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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril e chambre Audience publique du 8 mars 2021

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Tribunal administratif N° 44363 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 avril 2020 2e chambre

Audience publique du 8 mars 2021 Recours formé par

Monsieur ..., …,

contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

__________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44363 du rôle et déposée le 14 avril 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Edévi Amegandji, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le … à ... (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 mars 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2020 ;

Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 portant notamment sur la présence physique des représentants des parties au cours des plaidoiries relatives à des affaires régies par des procédures écrites ;

Vu la communication de Maître Edévi Amegandi, du 28 décembre 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 4 janvier 2021.

_____________________________________________________________________________

Le 2 novembre 2018, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

En date du même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

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En date des 19 juin et 20 août 2019, Monsieur ... fut auditionné par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 10 mars 2020, notifiée à l’intéressé par un courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur ... que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 2 novembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 novembre 2018 ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 19 juin et 20 août 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez d'ethnie « Bamiléké » et que vous seriez né à ... au Cameroun où vous auriez vécu avec votre famille jusqu'au décès de votre père. Après le décès de votre père, vous auriez déménagé à ... à l'Ouest du Cameroun avec votre mère. Après avoir obtenu votre baccalauréat, vous auriez « vendu en étalage au marché » (p.2/13 du rapport d'entretien) jusqu'à votre départ de votre pays d'origine.

Quant aux raisons qui vous ont conduit à quitter le Cameroun, vous déclarez que vous auriez participé à deux manifestations organisées par des avocats et des enseignants en octobre 2016 et le 22 septembre 2017 qui « revendiquaient la mauvaise gouvernance du côté anglais et aussi contre le pouvoir en place [...]» (p.5/13 du rapport d'entretien). Lorsque ces manifestations auraient commencé, « nous [Rem.: les jeunes] sommes descendus pour les accompagner dans leurs revendications » (p.5/13 du rapport d'entretien), principalement afin d'attirer l'attention des autorités sur le taux élevé de chômage des jeunes. Vous indiquez que « Tu vas à l'école et c'est difficile d'accéder au travail […] Tu cherches ton propre job, c'est difficile car il n'y a pas d'emplois. Il y a des emplois, mais il y faut des connaissances pour avoir un travail et c'est difficile pour nous » (p.5/13 du rapport d'entretien). La police aurait repoussé les manifestants « en utilisant des fouets, des matraques, du gaz lacrymogène » (p.5/13 du rapport d'entretien). Après la deuxième manifestation, la police serait venue dans votre quartier et vous aurait fouillé et frappé ainsi que d'autres jeunes.

En septembre 2017 après la deuxième manifestation, des personnes non autrement identifiées, prétendument des « rebelles » (p.9/13 du rapport d'entretien), vous auraient sommé

«de manifester avec eux » avant de brûler les maisons du quartier (p.7/13 du rapport d'entretien).

Vous auriez paniqué et décidé de quitter votre domicile. Lors de votre fuite, des soldats de l'armée,

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qui aurait été en train de faire une patrouille, vous aurait arrêté parce qu'« ils pensaient qu'on étaient [sic] des rebelles » (p.8/13 du rapport d'entretien). Vous vous seriez enfui en sautant de leur pick-up et vous vous seriez ensuite caché à « Manié [Rem.: Mamfé] » pendant quelques heures avant de traverser la frontière nigériane.

En ce qui concerne votre départ du Cameroun, vous déclarez que vous auriez quitté votre pays d'origine en janvier 2018 et que vous auriez traversé le Nigéria, le Niger, l'Algérie et le Maroc, où vous auriez embarqué à bord d'un bateau pour aller en Italie. Après un séjour de trois mois en Sicile, vous auriez poursuivi votre chemin en direction du Luxembourg.

Vous ne présentez aucun document d'identité.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale

Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Quant au refus du statut de réfugié

Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il découle de manière claire et non équivoque de vos dires que des motifs économiques sont à l'origine de votre demande de protection internationale. En effet, il découle de vos dires qu'au Cameroun « Tu cherches ton propre job, c'est difficile car il n'y a pas d'emplois.

Il y a des emplois mais il y faut des connaissances pour avoir un travail et c'est difficile pour nous [...] Tu sors, tu te bats à déposer ton dossier, tu cherches un travail, c'est compliqué, c'est difficile et la situation devient de plus en plus compliquée » (p.5/13 du rapport d'entretien).

Il s'agit là d'un motif sans aucun lien avec l'un des critères définis dans la Convention de Genève et on ne saurait dès lors retenir dans votre chef l'existence d'une persécution,

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respectivement d'une crainte de persécution en raison de votre race, de votre nationalité, de votre religion, de votre appartenance à un certain groupe social ou de vos opinions politiques.

Il en est de même des motifs de pure convenance personnelle qui fondent votre demande de protection internationale. Le fait qu'il serait difficile à retourner au Cameroun parce que « Non seulement je ne sais pas où aller mais je n'ai pas d'autre famille où rester. Ce n'est pas facile de recommencer ta vie comme ça » (p.11/13 du rapport d'entretien) ne saurait pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'il n'est pas lié à votre race, à votre nationalité, à votre religion, à votre appartenance à un certain groupe social ou à vos opinions politiques.

A cela s'ajoute Monsieur que vous êtes majeur, donc parfaitement capable de vivre seul et indépendamment au Cameroun et de subvenir à vos besoins.

Monsieur, vous déclarez avoir participé à des manifestations organisées par des avocats et des enseignants qui ont manifesté « contre la francophonisation du droit et de la justice au Cameroun [...] Les avocats, les fonctionnaires et les enseignants se mettent en grève dans les régions anglophones, afin d'obtenir l'égalité de fait entre les deux langues officielles mais aussi une meilleure représentation des administrés ».

Vous par contre n'auriez voulu que dénoncer le fait que le marché du travail ne donne pas d'opportunités aux jeunes.

A cela s'ajoute qu'après ces deux manifestations, vous auriez été arrêté. Nous tenons à soulever qu'il s'est agi d'un affrontement entre l'armée et les jeunes du quartier, lors duquel tous les jeunes du quartier ont été arrêtés.

Il s'agit de constater que vous n'auriez manifestement pas été visé par les autorités sur base d'un des cinq critères susmentionnés mais parce que vous auriez été suspecté d'être un « rebelle » et d'avoir commis une infraction, notamment d'avoir brûlé les maisons dans votre quartier ou encore de participer à de telles manifestations non autorisées, infractions pour lesquelles vous pourriez encourir une peine pénale en vertu du code pénal camerounais.

En effet, le fait de devoir éventuellement rendre des comptes devant la justice camerounaise en cas de retour dans votre pays d'origine pour des infractions commises est tout à fait légitime et ne saurait être considéré comme une persécution au sens de la prédite Convention.

Le fait que vous auriez été frappé par la police serait certes condamnable, mais ne constituerait pas une persécution au sens de la Convention de Genève car il existe aucun lien avec les motifs figurant dans la prédite Convention.

De plus, il importe dans ce contexte de relever que le comportement regrettable d'un ou de certains policiers ne saurait être considéré comme représentatif du système policier et du fonctionnement de la police camerounaise dans son ensemble. En fait, les forces de la sureté nationale camerounaises sont chargées de maintenir l'ordre public : « Le maintien de l'ordre public peut se définir comme un ensemble de mesures et de dispositions prises par les autorités compétentes, pour éviter le désordre social. Il vise à préserver la paix sociale, la tranquillité publique, la sécurité des personnes et des biens. Et lorsque cet ordre a été perturbé, des mesures adéquates sont prises pour un retour au calme ».

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A cela s'ajoute que face à une telle situation chaotique comme vous la décrivez, « Ils [Rem.:

Les rebelles] étaient occupés à tirer en l'air [...] ils étaient partout dans le quartier. Les rebelles ont fait ça chez nous mais ils sont aussi allés prendre d'autres maisons d'assaut. On a pris la fuite, tout le monde courrait dans le quartier et fuyait [...] tout le monde courait de partout. Les rebelles continuaient de faire la même chose dans les autres quartiers [...] les rebelles se cachaient derrière les maisons pour tirer sur l'Armée. Il y avait des balles perdues », il est légitime qu'un Etat déploie ses agents de sureté afin de rétablir l'ordre dans sa capitale. Dans ce contexte, le fait que l'armée vous aurait arrêté afin de déterminer les coupables est tout à fait légitime et ne constitue donc pas une persécution au sens de la Convention de Genève. Il est donc absolument compréhensible que les agents de sureté vous auraient arrêté dans le cadre d'enquêtes concernant les manifestations et la situation chaotique.

Concernant les menaces proférées par des personnes non autrement identifiées, force est de constater que ce fait n'est pas lié aux critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015 alors que vous ignorez qui vous aurait menacé et par conséquence vous ignorez les motifs à la base de ces menaces.

En effet, vous supposez uniquement qu'il s'agissait « des rebelles » (p.8/14 du rapport d'entretien), sans pouvoir étayer vos dires par des pièces et sans pouvoir identifier ces auteurs.

Vous évoquez que « Tu ne sais pas qui est pour lutter pour la bonne cause ou pas parce qu'il y avait encore d'autres personnes qui venaient juste pour enflammer la chose. Ils venaient en masse» et « Je ne sais pas si c'étaient des rebelles [..] Je ne connais pas la personne non plus » (p.9/13 du rapport d'entretien).

Quand bien même ces faits seraient liés à l'un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu'ils seraient suffisamment graves pour constituer un acte de persécution, il convient de soulever que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Il ressort clairement de vos dires que vous ne vous seriez à aucun moment adressé à la police pour dénoncer les menaces de la part des personnes non autrement identifiées. Comme vous n'auriez à aucun moment requis la protection des autorités de votre pays, il n'est ainsi pas démontré que celles-ci seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection.

A cela s'ajoute que vous avouez vous-même que l'armée serait venue au secours des habitants du quartier lorsque les « rebelles » étaient en train de vous menacer et d'incendier les maisons du quartier (p.9/13 du rapport d'entretien).

Malheureusement le fait que votre maison aurait été brûlée ne représente qu'un dommage collatéral, ce que vous corroborez lorsque l'agent du Ministère vous demande « Votre maison était-elle la seule du quartier à être visée par les rebelles? » vous répondez par la négative et ajoutez qu'« ils mettaient le feu sur plusieurs maisons du quartier» (p.9/13 du rapport d'entretien).

Ajoutons à titre d'information qu' « en juin 2018, le gouvernement camerounais lance un plan d'assistance humanitaire (The Government emergency humanitarian assistance plan in the North-West and South-West regions 2018-2019) aux populations touchées par le conflit. Ce plan prévoit notamment une assistance humanitaire d'urgence aux populations dans le besoin, la i

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réinsertion socioéconomique des populations affectées et la réhabilitation des infrastructures détruites ».

Vous n'êtes manifestement pas soumis à un risque de persécution. Ceci est d'autant plus vrai que, une fois la décision prise de quitter Cameroun, vous avez sciemment décidé de ne pas introduire de demande de protection internationale en Italie. Après y avoir séjourné illégalement pendant trois mois, il vous a apparemment semblé convenable de venir au Luxembourg afin d'introduire votre demande de protection internationale.

Notons dans ce contexte que votre choix de ne pas introduire de demande de protection internationale en Italie mais de venir au Luxembourg est manifestement de nature à mettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine, alors qu'il est légitime d'attendre d'une personne se sentant réellement persécutée qu'elle introduise une demande de protection internationale dès qu'elle a l'occasion de le faire, c'est-à-dire dans le premier pays sûr rencontré et dans les délais les plus brefs. Vos dires selon lesquelles vous n'auriez pas voulu introduire une telle demande en Italie parce que « C'était déjà beaucoup, on nous disait qu'on ne pouvait pas tous nous garder. Je ne voulais pas rester en Italie. C'était compliqué la demande [...] » (p.4/13 du rapport d'entretien) ne saurait excuser votre inactivité.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire

Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au

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sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Le 14 avril 2020, Monsieur ... a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et de la décision du même jour portant à son égard ordre de quitter le territoire.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision de refus d’une protection internationale

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 10 mars 2020, telle que déférée.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur indique avoir quitté le Cameroun en raison des persécutions qu’il aurait subies du fait de ses opinions politiques. Il indique avoir participé à des manifestations organisées par des avocats et fonctionnaires critiquant la gestion de la vie socio- politique de la partie anglophone du pays où il y aurait des inégalités sociales. Lesdites manifestations auraient été dispersées violemment par la police nationale. Monsieur ... explique encore que par la suite des « rebelles » auraient obligé les populations locales en employant des moyens violents à participer à de nouvelles manifestations contre le pouvoir en place, de sorte qu’il aurait été obligé de fuir son pays d’origine. Lors de sa fuite, il se serait fait arrêter par les soldats, qui l’auraient confondu à un rebelle, mais il aurait réussi à s’enfuir et à entamer son périple vers le Luxembourg.

En droit et quant au statut de réfugié, le demandeur fait valoir que compte tenu des faits relatés par lui, il remplirait les conditions d’octroi du statut de réfugié, alors que les actes de persécution qu’il aurait subis seraient d’une gravité suffisante au regard de l’article 42, paragraphe 1 de la loi du 18 décembre 2015 et émaneraient de personnes qualifiées comme auteurs au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015. Il explique dans ce contexte que la partie anglophone du Cameroun serait délaissée et aurait toujours subi un traitement différencié par les pouvoirs publics en place. Il serait indéniable que le fait de manifester contre la mauvaise gouvernance serait exprimer ses opinions politiques. Il conclut qu’il serait à tort que le ministre lui opposerait qu’il aurait quitté son pays d’origine en raison de motifs économiques, alors qu’il n’aurait pas quitté le Cameroun s’il n’avait rencontré que des soucis financiers. Monsieur ... explique encore que les

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policiers ne feraient aucun effort pour protéger la population, de sorte à devoir être considérés comme des auteurs de persécutions tout comme les rebelles au vu de son impossibilité de porter plainte pour les exactions commises par ces derniers.

Quant à la protection subsidiaire, le demandeur estime remplir les conditions de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 au vu de la crise dans la zone anglophone du Cameroun qui persisterait jusqu’à ce jour. Il risquerait de subir des atteintes graves définies à l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il échet de rappeler qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. »

et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

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9 a) l’Etat, ou

b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il échet de constater que les motifs à la base de la demande de protection internationale de Monsieur ... se résument au fait qu’à la suite de sa participation à deux manifestations organisées par des avocats, respectivement par des enseignants en octobre 2016 et le 22 septembre 2017, il a d’abord fait l’objet d’une fouille et d’agressions de la part de soldats de l’armée, qui cherchaient des rebelles, et ensuite, quelques jours après, il a encore fait l’objet de menaces de rebelles, qui voulaient qu’il les rejoigne dans leurs manifestations, avant que ces derniers mettent le feu à plusieurs maisons de son quartier, y inclus la sienne. Monsieur ... se prévaut finalement du fait qu’après la mise à feu de sa maison, il a été arrêté et frappé par des soldats de l’armée.

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Force est au tribunal de constater que Monsieur ... impute ces incidents à ses opinions politiques qu’il aurait exprimées à travers sa participation aux deux manifestations. S’il est vrai que la question clé en matière d’opinions politiques est la perception qu’a le persécuteur et les activités que le persécuteur définit et considère comme étant des activités politiques1, il n’en reste pas moins que, d’un côté, le demandeur reste en défaut d’établir que dans son pays d’origine la simple participation à des manifestations conduit généralement à des actes de persécution de la part des représentants du pouvoir et, lors de ses auditions auprès du ministère, il était incapable d’exposer adéquatement ses opinions politiques2, alors qu’il s’est borné à déclarer qu’il est descendu dans la rue en raison de ses problèmes de trouver un emploi3, et, d’un autre côté, ni la fouille et les violences qui s’en sont suivies par des soldats ni les menaces exprimées par des rebelles ayant mis le feu à des maisons du quartier de Monsieur ... n’ont eu lieu dans la suite immédiate de ces manifestations, de sorte que le demandeur est resté en défaut d’établir un lien de causalité entre sa participation auxdites manifestations et les actes des soldats, respectivement des rebelles.

Il s’ensuit que les faits à la base de la demande de protection internationale de Monsieur ...

ne sauraient être rangés parmi les critères de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 et que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié présentée par le demandeur comme étant non fondée. Le recours du demandeur est par conséquent à déclarer comme non fondé pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de lui accorder le statut de réfugié.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef du demandeur d’un statut de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

1 EASO, Analyse juridique, Conditions de la protection internationale (directive 2011/95/UE), p.57.

2 Ibid., p.58.

3 « Pour quelles raisons les jeunes sont-ils descendus pour accompagner dans les revendications des avocats et des professeurs?

Parce que rien ne change. Tu vas à l’école et c’est difficile d’accéder au travail; il n’y a personne qui peut d’aider.

Tu cherches ton propre job, c’est difficile car il n’y a pas d’emplois. Il y a des emplois mais il y faut des connaissances pour avoir un travail et c’est difficile pour nous.

A qui faites-vous allusion quand vous dites « nous » ?

Pour moi en fait, comme pour beaucoup d’autres. Tu sors, tu te bats à déposer ton dossier, tu cherches un travail, c’est compliqué, c’est difficile et la situation devient de plus en plus compliquée », Rapport d’audition, p.5.

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Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Monsieur ... ne prenant pas position dans sa requête introductive d’instance quant à l’article 48, points a) et c) de la loi du 18 décembre 2015, le tribunal se limitera à analyser si les difficultés dont il fait état peuvent être qualifiées de risque de torture, de traitements, respectivement de sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au fait que la police a repoussé les manifestants lors des manifestations « en utilisant des fouets, des matraques, du gaz lacrymogène. »4, le tribunal retient que ces actes s’inscrivent dans le contexte spécifique du maintien de l’ordre dans le cadre d’une manifestation, de sorte que le demandeur n’était pas personnellement et individuellement visé par l’action des forces de l’ordre. Par ailleurs, cette manifestation n’était a priori pas autorisée5 , ce qui peut expliquer le caractère « musclé » de l’intervention de ces dernières.

S’agissant du fait que l’armée est venue dans le quartier du demandeur à la suite de la manifestation d’octobre 2017, respectivement le fait qu’il a été arrêté à la suite de la mise à feu de sa maison par les rebelles, il échet de constater que le demandeur déclare à ce sujet que « l’Armée venait dans les quartiers pour nous prendre parce que parmi nous il y avait des rebelles qui utilisaient aussi des armes et ils ne savaient pas qui étaient des rebelles parmi nous (…), ils tapaient dans les portes, ils entrent et ils mettent tout le monde dehors [et] (…) ils fouillent (…)[,]

4 Rapport d’audition, p. 5.

5 Ibid., p. 6.

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questionnent et (…) frappent »6, respectivement que « (…)[l]’Armée pensait qu’on voulait les attaquer. Ils pensaient certainement qu’on avait des pierres pour lancer » et « [i]ls m’ont pris et ils ont laissé ma mère et mon petit frère et ma sœur. Ils m’ont dit que nous commettions des actes, ils m’ont frappé. C’est de là que j’ai pris fuite. Ils nous ont mis dans les pick-up. Quand je voulais m’exprimer ou me défendre, ils me frappaient. J’étais dans le pick-up, il y avait cinq voitures ainsi que d’autres gens comme moi qu’on soupçonnait »7. Force est au tribunal de retenir que s’il est certes condamnable que les soldats ont employé la force, il n’en reste pas moins qu’ils suspectaient le demandeur d’être un rebelle en possession d’armes, de sorte que leurs démarches s’inscrivent a priori sur une toile de fond de maintien de l’ordre public, respectivement de poursuite d’auteurs d’infractions pénales et qu’étant donné que le demandeur s’est enfui avant de pouvoir clarifier qu’il n’est pas un rebelle, il ne saurait être conclu, à défaut d’un quelconque élément soumis à l’appréciation du tribunal à cet égard, qu’il s’agissait d’actes arbitraires, qui seraient de nature à établir l’existence, dans le chef du demandeur, d’un risque réel de subir des atteintes graves, en cas de retour au Cameroun.

S’agissant finalement des menaces proférées par les rebelles à l’encontre du demandeur, force est de constater que dans la mesure où il n’a à aucun moment recherché l’aide des autorités camerounaises pour le protéger contre ces agissements relevant de personnes privées, il ne peut se prévaloir de la protection d’un Etat tiers, alors qu’une telle protection ne peut lui être accordée que pour autant que les autorités de son pays d’origine ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine. En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale8. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut9.

L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée. Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pas pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est

6 Rapport d’audition, pp. 6 et 7.

7 Ibid., p. 7

8 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, p.21, n° 100.

9 …, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

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pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. En l’espèce, le demandeur a admis ne pas avoir déposé plainte ni recherché une protection auprès d’une autorité de son pays à la suite des menaces qu’il a reçues par l’intermédiaire des rebelles10, étant précisé que son explication de ne pas avoir recherché de l’aide au motif que « Ce n’était pas possible de faire quoi que ce soit. Je n’ai pas pensé un instant de porter plainte parce que ce n’était…ça ne pouvait pas aboutir, tout était fermé. C’était des villes mortes. Tu n’es pas le seul ». (…) Tout le monde cherchait à fuir, il n’y avait pas d’organisations comme ça dans le pays »11 ne saurait justifier cette omission ce d’autant plus qu’il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que Monsieur ... aurait par le passé vécu une quelconque expérience négative avec les autorités camerounaises. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur risque de subir la torture, respectivement des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu des développements qui précèdent, le tribunal est amené à conclure qu'il apparaît que les faits invoqués par le demandeur dans le cadre de sa demande de protection subsidiaire ne sont pas à qualifier d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est partant à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme non fondé.

2) Quant au recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A cet égard, le demandeur conclut que l’ordre de quitter le territoire serait manifestement illégal dans la mesure où un retour au Cameroun aurait des conséquences graves pour lui.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

10 Rapport d’audition, p. 10.

11 Ibid, p. 10.

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Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2) précité de la loi du 18 décembre 2015, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur ..., il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

A défaut d’un quelconque autre moyen, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision portant ordre de quitter le territoire n’ont été utilement contestés, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 mars 2020 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 mars 2020 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ; condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, vice-président, Daniel Weber, premier juge,

Michèle Stoffel, premier juge,

et lu à l’audience publique du 8 mars 2021 par le vice-président, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 mars 2021 Le greffier du tribunal administratif

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