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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre e chambre Audience publique du 5 février 2021

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Texte intégral

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Tribunal administratif N° 42156 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 décembre 2018 4e chambre

Audience publique du 5 février 2021 Recours formé par

l’association sans but lucratif

« ... », a.s.b.l., … et consorts

contre le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 portant règlementation de la profession d’ostéopathe et déterminant :

1) les études en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe ; 2) les modalités de reconnaissance des diplômes étrangers ; 3) l’exercice et les attributions de la profession d’ostéopathe

en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire

__________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42156 du rôle et déposée le 24 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître François Prüm, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) l’association sans but lucratif « ... », a.s.b.l., en abrégé « ... », établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le n° F …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction ;

2) Monsieur ..., ostéopathe D.O., demeurant à L-… ; 3) Monsieur ..., ostéopathe D.O., demeurant à L-…,

tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 portant règlementation de la profession d’ostéopathe et déterminant :

1) les études en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe ; 2) les modalités de reconnaissance des diplômes étrangers ; 3) l’exercice et les attributions de la profession d’ostéopathe ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 mars 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2019 par Maître François Prüm, pour compte de ses mandants ;

Vu l’ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif du 8 mai 2019 par laquelle le délai en vue du dépôt du mémoire en duplique a été fixé au vendredi 24 mai 2019 à 17.00 heures ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 mai 2019 par Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

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Vu l’ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif du 4 juin 2019 par laquelle les parties ont été autorisées à déposer des mémoires supplémentaires à la suite d’une demande afférente présentée par Maître François Prüm ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 juillet 2019 par Maître François Prüm pour compte de ses mandants ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 septembre 2019 par Maître Patrick Kinsch pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal attaqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître François Türk, en remplacement de Maître François Prüm, et Maître Patrick Kinsch en leurs plaidoiries respectives.

___________________________________________________________________________

En date du 23 septembre 2018 fut pris un règlement grand-ducal portant règlementation de la profession d’ostéopathe et déterminant :

1) les études en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe ; 2) les modalités de reconnaissance des diplômes étrangers ;

3) l’exercice et les attributions de la profession d’ostéopathe, dénommé ci-après le « règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 ». Ce règlement grand-ducal fut publié au Mémorial n° 873 du 27 septembre 2018.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 décembre 2018, l’association sans but lucratif « ... », a.s.b.l., dénommée ci-après « ... », Monsieur ... et Monsieur ... ont fait introduire un recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours sous examen pour défaut d’intérêt à agir, au motif, premièrement, que Monsieur ...

et Monsieur ... auraient obtenu une reconnaissance directe de leurs qualifications professionnelles, « aboutissant de plein droit à une autorisation d’exercer l’ostéopathie sur base de l’article 1er du règlement grand-ducal [du 23 septembre 2018] » et, deuxièmement, que l’... ne saurait procurer, en cas d’annulation de l’acte réglementaire en question, un quelconque avantage à ses membres, du fait que ladite sanction entraînerait une absence de réglementation de la profession d’ostéopathe, partant un vide juridique jusqu’à ce qu’une refonte globale de la loi modifiée du 26 mars 1992 relative à certaines professions de santé, dénommée ci-après « la loi du 26 mars 1992 », ait abouti. Il s’ensuivrait qu’en cas d’annulation du règlement grand-ducal sous examen, les autorisations d’exercer d’ores et déjà délivrées sur base de l’acte réglementaire en question manqueraient de fondement juridique.

La partie défenderesse indique encore dans ce contexte que 47 des 62 dossiers de demandes d’autorisation d’exercer la profession d’ostéopathe déposés par les membres de l’... auraient d’ores et déjà, à la date dudit mémoire en réponse, obtenu une reconnaissance directe de leurs qualifications professionnelles. Enfin, le délégué du gouvernement estime que l’annulation de l’acte réglementaire visé aurait les mêmes conséquences préjudiciables sur la situation des titulaires d’une autorisation d’exercer la profession d’ostéopathie, qui ne feraient pas partie du présent litige, en indiquant que ceux-ci seraient majoritaires par rapport aux membres de l’...,

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du fait qu’au 19 mars 2019, 154 demandes d’autorisation d’exercer la profession d’ostéopathie auraient été introduites auprès du ministère de la Santé dont seuls 62 dossiers proviendraient de membres de l’....

Au vu des développements qui précèdent, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, en sollicitant un jugement avant dire droit, sans prendre position par rapport au fond de l’affaire, au motif qu’il n’aurait été informé qu’à « très brève échéance » avant l’expiration du délai de dépôt de son mémoire en réponse du fait que les parties demanderesses souhaitaient maintenir leur recours sous examen, en se réservant toutefois le droit « de conclure quant au fond ultérieurement ».

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs notent « avec une certaine irritation » l’argumentation de la partie gouvernementale tendant à voir conclure à l’irrecevabilité de leur requête, en estimant tout d’abord que le fait de conclure uniquement sur la recevabilité d’un recours en se réservant le droit de conclure ultérieurement quant au fond ne serait pas prévu par la loi, de sorte qu’il y aurait lieu de rejeter une telle demande « purement et simplement », d’autant plus que ce comportement gouvernemental les priverait de facto du droit de répliquer quant au fond de l’argumentation gouvernementale.

Les demandeurs contestent encore l’argumentation gouvernementale tendant à voir déclarer leur recours irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, en soutenant que seuls 47 des 62 dossiers introduits par les membres de l’... auraient eu « un dénouement positif » suivant les affirmations gouvernementales, de sorte que cela voudrait dire que 15 dossiers seraient toujours en cours de traitement, et il ne saurait être garanti, au stade de leur mémoire en réplique, que ces dossiers puissent avoir une suite favorable, de sorte que l’intérêt à agir de l’... serait toujours donné.

En outre, les demandeurs soutiennent qu’alors même que certains des membres de l’...

auraient d’ores et déjà obtenu satisfaction quant à l’article 9 du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, il n’en demeurerait pas moins que toute une série d’arguments invoqués par eux dans le cadre de leur recours sous examen, n’auraient pas obtenu satisfaction, du fait que sur ces points, le règlement grand-ducal en question n’aurait été ni abrogé ni modifié. Il en serait ainsi de leur premier moyen tiré d’une contrariété du règlement grand-ducal litigieux à la Constitution. Il en serait d’ailleurs de même de la formation continue annuelle fixée à 40 heures qui serait contestée dans leur argumentation quant au fond de leur recours.

Les demandeurs estiment encore que le raisonnement gouvernemental relèverait « de l’absurde », alors qu’il aboutirait à voir retenir qu’il aurait mieux valu que les 62 membres de l’... n’auraient pas fait les démarches procédurales appropriées en vue de la reconnaissance directe de leurs qualifications professionnelles dans le but de garder un intérêt à agir dans le cadre de la présente procédure. Or, une telle manière de procéder serait « totalement inimaginable », du fait qu’elle aboutirait à voir contraindre des personnes à se livrer à des actes contraires à la loi ou au règlement grand-ducal qui, quant à lui, leur permettrait d’exercer leur profession en toute légalité.

Les demandeurs contestent par ailleurs formellement l’argumentation gouvernementale suivant laquelle, en cas d’annulation du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, les personnes exerçant la profession d’ostéopathie seraient dépourvues d’une règlementation de la profession, de sorte qu’il se créerait un vide juridique, en estimant qu’une annulation éventuelle du règlement grand-ducal sous examen ne porterait aucun

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préjudice aux intérêts de l’..., alors qu’au contraire, ses membres seraient, dans une telle hypothèse, défaits d’une règlementation « lacunaire et impossible à respecter ». En outre, au cas où le tribunal de céans devait procéder à l’annulation du règlement grand-ducal litigieux, la situation ayant existé avant ledit règlement grand-ducal serait à nouveau rétablie, de sorte que les ostéopathes seraient libres d’exercer leur métier « sans contraintes excessives », tel que cela aurait été le cas avant la mise en vigueur du règlement grand-ducal litigieux. Il en serait d’ailleurs de même des personnes qui ne seraient pas membres de l’..., du fait que l’annulation du règlement grand-ducal litigieux pourrait également leur bénéficier, du fait que celui-ci leur porterait également préjudice, de sorte qu’en cas d’annulation de ce dernier, ils pourraient à nouveau exercer leur profession « comme avant ».

En conclusion à leur argumentation basée sur la recevabilité du recours sous examen, et au vu du comportement procédural adopté par la partie défenderesse, les demandeurs estiment qu’au cas où le tribunal de céans devait seulement statuer sur la question de la recevabilité du recours sous examen, il devrait autoriser par la suite la production de mémoires supplémentaires, afin d’obliger ainsi le gouvernement à prendre position par rapport au fond de leur recours, et ceci afin de ne pas violer leurs droits de la défense.

Dans son mémoire en duplique, et à part le fait de retenir qu’il n’existe aucune disposition légale empêchant la partie défenderesse à ne conclure que quant à la recevabilité d’un recours, le litismandataire de celle-ci, nouvellement mandaté par le gouvernement pour la défense de ses intérêts, en remplacement du délégué du gouvernement, ne prend plus position par rapport aux questions de recevabilité, et plus particulièrement par rapport à l’argumentation développée par les demandeurs dans leur mémoire en réplique, la partie défenderesse se bornant à ne prendre position que quant au fond du recours sous examen, en étant d’ores et déjà d’accord à ce que les demandeurs puissent produire un mémoire supplémentaire afin d’y réagir, au vu du comportement initialement adopté par elle.

En ce qui concerne tout d’abord le fait que, dans une première phase, la partie défenderesse se soit limitée à ne prendre position que quant à la recevabilité du recours sous examen, il échet de constater que, comme l’a relevé à bon droit la partie gouvernementale dans son mémoire en duplique, il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire interdisant à une partie à une instance devant les juridictions administratives à ne prendre position que quant à la recevabilité d’un recours contentieux, voire de nature à obliger une telle partie à prendre obligatoirement position quant au fond du litige. Ceci étant relevé, il n’en demeure pas moins qu’un tel comportement, surtout de la part du gouvernement, est assez étonnant, alors qu’il exprime ainsi, implicitement mais nécessairement, l’opinion suivant laquelle il ne souhaite pas prendre position par rapport à l’argumentation exposée quant au fond du litige, en se rapportant ainsi à prudence de justice à cet égard. Un tel comportement pourrait à la limite être interprété comme marquant son accord avec l’argumentation développée quant au fond, d’ailleurs peu importe les raisons qui ont pu amener la partie gouvernementale à estimer ne pas avoir eu le temps nécessaire afin de préparer le litige au fond.

Ce comportement gouvernemental est cependant de nature à bouleverser les règles procédurales prévues à peine de forclusion par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », du fait qu’au cas où, comme en l’espèce, la partie gouvernementale ne prend position quant au fond du litige que dans son mémoire en duplique, il oblige ainsi la juridiction à autoriser des mémoires supplémentaires, afin d’assurer ainsi les droits de la

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défense de la partie adverse. Or, un tel comportement ne saurait être accepté de la part du tribunal de céans d’une manière générale, alors qu’il va à l’encontre de la ratio legis se trouvant à la base de la loi du 21 juin 1999, et ceci au-delà du fait que, comme en l’espèce, le président de la présente chambre a autorisé exceptionnellement la production de mémoires supplémentaires afin de protéger les droits des demandeurs.

Il échet partant de conclure de l’ensemble de ces développements que dans le cadre du présent litige, aucune conséquence ne saurait être tirée du comportement ainsi adopté par la partie gouvernementale.

En ce qui concerne l’argumentation développée par le délégué du gouvernement tendant à voir retenir l’irrecevabilité du recours sous examen, pour défaut d’intérêt à agir des demandeurs, il échet tout d’abord de rappeler que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit de l’administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif1. Le juge doit vérifier, eu égard à l’intérêt mis en avant par un demandeur, si l’acte déféré est susceptible d’avoir une incidence sur la situation de celui-ci : c’est au regard de l’incidence concrète de la décision sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce dernier devant le juge de l’annulation doit être apprécié. En effet, le demandeur ne pourra être regardé comme ayant intérêt à agir que si l’acte entraîne à son égard les conséquences fâcheuses constituant le grief mis en avant2.

En outre, en matière de recours dirigés contre des actes administratifs à caractère réglementaire, le législateur luxembourgeois n’a pas prévu dans le chef des juridictions de l’ordre administratif un recours en annulation ouvert directement contre toute disposition à caractère réglementaire, mais a limité le recours direct en annulation à l’encontre d’un acte administratif à caractère réglementaire aux seuls actes de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes dont ils affectent immédiatement la situation sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution3.

Il importe donc de vérifier, dans le cadre de la présente instance, si l’acte à caractère réglementaire attaqué, à savoir le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, est de nature à porter préjudice à titre individuel à l’un ou à l’autre des trois demandeurs.

Ainsi, en ce qui concerne tout d’abord la question de l’intérêt à agir des demandeurs, il échet tout d’abord de relever qu’à la suite des explications fournies par le délégué du gouvernement, les demandeurs n’ont plus contesté que Monsieur ... et Monsieur ... avaient pu avoir gain de cause quant à la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles en vue de l’exercice de la profession d’ostéopathe, de sorte que même à supposer qu’ils aient pu disposer d’un intérêt à agir au moment de l’introduction du présent recours, en ce que le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 aurait pu avoir pour conséquence dans leur chef,

1 Cour adm. 14 juillet 2009, n°s 23857C du rôle et 23871C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées

2 trib. adm. 1er mars 2017, n° 37216 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 2 et l’autre référence y citée.

3 trib. adm. 16 février 2000, n° 11491 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 2 et les autres références y citées

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la non-reconnaissance de leur profession d’ostéopathe, cet intérêt à agir quant à cet aspect de leur recours a disparu en cours d’instance.

S’il est donc vrai qu’à cet égard, Messieurs ... et ... n’ont pas intérêt à agir contre le règlement grand-ducal sous examen sous cet aspect, du fait qu’il n’est pas contesté en cause que leurs qualifications professionnelles en vue de l’exercice de la profession d’ostéopathe ont d’ores et déjà été reconnues par les autorités publiques, il n’en demeure pas moins qu’à l’appui de leur recours, ils critiquent également notamment la disposition réglementaire portant sur la formation continue à laquelle ils seraient soumis et qu’ils estiment être illégale, voire anticonstitutionnelle. Il suit partant de ce constat, et au vu des moyens présentés par Messieurs ... et ..., qu’au moins à cet égard, ils gardent un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance, du fait que même en leur qualité d’ostéopathes reconnus par le ministre de la Santé, ils sont soumis à l’obligation de formation continue qui pourrait être de nature à leur porter un préjudice.

Le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef de Messieurs … et ... est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne l’intérêt à agir de l’..., il échet de rejeter l’argumentation gouvernementale y afférente, en suivant le raisonnement adopté par les demandeurs, suivant lequel le seul fait que 47 des 62 dossiers introduits par les membres de l’... auprès des autorités compétentes auraient eu une réponse favorable dans le cadre de la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles d’ostéopathe, ne saurait enlever à l’... son intérêt à agir pour ses autres membres, étant relevé que de même que pour Messieurs ... et ..., l’... a de toute façon intérêt à agir afin de voir vérifier la légalité, voire la constitutionnalité de l’obligation de formation continue imposée à ses membres. A cet égard, il échet de rappeler l’objet social de l’... qui porte notamment pour but la défense des « intérêts communs des ostéopathes dans l’exercice de leur profession, d’assurer leur représentation et de veiller au respect de la profession, d’observer et de faire respecter les critères de compétence obtenue par une formation valable, d’œuvrer pour l’étude et la reconnaissance officielle de l’ostéopathie et la fixation d’un statut des ostéopathes, de représenter ses membres auprès des autorités publiques, administratives ou universitaires dans les domaines où les intérêts de la profession sont concernés, d’assister ses membres dans la défense de leurs intérêts pour autant que ceux-ci se soient conformés à la déontologie et à l’éthique professionnelle (…) ». La présente instance contentieuse introduite également par l’... rentre partant parfaitement dans l’objet social fixé par ses statuts.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, l’... dispose également d’un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance, malgré le fait que certains de ses membres aient pu se voir reconnaître officiellement pour exercer la profession d’ostéopathe sur base du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, de sorte que le moyen y afférent présenté par la partie gouvernementale est à rejeter pour ne pas être fondé.

Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été soulevé en cause, le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, et à la suite du mémoire en duplique gouvernemental, les demandeurs demandent acte qu’ils renoncent à leur premier moyen tiré de l’inapplicabilité du règlement

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grand-ducal du 23 septembre 2018 au regard de l’article 95 de la Constitution, de sorte qu’il échet de leur en donner acte.

Tout en se référant à l’avis du Conseil d’Etat émis en date du 10 juillet 2018 au sujet du projet de règlement grand-ducal sous examen (n° CE : 52.655), les demandeurs estiment en premier lieu que le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 ne disposerait pas d’une base légale habilitante suffisamment précise, de sorte que le Grand-Duc n’aurait pas été habilité à prendre le règlement grand-ducal litigieux. Les demandeurs estiment partant qu’il y aurait en l’espèce une violation de l’article 32, paragraphe 3 de la Constitution, en considération de ce que la protection de la santé relèverait des matières réservées à la loi par la Constitution, et ce, en application de l’article 11, paragraphe (5) de la Constitution. Il en serait d’ailleurs de même de l’exercice d’une profession libérale qui, en application de l’article 11, paragraphe (6) de la Constitution relèverait également des matières réservées à la loi formelle.

Ainsi, les demandeurs estiment que la disposition légale en application de laquelle aurait été pris le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, à savoir l’article 7 de la loi du 26 mars 1992, en n’arrêtant pas les principes et les points essentiels de la profession d’ostéopathe, et en n’assignant pas un but précis à la réglementation, ne serait pas de nature à constituer une base légale habilitante valable pour la prise du règlement grand-ducal sous examen qui n’aurait pu avoir pour objet que de prévoir la « mise en œuvre du détail » en application des principes retenus par la loi. Or, il serait indubitable que le règlement grand- ducal du 23 septembre 2018 règlerait des pans entiers de la profession d’ostéopathe, en organisant et en définissant la profession en question, en déterminant ses missions, en indiquant les conditions et les modalités à remplir en vue de l’exercice de la profession en question et porter le titre professionnel afférent, en lui assignant son domaine d’intervention et en fixant l’obligation d’une formation continue.

Pour le cas où le tribunal l’estimerait nécessaire, les demandeurs le prient de soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions combinées des articles 1er et 7 de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé sont-elles conformes aux paragraphes (5) et (6) de l’article 11 et à l’article 32 (3) de la Constitution combinés, sinon pris individuellement ? ».

Les demandeurs soutiennent finalement dans ce contexte que le règlement grand-ducal sous examen dépasserait le cadre légal, du fait à aboutir à l’interdiction d’exercer une profession libérale, à savoir la profession d’ostéopathe, pour un grand nombre de praticiens actuels qui se trouveraient dans l’impossibilité de remplir les conditions telles que prévues à l’article 9 dudit règlement grand-ducal. Il y aurait partant également à cet égard violation de l’article 11, paragraphe (5) de la Constitution.

Dans son mémoire en duplique, la partie défenderesse, nouvellement représentée par un avocat à la Cour, estime qu’il n’appartiendrait pas au tribunal lui-même de décider qu’un texte législatif, à savoir l’article 7 de la loi du 26 mars 1992, est contraire à la Constitution, du fait que cette mission aurait été exclusivement attribuée à la seule Cour constitutionnelle, et ce, en application de l’article 95ter de la Constitution. Ainsi, et au cas où le tribunal de céans aurait un doute à cet égard, ce que le gouvernement estime ne pas pouvoir être le cas, il lui appartiendrait de saisir la Cour constitutionnelle d’une question afférente qui n’aurait, à tort,

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été formulée qu’à titre subsidiaire par les demandeurs. La partie défenderesse estime toutefois qu’il n’y aurait pas lieu de poser une telle question à la Cour constitutionnelle, du fait que celle-ci aurait déjà statué sur une question ayant le même objet et ce, d’autant plus que même les demandeurs reconnaîtraient que la Cour constitutionnelle aurait déjà eu l’occasion de se prononcer « exactement » sur la question préjudicielle proposée, du fait d’avoir rendu en date du 21 novembre 2003 un arrêt inscrit sous le numéro 18/03 à propos d’un recours introduit par une infirmière libérale, recours qui aurait concerné le même article 7 de la loi du 26 mars 1992, actuellement également litigieux. Ainsi, et du fait que la Cour constitutionnelle aurait déjà eu à prendre position par rapport à la question actuellement litigieuse, le mandataire du gouvernement s’oppose à la demande formulée par les demandeurs tendant à soumettre à nouveau la même question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, en rejetant l’argumentation adverse suivant laquelle il y aurait eu une évolution de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui leur serait favorable. Il reconnaît toutefois à cet égard que les textes constitutionnels consacrés aux matières réservées à la loi par la Constitution ne seraient plus ceux qui étaient en vigueur lors du prononcé de l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle en 2003, en estimant toutefois que les textes constitutionnels actuels souhaiteraient maintenir, en réalité, l’état de la jurisprudence constitutionnelle telle qu’elle était en 2003.

Le litismandataire de la partie défenderesse, en examinant les révisions constitutionnelles des 19 novembre 2004 et 18 octobre 2016 portant sur l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution, est d’avis que malgré ces deux révisions constitutionnelles, l’état du droit constitutionnel resterait actuellement le même que celui ayant existé pendant l’année 2003, au cours de laquelle a été prononcé l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 21 novembre 2003, inscrit sous le numéro 18/03 du registre, ayant justement traité des mêmes articles 1er et 7 de la loi du 26 mars 1992 actuellement à nouveau litigieux, cette fois-ci par rapport à la profession d’ostéopathe. Ledit litismandataire estime encore que cette conclusion ne serait pas contredite par la jurisprudence la plus récente de la Cour constitutionnelle, à savoir les arrêts du 2 mars 2018, inscrits respectivement sous les numéros 132 et 133 du registre, qui auraient repris le même critère que celui qui aurait été appliqué lors de l’arrêt précité du 21 novembre 2003, la même distinction y retenue ayant encore été confirmée par un arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 décembre 2018, inscrit sous le numéro 141 du registre.

Au vu de tous ces éléments, la partie défenderesse est d’avis que dans la mesure où le

« texte constitutionnel », à savoir l’article 32 de la Constitution, n’aurait pas « évolué », il y aurait lieu de s’en tenir à l’arrêt précité du 21 novembre 2003, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de ressaisir la Cour constitutionnelle d’une nouvelle question préjudicielle, et ce, d’autant plus, que la loi du 26 mars 1992 contiendrait « l’essentiel de l’encadrement législatif relatif à l’organisation des professions de santé y énumérées ».

En effet, la partie gouvernementale estime que la loi du 26 mars 1992 prévoirait en son article 2, paragraphe 1er les conditions de qualification professionnelle à remplir par une personne intéressée à exercer la profession d’ostéopathe, de sorte que le règlement grand- ducal sous examen pourrait effectivement se limiter à ne fixer que des détails en précisant à son article 1er le type de diplôme devant être soumis au ministre de la Santé en vue de l’exercice de la profession d’ostéopathe.

En ce qui concerne la disposition transitoire figurant à l’article 9 du règlement grand- ducal du 23 septembre 2018, la partie gouvernementale estime que dans la mesure où la loi elle-même ne traiterait pas la question d’une quelconque disposition transitoire, de sorte à ne

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déléguer aucun pouvoir à cet égard au Grand-Duc, elle ne saurait partant être réputée inconstitutionnelle à cet égard.

Enfin, en ce qui concerne la formation continue, le gouvernement estime que la loi fournirait des précisions suffisantes « sur les principes et les points essentiels », en se référant à cet égard aux articles 12, 13 et 14 de la loi du 26 mars 1992, articles par rapport auxquels les demandeurs n’auraient d’ailleurs formulé aucune question préjudicielle à soumettre à la Cour constitutionnelle.

Dans leur mémoire supplémentaire, et quant à la question de savoir s’il y a lieu de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle afin de déterminer si l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 constitue une base légale habilitante valable pour la prise du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, les demandeurs relèvent qu’il ne serait pas « interdit » à une juridiction de ressaisir la Cour constitutionnelle d’une question à laquelle elle aurait déjà répondu, et ceci surtout lorsqu’il y aurait eu une évolution de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle permettant de supposer que celle-ci pourrait être amenée à donner une autre réponse à celle antérieurement exprimée. Cette approche serait d’autant plus plausible du fait qu’elle permettrait une évolution de la jurisprudence, alors que la solution contraire, telle que préconisée par la partie adverse, serait de nature à empêcher tout revirement jurisprudentiel.

Pour le surplus, les demandeurs maintiennent leur position antérieure suivant laquelle l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 n’aurait pas fourni « le cadrage nécessaire », en ne traçant pas « les grands principes » nécessaires en vue de la prise d’un règlement grand-ducal, et ce, au regard de ce que le domaine de la protection de la santé relèverait d’une matière réservée à la loi, de même que celle ayant trait à la profession libérale. Ils soutiennent plus particulièrement à cet égard que la disposition légale en question omettrait de déterminer au moins sommairement le statut, les conditions d’exercice, ainsi que les attributions de la profession d’ostéopathe, partant des éléments essentiels qui devraient nécessairement figurer dans une loi.

Dans son mémoire supplémentaire, la partie gouvernementale conteste le raisonnement des demandeurs suivant lequel, dans une matière réservée à la loi par la Constitution, la disposition légale habilitant le pouvoir réglementaire à intervenir devrait contenir la fixation d’objectifs des mesures d’exécution et, le cas échéant, les conditions auxquelles elles sont soumises.

Au contraire, le litismandataire du gouvernement estime qu’il suffirait, au regard de l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution, de prévoir un « contenu minimal de cadrage d’une matière » dans la loi, en vue d’habiliter le pouvoir réglementaire à réglementer la matière en question en détail. Il admet même qu’il ne serait pas nécessaire que ce cadrage minimal figure dans la disposition légale spécifique habilitant le pouvoir réglementaire, alors qu’il n’existerait aucune prescription constitutionnelle à cet égard. Ainsi, « il serait même possible qu’il figure dans un ensemble d’actes législatifs qui, ensemble, définissent le cadrage minimal nécessaire ». En l’espèce, cette dernière réflexion serait « particulièrement pertinente », alors que la loi du 26 mars 1992, du fait de ne pas contenir elle-même des précisions quant à la reconnaissance des diplômes étrangers à soumettre à l’autorité compétente en vue de l’exercice de la profession d’ostéopathe, renverrait à un autre acte législatif, à savoir à la loi du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ci-après dénommée la « loi du 28 octobre 2016 », de sorte à satisfaire ainsi aux exigences prévues par l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution.

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La partie défenderesse soutient encore dans ledit mémoire supplémentaire que contrairement à l’argumentation développée par les demandeurs, il ne serait pas requis que la loi contienne elle-même « toutes les règles applicables à la profession en question », alors qu’il suffirait qu’il existe une disposition légale particulière de nature à fixer « l’objectif » des mesures d’exécution, impliquant que les règles détaillées de celle-ci pourraient figurer dans le règlement d’exécution.

Force est tout d’abord de relever que le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, sous examen, a été pris sur le fondement de l’article 7 de la loi du 26 mars 1992, qui porte le titre suivant : « statuts et attributions de ces professions », les professions auxquelles il est ainsi fait référence étant celles figurant à l’article 1er de la loi en question, auquel a été rajouté la profession d’« ostéopathe » par la loi du 21 août 2018 portant notamment modification de la loi du 26 mars 1992, l’article 7 en question étant par ailleurs libellé comme suit : « Un règlement grand-ducal détermine le statut, les attributions et les règles de l’exercice de ces professions », partant également de la profession d’ostéopathe, suivant ce qui précède.

Il échet encore de constater que la profession d’ostéopathe relève des professions médicales et qu’elle est par ailleurs exercée ou susceptible d’être exercée sous forme de profession libérale.

Or, en ce qui concerne la protection de la santé, domaine dont font nécessairement parties les professions médicales, y compris les ostéopathes, l’article 11, paragraphe (5), de la Constitution dispose que « La loi règle [ce domaine] quant à ses principes », tel n’étant pas le cas de l’exercice de la profession libérale qui est simplement garanti par le paragraphe (6) du même article 11, seules les restrictions à cette liberté d’exercice de la profession libérale devant être établies par la loi.

Quant à la question de savoir ce qui doit exactement être prévu par la loi dans les matières lui réservées par l’article 11, paragraphe (5) de la Constitution, il échet de se référer à l’article 32, paragraphe (3) de celle-ci, dans sa version telle que se dégageant de la révision constitutionnelle du 18 octobre 2016, partant de la version applicable au jour de la prise du règlement grand-ducal sous examen du 23 septembre 2018, qui dispose comme suit : « Dans les matières réservées à la loi par la Constitution, le Grand-Duc ne peut prendre des règlements et arrêtés qu’en vertu d’une disposition légale particulière qui fixe l’objectif des mesures d’exécution et le cas échéant les conditions auxquelles elles sont soumises ».

Comme la profession d’ostéopathe relève partant du domaine de la protection de la santé, visé à l’article 11, paragraphe (5) de la Constitution, il échet donc de vérifier si le règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, sous examen, se fonde sur une disposition légale conforme à l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution, libellé ci-avant.

Il échet à cet égard de relever, à titre liminaire, que l’objectif du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 est de porter règlementation de la profession d’ostéopathe en déterminant les études permettant d’accéder à l’obtention du diplôme en question, les modalités de reconnaissance de diplômes étrangers, ainsi que les conditions dans lesquelles ladite profession peut être exercée de même que les attributions de celle-ci. Ainsi, déjà à partir du seul titre dudit règlement grand-ducal, force est de constater que l’objectif de celui-ci était de procéder à une règlementation de base globale et exhaustive de la profession d’ostéopathe, aucune indication n’y figurant comme quoi ledit règlement grand-ducal ne ferait que prévoir

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des mesures d’exécution d’une règlementation figurant dans une quelconque disposition légale habilitante.

Force est encore de constater à la lecture dudit règlement grand-ducal que parmi les dispositions législatives visées par celui-ci, figure la loi du 26 mars 1992, et plus particulièrement les articles 1er et 7 de celle-ci, les autres articles ne semblant pas avoir été envisagés par le pouvoir exécutif pour faire fonction de base légale habilitante de celui-ci.

En ce qui concerne le raisonnement de la partie gouvernementale suivant lequel la loi du 28 octobre 2016 serait également susceptible de contenir une base légale habilitante en vue de la prise du règlement grand-ducal litigieux, il échet de constater qu’il est bien vrai que la loi en question figure parmi celles visées au règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, aucune disposition spéciale n’ayant toutefois été invoquée par le litismandataire du gouvernement pour déterminer la disposition de cette loi sur base de laquelle aurait été pris le règlement grand-ducal sous examen, une telle base légale habilitante ne se dégageant pas non plus, de l’avis du tribunal, de la lecture de la loi en question. De toute façon, le champ d’application de cette loi est limité à la « reconnaissance des qualifications professionnelles », dépassant ainsi manifestement l’objet du règlement grand-ducal sous examen, tel qu’énoncé ci-avant.

La seule base légale habilitante qui a partant pu être envisagée valablement par le pouvoir exécutif est celle figurant à l’article 7 de la loi du 26 mars 1992, l’article 1er de cette loi, également visé par le règlement grand-ducal sous examen, ne prévoyant aucune base légale habilitante en vue de la prise d’un règlement grand-ducal tel celui sous examen, le seul règlement grand-ducal visé par ledit article 1er étant celui prévu à l’alinéa 2 dudit article 1er qui ne peut avoir pour objet que la création « d’autres professions » susceptibles d’être créées suivant la procédure plus spécifiquement y prévue.

En fin de compte, la seule question qui se pose est celle de savoir si l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 répond aux prescriptions de l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution.

Or, à partir du libellé particulièrement vague et imprécis dudit article 7, la réponse à cette question est loin d’être évidente, alors que le pouvoir législatif semble s’être déchargé complètement de la détermination de la règlementation portant sur l’exercice de la profession d’ostéopathe sur le pouvoir exécutif, sans fournir à celui-ci la moindre ligne de conduite quant au type de règlementation à élaborer, quant aux conditions à remplir par les personnes intéressées par l’exercice de la profession d’ostéopathe, ainsi que quant aux modalités d’exercice de ladite profession. Il semble donc a priori s’agir d’un blanc-seing accordé au gouvernement afin de mettre en place, à sa guise, une réglementation portant sur l’exercice de la profession d’ostéopathe.

Il se pose donc d’une manière assez manifeste une question de conformité de l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 à l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution. Or, d’après l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci- après dénommée la « loi du 27 juillet 1997 », la juridiction auprès de laquelle est soulevée une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution est « tenue de saisir la Cour Constitutionnelle ».

La même disposition légale prévoit cependant trois hypothèses dans lesquelles une juridiction est dispensée de saisir la Cour constitutionnelle d’une telle question préjudicielle.

Or, comme il vient d’être relevé ci-avant, la question sous débat est loin d’être dénuée de tout

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fondement et elle est nécessaire afin de permettre au tribunal de céans de rendre son jugement, du fait qu’au cas où la base légale habilitante du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018 n’est pas conforme à la Constitution, le règlement grand-ducal devrait encourir l’annulation dans son intégralité et partant disparaître de l’ordonnancement juridique.

La seule question qui est actuellement litigieuse, et qui a été longuement débattue par les parties à l’instance, est celle de savoir si la Cour constitutionnelle « a déjà statué sur une question ayant le même objet ».

A cet égard, les parties à l’instance font état d’un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle en date du 21 novembre 2003, inscrit sous le numéro 18/03 du registre, ayant eu à trancher une question préjudicielle lui posée par un jugement du tribunal administratif du 22 avril 2003 et portant sur la question de savoir si « les dispositions combinées des articles 1er et 7 de la loi [du 26 mars 1992] sont (…) conformes aux paragraphes (5) et (6) de l’article 11 et de l’article 36 de la Constitution combinés, sinon pris individuellement ». A cette occasion, et au sujet d’un litige ayant porté sur l’exercice de la profession d’infirmière et d’aide-soignante, la Cour constitutionnelle avait décidé qu’il n’y avait aucune violation des articles de la Constitution ainsi évoqués.

Ceci étant relevé, il échet encore de retenir, tel que cela a également été débattu par les parties à l’instance, que depuis cet arrêt de la Cour constitutionnelle, deux réformes constitutionnelles portant sur l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution ont eu lieu, à savoir celle du 19 novembre 2004 et celle du 18 octobre 2016, cette dernière ayant retenu la version actuellement en vigueur de la Constitution et surtout celle applicable au jour de la prise du règlement grand-ducal sous examen.

A partir de ces seuls éléments, et sans rentrer dans le détail de l’argumentation développée par le litismandataire de la partie gouvernementale quant à la question de savoir dans quelle mesure ces changements constitutionnels sont de nature à avoir une influence sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de l’année 2003, il échet de retenir, en tout état de cause, que les règles de droit et surtout de droit constitutionnel, sur lesquelles s’est basée la Cour constitutionnelle dans le cadre de son arrêt précité du 21 novembre 2003, ont changé.

Etant donné qu’il n’appartient pas au tribunal administratif de faire des pronostics sur l’évolution ou non de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, il importe donc, au vu des modifications constitutionnelles apportées à l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution, de connaître la position de celle-ci sur la conformité de l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 à ladite disposition constitutionnelle, le cas échéant, en combinaison avec l’article 1er de la même loi et ce, en considération, comme il vient d’être relevé ci-avant, que la protection de la santé constitue une matière réservée par la Constitution à la loi, suivant l’article 11, paragraphe (5) de celle-ci. Le tribunal de céans est partant tenu, en application de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, de saisir la Cour constitutionnelle sur la question lui soumise par les demandeurs, en lui soumettant la question ci-après libellée : « Les dispositions combinées des articles 1er et 7 de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé sont-elles conformes aux paragraphes (5) et (6) de l’article 11 et à l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution combinés, sinon pris individuellement ? », étant entendu que la référence au paragraphe (6) de l’article 11 de la Constitution est justifiée pour le cas où la Cour constitutionnelle estimerait que la réglementation de la profession d’ostéopathe serait de nature à limiter l’exercice d’une profession libérale.

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Le tribunal de céans se trouve d’ailleurs conforté dans sa position de doute quant à la conformité de l’article 7 de la loi du 26 mars 1992 aux dispositions visées ci-avant de la Constitution, au regard de la position adoptée par le Conseil d’Etat dans son avis du 10 juillet 2018, lors duquel celui-ci avait clairement exprimé l’opinion suivant laquelle le règlement grand-ducal en question risquerait d’être jugé non conforme à la Constitution, de sorte à entraîner une éventuelle non-application de celui-ci en vertu de l’article 95 de la Constitution.

Le gouvernement est d’ailleurs parfaitement conscient de cette situation d’insécurité juridique du fait qu’il a lui-même fait état d’un projet « de remédier (…) définitivement aux éventuels problèmes de constitutionnalité autour de l’article 7 de la loi [du 26 mars 1992] », en faisant référence au programme gouvernemental 2018-2023 prévoyant « une refonte globale de la loi en question », en faisant de surcroît état d’une « urgence à agir » qu’il y aurait eu lors de la prise du règlement grand-ducal du 23 septembre 2018, sous examen, le gouvernement admettant ainsi, implicitement mais nécessairement, qu’il n’est pas non plus totalement convaincu de la conformité de la base légale habilitante à la Constitution. L’explication suivant laquelle « le choix du Gouvernement de procéder par voie réglementaire était donc pleinement justifié, compte tenu de cette urgence à agir », en attendant la refonte de la loi du 26 mars 1992, n’étant de toute façon pas susceptible d’excuser, le cas échéant, la prise d’un règlement grand-ducal illégal, voire de justifier le non-respect de la Constitution à cet égard.

Il appartient en effet au gouvernement de s’assurer, lors de la prise d’un règlement grand- ducal, que celui-ci dispose d’une base légale habilitante valable, au risque de créer une situation d’insécurité juridique de nature à nuire à l’ensemble de la profession qu’il entendait ainsi réglementer par voie de règlement grand-ducal.

Au vu de l’ensemble des considérations ci-avant développées, il échet de surseoir à statuer, sans prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés en cause, et de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle figurant au dispositif du présent jugement.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils renoncent à leur moyen tiré de l’article 95 de la Constitution ;

au fond, et avant tout autre progrès en cause, soumet à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions combinées des articles 1er et 7 de la loi modifiée du 26 mars 1992 sur l’exercice et la revalorisation de certaines professions de santé sont-elles conformes aux paragraphes (5) et (6) de l’article 11 et à l’article 32, paragraphe (3) de la Constitution combinés, sinon pris individuellement ? ».

réserve les frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président,

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Olivier Poos, premier juge,

Laura Urbany, attaché de justice délégué,

et lu à l’audience publique du 5 février 2021 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 février 2021 Le greffier du tribunal administratif

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