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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars e chambre Audience publique du 17 décembre 2020

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Tribunal administratif N° 42567 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mars 2019 2e chambre

Audience publique du 17 décembre 2020 Recours formé par

Monsieur ..., …

contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures en matière d’aménagement communal et de développement urbain

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42567 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2019 par Maître Donald VENKATAPEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une « décision implicite de refus résultant du silence gardé par l’Administration à sa demande introduite par courrier du 20 décembre 2018 et adressée à Monsieur François BAUSCH, Ministre du développement durable et des infrastructures, de rétablir la situation des lieux sur la … et le tronçon supérieur de la …, en conformité avec les prescriptions règlementaires applicables » :

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2019 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2019 par Maître Patrick KINSCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2019 par Maître Donald VENKATAPEN au nom de Monsieur ... ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2019 par Maître Patrick KINSCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Donald VENKATAPEN et Maître Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 novembre 2020.

Monsieur ..., propriétaire d’un terrain et d’une maison d’habitation sis à L-..., fit introduire le 9 mai 2018 un recours en annulation auprès du tribunal administratif à l’encontre :

« - la décision du Gouvernement en Conseil du 5 juillet 2013, sans préjudice quant à la date exacte, quant à la variante à réaliser et l’envergure des mesures compensatoires du Projet de Tram au sens de l’article 8 de la Loi de 2009 ;

- la décision du Ministre ayant l’environnement dans ses attributions, sans préjudice quant à la date exacte, précisant les mesures compensatoires du Projet Tram conformément à

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la prédite décision du Gouvernement en Conseil, au sens de l’article 9 de la Loi de 2009 et contre

- la décision du Ministre ayant l’environnement dans ses attributions, sans préjudice quant à la date exacte, précisant les conditions d’aménagement et d’exploitation du Projet de Tram visant l’environnement humain et naturel, au sens de l’article 10 de la Loi de 2009, (…) ».

Le 28 juin 2018, Monsieur ... fit encore saisir le président du tribunal administratif d’une requête tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution des actes administratifs précités, attaqués dans le cadre du recours au fond introduit préalablement le 9 mai 2018. Par ordonnance du 11 juillet 2018, inscrite sous le numéro 41358 du rôle, le président du tribunal administratif rejeta la demande en obtention d’une mesure provisoire.

Par courrier du 18 juillet 2018, Maître Donald VENKATAPEN, avocat à la Cour, mandataire de Monsieur ..., informa le tribunal administratif que sa partie se désistait de son recours au fond inscrit sous le numéro 41127 du rôle.

Par un jugement du 1er octobre 2018, inscrit sous le numéro 41127, le tribunal administratif donna acte à Monsieur ... qu’il se désistait de l’instance au fond introduite en date du 9 mai 2018, déclara le désistement d’instance régulier et valable et constata la déchéance du recours au sens de l’article 25 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».

Le 24 septembre 2018, Monsieur ... s’adressa par courrier au ministre du Développement durable et des Infrastructures, désigné ci-après par « le ministre », « au sujet de la réorganisation du réseau des autobus à compter du mois de septembre 2018 ». Monsieur ... sollicita par ledit courrier la communication de la décision ministérielle à la base de la modification du réseau des transports publics, prévoyant notamment le terminus de plusieurs lignes d’autobus régionaux sur le tronçon supérieur de la ... à .... Il sollicita encore « tout avis, tout plan de déplacement et étude préalable, relatif notamment à la protection de l’environnement et de la qualité de vie des riverains des voies publiques » se trouvant à la base de la décision de réorganiser le réseau des autobus.

Le 12 octobre 2018, le ministre répondit par courrier à Monsieur ... dans les termes suivants :

« La stratégie globale pour une mobilité durable - pour les résidents et les frontaliers, appelée

« MoDu » a été approuvée le 17 février 2012 par le Conseil de Gouvernement et publiée le 19 avril 2012.

Elle prévoit la mise en place d'un tram léger dans la Ville de Luxembourg qui permettra de relier le Centre-Ville aux gares périphériques de Cessange et de Howald, à la Gare centrale ainsi qu'au plateau de Kirchberg. Le tram constitue donc un maillon essentiel de cette stratégie. Le tram sera l'artère principale dans le concept de la chaîne de mobilité, introduit par la stratégie « MoDu », pour relier les différents pôles de développement de la Ville de Luxembourg : il permettra de désengorger le goulot d'étranglement dans les transports en commun sur l'axe central de la Ville de Luxembourg tout en répondant à l'accroissement des flux de voyageurs vers et dans la Ville à moyen et à long terme.

La motion, adoptée le 14 juin 2012 par la Chambre des Députés dispose que « le tram constitue un maillon essentiel de la stratégie globale pour une mobilité durable - pour les résidents et les frontaliers, appelée MoDu ». Depuis, une mise à jour de la stratégie pour une mobilité durable a vu le jour sous le nom de « MoDu 2.0 ».

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D'un point de vue procédural, cette actualisation a été approuvée par le Conseil de Gouvernement en date du 23 mai 2018. Le Ministère du Développement durable et des Infrastructures, la Ville de Luxembourg, la Régie Générale des Transports Public et les Ponts et Chaussées se sont chargés de sa mise en œuvre.

La restructuration des réseaux d'autobus existants n'a pas requis la construction de nouvelles routes. De simples aménagements de la voie publique étaient nécessaires, aménagements non soumis à autorisation de construire dans la mesure où le règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg ne prévoit pas de dispositions à ce sujet.

Pour ce qui est des incidences sur l'environnement de ce projet de réorganisation des itinéraires des réseaux de transport public, les dispositions de droit international et droit européen ne prévoient pas qu'il doit faire l'objet d'une évaluation ou consultation du public. Quant à la législation nationale, elle n'imposait également pas de procéder à une étude ou consultation formelle du public ou préalablement à la restructuration des réseaux d'autobus.

S'agissant de sa publication, la stratégie de mobilité durable Modu 2.0 a été présentée au grand public par le Ministre du Développement durable et des Infrastructures en date du 29 mai 2018.

Si les principes fondamentaux de la stratégie MoDu de 2012 restent de vigueur (la multimodalité et le renforcement des transports en commun et des modes actifs), Modu 2.0 met en évidence les progrès faits depuis 2012, fournit des chiffres actuels, fixe des objectifs pour l'horizon 2025, intègre les progrès technologiques récents, assure la cohérence avec de nouvelles stratégies globales et nationales (accord de Paris sur le Climat, Troisième Révolution Industrielle), étoffe la stratégie d'une boîte à outils de la mobilité et s'adresse plus explicitement aux quatre acteurs de la mobilité que sont les citoyens, les communes, les employeurs et l'État.

En ce qui concerne les pôles d'échanges et le réseau bus, Modu 2.0 énonce à la page 70 que

« Le tram et les pôles d'échange - Au fur et à mesure que le chantier de la ligne 1 progressera, de nouveaux pôles d'échange deviendront opérationnels, ce qui entraînera chaque fois une adaptation du réseau bus ».

Dans ce contexte d'adaptation et de réorganisation de réseaux de bus nationaux et locaux, et suite à la mise en service du tram jusqu'à la place de l'Étoile, les réseaux de bus AVL et RGTR ont été adaptés afin de tenir compte de la nouvelle desserte tram jusqu'à la place de l'Étoile qui est opérationnelle depuis fin juillet 2018. Ceci permettra d'éviter des circulations de bus inutiles, surtout aux endroits ou le tram circule déjà. Notons encore que l'arrêt aménagé dans le tronçon supérieur de la ... constitue un simple arrêt de bus.

De plus cette réorganisation des réseaux bus tient compte de la poursuite du chantier tram entre la place de l'Étoile et la gare Centrale afin de permettre d'une part de réduire à un minimum la durée du chantier et d'autre part d'éviter les effets négatifs sur la circulation des bus, le tout dans une optimisation de la qualité de vie des habitants et du service offert aux voyageurs.

D'autre part, il y a lieu de noter que le Gouvernement entend électrifier progressivement tout le réseau bus afin de disposer d'un réseau bus exclusivement électrique en 2030.

Ainsi, après la mise en service de bus hybrides il y a quelques années, l'État remplacera au fur et à mesure son parc bus par des bus à 100% électriques. D'ailleurs, la ligne 215 desservant la place de l'Étoile sera électrifiée à partir de janvier 2019.

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Tous ces éléments (la mise en service du tram, la réorganisation des bus ainsi que leur électrification) permettront de réduire progressivement et considérablement les nuisances engendrées par la circulation des bus au Luxembourg. Leur mise en œuvre aura donc des effets positifs sur l'environnement.

En annexe, j'ai l'honneur de vous transmettre la version française de la brochure du projet Modu 2.0. Une version électronique (.pdf) est accessible sur le site Internet du Ministère du Développement durable et des Infrastructures. (…) ».

Par courrier du 20 décembre 2018, Monsieur ... s’adressa de nouveau au ministre. Ledit courrier est de la teneur suivante :

« Je reviens à votre courrier du 12 octobre 2018 relatif à la réorganisation des réseaux d'autobus nationaux et locaux, qui a donné lieu à des aménagements importants sur le tronçon supérieur de la … à ..., affectant durablement la qualité de vie des résidents du quartier.

Comme c'est souvent le cas, l'étendue des explications données nuit à la profondeur et l'essentiel des problèmes reste.

En effet, depuis le 5 novembre 2018, vous avez mis en service le réseau des autobus AVL et RGTR qui défilent à longueur de journée sur le tronçon supérieur de la ... créant un grand nombre d'inconvénients pour les résidents, notamment:

- l'encombrement aux heures de pointe de la chaussée et chaos circulatoire par un trafic calamiteux dû à la multitude d'autobus en stationnement, se garant, se dépassant et partant, empêchant toute circulation normale en raison de l'étroitesse de la partie centrale de la chaussée ;

- l'empêchement de charger et de décharger pour les commerçants ;

- des difficultés d'accès et de sortie du garage du requérant et de l'immeuble à appartements, ... ;

- la pollution atmosphérique par les moteurs en marche permanente pour le chauffage en hiver et le conditionnement d'air en été; et

- la suppression de l'éclairage public du côté des maisons pour éclairer les quais de la gare routière sans aucune utilité la nuit à défaut de circulation etc.

Cette mise en service ensemble avec l'aménagement des quais de la gare autobus violent le plan d'aménagement particulier de la …, îlots … et …, tel que voté par le conseil communal le 16 juillet 2010 et approuvé pour compte du gouvernement par le Ministre de l'intérieur de l'époque, le 23 novembre 2010 (ci-après le « PAP »). Il lie le gouvernement actuel à défaut de modifications à ce jour.

Prévoyant déjà le tracé du tram, il prévoit également les arrêts d'autobus y attachés en les déplaçant de ... vers les deux côtés de la ... tout en laissant sa nature de quartier résidentiel à la partie supérieure de la ... notamment par l'implantation d'une demi-douzaine d'arbres en lieu et place des quais d'autobus.

Force est de constater que vos aménagements empiètent également sur la place publique prévue comme zone piétonne pour l'accès au tram. En effet, la ruelle additionnelle joignant la ... à la ... n'était pas prévue par le PAP et elle coupe désormais ladite zone piétonne.

Ces aménagements contraires au PAP et la mise en service de la gare routière dans la partie supérieure de la ... constituent par conséquent un abus de pouvoir complété par une profonde

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méconnaissance du dossier lorsque vous parlez d'un simple arrêt de bus en ignorant que vos services ont aménagé une gare d'autobus avec deux quais d'embarquement de débarquement et d'arrêt avec abris.

Par ailleurs, c'est encore à tort que vous affirmez que la restructuration des réseaux d'autobus n'a pas nécessité de construction de nouvelles routes mais seulement de simples aménagements de la voie publique, non soumis à autorisation de bâtir.

En effet, l'article 57.1. du Règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg prévoit expressément que tout aménagement des espaces libres est soumis à autorisation de bâtir.

La rue additionnelle joignant la partie supérieure de la ... à la ..., destinée aux bus selon vos propres plans, traverse une place publique telle qu'indiquée dans le PAP et dans la mesure où une telle place publique est un espace libre, il était nécessaire d'obtenir une autorisation de la Ville de Luxembourg avant d'aménager les lieux et ce contrairement à vos affirmations.

Si une telle autorisation avait été demandée, les services compétents de la Ville de Luxembourg se seraient aperçus des diverses non-conformités du projet de réorganisation du réseau d'autobus sur le tronçon supérieur de la ... avec les prescriptions contraignantes du PAP et n'auraient pu délivrer une telle autorisation en l'absence de modification du PAP.

De plus, selon vos plans et les panneaux de signalisation, la route nationale « N12 » n'emprunte pas le tronçon supérieur de la ... mais a été déviée vers la ....

Par conséquent, le tronçon supérieur de la ... a cessé d'être une route nationale et doit être qualifiée de rue communale tout aménagement de cette voie nécessitant l'autorisation de la Ville de Luxembourg.

Je vous prie donc de rétablir l'état des lieux en conformité avec le PAP actuellement en vigueur en supprimant le passage et le stationnement des autobus dans le tronçon supérieur de la ...

tout en rétablissant la zone piétonne pour l'accès au tram en conformité avec le PAP.

Je vous remercie de me faire part de vote décision à brève échéance et en attendant je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'expression de ma parfaite considération. (…) ».

Le 27 mars 2019, Monsieur ... fit introduire un recours au greffe du tribunal administratif, inscrit sous le numéro 4257 du rôle, et tendant à l’annulation de la « décision implicite de refus résultant du silence gardé par l’Administration à sa demande introduite par courrier du 20 décembre 2018 et adressée à Monsieur François BAUSCH, Ministre du développement durable et des infrastructures, de rétablir la situation des lieux sur la Place de l’Etoile et le tronçon supérieur de la ..., en conformité avec les prescriptions règlementaires applicables » .

La partie étatique conclut à l’irrecevabilité du recours à un double titre. Elle soulève d’abord l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur en argumentant que la situation en termes de circulation d’autobus dans la partie supérieure de la ... près du domicile de Monsieur ... serait actuellement de nouveau celle ayant existé avant la fermeture temporaire de ce tronçon de rue en 2016 en raison du chantier en vue de l’installation du tram. Jusqu’en 2016, 25 bus environ seraient passés aux heures de pointe dans le tronçon de rue en question, alors que désormais, après la réouverture de la rue, il ne s’agirait plus que de 22 ou 23 bus. En ce qui concerne la question du trafic d’autobus, la situation ne serait partant pas différente de celle ayant existé dans le passé.

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En ce qui concerne l’installation de deux arrêts de bus devant le domicile de Monsieur ..., la partie étatique fait valoir qu’il s’agirait d’une situation n’excédant pas, de par les nuisances qu’elle générerait les nuisances normales d’une vie en société dans un milieu urbain.

Le demandeur conclut à la recevabilité de son recours et affirme avoir un intérêt à agir. Il explique qu’indépendamment des nuisances provenant de la pollution, du bruit et du trafic crées par la nouvelle situation son intérêt à agir résulterait de la difficulté d’accès et de sortie de son garage du fait du stationnement d’autobus en face de ladite sortie. De plus, la circulation des bus aux heures de pointe et leur stationnement en deuxième file, respectivement en longue file rendraient l’accès à sa propriété par moments impossible. A l’appui de ses explications, le demandeur verse des procès- verbaux de constat d’un huissier de justice en cause, destinés à démontrer les « nuisances majeures » subies par les riverains et particulièrement lui-même et causées par le stationnement des autobus à divers moments de la journée et non seulement aux heures de pointe. Il explique encore que ce ne serait pas seulement le passage, mais encore le stationnement des autobus qui créerait problème.

La partie étatique conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour ne pas avoir respecté le délai de recours contentieux. Elle explique que le recours du demandeur serait dirigé contre une décision implicite de rejet du ministre dont le ressort aurait entretemps été attribué au ministre de la Mobilité et des Travaux publics. Cette décision implicite de refus serait intervenue suite à l’absence de réponse du ministre à une demande lui adressée le 20 décembre 2018 par le demandeur. En considérant avec le demandeur que la décision de l’administration d’aménager des abris d’autobus et un couloir d’autobus aurait été à l’origine un acte administratif attaquable devant le juge administratif, la partie étatique estime qu’il y aurait lieu de continuer à raisonner dans cette logique et d’appliquer la réglementation du délai de recours contentieux. Or, le demandeur aurait initialement par un recours du 9 mai 2018 introduit un recours contentieux contre « cette décision », recours dont il se serait désisté, de sorte qu’il serait à présent trop tard pour attaquer la décision de l’administration d’aménager des abris et des couloirs d’autobus, étant donné que le délai de trois mois prévu par l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 aurait expiré. En effet, en tant que tiers par rapport à cette décision administrative, le délai pour agir aurait couru à l’égard de Monsieur ... à compter de la date à laquelle il aurait pris connaissance de la décision. Dans la mesure où il aurait eu une « connaissance précise » de ce qui aurait été autorisé depuis au moins son courrier au ministre du 20 décembre 2018, son recours contentieux introduit le 27 mars 2019 aurait été introduit de manière tardive.

Le demandeur conteste la tardiveté de son recours et déclare toujours ne pas disposer de la

« « connaissance précise du contenu » de la décision évoquée par l’Etat », alors qu’il ne saurait toujours pas de quelle décision il s’agirait ni si cette décision existe. Par son courrier du 20 décembre 2018 il se serait contenté de décrire une situation de fait qu’il vivrait au quotidien. Ce courrier ne prouverait nullement qu’il aurait disposé des éléments essentiels d’une quelconque décision qui lui auraient permis d’engager un recours contentieux.

D’ailleurs, la nature de cette décision ne serait toujours pas connue et même une année et demie depuis la première demande adressée au ministre, l’administration continuerait de semer la confusion. Même le litismandataire de la partie étatique se garderait d’indiquer avec précision la décision qu’il lui aurait appartenu d’attaquer. L’administration violerait ainsi son obligation de collaboration.

Enfin, le demandeur qualifie son courrier du 20 décembre 2018 de « simple demande de l’administré auprès de l’administration », de sorte qu’en l’absence de réponse à ce courrier par l’administration, il lui serait loisible d’exercer un recours contentieux contre le silence de cette dernière.

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A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal administratif a soulevé d’office la question de la recevabilité du recours sous examen, voire même de la compétence du tribunal pour en connaître, en interrogeant les parties sur la question de savoir si la demande formulée par le demandeur dans le cadre de son courrier du 20 décembre 2018 adressé au ministre avait pu faire naître une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Le représentant de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a répondu qu’à son avis, le point clé de la recevabilité du litige se situerait au niveau de la question de savoir si le recours avait été introduit dans les délais légaux et non point au niveau de la qualification en tant que « décision administrative » de l’acte attaqué, cette dernière question devant nécessairement aboutir à la question de la compétence du tribunal pour connaître de l’affaire, question qu’il ne voudrait pas aborder. Le litismandataire a expliqué vouloir rester dans la logique de la partie demanderesse en supposant pour les besoins de la cause l’existence d’une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux auprès des juridictions administratives. Cette position, de vouloir rester dans l’hypothèse adoptée par la partie demanderesse, correspond d’ailleurs à celle d’ores et déjà affichée par le litismandataire de la partie étatique dans le mémoire en réponse, dans le cadre duquel il affirme que : « Si on considère, avec le requérant, que la décision de l’administration d’aménager les abris d’autobus et le couloir d’autobus était à l’origine un acte administratif, attaquable à ce titre devant le juge administratif, il convient de continuer à raisonner dans cette logique, et d’y appliquer la réglementation du délai contentieux ».

Dans le cadre de ses plaidoiries, le litismandataire du demandeur n’a pas pris position par rapport à la question soulevée par le tribunal, ni par rapport à la réponse afférente du litismandataire de la partie étatique. Il s’est, en revanche, limité à réaffirmer la recevabilité du recours sous examen au regard des délais légaux.

Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », : « (1) Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ».

Il s’ensuit que la compétence des juridictions administratives en même temps que la recevabilité du recours sont conditionnées par l’existence d’une décision administrative. En effet, cette disposition limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à- dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste1.

L’acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l'intention de l’autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame2.

En l’espèce, l’acte attaqué est qualifié par le demandeur comme « décision implicite de refus résultant du silence gardé par l’Administration à sa demande introduite par courrier du 20 décembre

1 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, édition mise à jour janvier 1996, n° 46, p. 28.

2 trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 40, et autres références y citées.

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2018 et adressée à Monsieur François BAUSCH, Ministre du développement durable et des infrastructures, de rétablir la situation des lieux sur la Place de l’Etoile et le tronçon supérieur de la ..., en conformité avec les prescriptions règlementaires applicables ».

En ce qui concerne les décisions implicites de rejet, il convient de se référer à l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 aux termes duquel « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ». Ledit article est clair dans la mesure où il prévoit une présomption de rejet de la demande introduite à partir du moment où aucune décision n’est intervenue dans le délai de trois mois, délai, qui court en principe à partir du moment de l’introduction de la demande, de sorte que l’application de cet article présuppose, avant toute autre chose, la formulation d’une demande effective à l’adresse de l’administration3, alors qu’il découle directement du mécanisme prévu par l’article 4, paragraphe 1er, en question que le refus implicite ne saurait porter que sur la demande par rapport à laquelle il est invoqué4.

En l’espèce, la demande adressée par le demandeur au ministre, n’ayant pas connu de réponse et ayant de ce fait donné lieu, aux yeux du demandeur, à une décision implicite de rejet est celle formulée dans son courrier du 20 décembre 2018 - que le tribunal vient de citer in extenso - à l’adresse du ministre. Dans le courrier en question le demandeur soulève des non conformités de la réorganisation du réseau d’autobus au plan d’aménagement particulier, désigné ci-après par « le PAP », ainsi qu’au règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg et il conclut en demandant au ministre de « rétablir l’état des lieux en conformité avec le PAP actuellement en vigueur en supprimant le passage et le stationnement des autobus dans le tronçon supérieur de la ... tout en rétablissant la zone piétonne pour l’accès au tram en conformité avec le PAP ».

Force est à cet égard au tribunal de constater que la demande ainsi formulée par Monsieur ...

ne tend pas à la vérification de la légalité, voire de la régularité d’une décision administrative adoptée préalablement ni à la prise d’une nouvelle décision produisant par elle-même des effets juridiques, mais tend à voir « rétablir les lieux », donc à voir défaire les aménagements et travaux concrets réalisés en exécution d’une décision administrative – décision d’ailleurs non identifiée - qu’il estime contraire au PAP ainsi qu’au règlement des bâtisses et à voir rétablir le site dans sa situation antérieure aux travaux et aménagements en question. Il s’agit partant d’une demande de remise en pristin état des lieux.

En matière d’aménagement communal, la remise en pristin état est prévue par l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 relative à l’aménagement communal et au développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », qui dispose que : « 1. Sont punis d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 251 à 125.000 euros, ou d'une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d'aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir.

2. Le juge peut ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur pristin état, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l'Etat peuvent se porter partie civile. ».

3 Trib. adm. 18 février 2005, n° 18721, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 255 et les autres références y citées.

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Il suit de cette disposition que la compétence d’ordonner la suppression d’aménagements ou de travaux ainsi que d’ordonner le rétablissement des lieux dans leur pristin état, tel que sollicité en l’espèce, relève du seul juge judiciaire. D’ailleurs, la condamnation à la remise en pristin état des lieux ne constitue pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public5, de manière que cette attribution échappe dans cette mesure à la fois au ministre6 de même qu’au tribunal administratif saisi dans le cadre d’un recours contentieux7.

Dans la mesure où, tel que le tribunal vient de le retenir, le mécanisme prévu par l’article 4, paragraphe 1erde la loi du 7 novembre 1996 implique que le refus implicite ne saurait porter que sur la demande par rapport à laquelle il est invoqué et, eu égard au fait que seul le juge judiciaire est compétent pour ordonner une remise en pristin état des lieux, le tribunal est amené à conclure que la demande formulée par le demandeur dans son courrier du 20 décembre 2018 à l’adresse du ministre n’a pas pu donner lieu à une décision implicite de refus dans le chef du ministre qui relèverait de la compétence des juridictions de l’ordre administratif. Il s’ensuit que le silence opposé par le ministre au courrier précité du demandeur au 20 décembre 2018 ne peut pas être qualifié de décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux devant le juge administratif.

Afin de requérir une remise en pristin état, il aurait partant été loisible au demandeur de recourir aux juridictions de l’ordre judiciaire. Par ailleurs, tel que l’ordonnance précitée du président du tribunal administratif du 11 juillet 2018 le précisait, pour autant que le demandeur ait entendu faire valoir que la réorganisation de la circulation des autobus et l’aménagement d’arrêts de bus à la place de l’Etoile auraient été réalisés sans autorisation valable, il ne s’agirait plus d’une question de légalité d’une décision administrative, mais, le cas échéant, d’une voie de fait, relevant, tout comme la condamnation à la remise en pristin état, des tribunaux de l’ordre judiciaire.

Au vu des considérations qui précèdent, et sans qu’il n’y ait besoin de statuer plus en avant, le tribunal administratif constate donc qu’en l’absence d’une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux devant les juridictions administratives, tant les conditions de sa compétence pour connaître du recours sous examen que les conditions de recevabilité dudit recours laissent d’être remplies en l’espèce, de sorte qu’il se déclare incompétent pour connaître du recours en annulation tel qu’introduit par Monsieur ....

Enfin, au vu de l’issue du litige, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros, telle que formulée par Monsieur ..., est à rejeter étant encore soulevé qu’elle omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qu’elle ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie demanderesse.

Dans le même ordre d’idées, la demande formulée au dispositif de la requête introductive d’instance basée sur l’article 35 de la loi du 21 juin 1999 tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel est, à son tour, à écarter au vu de l’issue du présent litige, étant donné que pareille demande ne saurait être admise en cas de jugement portant rejet du recours.

5 Cour cass. 9 janvier 1992, Pas. 28, p. 182.

6 qui ne revêt a priori de toute façon pas de compétence en matière d’aménagement communal et de développement urbain, alors qu’aux termes de l’article 3 (2) de la loi du 19 juillet 2004 qui dispose que : « Le membre du Gouvernement ayant l’aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions, dénommé ci-après le ministre, approuve ou refuse d’approuver les projets présentés par les communes et les particuliers. », cette compétence relève du ministre de l’Intérieur.

7 trib. adm. 13 juillet 2005, n° 19338 du rôle, Pas. adm. 2020 V° Actes administratifs, n°122 et les autres références y citées.

(10)

Par ces motifs,

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en annulation,

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros formulée par Monsieur ... ;

rejette la demande tendant à voir ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel ;

condamne Monsieur ... aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise EBERHARD, vice-président, Daniel WEBER, premier juge,

Michèle STOFFEL, premier juge,

et lu à l’audience publique du 17 décembre 2020 par le vice-président, en présence du greffier Lejila ADROVIC

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif

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