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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 février re chambre Audience publique du 8 mars 2021

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Tribunal administratif N° 44128 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 février 2020 1re chambre

Audience publique du 8 mars 2021 Recours formé par

Monsieur ..., …,

contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44128 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 février 2020 par Maître Mariana Lunca, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 janvier 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection subsidiaire, et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 avril 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 16 décembre 2020 et vu les remarques écrites de Maître Mariana Lunca et de Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller des 14 et 15 décembre 2020, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

Le 16 novembre 2018, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée- police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 14 janvier 2019, les autorités françaises demandèrent aux autorités luxembourgeoises de reprendre en charge Monsieur ... sur base de l’article 18, paragraphe 1, point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, désigné ci-après par « le règlement Dublin

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III », demande qui fut acceptée par les autorités luxembourgeoises le 22 janvier 2019. Monsieur ... fut transféré vers le Luxembourg le 24 avril 2019.

En date du 31 mai 2019, Monsieur ... fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 3 janvier 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 6 janvier 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur ... que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 16 novembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée

« la Loi de 2015 »).

Avant tout autre développement, il convient de rappeler que sans avoir attendu de connaître les suites réservées à votre demande de protection internationale du 16 novembre 2018, vous êtes allé en France où vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale. En date du 14 janvier 2019 les autorités françaises ont demandé aux autorités luxembourgeoises la prise en charge de votre demande de protection internationale et vous avez été transféré vers le Luxembourg en date du 24 avril 2019 sur base des dispositions du Règlement Dublin III.

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 16 novembre 2018 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 31 mai 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez né le … en Guinée et que vous auriez vécu à Conakry avec votre famille jusqu’à la mort de vos parents qui seraient décédés des suites d’un accident de voiture.

Vous déclarez avoir quitté votre pays d’origine parce que vous auriez voulu vendre la maison de votre père décédé. Dans ce contexte vous expliquez que votre belle-mère aurait vendu une des deux maisons qui auraient appartenu à votre père sans vous verser votre part de l’héritage. Vous vous seriez par la suite disputé avec votre belle-mère et son époux parce qu’ils auraient voulu vous chasser de la maison en juin 2018. Vous auriez aussi eu une altercation avec votre oncle et seriez ensuite parti vivre chez votre ami. Le moment venu vous auriez décidé de vendre la deuxième maison de votre père décédé « pour aller en aventure » (p.5/13 du rapport d’entretien). Vous auriez ainsi consulté un notaire qui vous aurait procuré des faux documents de la maison. En contrepartie, le notaire aurait demandé 30% du prix de vente de la maison. En octobre 2018, le notaire aurait trouvé un acquéreur qui aurait fait un chèque de … euros à votre nom. Votre belle-mère aurait refusé de vendre la maison et aurait immédiatement contacté votre oncle et « l’affaire avait échoué » (p.5/13 du rapport

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d’entretien). Finalement, vous auriez été menacé de mort par votre oncle, par le notaire qui aurait réclamé sa rémunération et par l’acquéreur qui aurait voulu récupérer son argent.

En ce qui concerne votre départ de la Guinée le 18 octobre 2018, vous indiquez que vous seriez allé au Maroc, où vous seriez resté pendant une semaine avant d’arriver en Espagne à bord d’un bateau. Après un séjour d’une semaine vous seriez allé en France, où la police vous aurait interpellé et renvoyé en Espagne. Par la suite, un « monsieur nous a ramené en covoiturage jusqu’à la gare de Luxembourg » (p.4/13 du rapport d’entretien).

Vous ne présentez aucun document d’identité. L’agent de police a néanmoins trouvé une photo de votre passeport sur votre portable.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale

Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Monsieur, il faut d’abord soulever que votre comportement depuis votre départ de la Guinée est incompatible avec celui d’une personne réellement à la recherche d’une protection dans un pays sûr.

Vous indiquez en effet avoir quitté la Guinée pour vous rendre en Espagne, où vous auriez séjourné pendant une semaine avant d’aller en France. Vous seriez même retourné en Espagne sans avoir entrepris la moindre démarche en vue de l’introduction d’une demande de protection internationale. Or, un tel comportement n’est manifestement pas celui d’une personne réellement persécutée respectivement en danger dans son pays d’origine.

A cela s’ajoute qu’après avoir introduit une demande de protection internationale au Luxembourg, vous avez décidé de quitter le pays et d’aller en France, où vous auriez introduit une nouvelle demande de protection internationale sans avoir attendu les suites réservées à vos démarches au Luxembourg. Or, un tel comportement n’est de nouveau manifestement pas celui d’une personne réellement persécutée respectivement en danger dans son pays d’origine.

De surcroit, vous avez fait preuve d’un manque de collaboration dès le début de la procédure de demande de protection internationale au Luxembourg :

En effet, l’agent de police a trouvé une photo de votre passeport sur votre portable que vous avez sciemment omise de mentionner à l’agent du ministère lorsque celui vous a demandé si vous avez des documents prouvant votre identité.

Un tel comportement constitue en tout cas un refus de collaboration et est incompatible avec celui d’une personne qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale qui tente de prouver son identité et ses dires par tous les moyens. Rappelons que selon l’article 12 de la Loi de 2015, un demandeur de protection internationale a l’« obligation de coopérer avec le ministre en vue d’établir son identité (...). Il doit remettre ses documents d’identité, ainsi que toute autre pièce utile à l’examen de sa demande de protection internationale » ; obligation dont vous avez été mis au courant lors de l’introduction de votre demande de protection internationale.

L’agent du ministère a en outre trouvé des photos d’un cahier dans lequel vous avez

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écrit votre « vécu ». Quand bien même vous avouez avoir écrit cette histoire et bien qu’elle ressemble à vos dires lors de l’entretien, vous insistez qu’il ne s’agit pas de votre vécu.

Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure de protection internationale et doit être perçu comme étant incompatible avec celui d’une personne vraiment persécutée dans son pays d’origine et qui serait effectivement à la recherche d’une protection internationale dans son pays d’origine.

Quant au refus du statut de réfugié

Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il est évident que vous tentez de vous installer en Union européenne pour des raisons économiques. Ainsi vous évoquez clairement que vous auriez décidé de vendre la deuxième maison de votre père décédé « pour aller en aventure » (p.5/13 du rapport d’entretien). Or, des raisons économiques ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié alors qu’il ne s’agit pas d’un des motifs prévus dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Monsieur, vous signalez avoir quitté la Guinée en 2018 parce que vous auriez été menacé par trois différentes personnes, votre oncle, le notaire et l’acquéreur de votre maison pour avoir voulu vendre une maison qui aurait appartenu à votre père avant son décès.

Or, de tels motifs ne sauraient évidemment pas justifier l’octroi d’une protection internationale, alors qu’ils ne répondent à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015 qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou qui risque d’être persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social. Or, cela n’est pas le cas en l’espèce.

Notons dans ce contexte que vous avez commis une infraction en essayant de vendre une maison qui ne vous a pas appartenu. En effet, le fait que votre famille aurait essayé de

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protéger leur patrimoine, que le notaire aurait réclamé sa rémunération promise et que l’acquéreur de la maison aurait demandé de voir son investissement remboursé parce qu’il n’a jamais été propriétaire de la maison est tout à fait compréhensible et ne constitue pas une persécution au sens de la prédite Convention.

Quand bien même les menaces seraient à définir comme un acte de persécution, ce qui reste contesté, toujours est-il que celles-ci ne revêtent pas un degré de gravité telle qu’elles seraient à considérer comme un acte de persécution au sens desdits textes car elles ne sont pas suivies d’un acte concret.

Quand bien même les menaces de la part de votre oncle, du notaire et de l’acquéreur de la maison seraient à définir comme acte de persécution, force est de constater que s’agissant alors d’actes émanant de personnes privées, une persécution commise par un tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d’origine du demandeur de protection internationale. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, à défaut d’avoir porté plainte, vous ne sauriez reprocher une absence d’aide respectivement de volonté de vous aider aux policiers guinéens, alors qu’ils n’ont pas été mis en mesure d’effectuer leur mission.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire

Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément crédible de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne

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6 vous est pas accordé.

3. Quant à la fuite interne

En vertu de l’article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, il n’y a aucune raison de craindre d’être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu’il est raisonnable d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d’une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d’origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l’UNHCR, l’alternative de la fuite interne s’applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu’en termes de sécurité.

En l’espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n’auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d’origine au motif que « ce n’est pas possible, car la Guinée est petite et mon oncle est influent et connu par tout le monde » (p.10/13 du rapport d’entretien). Or, ces motifs ne constituent pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d’origine.

Ainsi, vous auriez pu vous installer à Kankan, situé à 631 kilomètres de votre lieu de séjour permanent, deuxième plus importante ville en Guinée avec un port fluvial et un petit aéroport. Ce déménagement vous aurait permis de vous éloigner de votre oncle, du notaire et de l’acquéreur de la maison. Tenant compte de votre âge et de votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées, vous n’établissez pas de raisons suffisantes pour lesquelles vous n’auriez pas été en mesure de vous y installer.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 février 2020, Monsieur ... a fait déposer un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre du 3 janvier 2020 dans la seule mesure où elle porte refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection subsidiaire et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection subsidiaire

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre

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la décision du ministre du 3 janvier 2020, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie, en substance, aux faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère.

En droit, il limite son recours en réformation contre la décision ministérielle déférée du 3 janvier 2020 au seul volet portant refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire.

A cet égard, il souligne de prime abord que le ministre n’aurait à aucun moment remis en cause sa crédibilité, de sorte que celle-ci serait établie et que les faits qu’il a présentés à l’appui de sa demande seraient constants en cause.

Il reproche ensuite au ministre de déprécier le risque réel qu’il subirait des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine, en forgeant son appréciation sur la base d’éléments sans pertinence quant à sa demande de protection internationale et en estimant que son comportement serait « incompatible avec celui d’une personne réellement à la recherche d’une protection dans un pays sûr ».

Il donne à considérer, en se référant à l’article 10, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, que l’examen d’une demande de protection internationale ne pourrait être ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais, tout en insistant sur le fait que son départ vers la France, suite à l’introduction de sa demande de protection internationale au Luxembourg, aurait été motivé par la peur d’un renvoi vers son pays d’origine. Il explique, dans ce contexte, qu’il se serait senti en insécurité au vu du comportement « hostile » de l’agent de police lors de l’introduction de la demande de protection internationale au Luxembourg, de sorte qu’il aurait décidé de quitter le Luxembourg et de partir en France pour y introduire une nouvelle demande de protection internationale.

En s’appuyant sur les articles 11, paragraphe (1) et 12, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir que l’autorité ministérielle ne saurait lui reprocher un quelconque manque de coopération alors qu’il n’aurait, à aucun moment, essayé de dissimuler son téléphone portable, lequel contenait une photo de son passeport, tout en ajoutant qu’il l’aurait remis à l’agent ministériel sur simple demande.

Pour autant que le tribunal estime qu’il ait manqué à son obligation de coopération, le demandeur soutient que si l’article 11 de la loi du 18 décembre 2015 prévoyait que le demandeur d’une protection internationale doit être informé des conséquences du refus de coopérer avec le ministre, l’article 12 de la loi du 18 décembre 2015 qui détermine la portée de l’obligation de coopérer, notamment quant à la remise de documents d’identité, ne définirait toutefois pas les conséquences d’un manquement à cette obligation.

Le demandeur considère dès lors que ce serait ainsi à tort que la décision ministérielle est fondée sur un tel manquement.

Il reproche ensuite au ministre d’avoir retenu qu’au vu des notes qu’il aurait prises dans un cahier quant à son récit, son comportement ferait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure de protection internationale et qu’il devrait, dès lors, être perçu comme étant

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incompatible avec celui d’une personne vraiment persécutée dans son pays d’origine et qui serait effectivement à la recherche d’une protection internationale, tout en insistant sur le fait qu’il aurait respecté toutes les obligations qui lui incomberaient dans le cadre de la procédure de protection internationale.

Il indique, en outre, que la seconde épouse de son père l’aurait chassé de la maison familiale, alors qu’il ferait partie des héritiers, et l’aurait été dépossédé, avec la complicité de son oncle, d’une partie de son héritage.

Il avance que le fait qu’il aurait tenté de vendre une maison qui ne lui appartenait pas dans son intégralité ne saurait justifier les atteintes graves qu’il risquerait de subir, ni amoindrir la réalité d’un tel risque.

Ainsi, ni les agissements du notaire, ni ceux de l’acquéreur de la maison litigieuse ne sauraient, selon le demandeur, être qualifiés de « compréhensibles », alors qu’ils l’auraient menacé de mort.

Le demandeur poursuit que ce serait encore à tort que le ministre a affirmé qu’il aurait quitté son pays d’origine pour des raisons économiques, alors qu’il ressortirait de son récit que si certes, dans un premier temps, il entendait quitter la Guinée pour voyager, il aurait toutefois précipité son départ de son pays d’origine au vu du risque réel de subir des atteintes graves, soit une exécution extra-judiciaire au sens de l’article 48, point a) de la loi du 18 décembre 2015, sinon des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b) de la même loi suite à la tentative échouée de vendre la maison familiale.

En s’appuyant sur la définition et les critères pour bénéficier de la protection subsidiaire tels que découlant de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir que ce serait à tort que le ministre aurait refusé de lui reconnaître le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire alors que, contrairement aux affirmations ministérielles, les faits qu’il aurait subis dans son pays d’origine et surtout ceux qu’il craindrait de subir en cas de retour en Guinée devraient être qualifiés d’atteintes graves au sens des articles 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir des violences physiques de la part de son oncle et des menaces de mort émises tant de la part de celui-ci que de la part du notaire en charge de la vente de la maison familiale et de l’acquéreur de ladite maison.

Le demandeur estime qu’en cas de retour dans son pays d’origine, ces agressions et ces mences risqueraient de se reproduire, voire de se réaliser, tout en faisant état d’un risque réel de subir une exécution extra-judiciaire, sinon des traitements inhumains et dégradants. A ce titre, il renvoie à des rapports intitulés « Situation of human rights in Guinea », publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) le 17 janvier 2017 et

« Guinea 2018 Human Rights Report » publié par l’« US Department of State », dont il ressortirait que les cas d’exécution extra-judiciaire dans le cadre d’une justice privée ne cesseraient de croître en Guinée, en raison d’un manque de confiance dans le système judiciaire.

Le demandeur soutient qu’il craindrait de se retrouver, avec la complicité de son oncle qui serait « très influant », entre les mains des forces de l’ordre guinéennes, lesquelles lui infligeront des traitements inhumains et dégradants, tout en insistant sur le fait qu’il découlerait des rapports internationaux précités que les autorités guinéennes s’adonneraient régulièrement et en toute impunité à de tels abus.

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Il ressortirait également des rapports versés en cause que le système judiciaire guinéen serait totalement défaillant, de sorte qu’il craindrait de se retrouver privé de liberté dans une des prisons guinéennes dans des conditions inhumaines et durant de longues années, sans bénéficier d’un procès équitable.

En se référant aux articles 39, point c) et 40 de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir qu’il serait constant en cause que les auteurs des atteintes graves dont il aurait été victime et de celles dont il craint d’être la cible seraient, d’une part, des acteurs non étatiques, et, d’autre part, l’Etat guinéen.

A ce titre, il précise qu’il ne se serait pas adressé aux autorités de son pays d’origine pour obtenir de l’aide en raison, d’une part, de sa crainte de sévères représailles de la part de son oncle, un dénommé ..., et, d’autre part, de son manque de confiance dans les autorités guinéennes, voire de sa crainte du système judiciaire étatique et de son dysfonctionnement.

Le demandeur s’appuie, à cet égard, sur les rapports précités de l’UNHCR et de l’US Department of State, dont il cite des extraits, pour mettre en avant le dysfonctionnement du système judiciaire qui régnerait en Guinée ainsi que les nombreuses violences qui seraient commises par les forces de l’ordre guinéennes et pour conclure qu’il ne serait pas en mesure d’obtenir une protection effective et efficace de la part des autorités guinéennes.

Il reproche, enfin, au ministre d’avoir violé l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, au motif que, contrairement aux affirmations ministérielles, il n’aurait pas été en mesure de bénéficier d’une fuite interne. Il fait, à cet égard, état d’un risque réel de subir des atteintes graves sur l’intégralité du territoire guinéen alors que, d’une part, son oncle serait une personne influente en Guinée et pourrait le retrouver même dans une autre partie du territoire guinéen et que, d’autre part, le risque de subir de mauvais traitements de la part des autorités guinéennes s’étendrait sur tout le territoire guinéen, tout en insistant sur le fait qu’il n’aurait pas accès à une protection contre les atteintes graves qu’il risquerait de subir dans une autre partie du territoire guinéen.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

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En vertu de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. »,

et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou

b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi. Plus particulièrement, lorsque les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la même loi ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les atteintes graves et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Force est encore de relever que l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte à viser des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter

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en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier de la protection subsidiaire.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui sa demande de protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il reste en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée d’atteintes graves au sens de la loi, en cas de retour en Guinée.

En l’absence, à l’heure actuelle, d’un conflit armé en Guinée et dans la mesure où il se dégage des explications non contestées de la partie étatique, sources internationales à l’appui, que la peine de mort y a été abolie, il y a seulement lieu de vérifier si les craintes dont fait état le demandeur sont de nature à établir l’existence, dans son chef, d’un risque réel d’être victime d’une exécution extra-judiciaire ou de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains et dégradants, au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.

Le tribunal constate qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur explique qu’il aurait essayé de vendre sa maison familiale qui aurait appartenu à son père décédé et qu’il détiendrait en indivision avec sa belle-mère sans l’accord de celle-ci et à l’aide de faux documents établis par un notaire et que suite à cette tentative de vente échouée, il aurait subi des violences physiques de la part de son oncle et reçu des menaces de mort tant de la part de de celui-ci que du notaire qui revendiquerait une partie du prix de vente comme

« rémunération » pour avoir falsifié les documents de vente et de l’« acquéreur » qui aurait déjà payé le prix de vente de la maison précitée dont il ne serait toutefois jamais devenu le propriétaire.

Indépendamment des reproches soulevés par le ministre quant aux circonstances ayant entourées le dépôt de la demande de protection internationale de Monsieur ..., ainsi que celui tenant à un manque de collaboration, et des contestations soulevées par le demandeur à cet égard et indépendamment de la question de savoir si les actes invoqués sont d’une gravité suffisante pour être qualifiés d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il convient de rappeler que Monsieur ... ne peut faire valoir un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 que si les autorités guinéennes ne veulent ou ne peuvent lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant relevé que les agissements dont le demandeur déclare avoir été victime émanent de personnes privées, à savoir les violences physiques de la part de son oncle et les menaces de mort de la part de celui- ci, ainsi que du notaire et de l’acquéreur évincé, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale1. En toute

1 Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNCHR, décembre 2011, p.

21, n° 100.

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hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut2.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Il incombe au juge administratif de vérifier si, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, une protection adéquate a été offerte au demandeur de protection internationale et lui est ouverte, étant rappelé que l’essentiel est d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit.

En l’espèce, il ne ressort toutefois pas des déclarations de Monsieur ... ni des pièces produites en cause que les autorités guinéennes compétentes refuseraient ou seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements de son oncle, respectivement contre les menaces de mort proférées par le notaire et l’acquéreur de la maison.

Il se dégage, en effet, clairement du récit du demandeur qu’après avoir été menacé de mort par son oncle, par le notaire et par la personne qui a payé le prix de vente pour la maison litigieuse, il ne les a pas dénoncé à la police ni recherché une quelconque protection de la part des autorités guinéennes.

Or, à défaut d’avoir au moins tenté de dénoncer les faits et d’avoir tenté de porter plainte auprès de la police, ou d’avoir sollicité une forme quelconque d’aide auprès d’une autorité étatique guinéenne, le demandeur ne saurait leur reprocher une inaction volontaire ou un refus de l’aider, ce d’autant plus qu’il n’a, en particulier, pas fait état de ce que, malgré sa volonté

2 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

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de déposer une plainte, un tel dépôt lui aurait été refusé, ni fait état d’une quelconque expérience négative qu’il aurait eue avec les autorités guinéennes et qui aurait pu justifier sa réticence à les saisir.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection.

Si le demandeur explique de manière non circonstanciée à ce propos qu’il ne se serait pas adressé à la police, alors qu’il aurait eu peur de subir de sévères représailles de la part de son oncle, un dénommé ..., qui serait un « homme influent », et qu’il n’aurait aucune confiance en l’appareil policier, de sorte qu’il aurait été vain de tenter de quérir une protection auprès des autorités guinéennes, force est cependant de retenir que ces affirmations restent à l’état de pure allégation, en ce qu’elles ne sont sous-tendues par aucun élément objectif et concret, étant encore relevé, à cet égard, que les extraits des susdits rapports internationaux cités par le demandeur concernent en substance la situation qui règne dans certains prisons et centres de détention en Guinée, mais ne font pas état d’une quelconque incapacité respectivement d’un défaut de volonté des autorités policières guinéennes de fournir une protection adéquate à ses ressortissants.

Au vu des considérations qui précèdent et au regard des éléments à la disposition du tribunal, il n’est dès lors pas établi que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir une protection suffisante dans son pays d’origine s’il devait à nouveau être en proie à des menaces, voire des violences de la part de son oncle, du notaire ou de l’acquéreur de la maison litigieuse, de sorte que les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale ne sauraient justifier l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Cette conclusion n’est pas énervée par les craintes du demandeur telles que mises en avant pour la première fois en cours de procédure contentieuse qui trouvent leur fondement dans sa crainte d’être arrêté et jugé en relation avec la tentative de vendre sa maison familiale à l’aide de faux documents en cas de retour dans son pays d’origine sans bénéficier d’un procès équitable et de subir des traitements inhumains et dégradants de la part des autorités guinéennes.

Tout d’abord, il y a lieu de relever que le seul fait pour le demandeur de vouloir se soustraire aux autorités guinéennes pour éviter d’éventuelles poursuites judiciaires pour des faits dont il admet lui-même qu’il s’en est rendu coupable n’est, en tout état de cause, pas de nature à justifier dans son chef l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire3.

Le tribunal constate ensuite que les déclarations du demandeur selon lesquelles il ne pourrait bénéficier d’un procès équitable sont sans mise en relation avec sa situation particulière, alors qu’il n’a, à aucun moment de la procédure, fait état du fait qu’il aurait fait l’objet d’un procès judiciaire au cours duquel ses droits de défense n’auraient pas été respectés, de sorte qu’il ne se dégage ni des déclarations du demandeur, ni des éléments de la cause qu’il serait impossible au demandeur de défendre sa cause dans le cadre d’un procès équitable en Guinée.

3 Trib. adm. 22 juillet 2020, n°43508 du rôle,disponible sous www.jurad.etat.lu.

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Ce constat n’est pas ébranlé par les conditions de détention et d’incarcération telles que critiquées par le demandeur.

Pour ce qui est précisément de la situation générale en milieu carcéral et de la crainte du demandeur d’y être soumis à des traitements inhumains et dégradants, il convient de constater que la Cour administrative vient de retenir dans un arrêt très récent4 que la situation dans les prisons en Guinée s’est améliorée ces dernières années et plus particulièrement depuis 2016, suite à la sensibilisation des régisseurs et des autorités sanitaires locales sur la problématique de la santé en milieu carcéral et sur la nécessité de la prise en compte des détenus dans les programmes nationaux de santé publique. S’il peut encore être admis que le système judiciaire et carcéral en Guinée n’atteint pas nécessairement les standards européens et qu’il fait encore face à des dysfonctionnements notamment en ce qui concerne les conditions de détention, il ne se dégage toutefois pas des éléments à la disposition du tribunal que la situation dans les prisons et centres de détention serait telle que les personnes y détenues le seraient dans des conditions à ce point dégradantes qu’elles seraient contraires à leur dignité humaine. En effet, le simple renvoi à des extraits de rapports de l’UNHCR et du Departmenet of State, sans mise en relation avec la situation particulière, personnelle et concrète du demandeur ne saurait suffire pour retenir l’existence dans son chef d’une crainte fondée d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas d’interpellation, voire d’incarcération, étant encore relevé que les rapports précités publiés par l’UNHCR et le Department of State en ce qu’ils datent du 17 janvier 2017 et 2018 ne reflètent pas nécessairement la situation telle qu’elle se présente actuellement dans les prisons guinéennes.

A cela s’ajoute qu’il se dégage aussi bien des explications étatiques, sources internationales à l’appui, que du rapport intitulé « Situation of human rights in Guinea », publié par l’UNHCR le 17 janvier 2017, cité par le demandeur, que, dans une volonté de protection des droits de l’Homme, la Guinée a adopté en juillet 2016 un nouveau Code pénal qui abolit non seulement la peine de mort, mais qui crée également une infraction autonome de torture, telle que définie par l’article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements peines cruels, inhumains ou dégradant. Il ressort encore du rapport intitulé « Guinea 2018 Human Rights Report » publié par l’US Department of State que la réorganisation du système judicaire guinéen ayant eu lieu en 2015 et 2016 a réduit la durée de détention préventive de 65%.

Il s’ensuit qu’en l’absence d’autres éléments, c’est à juste titre que le ministre a retenu que Monsieur ... n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il courrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il lui a partant refusé l’octroi d’une protection subsidiaire au sens de l’article 2, point g), de ladite loi.

A titre superfétatoire et pour être complet, le tribunal est amené à relever que c’est encore à bon droit que le ministre a évoqué la possibilité pour le demandeur de profiter d’une fuite interne.

A cet égard, l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] le ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, a) il n’a aucune raison de craindre d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou b) il a accès à une protection contre les

4 Cour. adm. 17 novembre 2020, n°44929C du rôle, disponible sur jurad.etat.lu.

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persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 29, et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse. (2) Lorsqu’il examine si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe (1), le ministre tient compte, au moment où il statue sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 26. A cette fin, le ministre veille à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. ».

Ainsi, une possibilité de fuite interne ne saurait être considérée comme donnée que si, dans une partie du pays d’origine, le demandeur de protection internationale n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves, ou bien si, dans une partie du pays d’origine, il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves, à condition qu’il puisse effectuer le voyage vers cette partie du territoire en toute sécurité et légalité et qu’il puisse raisonnablement s’y établir. Il appartient dès lors au ministre d’identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, en tenant compte du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu’il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l’absence de tout risque, respectivement l’accès à une protection suffisante, du moins d’examiner et d’énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale.

Le ministre ne peut pas s’emparer d’un défaut par le demandeur d’établir 1'impossibilité de la fuite interne, mettant ainsi la charge de la preuve du côté du demandeur de protection internationale.

A cet égard, le tribunal relève que les faits dont fait état le demandeur n’ont qu’un caractère local et ne sont pas susceptibles de se reproduire sur l’ensemble du territoire guinéen.

Le tribunal est ainsi amené à rejoindre le ministre dans sa position suivant laquelle, compte tenu de son âge et de son état de santé, le demandeur n’aurait été en mesure de s’installer dans une autre ville ou région de la Guinée, notamment, tel que soutenu par la partie étatique, à Kankun, deuxième plus importante ville de son pays d’origine au lieu de se réfugier dans un pays tiers, l’affirmation du demandeur selon laquelle il ne serait pas en mesure de se réinstaller dans une autre ville ou région de son pays d’origine au motif que « ce n’est pas possible, car la Guinée est petite et mon oncle est influent et connu par tout le monde », étant en tout état de cause insuffisante à cet égard.

Il s’ensuit qu’au regard des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, les conditions d’une fuite interne sont données en l’espèce. En effet, la crainte du demandeur que son oncle pourrait le retrouver est purement hypothétique dans la mesure où le demandeur a affirmé lui- même ne pas avoir tenté de s’installer dans une autre région de son pays d’origine, de sorte que ses déclarations à cet égard restent à l’état de pure allégation.

Il s’ensuit, au vu de ce qui précède, que c’est à bon droit que le ministre a rejeté comme étant non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

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2. Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

S’agissant de l’ordre de quitter le territoire, le demandeur sollicite sa réformation comme conséquence de la réformation de la décision de refus d’une protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que les moyens dirigés par le demandeur à l’encontre de la décision ministérielle portant refus d’une protection d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire étaient dénués de fondement, de sorte que le recours du demandeur était pour autant qu’il est dirigé contre le refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire à rejeter, et comme le sort à réserver à l’ordre de quitter le territoire est lié à celui de la décision portant refus d’un statut de protection internationale, ni la légalité, ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 janvier 2020 en ce qu’elle porte refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

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17 condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 mars 2021 par : Annick Braun, vice-président,

Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge,

en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 mars 2021

Le greffier du tribunal administratif

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