vos craintes ne reposent, une fois de plus, que sur des suppositions de votre part et aucun fait réel comme vous le présentez vous-même en disant « Es ist nichts passiert. Wenn sie mich begegnet hätten, hätten sie mich umgebracht. » (page 14/18 du rapport d'entretien). L'autorité ministérielle en conclut que votre peur n'est pas fondée. Votre ajout selon lequel le père, le frère et l'oncle de la femme seraient des membres du service de renseignement, ne semble que résulter de votre volonté d'étoffer inutilement votre récit. Ainsi, vos explications selon lesquelles les services de renseignements veulent votre mort pour avoir eu une relation extraconjugale ne sauraient convaincre l'autorité ministérielle.

Quant aux éléments soulevés dans votre lettre qui nous est parvenue en date du 4 juin 2019, l'autorité ministérielle considère tout au moins surprenant que vous remettiez en question le professionnalisme de l'interprète présent lors de votre entretien complémentaire et cela deux mois après que celui-ci ait été conclu sans vous en être plaint le jour même alors que vous aviez eu tout le temps de le faire lors de l'entretien qui a duré près de trois heures. Il ne vous a pas non plus été interdit au cours de l'entretien de demander qu'une question vous soit reformulée si vous ne l'aviez pas comprise dès la première fois. Ainsi vous reprenez dans votre lettre deux questions que vous n'auriez a priori pas comprises. Or, la formulation que vous faites de ces deux questions dans votre lettre et votre façon d'y répondre ne font que confirmer qu'il n'y a pas eu de malentendu lors de l'entretien, étant donné que vous y aviez répondu clairement le jour-même. La seule chose que vous semblez faire est de rajouter encore de nouveaux éléments que vous avez négligé de dire au cours de l'entretien.

Soulignons dans ce contexte que vous attestez clairement par votre signature que l'entretien a été fait en langue arabe et qu'il n'y a pas eu de problèmes de compréhension entre vous et les parties présentes. Vous êtes par conséquent malvenu à remettre en cause l'interprète en charge de la bonne compréhension des échanges lors de l'entretien.

Pour ce qui est des pays dans lesquels vous vous seriez rendu, relevons avant tout que vous n'avez jamais évoqué, lors des multiples entretiens et alors que la question vous a clairement été posée à deux reprises, la plupart des pays que vous énumérez dans votre lettre.

En effet, vous n'avez nullement relaté avoir voyagé au Qatar, au Koweït, à Bahreïn, à Oman, en Syrie, en Irak et en Grande-Bretagne que ce soit lors de votre entretien initial ou au cours de l'entretien complémentaire.

Il ne ressort ensuite pas clairement de votre lettre si les pays y mentionnés correspondent à une liste généralisée des pays visités au cours de votre vie ou si vous y auriez voyagé après vous être rendu à Dubaï. Dans le premier cas, il serait étonnant et incompréhensible que vous auriez omis de nommer la plupart des pays présentés dans la lettre

(12)

puisque, jusque-là, vous aviez prétendu n'avoir voyagé qu'en Arabie Saoudite et Israël pour des raisons professionnelles pour ensuite, dans un ordre chronologique, être parti à Dubaï à partir de la Jordanie en 2011 pour un peu moins d'un an, « peut-être 10 mois » (page 2/9 du rapport d'entretien complémentaire) et de là, deux jours au Liban, un temps imprécis en Egypte, environ trois mois à Gaza, encore un mois en Egypte puis en Libye de 2012 à 2017 avant de venir en Europe. D'ailleurs, les voyages évoqués lors des entretiens ne sont pas cohérents avec la liste que vous présentez dans la lettre étant donné que vous y omettez l'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Libye, que vous avez toutefois mentionnés dans vos entretiens.

Dans le second cas, vos déclarations dans la lettre sont en totale contradiction avec votre récit de départ étant donné que la seule trajectoire que vous avez relatée lors des entretiens après votre présence à Dubaï est celle décrite ci-dessus (Liban-Egypte-Gaza-Egypte-Libye-Europe).

Reste à noter que vous ne parlez dans votre lettre ni de l'Egypte, ni de la Libye. Ainsi, l'autorité ministérielle est davantage menée à remettre en question la totalité de votre récit selon lequel vous seriez recherché par les services de renseignements. Au contraire, il semble plutôt que vous n'auriez eu aucun problème à voyager.

En ce qui concerne la mort de votre mère, Monsieur, encore une fois, vous n'avez jamais au cours des entretiens mentionné que celle-ci aurait un quelconque lien avec votre problème, alors qu'elle serait décédée en 2015 ou 2016. Vous auriez ainsi eu largement le temps et l'occasion de l'évoquer lors d'un de vos entretiens.

Il en est de même pour l'incident qui aurait impliqué votre fils de 14 ans, élément tout à fait nouveau qui, selon l'autorité ministérielle, n'aurait pas pu être négligé malgré les oublis dont vous dites être victime. D'ailleurs, cet évènement relaté dans la lettre de manière plutôt marginale, manque de précisions alors qu'il ne ressort pas de la lettre quand cela aurait eu lieu ni dans quelles circonstances.

Monsieur, lors de vos entretiens vous n'avez aucunement fait état ni de circonstances particulières ayant entouré la mort de votre mère, ni d'un quelconque incident concernant votre femme et vos enfants qui apparaissent dès lors comme de tout nouveaux éléments tout en restant très flous et ce, deux mois après la conclusion de votre entretien complémentaire. Or, vous avez, pour chaque entretien, apposé votre signature sous la déclaration finale certifiant par-là que vous n'avez retenu aucune information essentielle portant à un changement significatif au contexte de votre demande de protection internationale, que vous n'avez pas donné d'informations inexactes et surtout, qu'il n'existe plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande. Par conséquent, ces éléments n'apportent aucune crédibilité à votre récit.

Les sept noms que vous énumérez dans votre lettre sans aucune autre explication, sont ceux de hauts politiciens jordaniens, notamment des personnes ayant rempli des fonctions de premier ministre, directeur des renseignements ou chef de l'armée. Ces noms et informations sont officiels et accessibles au public et le fait que vous nous parliez de ces personnes ne prouve toujours pas que vous auriez été en possession d'autres preuves quelconques d'une incroyable importance et tout à fait confidentielles qui seraient à l'origine de vos prétendus problèmes avec les services de renseignements. Monsieur, l'autorité ministérielle ne comprend toujours pas pourquoi vous n'auriez pas donné davantage de détails sur votre documentation lors de vos multiples opportunités au cours des entretiens. Le fait que vous fournissiez ces noms ne nous révèle pas plus sur la nature de vos recherches et documentations qui, comme déjà explicité plus haut, restent du moins floues. Il n'est pas non plus clair en quoi le simple fait de donner des noms dans un entretien mettrait en danger votre famille. Si néanmoins vous aviez à un tel point peur de répercussions en fournissant de simples noms, il aurait été plus judicieux,

(13)

plus sûr voire plus confidentiel de les donner lors de l'entretien, au début duquel il vous est assuré que les informations restent confidentielles, plutôt que par écrit dans une lettre passant par plusieurs intermédiaires avant d'atteindre la personne en charge de votre dossier.

Ainsi, les autorités luxembourgeoises restent d'avis que vous n'êtes pas davantage dans le besoin d'une protection internationale pour simplement avoir donné quelques noms de personnalités jordaniennes, surtout que, encore une fois, vous avez signé la déclaration finale attestant que vous n'avez retenu aucune information essentielle au contexte de votre demande alors qu'il s'agit ici d'informations qui auraient, a priori, déjà été en votre possession lors de l'introduction de votre demande de protection internationale.

Soit ajouté à pur titre d'information qu'une de ces personnalités est décédée en 2016.

En ce qui concerne la corruption, la Jordanie « has taken some direct steps to fight corruption. (...) The enforcement of Jordan's anticorruption laws has improved under King Abdullah. ». D'ailleurs, « ln February 2002, at the king's direction, the prosecutor general began a groundbreaking corruption investigation and prosecution of several senior officials (...)» dont deux personnes figurant sur votre liste. Ainsi, un ancien directeur des renseignements et son adjoint ont été accusés dans des affaires de corruption et le premier a été condamné à quatre ans de prison. Il va sans dire que la Jordanie n'a pas laissé impuni ses hauts fonctionnaires mêlés à des affaires de corruption qui ne sont pas aussi secrètes que ce que vous laissez sous-entendre. Vos craintes restent par conséquent inexpliquées.

Monsieur, les éléments que vous avez inclus dans votre lettre du 3 juin 2019, ne font qu'accentuer l'avis du Ministre selon lequel votre récit est dénué de toute crédibilité. La multitude d'éléments et d'incohérences soulevés notamment en vue d'étoffer votre récit de manière disproportionnée ne saurait être excusée par l'opération que vous auriez subie et dont vous n'annexez pas la preuve à votre lettre.

La véracité de vos dires et les raisons de votre fuite évoquées lors de vos entretiens ne sont par conséquent pas crédibles. Ces constatations sont d'ailleurs soutenues par vos dires selon lesquels la raison principale vous ayant poussé a quitté la Jordanie aurait été que vous auriez été riche « (...) aber jetzt bin ich arm. » (page 11/18 du rapport d'entretien), que tous vos biens auraient été confisqués et que par conséquent vos enfants n'auraient pas d'héritage.

Le fait que vous seriez parti de la Jordanie à Dubaï pendant près d'un an et que vous auriez ensuite séjourné en Libye jusqu'à votre départ pour l'Europe en 2017, fait plutôt croire à une trajectoire en vue d'une meilleure situation financière plutôt qu'à un réel besoin de protection internationale dont vous prétendez avoir besoin. Or, des raisons économiques ne sauraient justifier l'octroi d'une protection internationale.

De ce qui précède, l'autorité ministérielle conclut, que le caractère ambigu et invraisemblable de vos déclarations concernant vos motifs de fuite de votre pays d'origine en altère votre crédibilité, ce qui entraîne de sérieux doutes quant à l'ensemble de vote récit et ne permet pas d'établir de façon probante que vous ayez été victime d'un acte de persécution ou risqueriez d'être victime d'actes de persécution au sens de la Convention de Genève respectivement d'atteintes graves telles que définies à l'article 48 de la Loi de 2015.

Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

(14)

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Jordanie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 août 2019, Monsieur ... a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 16 juillet 2019 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle du 16 juillet 2019 portant refus d’une protection internationale

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 16 juillet 2019, telle que déférée.

Ledit recours est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, Monsieur ... fait renvoyer à ses déclarations telles qu’actées dans son rapport d’audition.

En droit et quant au refus de l'octroi du statut de réfugié, le demandeur explique qu’il aurait quitté la Jordanie en raison des multiples persécutions subies de la part du service secret jordanien au motif qu’il aurait été membre d'un groupe démasquant la corruption en Jordanie au détriment de la population palestinienne en documentant le comportement des autorités jordaniennes concernées. Ce groupe aurait été composé d'une dizaine de personnes et chaque membre se serait vu attribuer la surveillance d'une région précise, le demandeur relatant avoir notamment été responsable de la surveillance du port d'Aqaba.

Dès que le service secret jordanien aurait pris connaissance de ces opérations de surveillance pendant l'année 2003, il aurait été arrêté à de multiples reprises et amené au commissariat se trouvant à Amman, près du marché « Al Salam », en vue d’être soumis à des interrogatoires et des tortures.

Au cours de « l'année 2008 ou 2009 », le service secret jordanien l'aurait traîné le long du couloir au sein du poste pour ensuite le jeter d’un balcon situé au premier étage de l’immeuble, chute lui ayant causé une fracture de l'omoplate.

Suite à cette première arrestation, le demandeur affirme avoir perdu tous ses droits civiques, ce qui l’aurait empêché de renouveler son passeport, respectivement d’obtenir des duplicatas de sa carte d'identité voire de son permis de conduire.

(15)

Le demandeur relève également qu'il aurait régulièrement fait l'objet d'enlèvements de la part du service secret jordanien entre les années 2009 et 2011, à un moment où il aurait travaillé pour son compte au sein de ses sociétés dénommées « ... » société de transport et « ...

», ses ravisseurs l’ayant emmené dans un bois où des personnes en relation avec le service secret jordanien lui auraient infligé des coups jusqu'à ce qu'il perde conscience tout en lui volant un nombre important de chèques présignés, afin de le menacer d’encaisser ces chèques s’il ne leur remettait pas les documents qu’il aurait rassemblés sur la corruption.

Le demandeur souligne que, suite à son refus de leur remettre les documents en question, les chèques auraient été remplis et encaissés auprès d'établissements de crédit, ce qui aurait conduit à son surendettement, relevant, dans ce contexte, qu’il n’aurait pas pu bloquer son compte bancaire en raison du fait que ses ravisseurs auraient menacé de tuer ses enfants dans ce cas.

Le demandeur affirme également avoir reçu plusieurs lettres de menaces à son entreprise.

Finalement, le demandeur fait relever que lorsqu’il aurait fui la Jordanie pour la Libye, des membres du service secret jordanien y auraient tenté de le tuer en détruisant sa maison à l'aide d'une bombe.

De même, lors de son séjour à Dubai, un conducteur, qu’il affirme avoir reconnu comme étant un membre du service secret jordanien, aurait essayé de le renverser avec sa voiture alors qu'il aurait marché le long de l'avenue à Ras al Khayma.

Le demandeur en conclut qu’il serait toujours poursuivi en Jordanie en raison de ses opinions politiques visant à combattre et à dévoiler la corruption en Jordanie opérée à l'égard de la population palestinienne, de sorte que les enlèvements, tortures et autres traitements inhumains et dégradants qui lui auraient été infligés (chocs électriques, coups de bâton etc) auraient bien été motivés par un des critères de fond posés à l'article 2, point f de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne la remise en cause de sa crédibilité, le demandeur relève que dès son premier entretien, il aurait indiqué se trouver en traitement psychiatrique, dans le cadre duquel il prendrait des médicaments forts, ce qui lui causerait des troubles de mémoire. Il renvoie à ce sujet à plusieurs certificats médicaux qu’il aurait remis à cet effet.

Ainsi, le demandeur affirme qu’il se serait présenté à son entretien complémentaire du 3 avril 2019 nonobstant une contre-indication médicale, alors qu'il aurait subi une opération des reins le jour précédent, de sorte qu’il serait « donc parfaitement imaginable » que dès son premier entretien, des oublis voire des contradictions auraient pu apparaître.

En tout état de cause, le demandeur estime que ces oublis et incohérences seraient dus à son choc psychologique et à son état de santé physique et psychique faible et ne seraient pas le fruit de son imagination.

En ce qui concerne le reproche selon lequel il se serait contenté de ne nommer « que deux ou trois exemples furtifs afin d'expliquer véritablement en quoi auraient consisté (ses) recherches » et qu'il resterait avare sur les informateurs et sur les procédés par lesquels il aurait

(16)

obtenu les informations nécessaires pour l'établissement de sa documentation sur la corruption jordanienne opérée à l'égard de la population palestinienne, il donne à considérer qu’il aurait bel et bien explicité de manière précise en quoi auraient consisté ses recherches, à savoir la détection au port d'Aqaba par le biais d’informateurs tiers audit port, de la corruption en Jordanie opérée à l'égard de la population palestinienne par le biais du cheminement des flux financiers mis à disposition de la population palestinienne.

Il serait étonnant que le ministre lui reprocherait de ne s'être contenté de fournir que quelques exemples pour décrire son activité de recherche, alors qu’il aurait, au contraire, fallu à l'agent ministériel en charge de ses entretiens de lui demander de plus amples informations à ce sujet, notamment au cours de ses entretiens complémentaires, d’autant plus que ces points sembleraient être d'une importance cruciale dans le cadre de l’analyse de sa demande de protection internationale.

En ce qui concerne le doute ministériel sur l'existence et sur la légitimité de la documentation relative à la corruption, ainsi que sur le fait qu’il ne fournirait pas d’informations précises sur les autres membres du groupe, le demandeur fait relever que, parmi les membres du groupe, personne ne connaîtrait l'identité de l'autre, alors que chacun utiliserait un pseudonyme qui lui serait propre, de même que le groupe n’aurait pas emprunté la forme sociale « d'association ». En effet, par peur d'éventuelles représailles futures de la part du gouvernement jordanien, le groupe aurait préféré opérer de manière secrète plutôt que publique et n'aurait pas cherché à s'identifier, notamment en optant pour la forme sociétaire d'association.

Le demandeur explique qu’il n'aurait jamais fait de sauvegarde électronique de l'ensemble de sa documentation, par peur de laisser d'éventuelles traces électroniques.

Quant à la mise en cause de la cohérence de son récit, le demandeur explique qu’alors même que les services de renseignement jordaniens seraient très forts, il ne pourrait pas être déduit de son affirmation selon laquelle ces derniers l’auraient uniquement arrêté sur base de simples soupçons en raison du fait qu’ils n'auraient pas eu d'autres possibilités pour se procurer la documentation litigieuse, que son histoire serait inventée de toutes pièces, le demandeur relevant, dans ce contexte, qu’un des membres de son groupe aurait, lors d'un interrogatoire effectué par le service de renseignement jordanien, reconnu sa participation et donné des noms.

En ce qui concerne le constat qu’il ait pu quitter le territoire jordanien par avion, alors que son nom aurait figuré sur une liste de personnes recherchées, le demandeur rappelle qu’il aurait payé un pot de vin afin de se faire rayer de cette liste pour une période de 24 heures.

Quant à la circonstance jugée improbable selon laquelle il aurait signé 160 chèques en avance, le demandeur donne à considérer qu'il aurait été obligé quasi-quotidiennement, pour le fonctionnement et pour le compte de son entreprise, de payer des fournisseurs ou d'autres personnes, ce qui l’aurait souvent amené à émettre des chèques en blanc. Il souligne que l'expression « de temps en temps » utilisé dans son rapport d'entretien ne correspondrait pas à ce qu'il aurait voulu dire.

Le demandeur relève encore craindre, en cas de retour en Jordanie, d’être persécuté par les services de renseignement jordaniens en raison du fait qu'il aurait l’intention de se convertir au christianisme et du fait qu'il se rendrait souvent à l'église, et ce, même si cette conversion n’aurait pas encore été opérée, le demandeur donnant à considérer qu’il serait probable qu’au

(17)

jour de son éloignement éventuel vers son pays d’origine, la confession chrétienne serait acquise.

Finalement, le demandeur affirme que le traducteur en charge de son dernier entretien aurait été d'origine kurde, de sorte qu’il aurait été « possible que celui-ci pouvait se tromper lors des traductions », ce qui se serait passé en l'espèce, le demandeur relevant qu’il aurait été difficile de s'en apercevoir immédiatement alors que ni l'agent ministériel ni l'avocat n’auraient pu s'en rendre compte et que l'agent ministériel n'aurait eu d'autre possibilité que de noter ce que l'interprète lui aurait indiqué.

Enfin, en ce qui concerne son choix initial de demander une protection internationale au Canada, le demandeur invoque le fait qu’il s’y sentirait particulièrement en sécurité au vu de la distance entre la Jordanie et le Canada et au vu de la grande superficie de ce pays, de sorte que les chances d'être retrouvé par le service secret jordanien seraient minimes. Or, il ne serait pas passé par l'ambassade du Canada pour demander une protection internationale en raison d'éventuelles intrusions des services de renseignement jordaniens au sein de ces ambassades.

Au fond, le demandeur estime que les divers actes de torture qu’il aurait subis, à savoir les enlèvements, les blessures lui infligées à coup de bâton et de chocs électriques ainsi que le fait de s’être fait jeter du balcon du premier étage, seraient à qualifier d'actes de persécution au sens de l'article 42 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et tomberaient plus précisément sous le champ d'application de l'article 42 (2) a) ou b) de la même loi.

Bien qu’il affirme ne pas avoir la certitude que les enlèvements auraient été opérés par les services de renseignement jordaniens, le demandeur donne cependant à considérer que ses ravisseurs auraient cependant exigé qu'il leur remette la documentation à laquelle le service secret jordanien aurait toujours été intéressé, de sorte qu’il aurait légitimement pu conclure que ces personnes auraient été engagées par, sinon fait partie des services de renseignement jordaniens.

Finalement, il estime qu’il semblerait évident qu’il n'aurait pas voulu se réclamer d'une protection quelconque en Jordanie par peur qu’une telle plainte serait non seulement vouée à l’échec, mais lui aurait encore causé plus de problèmes.

Quant au refus de l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait plaider, sur base des mêmes faits, qu’il serait établi qu'en cas de retour en Jordanie, il encourrait un risque réel de faire l'objet soit d'une exécution, soit de torture sinon de traitements ou sanctions inhumains, au sens de l'article 48, point a) et b) de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il convient d’abord de rappeler qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Il y a ensuite lieu de relever que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de

(18)

ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves »,

et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou

b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Références

Documents relatifs

L’article L.572-1 précité du Code du travail consacre ainsi l’interdiction de principe d’employer des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tandis que

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection

Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions

Le mardi 27 septembre 2016, il l'a recontacté en disant qu'il était encore en congé de maladie et que le lendemain, à savoir le 28 septembre 2016, il reprendrait son service

Force est toutefois de constater que dans l’arrêt précité du 29 août 2018, la Cour administrative a déjà statué sur la régularité formelle de la comptabilité de

En vertu de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, le recours contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans

En l’espèce, il ressort à suffisance de droit tant du rapport de révision que des propres explications du demandeur que ce dernier a été, à maintes reprises tout au long de

Dans son arrêt du 15 novembre 2013, inscrit sous le n° 00102 du registre, la Cour constitutionnelle, saisie à travers l’arrêt précité du 14 mars 2013 de la