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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet e chambre Audience publique du 10 février 2021

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Tribunal administratif N° 43316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 juillet 2019 3e chambre

Audience publique du 10 février 2021 Recours formé par

la société à responsabilité limitée ..., …

contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal ___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 juillet 2019 par Maître Georges SIMON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ..., établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ..., représentée par ses organes sociaux actuellement en fonction, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 22 avril 2019, inscrite sous le numéro du rôle ..., portant rejet d’une réclamation introduite par elle contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012 et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2012, émis tous les deux en date du 30 septembre 2015 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 janvier 2020 par Maître Georges SIMON pour compte de la société à responsabilité limitée ..., préqualifiée ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;

Vu les communications respectives de Maître Georges SIMON et du délégué du gouvernement du 1er décembre 2020 suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 2 décembre 2020.

Par courrier du 20 août 2015, le préposé du bureau d’imposition ... de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « bureau d’imposition », informa la société à responsabilité limitée ..., ci-après désignée par « la société ... », de ce qu’en application du paragraphe 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée

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« Abgabenordnung », en abrégé « AO », il envisageait de s’écarter sur différents points de la déclaration fiscale de l’année 2012, au titre de la motivation suivante :

« Impôt sur le revenu des collectivités et impôt commercial communal

Perte reportable 2011 :

Le revenu 2011 a été taxé par voie d’office par le bureau d’imposition, faute de dépôt de la déclaration fiscale 2011.

La déclaration fiscale 2011 a été envoyée plus de 3 mois après la notification des bulletins d’imposition 2011. (donc hors délai de réclamation).

De cette façon, le bureau d’imposition ne prendra pas en compte la perte reportable figurant dans la déclaration 2011 pour l’établissement de l’imposition de l’IRC et l’ICC 2012.

Résultats rectifiés:

Bénéfice commercial suivant bilan commercial 2012 (+ ajoute d’impôts et taxes non

déductibles) : … €

- Perte reportable 2011: … €

---

Bénéfice rectifié pour l’année 2012 … €

---

Revenu à soumettre à l’impôt 2012: … € »,

avec prière de lui faire parvenir ses objections éventuelles pour le 11 septembre 2015 au plus tard.

En date du 30 septembre 2015, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société ..., le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 2012, avec l’information suivant laquelle « l’imposition a été établie svt Par. 205 (3) de la loi générale des impôts, communiqué dans la lettre du 20/08/2015 ».

En date du même jour, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société ... le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012, avec l’information suivant laquelle « l’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants : l’imposition a été établie suivant Par. 205 (3) de la loi générale des impôts, communiqué dans la lettre du 20/08/2015 ».

Le 21 décembre 2015, la société ... introduisit une réclamation contre le bulletin de l’impôt commercial communal et le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012, émis chaque fois en date du 30 septembre 2015, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».

Par décision du 23 mai 2016 inscrite sous le numéro … du rôle le directeur rejeta la réclamation lui ainsi soumise en retenant en substance que ce serait à bon droit que le bureau

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d’imposition, en établissant les bases d’imposition de l’année 2012, n’a pas déduit la perte reportable déclarée se rapportant à l’année 2011 et s’élevant à un montant de … euros, faute pour la société ... d’avoir tenu une comptabilité régulière d’un point de vue formel durant l’exercice fiscal de 2011.

Le recours contentieux introduit en date du 25 août 2016 par la société ... contre la décision directoriale prémentionnée du 23 mai 2016 fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 19 juillet 2017, n°38402 du rôle.

L’appel introduit par l’intéressée contre ledit jugement fut déclaré fondé par la Cour administrative dans un arrêt du 29 août 2018, n°40097C du rôle, la Cour administrative ayant, par réformation du jugement du tribunal administratif du 19 juillet 2017, réformé la prédite décision directoriale en ce sens que c’est à tort qu’elle a retenu que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’est pas remplie durant l’exercice 2011 au motif tiré de l’irrégularité formelle des comptes annuels de l’exercice 2011 présentés par la société ....

Suite à cet arrêt, le directeur chargea le service de révision de l’administration des Contributions directes de la vérification des livres et documents comptables de la société ...

lequel dressa un rapport en date du 13 mars 2019 dans lequel il fut retenu que

« Conformément aux constations arrêtées aux points 11 à 14 du présent rapport, la comptabilité de l’année 2011 ne peut être considérée comme étant régulière selon le § 162 AO. La perte reportable de l’année 2011 n’est par conséquent pas à prendre en considération et aucune rectification de l’imposition 2012 n’est à effectuer ».

Sur base de ce rapport, le directeur émit, en date du 22 avril 2019 la décision suivante :

« […] Vu la requête (…) introduite le 21 décembre 2015 par les sieurs ... et ..., au nom de la société à responsabilité limitée ..., L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012 et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2012, tous les deux émis le 30 septembre 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018 N° 40097C du rôle ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé des pertes reportables d’un montant de … euros ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien- fondé ;

qu’en l’espèce, la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

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Considérant que l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018 n°40097C du rôle conclut que « par réformation du jugement entrepris le 19 juillet 2017, réforme la décision déférée du directeur de l’administration des Contributions directes du 23 mai 2016 en ce sens que c’est à tort qu’elle a retenu que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’est pas remplie durant l’exercice 2011 au cours duquel la perte revendiquée par la société ... s.à r.l. est survenue au motif tiré de l’irrégularité formelle des comptes annuels de l’exercice 2011 présentés par l’appelante » et « renvoie l’affaire devant ledit directeur en vue de l’examen au fond de la réclamation de l’appelante conformément aux motifs ci-avant repris » ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal qu’en établissant les bases d’imposition de l’année 2012, le bureau d’imposition n’a pas déduit une perte reportable déclarée d’un montant de … euros se rapportant à l’année 2011 pour le motif que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’aurait pas été remplie pendant l’année d’imposition 2011 ;

Considérant encore qu’il résulte du dossier fiscal que les bases d’imposition de l’année 2011 de la réclamante ont été établies par voie de taxation par le bureau d’imposition ;

Considérant qu’il ressort encore de l’arrêt précité de la Cour administrative que « la présentation des comptes annuels n’est pas érigée par le § 162 AO en condition dirimante pour l’admission de leur régularité formelle, le respect du délai légal pour le dépôt des comptes annuels au registre de commerce et des sociétés, prévu par l’article 75 de le loi du 19 décembre 2002, ne peut pas non plus être qualifié de condition pour la reconnaissance de la régularité formelle d’une comptabilité, de sorte qu’une comptabilité ne peut pas se voir dénier son caractère régulier au seul motif que le délai légal pour leur dépôt au registre de commerce et des sociétés n’a pas été respecté » ;

Considérant que l’arrêt met encore en évidence qu’il existerait une rigueur différente en matière de la tenue de comptabilité pour les sociétés de participations financières, notamment : « l’exigence d’une comptabilisation des opérations dans un délai rapproché après leur survenance doit être appliquée avec une rigueur différente à une société dont l’activité implique une partie substantielle des recettes en des paiements en numéraire par rapport à une société dont l’objet social et l’activité consistent en la prise et la gestion de participations et le financement intragroupe, de sorte à impliquer que ses comptes sociaux ne doivent refléter qu’un nombre limité de transactions et mouvements comptables » ;

Considérant que l’arrêt retient encore que la réclamante a produit en cours d’instance des pièces comptables de l’année 2011, i.e. « malgré le fait constant que l’appelante n’avait pas finalisé ses comptes annuels de l’exercice 2011 avant le mois de novembre 2014 pour les avoir déposés au registre de commerce et des sociétés en date du 3 novembre 2014 et à l’appui de ses déclarations fiscales pour l’année 2011 auprès du directeur en date du 21 novembre 2014, les documents comptables soumis par l’appelante, en l’occurrence les copies de son grand livre et du tableau d’analyse des mouvements de cash tenu au cours de l’année 2011 par son gérant démontrent qu’elle a assuré durant l’année 2011 un suivi comptable de ses opérations et que c’est effectivement la finalisation de ses comptes annuels de l’exercice 2011 qui n’a pas su être effectuée en temps utile en raison de la maladie grave prolongée de son gérant responsable. Il y a dès lors lieu de conclure que les éléments en cause en l’espèce ne fournissent pas d’indices suffisants pour mettre en cause la régularité formelle de la comptabilité de l’appelante au titre de son exercice d’exploitation

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2011 et que c’est partant à tort que le directeur s’est fondé sur cette irrégularité pour écarter les comptes annuels lui soumis par l’appelante à l’appui de sa réclamation et refuser de ce chef la prise en compte de la perte d’exploitation de … euros subie par l’appelante en tant que perte reportable sur le bénéfice imposable de l’exercice 2012 » ;

Considérant que les juges ont renvoyé l’affaire devant le directeur des contributions « en vue de l’examen au fond de la réclamation de l’appelante » ;

Considérant qu’en exécution de l’arrêt précité, le directeur des contributions a transmis le dossier fiscal de la réclamante au service de révision afin de contrôler la régularité formelle de la comptabilité de la requérante pour l’année d’imposition 2011 ;

Considérant que le réviseur expose d’abord dans son rapport établi en date du 13 mars 2019 que « Sur demande du réviseur, M. ... a fourni en un premier lieu le grand-livre général (..), la balance générale (..) et le journal (...) sous forme de fichiers Excel et les pièces à l’appui sous forme de fichiers PDF. Ces documents ne permettent d’ailleurs pas la vérification de la date de comptabilisation effective des opérations survenues au cours de l’année 2011. Il est à noter qu’un fichier électronique sous format Excel est un fichier modifiable librement ne respectant pas les conditions de forme énumérées par les §§ 162 (4) - (5) AO » et « M. ... a expliqué la procédure de la comptabilisation comme elle s’est déroulée dans le passé et aussi au cours de l’année révisée comme suit - Le prédécesseur de M. ..., M. ..., enregistrait les mouvements bancaires de façon régulière dans le fichier « Cash Analysis 2011 ». Ce fichier était ensuite transmis à ... pour l’enregistrement dans le programme comptable. ...Force est cependant de constater que les opérations comptables réelles ont été comptabilisées à la fin de l’année 2013, respectivement au début de l’année 2014 » ;

Considérant qu’il y a lieu de relever à cet effet que les juges de la Cour administrative ont souligné, dans le cadre de l’arrêt précité, que « le principe de la comptabilisation continue qui implique la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui impose l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct » ;

Considérant que le rapport du réviseur retient que « Dans son mail (...), M. ... a indiqué explicitement que le fichier « ... Journal Entries 2011 » représente l’extrait sous format Excel des enregistrements comptables qui ont été effectués par ... sur base du fichier « Cash Analysis 2011 ». Or, le fichier « ... Journal Entries 2011 », ainsi que le fichier « Selected Journal Entries », renseignent des dates de création respectivement de modification allant du 27 novembre 2013 jusqu’au 11 août 2014. Ces informations n’avaient pas été incluses dans les documents mis à disposition à (sic) la Cour en cours d’instance, les pièces correspondantes du dossier ayant été consulté (sic) par le réviseur » ;

Considérant qu’il ressort du rapport du réviseur que la société ... utilise un système comptable dénommé « ... » ; que le réviseur a expliqué en matière de systèmes comptables qu’« il est important de relever que dans les logiciels comptables, tel que celui utilisé par ..., les dates de comptabilisation (date de création/modification) sont des données qui ne peuvent être modifiées, respectivement manipulées par un simple utilisateur. Des modifications de ces champs de base de données nécessitent accès au code source des logiciels non à disposition d’un simple utilisateur » ;

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Considérant qu’en cours d’instance, la requérante a produit des pièces comptables se rapportant à l’année d’imposition 2011, notamment le grand-livre général et le fichier « Cash Analysis 2011 » ;

que le réviseur retient à cet effet que « Selon la Cour ces documents ont été tenus au cours de l’année 2011. D’ailleurs, sur demande du réviseur, M. ... a confirmé dans son mail du 1er mars 2019 (...) que le fichier du grand livre général est un extrait du système comptable de .... Or, comme l’enregistrement par ... n’a été effectué qu’en 2013 respectivement 2014, le grand livre général n’a par conséquent pas été tenu en 2011 » ;

Considérant qu’une comptabilité régulière présuppose la régularité quant à la forme et quant au fond ;

Considérant qu’une comptabilité est régulière en la forme, lorsqu’elle répond aux prescriptions et usages relatifs à la forme ; qu’elle doit être agencée de façon claire et ordonnée afin qu’un tiers en la matière puisse se retrouver dans le système comptable sans difficultés majeures et se faire une idée exacte sur les opérations et le patrimoine de l’entreprise sans perte de temps disproportionnée au but de la recherche » (études fiscales n°

109/110/111 Emile Stoffel) ;

Considérant que la comptabilité qui est régulière d’un point de vue formel bénéficie d’une présomption de régularité quant au fond au niveau de la déclaration d’impôt ; qu’à défaut de respecter des conditions de régularité formelles, la comptabilité perd sa force probante ;

Considérant qu’en l’espèce, la réclamante, en sa qualité de société de capitaux exerçant une activité commerciale, se trouve soumise aux obligations de tenue d’une comptabilité et plus particulièrement de l’article 11 du code de commerce dans sa teneur applicable au cours des années d’imposition en cause :

« Art. 11. Toute comptabilité est tenue selon un système de livres et de comptes conformément aux règles usuelles de la comptabilité en partie double. Toutes les opérations sont inscrites sans retard, de manière fidèle et complète et par ordre de dates, soit dans un livre journal unique, soit dans un système de journaux spécialisés. Dans ce dernier cas, toutes les données inscrites dans les journaux spécialisés sont introduites, avec indication des différents comptes mis en mouvement, par voie de centralisation dans un livre de centralisateur unique » ;

Considérant que même si les juges de la Cour administrative concèdent une rigueur différente en matière de tenue de comptabilité en faveur des sociétés de participations financières, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce la comptabilisation chronologique des opérations de la requérante n’a pas été faite dans un délai rapproché après leur survenance ; que le contrôle de la comptabilité litigieuse a révélé que les opérations comptables de l’année 2011 ont seulement été comptabilisées dans un système comptable respectant les conditions du § 162 AO au plus tôt vers la fin de l’année 2013 ;

Considérant qu’en matière d’impôt sur le revenu, le report de pertes subies antérieurement à l’exercice d’exploitation est réglé par les dispositions de l’article 114 L.I.R.

tandis qu’en matière d’impôt commercial communal, la déduction de telles pertes du bénéfice de l’exercice est permise dans les conditions du § 9bis GewStG ;

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Considérant cependant qu’en vertu de l’article 114 L.I.R. et du § 9bis GewStG, la déductibilité des reports déficitaires est entre autres subordonnée à la condition que les exploitants ou autres personnes entrant en ligne de compte doivent avoir tenu une comptabilité régulière durant l’exercice d’exploitation au cours duquel la perte est survenue ;

Considérant en l’espèce que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’est pas remplie quant à la forme au cours de l’année d’imposition 2011, année au cours de laquelle la perte revendiquée est survenue et que la perte reportable déclarée par l’intermédiaire des déclarations fiscales de 2012 n’est pas déductible ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme,

la rejette comme non fondée. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 juillet 2019, la société ...

a fait déposer un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 22 avril 2019, portant rejet de sa réclamation introduite par elle contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2012 et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2012, émis tous les deux en date du 30 septembre 2015.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités, respectivement un bulletin de l’impôt commercial communal.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision précitée du directeur du 22 avril 2019, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, et en fait, la demanderesse soutient avoir réalisé une perte de ... euros au cours de l’année 2011 et que, faute par elle d’avoir introduit une déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, ainsi qu’une déclaration pour l’impôt commercial communal pour la même année 2011, le bureau d’imposition aurait décidé de procéder par la voie de la taxation d’office pour l’année d’imposition en question.

Etant donné que les bulletins d’imposition émis suite à cette taxation d’office n’auraient pas fixé de cote d’impôt positive à sa charge, à l’exception de l’impôt minimal sur le revenu des collectivités, en application de l’article 174, paragraphe (6), de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée la « LIR », et étant donné qu’ils n’auraient pas non plus retenu une perte reportable, telle que réalisée par elle au cours de l’année d’imposition en question, de l’ordre de ... euros, elle n’aurait pas eu intérêt à

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agir contre lesdits bulletins d’imposition, la demanderesse expliquant que la seule réclamation introduite par elle, à savoir une réclamation datée du 21 décembre 2015, viserait les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2012 émis tous les deux en date du 30 septembre 2015 et ayant retenu des cotes impôt d’un montant de … euros au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités, respectivement d’un montant de … euros au titre de l’impôt commercial communal pour l’année d’imposition 2012 en question.

Elle explique ensuite que dans sa première décision du 23 mai 2016, le directeur aurait rejeté sa réclamation contre les prédits bulletins d’impôt au motif que le dépôt tardif de ses comptes annuels pour l’exercice d’exploitation 2011 entraînerait d’office la conclusion que sa comptabilité pour cette même année serait entachée d’une irrégularité formelle et qu’elle ne remplirait dès lors pas les conditions prévues à l’article 114 LIR permettant le report de pertes.

Elle aurait contesté cette même décision directoriale à travers un recours contentieux introduit en date du 25 août 2016 et déclaré non fondé par le tribunal administratif par jugement du 19 juillet 2017, n° 38402 du rôle, jugement qui aurait toutefois été réformé par la Cour administrative dans un arrêt du 29 août 2018, n° 40097C du rôle, la demanderesse expliquant que dans ledit arrêt, la Cour administrative aurait retenu que ce serait à tort que le directeur a qualifié sa comptabilité pour l’exercice 2011 d’irrégulière et aurait renvoyé l’affaire devant ce dernier en vue de l’examen au fond de sa réclamation introduite le 21 décembre 2015.

Suite à cet arrêt, le directeur aurait transmis son dossier au service de révision, lequel lui aurait demandé, par courrier du 12 novembre 2018, de fournir tous les documents et pièces nécessaires afin de procéder au contrôle de l’exercice fiscal 2011. Suite à sa bonne coopération un rapport aurait été dressé le 13 mars 2019, rapport sur base duquel le directeur aurait finalement pris la décision litigieuse, la demanderesse précisant encore que ledit rapport ne lui aurait toutefois pas été communiqué avant la prise de ladite décision directoriale, de sorte qu’elle n’aurait pas pu présenter ses observations.

En droit, la demanderesse met en exergue que la Cour administrative, dans l’arrêt prémentionné du 29 août 2018, aurait déjà statué sur la régularité formelle de sa comptabilité pour l’exercice fiscal de 2011. Elle explique plus particulièrement que dans le cadre de ladite procédure contentieuse, la Cour administrative, de même que la partie étatique, auraient pu consulter ses documents comptables pour 2011, dont ses comptes, un extrait du grand livre général et le fichier « Cash Analysis 2011 » et que ce serait sur base de ces mêmes documents que la Cour aurait considéré que rien ne permettrait de remettre en cause la régularité formelle de sa comptabilité. Revenir sur ce point ne serait ni légal, ni acceptable au regard notamment, des principes de bonne administration, de réalisme, de cohérence et de sécurité juridique, la demanderesse soulignant encore que le comportement de l’administration des Contributions directes pourrait avoir comme conséquence de l’obliger à devoir sans cesse défendre ses droits par le biais de nouvelles procédures contentieuses.

La demanderesse donne plus particulièrement à considérer que dans la décision litigieuse, le directeur avancerait de nouveau l’argument selon lequel sa comptabilité de 2011 serait irrégulière en la forme en raison de l’inscription en 2013, par le prestataire de service

« ... », des informations du fichier « Cash Analysis 2011 » dans un logiciel retraçant les dates de saisie de données. Or, ledit fichier aurait déjà été mis à disposition de la partie étatique

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dans le cadre de la première procédure contentieuse, de sorte que celle-ci aurait pu, dans le cadre de cette même procédure, solliciter des clarifications quant à la régularité formelle de sa comptabilité, respectivement soulever des incohérences éventuelles, ce qu’elle aurait toutefois omis de faire.

Elle fait encore valoir que le nouveau motif d’irrégularité formelle de sa comptabilité serait à considérer comme le fruit d’une sérieuse désorganisation interne de l’administration fiscale, désorganisation qui ne lui saurait pas être imputable. La demanderesse estime ainsi que l’administration des Contributions directes ne saurait tirer un avantage de sa propre désorganisation et modifier ainsi de façon tardive sa position initiale.

La demanderesse ajoute que le fait de remettre en cause la régularité formelle de sa comptabilité reviendrait à ignorer le prédit arrêt de la Cour administrative, lequel aurait toutefois dû être respecté et appliqué par l’administration des Contributions directes.

L’attitude de l’administration fiscale lui serait dommageable dans la mesure où elle l’obligerait d’entamer des démarches qui deviendraient chronophages et coûteuses.

Dans un deuxième temps, la demanderesse insiste sur la régularité formelle de sa comptabilité en soulignant que le principe de comptabilisation continue aurait bien été respecté en l’espèce. A cet égard, elle fait plus particulièrement valoir que s’il devait être considéré que malgré les conclusions retenues dans l’arrêt du 29 août 2018 le directeur était en droit de remettre en cause la régularité formelle de la comptabilité, celui-ci se serait néanmoins trompé en arguant du non-respect du principe de comptabilisation continue pour 2011 par ses soins.

A cet égard, elle affirme avoir rapporté la preuve qu’elle a fait un suivi consciencieux de ses transactions au cours de l’année 2011 et qu’elle les aurait, par ailleurs, enregistrées.

Ainsi son gérant, entretemps décédé, aurait pris soin, même durant sa maladie, de toujours suivre cette bonne conduite de comptabilisation continue de ses opérations.

En ce qui concerne l’utilisation d’un logiciel comptable spécifique, la demanderesse s’empare du paragraphe 162, alinéa (5) AO pour affirmer que ladite disposition légale n’exigerait pas un tel logiciel spécifique, mais prévoirait uniquement que toute correction soit inscrite en tant que telle, afin de pouvoir retracer toute modification de comptabilité, ce qui serait parfaitement possible avec un fichier Excel. En affirmant que le directeur, en faisant référence « à un système comptable respectant les conditions du § 162 AO » aurait sans doute souhaité s’appuyer sur la circulaire L.G. – A n°63 du 15 septembre 2017 relative aux obligations comptables en matière fiscale, circulaire interdisant qu’un livre de caisse soit tenu à l’aide d’un tableur tel qu’Excel, la demanderesse fait valoir que la circulaire en question serait postérieure à l’année fiscale litigieuse et ne saurait dès lors trouver application en l’espèce.

Finalement la demanderesse fait valoir que sa comptabilité, pour l’année fiscale litigeuse, respecterait le principe de sincérité et elle souligne que le directeur n’aurait jamais remis en cause la régularité sur le fond de sa comptabilité, mais s’obstinerait à lui reprocher une irrégularité formelle non avérée. Elle explique plus particulièrement que les pièces comptables produites dans le cadre de la première procédure contentieuse et plus particulièrement le grand livre de l’année 2011 établiraient qu’elle a procédé à des enregistrements réguliers et chronologiques de ses opérations, ce qui aurait d’ailleurs été retenu par la Cour administrative dans l’arrêt prémentionné du 29 août 2018. Par ailleurs, et

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même si les comptes annuels de l’exercice 2011 n’auraient été finalisés par le prestataire de services « ... » qu’en 2013 en utilisant un logiciel comptable « ... » permettant de retracer les dates de comptabilisation, rien ne permettrait de conclure à l’irrégularité de sa comptabilité, la demanderesse précisant que les informations utilisées par le prestataire de services « ... » correspondraient à celles du fichier « Cash Analysis 2011 », lequel aurait, quant à lui, bien été tenu en 2011. Ainsi, ce ne serait qu’une simple retranscription dans un logiciel spécifique qui aurait été faite en 2013.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y aurait lieu de réformer la décision directoriale litigieuse.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rappelle de prime abord les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant pour affirmer par après que suite à l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018, il aurait été procédé à une révision fiscale qui a donné lieu à un rapport n°1943 du 13 mars 2019 lequel aurait permis de révéler certains éléments jusque-là passés inaperçus. Ainsi, l’analyse des fichiers informatiques « ... journal entries 2011 » et « selected Journal entries » auraient renseigné des dates de création ou de modification allant du 27 novembre 2013 jusqu’au 11 août 2014, ce qui amènerait à conclure que les informations comptables auraient été saisies et comptabilisées environ deux années après les opérations et non pas dans un délai rapproché permettant d’assurer le respect des obligations fiscales par le contribuable.

A cet égard il fait valoir que le paragraphe 162 AO consacrerait le principe de la comptabilisation continue, principe qui impliquerait la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui imposerait, quant à lui, l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct.

Il serait ainsi apparu que les pièces versées à la Cour administrative ne mentionnaient en réalité pas les dates de comptabilisation qui auraient été révélées lors de la révision, de sorte que celle-ci se serait fondée sur des dates inexactes, la partie étatique ajoutant encore qu’il ne serait pas à exclure que ... aurait pu verser un document inexact pour obtenir une décision qui lui est favorable.

Dans la mesure où le réviseur serait venu à la conclusion que l’enregistrement des données n’aurait pas été effectué dans un délai rapproché permettant d’assurer le respect des obligations fiscales par le contribuable, ce serait à bon droit que le directeur a considéré à nouveau dans sa deuxième décision directoriale que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’était pas remplie quant à la forme au cours de l’année 2011.

En se basant ensuite sur l’article 114 LIR, le délégué du gouvernement conteste encore le caractère déductible de la perte de ... euros, la partie étatique insistant à cet égard sur le caractère irrégulier de la comptabilité de la demanderesse en ce qui concerne l’exercice fiscal 2011, en contestant plus particulièrement que le principe de la comptabilisation continue, ainsi que le principe de vérité définis ci-avant aient été respectés en l’espèce.

Le délégué du gouvernement souligne encore que la demanderesse serait soumise aux obligations de la tenue d’une comptabilité régulière au sens des articles 197 et 205 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, des articles 8 à 16 du Code

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de Commerce et du paragraphe 160 (1) AO et devrait respecter les conditions y relatives telles que définies au paragraphe 162 AO.

A l’appui de ses affirmations selon lesquelles l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018 aurait été rendu sur base de pièces interprétées de façon erronée, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que l’analyse des fichiers informatiques « ... journal entries 2011 » et « selected Journal entries » transmis aux services fiscaux renseigneraient des dates de création ou de modification allant du 27 novembre 2013 jusqu’au 11 août 2014, de sorte que les informations comptables auraient été saisies et comptabilisées environ deux années après les opérations.

En qualifiant encore l’affirmation de la demanderesse selon laquelle les informations utilisées par le prestataire de service « ... » seraient reprises du ficher « Cash Analysis 2011»

qui aurait bien été tenu en 2011 et que ce ne serait qu’une simple retranscription qui aurait été faite en 2013 de simple allégation, le délégué du gouvernement conclut que ce serait à bon droit que le report de la perte de ... euros aurait été refusé et il estime que le recours sous analyse serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse réitère en substance ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance tout en insistant plus particulièrement sur le fait qu’en ordonnant une vérification de la régularité formelle de sa comptabilité, le directeur aurait ignoré les conclusions retenues par la Cour administrative dans son arrêt du 29 août 2018 et aurait ainsi violé l’autorité de la chose jugée.

Elle ajoute que la partie étatique se livrerait à une interprétation et une lecture erronée dudit arrêt dans la mesure où les magistrats de la Cour administrative n’auraient, contrairement aux affirmations de celle-ci, pas retenu que le grand livre aurait été tenu en 2011, mais se seraient fondés sur le grand livre et le fichier « Cash Analysis 2011 », tenu quant à lui en 2011, pour arriver à la conclusion que toutes les opérations ont été enregistrées.

Il ne lui saurait dès lors pas être reproché que le grand livre renseigne les dates des transactions et non pas les dates de comptabilisation de ces transactions par le prestataire de service « ... ».

En insistant sur le fait qu’elle aurait fait le suivi comptable en 2011 et que les informations utilisées par « ... » pour la finalisation des comptes lui seraient parvenues en 2011 et 2012, elle fait plaider que ce serait en tout état de cause à tort que la régularité formelle de sa comptabilité soit de nouveau remise en cause.

Finalement elle souligne que dans le rapport de révision du 13 mars 2019, le réviseur n’aurait constaté aucune irrégularité de fond en ce qui concerne sa comptabilité, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir que le montant de la perte de ... euros subie en 2011 serait reportable sur le bénéfice imposable de 2012.

La demanderesse conclut partant à la réformation de la décision directoriale litigieuse.

En ce qui concerne le premier moyen de la demanderesse d’après lequel, le directeur, en prenant la décision litigieuse, aurait ignoré l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018 et aurait ainsi violé l’autorité de la chose jugée, il convient de prime abord de souligner qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (4), de la loi du 7 novembre 1996 « Lorsque le jugement […] annule la décision attaquée, l’affaire est renvoyée […] devant l’autorité dont

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la décision a été annulée, laquelle, en décidant du fond, doit se conformer audit jugement […] ».

En l’espèce, force est de constater que dans l’arrêt en question, la Cour administrative, après avoir retenu dans un premier temps que la société ... devait être admise à se prévaloir dans le cadre de son recours dirigé contre son imposition de l’exercice fiscal 2012, de son résultat financier effectif de l’exercice fiscal 2011 pour faire reconnaître une perte effective susceptible d’être imputée sur le bénéfice imposable de 2012, a relevé que dans la décision du 23 mai 2016, n°… du rôle, le directeur avait refusé de tenir compte de la perte d’exploitation de ... euros subie, d’après ses comptes annuels, en 2011, en raison de la tardiveté de leur établissement et de leur dépôt au registre de commerce et des sociétés tout en retenant que ces mêmes comptes ne satisferaient à la condition de la comptabilité régulière requise par l’article 114 LIR.

Dans ce même arrêt, la Cour administrative retint ensuite qu’une comptabilité ne peut pas se voir dénier son caractère régulier au seul motif que le délai légal pour le dépôt des comptes annuels au registre de commerce et des sociétés n’a pas été respecté, alors que les conditions de régularité d’une comptabilité « se trouvent limitativement circonscrites par le § 162 AO qui comporte dans ses alinéas (2) à (7) des prescriptions de base quant au caractère régulier d’une comptabilité » et que « la présentation des comptes annuels n’est pas érigée par le § 162 AO en condition dirimante pour l’admission de leur régularité formelle, le respect du délai légal pour le dépôt des comptes annuels au registre de commerce et des sociétés, prévu par l’article 75 de la loi du 19 décembre 2002, ne peut pas non plus être qualifié de condition pour la reconnaissance de la régularité formelle d’une comptabilité ».

La Cour administrative souligna encore que « [l]a question de l’incidence sur la régularité formelle du délai dans lequel les comptes annuels ont été dressés par rapport aux opérations de l’activité de l’appelante à leur base doit plutôt être examinée sur base du § 162 [(2)]

AO ».

Elle retint ensuite « que le respect du principe de la comptabilisation continue [tel que prévu au prédit paragraphe 162 (2) AO] doit être apprécié en fonction de l’objet social et des activités de la société concernée et tenir compte du nombre et de la complexité des transactions à inscrire. Ainsi, l’exigence d’une comptabilisation des opérations dans un délai rapproché après leur survenance doit être appliquée avec une rigueur différente à une société dont l’activité implique une partie substantielle des recettes en des paiements en numéraire par rapport à une société dont l’objet social et l’activité consistent en la prise et la gestion de participations et le financement intragroupe, de sorte à impliquer que ses comptes sociaux ne doivent refléter qu’un nombre limité de transactions et mouvements comptables. ».

Elle vint ainsi à la conclusion que « malgré le fait constant que [la société ...] n’avait pas finalisé ses comptes annuels de l’exercice 2011 avant le mois de novembre 2014 pour les avoir déposés au registre de commerce et des sociétés en date du 3 novembre 2014 et à l’appui de ses déclarations fiscales pour l’année 2011 auprès du directeur en date du 21 novembre 2014, les documents comptables soumis par [la société ...], en l’occurrence les copies de son grand livre et du tableau d’analyse des mouvements de cash tenu au cours de l’année 2011 par son gérant démontrent qu’elle a assuré durant l’année 2011 un suivi comptable de ses opérations et que c’est effectivement la finalisation de ses comptes annuels de l’exercice 2011 qui n’a pas pu être effectuée en temps utile en raison de la maladie grave prolongée de son gérant responsable. Il y a dès lors lieu de conclure que les éléments en

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cause en l’espèce ne fournissent pas d’indices suffisants pour mettre en cause la régularité formelle de la comptabilité de l’appelante au titre de son exercice d’exploitation 2011 et que c’est partant à tort que le directeur s’est fondé sur cette irrégularité pour écarter les comptes annuels lui soumis par l’appelante à l’appui de sa réclamation et refuser de ce chef la prise en compte de la perte d’exploitation de … euros subie par l’appelante en tant que perte reportable sur le bénéfice imposable de l’exercice 2012 ».

La Cour administrative retint ainsi que « le directeur n’était pas autorisé […] à écarter les comptes annuels de [la société ...] pour l’année 2011 au motif de leur irrégularité formelle due à la tardiveté de leur dépôt au registre de commerce et des sociétés et de leur présentation seulement à l’appui de la réclamation de [la société ...], il lui aurait incombé d’examiner les déclarations fiscales de [la société ...] et lesdits comptes annuels afin de vérifier si ces derniers ne présentaient pas de lacunes ou d’incohérences permettant de contester leur régularité au fond et, au cas où rien ne lui aurait permis de ne pas admettre cette régularité au fond, de retenir que la perte invoquée par [la société ...] à hauteur de … euros était à retenir comme revenu net effectif de l’appelante qui s’écartait de manière significative du revenu issu de la taxation d’office effectuée par le bureau d’imposition et que cette perte de l’année 2011 se trouvait documentée par une comptabilité régulière au sens de l’article 114, alinéa (2), LIR. ».

Au vu de ces conclusions, la Cour administratives réforma la décision directoriale du 23 mai 2016 « en ce sens que c’est à tort qu’elle a retenu que la condition de la tenue d’une comptabilité régulière n’est pas remplie durant l’exercice 2011 […] » et elle renvoya l’affaire devant le directeur afin que celui-ci procède à « l’examen au fond de la réclamation de [la société ...] conformément aux motifs ci-avant repris. ».

Force est dès lors de constater dans son arrêt du 29 août 2018, la Cour administrative a retenu que les comptes annuels de 2011 de la demanderesse sont à qualifier de réguliers en ce qui concerne leur forme, lesdits magistrats ayant encore pris soins de préciser que le directeur n’était pas autorisé à les écarter en raison d’une prétendue irrégularité formelle et l’ont, à travers le renvoi de l’affaire devant celui-ci, chargé de procéder à un examen au fond de la réclamation de la société ....

Or, malgré les conclusions claires de l’arrêt en question, le directeur, dans sa décision litigieuse, a de nouveau rejeté la réclamation de la demanderesse au seul motif que la tenue d’une comptabilité régulière durant l’exercice d’exploitation de 2011 ne serait pas remplie quant à la forme, cette décision ne tenant dès lors pas compte de la conclusion retenue par la Cour administrative quant à la régularité formelle de la comptabilité de la demanderesse en ce qui concerne ledit exercice d’exploitation.

Or, l’autorité de la chose jugée qui s’attache tant au dispositif de l’arrêt précité du 29 août 2018 qu’aux constatations de fait et de droit qui en sont le support nécessaire, interdit au directeur en l’absence de modification de la situation de droit ou de fait, de rejeter à nouveau la réclamation de la demanderesse pour un motif déjà déclaré non fondé par le prédit arrêt.

En l’espèce, la partie étatique entend justifier les conclusions retenues par cette deuxième décision directoriale en affirmant que la comptabilité de la demanderesse en ce qui concerne l’année fiscale 2011 n’aurait pas été conforme aux dispositions du paragraphe 162 AO consacrant le principe de la comptabilisation continue, principe qui impliquerait la comptabilisation chronologique des opérations et ce dans un délai rapproché après leur

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survenance, ainsi que le principe de vérité qui imposerait, quant à lui, l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct, dans la mesure où les fichiers informatiques « ... journal entries 2011 » et « selected Journal entries » transmis aux services fiscaux renseigneraient des dates de création ou de modification allant du 27 novembre 2013 jusqu’au 11 août 2014, de sorte que les informations comptables en question auraient été saisies et comptabilisées environ deux années après les opérations.

Force est toutefois de constater que dans l’arrêt précité du 29 août 2018, la Cour administrative a déjà statué sur la régularité formelle de la comptabilité de la demanderesse au regard du paragraphe 162 AO et a conclu à un suivi par la demanderesse de ses opérations comptables en 2011, tout en retenant et que seule la finalisation des comptes annuels de cette dernière en ce qui concerne l’exercice 2011 n’a pas pu être effectuée en temps utile, la Cour s’étant à cet égard basé sur les différents documents comptables versés en cause par la demanderesse, dont ses comptes de 2011, un extrait du grand livre général et le fichier « Cash Analysis 2011 », documents qui étaient également à disposition de la partie étatique, qui avait, à cette date, la possibilité de prendre position quant à ces mêmes documents, étant encore souligné à cet égard que l’affirmation non autrement circonstanciée du délégué du gouvernement selon laquelle la demanderesse aurait pu verser un document inexact pour obtenir une décision qui lui est favorable est à rejeter pour se trouver à l’état de pure allégation.

Si, la partie étatique estime certes que les conditions du paragraphe 162 AO en ce qui concerne la régularité formelle de la comptabilité de la demanderesse de l’année 2011 ne seraient néanmoins pas remplies alors que le prédit arrêt du 29 août 2018 aurait été rendu sur base de pièces interprétées de façon erronée par la Cour administrative, il y a lieu de souligner qu’une telle éventuelle interprétation erronée de la Cour administrative des documents comptables de la demanderesse, même à la supposer établie, quod non, ne saurait permettre au directeur d’ignorer l’autorité de la chose jugée attachée audit arrêt et de prendre une décision manifestement contraire aux conclusions retenues par ladite juridiction, à savoir que la comptabilité de la demanderesse n’est pas entachée d’une irrégularité formelle.

En effet, une décision judiciaire passée en force de chose jugée, tel que l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018, est censée être l’expression de la vérité pour ce qui est de la constatation des faits et du droit pour ce qui est de la rectitude des dispositions qu’elle contient et du fondement juridique de ces dispositions. Dès lors, la décision passée en force de chose jugée est indiscutable, tant pour les faits constatés que pour la teneur juridique, de sorte que les parties ne pourront plus remettre en cause ce qui a été définitivement jugé. La règle de l’autorité de la chose jugée a la nature d’une présomption irréfragable de vérité et de rectitude juridique attachée à la décision judiciaire définitive, présomption qui est fondée sur les besoins de la paix sociale et de la sécurité juridique, lesquels exigent que les litiges aient un terme et que les affaires une fois tranchées, ne puissent être indéfiniment rouvertes1.

Au vu de ces considérations et dans la mesure où la partie étatique se contente de reprocher aux magistrats de la Cour administrative d’avoir interprété les documents comptables de la demanderesse pour l’année 2011 de façon erronée, sans pour autant conclure à une modification de la situation de droit ou de fait telle qu’elle s’est présentée au moment où la Cour a statué, il y a lieu de conclure que le directeur n’était plus fondé à rejeter la réclamation de la société ... en arguant d’une irrégularité formelle de la comptabilité de

1 Voir en ce sens Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, page 384.

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2011 de cette dernière, mais aurait dû, tel que retenu par la Cour administrative, procéder à un examen au fond de ladite réclamation, ce qu’il a toutefois omis de faire.

Au vu de ce qui précède, le directeur, en prenant la décision litigieuse, a méconnu l’autorité de la chose jugée de l’arrêt, précité, du 29 août 2018.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il n’y ait besoin d’examiner les autres moyens de la demanderesse que le recours en réformation sous analyse est fondé et que la décision directoriale litigieuse est à réformer en ce sens que c’est à tort qu’elle a retenu que la condition d’une comptabilité régulière ne serait pas remplie quant à la forme en ce qui concerne l’année d’imposition 2011.

Quant à l’indemnité de procédure de 4.000,- euros réclamée par la demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives en vertu duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine », celle-ci fait, à juste titre, valoir qu’il serait injuste de laisser à sa charge les frais et les honoraires de leur avocat eu égard au refus ministériel de se conformer à l’arrêt de la Cour administrative du 29 août 2018, la forçant d’introduire un énième recours afin de voir sa réclamation examinée quant au fond.

Le tribunal accorde dès lors à la demanderesse une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 précitée qu’il évalue ex aequo et bono au montant de 1.000,- euros.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ; reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, réforme la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 22 avril 2019 en ce sens que c’est à tort qu’elle a retenu que la condition de la tenue d'une comptabilité régulière n'est pas remplie durant l'exercice 2011 au cours duquel la perte revendiquée par la société à responsabilité limitée ... est survenue au motif tiré de l’irrégularité formelle des comptes annuels de l’exercice 2011 ;

dit qu’il n’y a pas lieu d’analyser le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ; condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à régler à la société à responsabilité limitée ... le montant de 1.000,- euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

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Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Géraldine Anelli, juge,

Marc Frantz, juge,

en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 février 2021 Le greffier du tribunal administratif

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