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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet re chambre Audience publique du 10 février 2021

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Texte intégral

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Tribunal administratif N° 43280 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2019 1re chambre

Audience publique du 10 février 2021 Recours formé par

Monsieur ..., …, (…)

contre une décision du ministre de la Justice en matière de certificat de nationalité luxembourgeoise

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43280 du rôle et déposée le 15 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., demeurant à … (…), tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 23 mai 2019 ayant refusé la délivrance d’un certificat attestant dans son chef la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Marc Feyereisen déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2019 pour compte de Monsieur ..., préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 18 novembre 2020, et vu les notes de Maître Marc Feyereisen et de Monsieur le délégué du gouvernement Yves Huberty du 17 novembre 2020 censées remplacer les plaidoiries orales et produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020, avant l’audience.

___________________________________________________________________________

Par le biais d’un courrier de son litismandataire du 19 décembre 2018, Monsieur ...

introduisit auprès du ministère de la Justice, ci-après désigné par « le ministère », une demande en matière de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise, sur le fondement de l’article 89 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité, ci-après désignée par « la loi du 8 mars 2017 », en vue plus particulièrement de se voir délivrer un certificat attestant dans son chef la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900.

Par décision du 23 mai 2019, le ministre de la Justice, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur ...qu’il n’était pas en mesure de lui délivrer un certificat attestant

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dans son chef la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et qu’en conséquence, il ne lui serait pas possible de souscrire à une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise devant l’officier de l’état civil, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Par la présente, je me permets de vous informer des résultats de votre demande en recouvrement de la nationalité luxembourgeoise que vous avez introduite le 19 décembre 2018 au nom et pour compte de Monsieur ...(sic).

Aux termes de l’article 89 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise, votre mandant doit rapporter la preuve qu’il descend en ligne directe d’une personne qui était en vie le 1er janvier 1900 et qui possédait à cette date la qualité de Luxembourgeois.

Vous faites état des aïeux suivants dans le chef de votre mandant :

Monsieur J.K., né en 1754 à Lieler/Weiswampach, père de

Monsieur T.K., né en 1795 à Ouren (Belgique), père de

Monsieur M.K., né en 1830 à Ouren (Belgique) et toujours vivant au 1er janvier 1900.

- L’article 89 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise

Pour tomber dans les prévisions de l’article 89, l’aïeul en question doit cumulativement remplir les deux conditions suivantes :

être en vie à la date du 1er janvier 1900 ;

posséder à la date du 1er janvier 1900 la nationalité luxembourgeoise.

Monsieur J.K., né en 1754 à Lieler/Weiswampach, et Monsieur T.K., né en 1795 à Ouren (Belgique), n’étaient plus en vie le 1er janvier 1900, de sorte qu’ils ne peuvent pas être pris en considération dans le cadre de l’article 89 précité.

Monsieur M.K., né en 1830 à Ouren (Belgique), était toujours vivant au 1er janvier 1900. Se pose la question si celui-ci possédait la nationalité luxembourgeoise.

Possédait la qualité de Luxembourgeois aux termes de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815, celui qui remplissait cumulativement les trois conditions suivantes :

être né au Grand-Duché de Luxembourg ;

résider au Grand-Duché de Luxembourg ;

avoir des parents domiciliés au Grand-Duché de Luxembourg.

Vous faites l’affirmation suivante : « Or contrairement à ce qu’on peut découvrir sur certains sites Internet, la localité OUREN n’a pas été transférée à la Prusse mais a continué à rester sous les auspices de la loi fondamentale des Pays-Bas. »

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Toutefois, vous ne versez aucune pièce susceptible d’établir que la localité d’Ouren faisait partie de territoire du Grand-Duché de Luxembourg au moment de l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815.

À la suite du Congrès de Vienne de 1815, la région d’Eupen, Malmedy et Sankt Vith (dont fait partie Ouren comme appendice méridional), a été rattachée au Royaume de Prusse.

Vu que Monsieur M.K. n’était pas né au Grand-Duché de Luxembourg, celui-ci ne remplissait pas les exigences de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815, de sorte qu’il ne possédait pas la nationalité luxembourgeoise.

Votre mandant ne justifie donc pas d’être le descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, tel que requis.

- L’article 7 de la loi modifiée du 8 mars 2017 sur la nationalité luxembourgeoise L’article 7 est applicable aux personnes nées au Grand-Duché avant le 19 avril 1941.

Monsieur J.K. ne tombe pas sous les prévisions de l’article 7, parce qu’il était né à un moment où le Grand-Duché de Luxembourg n’existait pas encore.

Monsieur T.K. et Monsieur M.K. ne remplissent pas les conditions de l’article 7 pour le motif qu’ils sont nés sur le territoire du Royaume de Prusse.

Dès lors, aucun des trois aïeuls en question ne possédait la nationalité luxembourgeoise.

Dès lors, je ne suis pas en mesure de vous délivrer un certificat attestant que votre mandant est la descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900.

Il en résulte que votre mandant ne peut pas souscrire une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise devant l’officier de l’état civil.

La présente décision est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif à introduire, par requête signée d’un avocat à la cour, dans les trois mois à compter de la notification. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2019, Monsieur ...a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 23 mai 2019 refusant la délivrance dans son chef d’un certificat attestant sa descendance d’un aïeul possédant la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900.

Quant à la recevabilité du recours

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait valoir que ce serait à tort que Monsieur ...se fonde sur l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 pour introduire à titre principal un recours en réformation contre la décision entreprise, tout en faisant valoir que l’article 106 en question ne constituerait qu’une disposition transitoire ne couvrant que les procédures d’acquisition et de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise actées par l’officier de l’état civil à partir du 1er janvier 2009 et pendantes à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit

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le 1er avril 2017. Or, comme la partie demanderesse aurait sollicité la délivrance d’un certificat attestant sa descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 seulement

« au cours du mois de novembre 2017 » et donc postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017, l’article 106 de cette même loi ne trouverait pas à s’appliquer. Elle ajoute que, pour déterminer la nature du recours contentieux susceptible d’être introduit, il faudrait se référer à l’article 74 de la loi du 8 mars 2017 qui énumérerait de manière limitative les décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en réformation, parmi lesquelles ne figureraient pas les décisions portant refus de délivrance d’un certificat attestant la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900. En conséquence, le recours principal en réformation serait à déclarer irrecevable.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse insiste sur l’applicabilité en l’espèce de l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 et dès lors sur la possibilité d’introduire un recours en réformation contre la décision litigieuse.

Elle ajoute que si l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 ne lui ouvrait pas le droit à un recours en réformation, alors ce serait l’article 74 de la même loi, tout en faisant valoir que le refus d’établissement d’un certificat attestant de la descendance d’un aïeul luxembourgeois constituerait en tant que tel un refus de pouvoir souscrire une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise qui découlerait formellement de la décision ministérielle entreprise.

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique maintient ses contestations quant à la recevabilité du recours principal en réformation en insistant sur le fait que la décision litigieuse comprendrait deux volets intimement liés, à savoir le refus de délivrer un certificat attestant la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, ainsi que le refus de la possibilité de souscrire devant l’officier de l’état civil une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise, qui serait la conséquence directe du premier volet de la décision entreprise.

Elle insiste ensuite sur l’inapplicabilité de l’article 106 de la loi du 8 mars 2017, en soulignant que l’article en question figurerait sous le « chapitre 11. Dispositions abrogatoires et transitoires » et en réitérant les raisons pour lesquelles elle estime que la décision entreprise ne rentrerait pas dans les prévisions du champ d’application dudit article, à savoir plus particulièrement parce qu’aucun acte d’indigénat n’aurait été dressé par l’officier de l’état civil et qu’aucune procédure d’acquisition et de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise n’auraient été pendantes à la date du 1er avril 2017.

A cela s’ajouterait que l’article 74 de la loi du 8 mars 2017 ne pourrait pas non plus trouver à s’appliquer étant donné que le refus de délivrance d’un certificat attestant la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et le refus de la possibilité de souscrire devant l’officier de l’état civil une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise ne pourraient pas être assimilés à l’un des cas de figure limitativement énumérés dans ledit article et pour lesquels un recours en réformation est prévu.

Comme le législateur n’aurait dès lors pas prévu de recours en réformation ni contre le refus de délivrer un certificat attestant la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, ni contre le refus de la possibilité de souscrire devant l’officier de l’état civil à une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise, le recours principal en réformation serait à déclarer irrecevable.

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Il y a tout d’abord lieu de relever, à l’instar de la partie étatique, que la partie demanderesse ne saurait se baser sur les dispositions de l’article 106 de la loi du 8 mars 2017 pour introduire un recours au fond contre la décision entreprise.

En effet, aux termes de l’article 106 en question : « (1) Les procédures de naturalisation ou de recouvrement, actées par l’officier de l’état civil à partir du 1er janvier 2009 et pendantes à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, restent soumises, quant aux conditions de fond, aux dispositions des articles 6, 7, 10, 14 et 29 de la loi du 23 octobre 2009 sur la nationalité luxembourgeoise. (2) Le ministre statue sur les déclarations de naturalisation ou de recouvrement, visées au paragraphe qui précède. Les notifications et mentions sont faites conformément aux dispositions de l’article 21, paragraphes 5 et 6. (3) Les arrêtés ministériels portant refus de naturalisation ou de recouvrement sont susceptibles d’un recours en réformation devant le tribunal administratif. ».

Or, à l’instar de la partie étatique, le tribunal constate que l’article 106 qui est inscrit dans le chapitre 11 de la loi du 8 mars 2017, intitulé « Dispositions abrogatoires et transitoires », couvre uniquement les procédures d’acquisition et de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise actées par l’officier de l’état civil à partir du 1er janvier 2009 et pendantes à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017, en l’occurrence le 1er avril 2017.

Dans la mesure où la partie demanderesse a uniquement demandé en décembre 2018 et donc postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017, à se voir délivrer un certificat attestant sa descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, aucune procédure de recouvrement n’était en cours ni pendante à la date d’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017.

Afin de déterminer la nature du recours contentieux pouvant être dirigé contre la décision litigieuse, il convient dès lors de se référer à l’article 74 de la loi du 8 mars 2017, aux termes duquel : « (1) Les actions en revendication ou en contestation de la nationalité luxembourgeoise sont de la compétence du tribunal administratif qui statue comme juge du fond.

(2) Un recours en réformation est également ouvert contre : 1° l’arrêté ministériel portant refus de naturalisation ;

2° l’arrêté ministériel portant annulation de la déclaration d’option, de recouvrement ou de renonciation ;

3°l’arrêté ministériel portant déchéance de la qualité de Luxembourgeois ;

4°l’arrêté ministériel portant interdiction d’introduire une procédure de naturalisation, d’option ou de recouvrement ;

5° l’arrêté ministériel portant refus de transposition du nom et des prénoms. ».

Si l’article 74, paragraphe (1), de la loi du 8 mars 2017 prévoit que « Les actions en revendication ou en contestation de la nationalité luxembourgeoise sont de la compétence du tribunal administratif qui statue comme juge du fond. », il n’en reste pas moins qu’un recours qui, tel que le recours sous examen, est dirigé à l’encontre d’une décision ministérielle de refus de délivrance d’un certificat attestant la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois au 1er janvier 1900, ne constitue pas une action en revendication de la nationalité

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luxembourgeoise, étant donné qu’un tel certificat ne comporte pas d’élément décisionnel propre concernant l’octroi, à la personne concernée, de la nationalité luxembourgeoise, mais ne constitue que la reconnaissance administrative de la nationalité de l’aïeul de cette personne, nationalité qui est préalablement établie en conformité avec les dispositions légales régissant la nationalité luxembourgeoise, cette reconnaissance ne constituant d’ailleurs que la première étape de la procédure de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise visée à l’article 89 de la loi du 8 mars 2017.

A cela s’ajoute que la décision actuellement déférée ne figure pas non plus parmi la liste des arrêtés ministériels limitativement énumérés à l’article 74, paragraphe (2), de la loi du 8 mars 2017 et susceptibles de faire l’objet d’un recours en réformation, ladite décision n’étant, en effet, à qualifier ni d’arrêté ministériel portant refus de naturalisation, ni d’arrêté ministériel portant annulation de la déclaration d’option, de recouvrement ou de renonciation, ni d’arrêté ministériel portant déchéance de la qualité de Luxembourgeois, ni encore d’arrêté ministériel portant interdiction d’introduire une procédure de naturalisation, d’option ou de recouvrement, ni finalement d’arrêté ministériel portant refus de transposition du nom et des prénoms.

Au vu des considérations qui précèdent, il doit être retenu que le tribunal ne dispose pas de compétence en la présente matière pour statuer comme juge du fond, de sorte qu’il n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé à l’encontre de la décision déférée.

Le tribunal est, en revanche, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond

La partie demanderesse reprend tout d’abord les faits et rétroactes ayant abouti à la décision ministérielle litigieuse, tels que décrits plus haut.

En droit, elle se réfère au libellé de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 et à la motivation contenue dans la décision litigieuse pour souligner que la question « périlleuse » consisterait, en l’espèce, à définir la notion de « qualité de Luxembourgeois » au début du 19e siècle.

A titre principal et pour autant que la définition de la qualité de Luxembourgeois telle que développée par le ministre devait être exacte, elle verse plusieurs extraits de cartes publiées par « A. Finley General Atlas, édition 1827 », tout en expliquant que si celles-ci faisaient figurer les localités de St. Vith, Reuland, Eschfeld, Waxfeiler et Dasburg comme ayant été attribuées au Royaume de Prusse, les localités de Hosingen, Urspelt et Ouren seraient, quant à elles, indiquées comme figurant du côté du territoire luxembourgeois, respectivement de celui des Pays-Bas, la partie demanderesse soulignant que « ce même Ouren » appartiendrait actuellement à la Belgique et non pas à l’Allemagne.

A titre subsidiaire, elle donne à considérer que la problématique de la « qualité de luxembourgeois » s’avérerait être beaucoup plus compliquée que semblerait le suggérer le ministre et ce, notamment compte tenu des éléments spécifiques concernant ses aïeuls.

Elle précise, à cet égard, que J.K., qui serait « la plus ancienne référence », serait né en 1754 à Lieler, Weiswampach, dans le Duché de Luxembourg et qu’il aurait été marié à C.R.,

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tout en soulignant que tout porterait à croire qu’il avait passé la grande partie de sa vie à cet endroit, mais qu’il serait décédé à Ouren en 1829.

Elle explique ensuite que le fils de J.K., T. (T.) K., né en 1795 et décédé en 1870, semblerait toujours avoir séjourné à Ouren et que le fils de celui-ci, M.K., serait né en 1830 à Ouren et décédé en 1907 au Brésil. Elle ajoute que ce dernier aurait été marié une première fois avec M.G. et en deuxièmes noces avec C.K., en 1857. Il se dégagerait du certificat de mariage que M.K. aurait été un résident luxembourgeois.

Par ailleurs, un recensement de la population de 1855 renseignerait M.K., ensemble avec sa première épouse, comme habitant à Weiswampach, tandis qu’un autre recensement de la population de 1858 renseignerait encore M.K. ensemble avec sa deuxième épouse, C.K., à Weiswampach, la partie demanderesse insistant sur le fait qu’il se dégagerait de ce même

« bulletin de population », l’apparition du fils de M. et C., N. (N.) K., né le 19 avril 1858, y référencé comme « célibataire, âgé de 6 mois ».

Elle précise que ce même N. aurait émigré vers le Brésil avec ses parents aux alentours de 1863 où il aurait épousé C.H. (G.H.), mariage dont serait issue A.K., née en 1880 au Brésil, qui s’y serait mariée en 1898 et qui y aurait notamment donné naissance à …, né en 1908 au Brésil. N. K. serait, quant à lui, décédé au Brésil le 4 novembre 1926.

En considération de ces éléments, la partie demanderesse soutient que soit M.K., soit son fils, N. (N.) K., en ce qu’ils auraient été tous les deux vivants au 1er janvier 1900, seraient à considérer comme étant ses « aïeuls luxembourgeois » et ce, indépendamment du fait que la nationalité de ses aïeuls soit ou non à apprécier par rapport à l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas du 24 août 1815, ci-après désignée par « la loi fondamentale des Pays-Bas ».

Ensuite et pour autant que la nationalité de ses aïeuls serait à apprécier sur base de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, la partie demanderesse estime qu’il faudrait tenir compte du fait que M.K. aurait eu la qualité de luxembourgeois pour être né à Ouren, et qu’il serait à considérer comme étant soumis à la loi fondamentale des Pays-Bas et comme ayant vécu, par ailleurs, au Grand-Duché de Luxembourg jusqu’à son expatriation vers le Brésil tel que documentée par les « bulletins de la population » pour les années 1855 et 1858.

A défaut, il y aurait lieu d’admettre que, bien que sa mère se soit déplacée momentanément pour son accouchement à Reuland-Laschied auprès de ses parents, N. (N.) K.

serait à considérer comme Luxembourgeois sur base de la loi fondamentale des Pays-Bas en ce qu’il serait plus particulièrement prouvé en dehors de tout doute que son père, M.K. aurait résidé au plus tard à partir de l’année 1855 à Weiswampach et qu’il y aurait encore habité en 1858 dans la même maison, ensemble avec sa seconde épouse, C.K. et leur fils âgé de 6 mois, en l’occurrence N., la partie demanderesse renvoyant, à cet égard, à l’intégralité du texte de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas.

Ensuite et pour autant que la nationalité de ses aïeuls ne serait pas à apprécier sur base de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, la partie demanderesse soutient qu’il y aurait lieu de se référer à l’article 7 de la loi du 8 mars 2017 en application duquel N. K. serait à considérer comme Luxembourgeois au vu de sa possession d’état pour avoir été recensé en 1858 à l’âge de 6 mois à Weiswampach.

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Ce serait, par ailleurs, à tort que le ministre écarterait sans autres explications « la plus ancienne référence », à savoir J.K. qui serait pourtant né en 1754 à Lieler, Weiswampach, dans le Duché de Luxembourg et qui aurait été marié à C.R.. Même si effectivement l’aïeul en question était né dans le Duché de Luxembourg à une époque où le Grand-Duché n’existait pas encore, il serait toutefois constant que Lieler, Weiswampach ferait partie du Grand-Duché actuel. Il serait pareillement constant que J.K. serait né « au Luxembourg » tel qu’il existait à cette époque et qu’il aurait accédé au courant de sa vie à la « qualité de Luxembourgeois » pour n’être décédé qu’en 1839.

En se référant aux documents parlementaires de la loi du 8 mars 2017, elle ajoute que si l’article 7 de ladite loi était destiné à faciliter la preuve des personnes voulant prétendre à la nationalité luxembourgeoise, il n’en resterait pas moins que d’autres moyens de preuve resteraient permis, de sorte qu’il serait parfaitement possible de prétendre à cette qualité en se référant aux textes applicables à l’époque de la naissance de la personne concernée, respectivement au courant de la vie de celle-ci. Elle renvoie, par ailleurs, à des extraits d’un article de l’historien Denis Scuto, intitulé « Qu’est-ce qu’un luxembourgeois » et de la définition de la nationalité y contenue.

Elle estime, en tout état de cause, qu’en appliquant les principes juridiques dégagés par cet historien, il faudrait retenir que J.K., né en 1754 à Lieler, Weiswampach, dans le Duché de Luxembourg et y ayant vécu pratiquement toute sa vie, aurait été un « Luxembourgeois » dès sa naissance et qu’il aurait acquis au courant de sa vie la « nationalité luxembourgeoise grand- ducale » telle que l’entendrait le ministre.

Si certes J.K. n’avait plus été en vie au 1er janvier 1900, il n’en resterait pas moins qu’il aurait transmis sa « nationalité luxembourgeoise grand-ducale » à son fils T. (T.) K. en vertu du principe de la transmission de la nationalité par filiation, qui, à son tour, l’aurait transmise à M.K., qui lui l’aurait transmise à N. (N.) K., puisqu’aucune autre législation, le cas échéant applicable, ne se serait opposée à cette transmission.

Au vu de ces considérations, la partie demanderesse est d’avis qu’elle a pu documenter que soit M., soit N. (N.) K. a possédé la nationalité luxembourgeoise et qu’en conséquence, la décision entreprise serait à annuler pour violation de la loi.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique fait tout d’abord un rappel d’ordre historique et ce, eu égard au fait que l’enjeu de la présente affaire serait celui de déterminer la qualité de Luxembourgeois au cours du 19e siècle.

Elle explique ainsi qu’avant d’accéder à l’indépendance en 1839, le Luxembourg aurait appartenu successivement aux comtes et ensuite aux ducs de Luxembourg, aux ducs de Bourgogne, aux rois d’Espagne, aux rois de France, aux empereurs d’Autriche et aux rois des Pays-Bas. Par ailleurs, avant de prendre la dénomination de Grand-Duché de Luxembourg et d’être attribué au roi des Pays-Bas à l’issue du Congrès de Vienne en date du 9 juin 1815, le Luxembourg aurait constitué au début le Comté de Luxembourg et à partir de 1354 le Duché de Luxembourg.

Elle ajoute qu’au cours de son histoire, le Luxembourg aurait vu diminuer sa superficie par des démembrements territoriaux dont les deux plus récents auraient eu lieu (i) en 1815 suite au Congrès de Vienne lorsque les territoires luxembourgeois de l’Eifel et situés de l’autre côté de la Moselle, de la Sûre et de l’Our auraient été attribués à la Prusse et (ii) en 1839, suite au

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Traité de Londres du 19 avril 1839, lorsque le Luxembourg aurait été partagé en deux, la partie occidentale ayant été attribuée à la Belgique pour y constituer la Province de Luxembourg, tandis que la partie orientale, plus petite, aurait continué à former le Grand-Duché de Luxembourg qui aurait, de ce fait, pris sa forme actuelle avec ses 2.586 km2.

La partie étatique précise que si, sur le papier, le Grand-Duché de Luxembourg était devenu en 1815 un état distinct des Pays-Bas, en réalité, le roi des Pays-Bas, Guillaume Ier, n’aurait pas fait de distinction entre ces deux entités, de sorte à avoir gouverné le Grand-Duché comme s’il s’agissait de la 18e province de son royaume. En conséquence, la loi fondamentale des Pays-Bas aurait été étendue au Grand-Duché de Luxembourg et l’article 8 de cette loi aurait été le texte fondateur de la nationalité luxembourgeoise, la partie étatique soulignant que la loi fondamentale des Pays-Bas aurait été en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg jusqu’au 1er janvier 1842, date de l’entrée en vigueur de la première Constitution luxembourgeoise.

Elle ajoute que suite à la révolution belge ayant éclaté en 1830, seule la capitale du Grand-Duché de Luxembourg serait restée sous contrôle hollandais pour avoir été protégée par une garnison prussienne, tandis que le reste du pays, appelé pays plat, aurait été sous autorité belge à partir de 1831 jusqu’à la signature du Traité de Londres de 1839, qui aurait déterminé les frontières actuelles du Grand-Duché, cette même année ayant également marqué l’indépendance du pays.

Quant au fond, la partie étatique met en avant qu’afin de pouvoir solliciter le recouvrement de la nationalité luxembourgeoise sur base de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017, le candidat devrait notamment établir être le descendant d’un aïeul ayant possédé la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900, ce qui impliquerait nécessairement que l’aïeul en question devait être en vie à cette même date.

Or, en l’espèce, ni J., ni T.K. n’auraient plus été en vie à la date du 1er janvier 1900, de sorte qu’ils ne tomberaient pas sous les prévisions de l’article 89 en question. Seuls M. et N.

K. auraient encore été vivants à la date butoir.

La partie étatique souligne ensuite que pour posséder la qualité de Luxembourgeois aux termes de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, il fallait remplir trois conditions cumulatives, à savoir (i) être né au Grand-Duché de Luxembourg, (ii) y résider et (ii) avoir des parents y domiciliés.

Elle explique, à cet égard, que J.K. serait né au Duché de Luxembourg en 1754, à un moment où ni le Grand-Duché de Luxembourg ni la nationalité luxembourgeoise n’auraient encore existé. Elle ajoute que, contrairement à ce que soutiendrait la partie demanderesse, il n’aurait existé à l’époque aucun texte faisant mention d’un ius soli par rapport à une éventuelle nationalité luxembourgeoise.

Pour ce qui est de T.K., celui-ci serait né en 1795 dans la localité d’Ouren qui n’aurait jamais fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’à défaut d’être né au Grand-Duché, il n’aurait pas non plus rempli les conditions de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas.

Ensuite, en ce qui concerne M.K., la partie étatique explique que celui-ci aurait déménagé au Grand-Duché avant 1855 et plus particulièrement à Beiler, Weiswampach, une commune voisine de la localité d’Ouren. Elle ajoute que les recensements cités par la partie

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demanderesse n’indiqueraient pas la nationalité des résidents recensés, de sorte que des personnes de nationalité étrangère auraient vraisemblablement aussi été recensées. Par ailleurs, M.K. n’aurait pas introduit de procédure d’acquisition volontaire de la nationalité luxembourgeoise par voie de naturalisation, tandis qu’une attribution automatique de la nationalité sur le fondement d’une résidence au Grand-Duché n’aurait pas existé à l’époque en question. A cela s’ajouterait que le certificat de décès brésilien de M.K. ferait état de

« Alemanha » (Allemagne) dans la rubrique « Naturalidade » (pays d’origine). Comme il serait né dans la localité d’Ouren n’ayant jamais fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, il n’aurait pas non plus rempli les conditions de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas.

Pour ce qui est de N. K., la partie étatique explique que l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas ne lui aurait pas été applicable puisqu’il serait né après le 1er janvier 1842, date à laquelle la loi fondamentale aurait été remplacée par la première Constitution luxembourgeoise. Ce serait également à tort que la partie demanderesse plaiderait la possession d’état de Luxembourgeois dans le chef de N. K., étant donné qu’à cette époque, l’attribution de la nationalité luxembourgeoise par la possession d’état n’aurait pas été prévue et que ce ne serait que la loi du 23 avril 1934 sur l’indigénat luxembourgeois qui aurait consacré dans son article 29 le concept de possession d’état en droit luxembourgeois. Elle ajoute, à titre subsidiaire, qu’en tout état de cause, une simple résidence au Grand-Duché de Luxembourg n’établirait pas à suffisance de droit une possession d’état de Luxembourgeois.

Elle réfute finalement le renvoi par la partie demanderesse à l’ouvrage d’un historien luxembourgeois, en soulignant qu’il ne s’agirait pas d’un ouvrage juridique. Elle précise que si certes le droit français avait inspiré la législation sur la nationalité luxembourgeoise, il y aurait toutefois lieu de constater que la France aurait promulgué son Code civil à un moment où la nationalité luxembourgeoise n’aurait pas encore existé.

Ensuite, la partie étatique fait valoir que ni la partie demanderesse ni ses aïeux ne rentreraient dans les prévisions de l’article 7 de la loi du 8 mars 2017 qui ne couvrirait que le territoire luxembourgeois dans ses frontières actuelles telles que déterminées par le traité de Londres.

Or, T. et M.K. seraient nés dans la localité d’Ouren en 1795, respectivement en 1830.

Après avoir retracé l’évolution historique et géographique de cette localité, la partie étatique insiste sur le fait que cette localité n’aurait jamais fait partie du Grand-Duché de Luxembourg et qu’en conséquence, les deux aïeux en question ne pourraient pas être considérés comme étant nés sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Il s’ensuivrait qu’ils ne tomberaient pas non plus dans les prévisions de l’article 7 de la loi du 8 mars 2017.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse maintient tout d’abord ses développements quant à l’évolution de la situation géographique de la localité d’Ouren.

Ensuite, la partie demanderesse souligne que l’une des questions à laquelle il faudrait trouver une réponse, serait celle de la date exacte à partir de laquelle il serait possible de parler

« d’un luxembourgeois » au sens du ministre.

A cette fin, elle complète l’évolution historique du Luxembourg, telle que développée par la partie étatique, avec des détails repris de l’encyclopédie en ligne Wikipédia pour conclure que les parties s’accorderaient, en l’espèce, sur la date à partir de laquelle il pourrait être

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valablement parlé de « Grand-Duché », à savoir celle du Traité de Vienne de 1815, respectivement celle de la mise en vigueur de la loi fondamentale des Pays-Bas le 24 août 1815.

Il n’en resterait pas moins que la problématique de la « nationalité luxembourgeoise » ne s’en trouverait pas résolue.

Ainsi, la partie demanderesse s’interroge si cette nationalité peut être considérée comme s’appliquant à ceux qui étaient en vie à ces dates ou rétroactivement à ceux qui vont naître à partir de cette date, ou bien si elle s’applique à ceux qui étaient en vie à cette date et qui habitaient sur le territoire tel que découlant du Traité de Vienne, de sorte à devenir automatiquement et rétroactivement Luxembourgeois, respectivement à ceux qui étaient en vie à cette date, qui y ont vécu et qui l’ont quitté. Par ailleurs, se poserait la question de savoir si le ius soli ou le ius sanguinis était à appliquer, à qui et à partir de quand.

La partie demanderesse estime, quant à elle, que J.K., en ce qu’il serait né en 1754 à Lieler, Weiswampach, donc au Grand-Duché actuel, et qu’il y aurait vécu pratiquement toute sa vie, aurait été Luxembourgeois par naissance et qu’il aurait acquis au plus tard en 1815 ce que le ministre semblerait qualifier de « nationalité luxembourgeoise grand-ducale ».

Comme J.K. aurait été Luxembourgeois au plus tard en 1815, il aurait transmis sa nationalité à son fils T. en vertu du principe de la transmission de la nationalité par filiation, qui, à son tour, l’aurait transmise à M.K., qui serait né en 1830 et décédé au Brésil en 1907 et qui remplirait donc les critères fixés par l’article 89 de la loi du 8 mars 2017.

Elle ajoute que s’il devait être retenu que M.K. n’avait pas acquis la nationalité par filiation, il y aurait lieu de se référer aux documents présentés et communiqués lors de l’introduction du recours et documentant que M.K. était un résident luxembourgeois et qu’il aurait transmis sa nationalité à son fils.

Par ailleurs, si tous les éléments qui précèdent ne devaient pas être considérés comme persuasifs, il n’en resterait pas moins que N. K. serait né le 19 avril 1858, de sorte qu’il serait à considérer comme Luxembourgeois pour avoir vécu à Weiswampach au plus tard à l’âge de 6 mois avec ses parents luxembourgeois.

La partie demanderesse maintient, par ailleurs, son argumentation basée sur l’ouvrage de l’historien Denis Scuto, en insistant sur le fait qu’il s’agirait de la seule référence ayant tenté de déterminer l’époque à partir de laquelle il serait possible de parler de la nationalité luxembourgeoise et de sa transmission.

Elle ajoute qu’il ne ferait pas de doute que le Code civil français avait été promulgué le 15 mars 1803, qu’il contenait un article 9 sur la nationalité, abrogé le 23 avril 1934, dont le contenu serait à lire, suivant les explications reçues de la part des services du ministre, comme suit : « Est luxembourgeois l’enfant né d’un père luxembourgeois. », de sorte que se poserait à ce niveau une question d’applicabilité et de rétroactivité de la loi qui, en matière de « statuts de personnes », devrait s’appliquer rétroactivement à partir de 1803, tel que l’expliquerait

« l’historien contesté ».

Dans son mémoire en duplique, la partie étatique fait valoir que ce serait à tort que la partie demanderesse voudrait faire croire que la nationalité luxembourgeoise aurait précédé la création de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la suite du Congrès de Vienne de 1815.

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La réponse à la question évoquée par la partie demanderesse, à savoir celle de la date exacte à partir de laquelle il pourrait être parlé d’un Luxembourgeois, résiderait dans la définition qui serait généralement donnée de la nationalité luxembourgeoise, la partie étatique se référant, à cet égard, à la définition de la notion de « nationalité » telle que se dégageant du dictionnaire Larousse et sur base de laquelle il devrait être constaté que sans Etat, il n’y aurait pas de nationalité. La création d’une nationalité serait dès lors concomitante avec celle de l’Etat concerné.

Elle ajoute que lors de la Révolution française, la France aurait conquis une nouvelle fois le Duché de Luxembourg en 1794 et que le Code civil aurait été décrété le 5 mars 1803 et promulgué le 15 mars 1803, tout en précisant qu’il se serait agi d’une époque à laquelle l’actuel territoire luxembourgeois aurait fait partie de la République française et aurait formé un département français sous le nom de « Département des Eaux et des Forêts ».

La partie étatique maintient, en tout état de cause, sa position suivant laquelle l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas constituerait le texte fondateur de la nationalité luxembourgeoise et qu’à défaut d’un Etat du Grand-Duché de Luxembourg, il n’y aurait pas eu de nationalité luxembourgeoise pendant la période de la promulgation du Code civil en 1803 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas.

Elle ajoute que, dans cette logique, le texte « Est luxembourgeois l’enfant né d’un père luxembourgeois », découlant du Code civil, auquel se référerait la partie demanderesse, aurait été en vigueur à partir de la création de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg en 1815 jusqu’à son abrogation par la loi modifiée du 23 avril 1934 sur l’indigénat luxembourgeois, la partie étatique précisant qu’à défaut de disposition législative expresse sur la rétroactivité, le texte en question ne pourrait pas rétroagir jusqu’à l’année 1803.

Il s’ensuivrait qu’aux termes de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, il devrait être considéré que possédait la qualité de Luxembourgeois, celui qui remplissait cumulativement les trois conditions se dégageant de ce texte, sans que l’article 8 en question ne pourrait rétroagir, faute de disposition expresse sur la rétroactivité contenue dans la loi fondamentale.

Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 : « (1) Le descendant en ligne directe paternelle ou maternelle d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 et que celui-ci ou l’un de ses descendants a perdu la nationalité luxembourgeoise sur base des dispositions légales antérieures, peut recouvrer la nationalité luxembourgeoise, à condition :

1° de présenter la demande en certification de la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 au ministre jusqu’au 31 décembre 2018 ; et

2° de souscrire la déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise devant l’officier de l’état civil jusqu’au 31 décembre 2020.

Ces délais sont à observer sous peine d’irrecevabilité de la procédure.

(2) Les dispositions des articles 40 à 45 sont applicables. ».

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Le déclenchement de la procédure de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise sur le fondement de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 impose dès lors, dans un premier temps, au requérant de prouver, d’une part, qu’il est le descendant en ligne directe paternelle ou maternelle d’un aïeul ayant eu la nationalité luxembourgeoise à la date du 1er janvier 1900, preuve qui sera matérialisée par le biais de la délivrance d’un certificat attestant de cette qualité dans le chef de l’aïeul en question et, d’autre part, que l’aïeul en question ou bien un descendant de celui-ci, a perdu la nationalité luxembourgeoise sur base de dispositions légales antérieures.

Pour pouvoir se voir délivrer un certificat attestant de la qualité de descendant d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900, il appartient donc tout d’abord à la partie demanderesse, conformément à l’article 89 de la loi du 8 mars 2017, de prouver qu’elle est la descendante directe d’un aïeul ayant eu la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900.

Il y a, à cet égard, tout d’abord lieu de constater qu’il est constant en cause que J. et T.K. étaient décédés à la date du 1er janvier 1900, de sorte qu’ils ne tombent pas sous les prévisions de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017.

Il s’ensuit que seuls M. et N. K., tous deux ayant de manière non contestée encore été vivants au 1er janvier 1900, sont susceptibles de tomber directement dans les prévisions de l’article 89 en question. Dans la mesure où néanmoins la partie demanderesse tente notamment d’établir la nationalité luxembourgeoise dans le chef de ces deux personnes en argumentant que M.K., père de N. K., aurait acquis la nationalité luxembourgeoise à travers son père, respectivement son grand-père, le tribunal sera tout de même amené à examiner, à l’instar du ministre et de la partie étatique, la question du statut de J. et T.K..

Il est constant en cause que le Grand-Duché de Luxembourg a été créé par le Congrès de Vienne en 1815 lors duquel il a été attribué au roi des Pays-Bas, les parties s’accordant encore pour dire qu’avant le Congrès de Vienne, le Luxembourg constituait au début le comté de Luxembourg créé au sein du Saint Empire romain germanique et, à partir de 1354, le Duché de Luxembourg.

Avant le Congrès de Vienne en 1815, il n’existait dès lors pas de Grand-Duché de Luxembourg.

Il est encore constant en cause que suite à la création du Grand-Duché de Luxembourg et de son attribution au roi des Pays-Bas, la loi fondamentale des Pays-Bas a été étendue au Grand-Duché de Luxembourg et qu’elle n’a été définitivement remplacée qu’en 1842 par la première Constitution luxembourgeoise.

Le tribunal se doit, à cet égard, de retenir, à l’instar de la partie étatique, que ce n’est nécessairement qu’à partir du moment où un Etat existe que peut exister une nationalité y rattachable, la nationalité étant, en effet, à entendre comme l’appartenance juridique et politique d’une personne à la population constitutive d’un Etat1.

C’est également cette définition de la nationalité qui se dégage de l’article de l’historien Denis Scuto invoqué par la partie demanderesse, celui-ci définissant la nationalité comme « le lien juridique d’appartenance d’un individu à un Etat ». Ce même historien ne fait d’ailleurs

1 « La nationalité luxembourgeoise », par Charles Elsen, Conseiller de Gouvernement.

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qu’énumérer ce que sont, selon lui, les quatre critères principaux qui, en tant que signes de ce lien, interviendraient pour l’attribution de la nationalité, sans qu’il ne saurait toutefois être tiré de cette énumération une quelconque conclusion en droit quant au mode d’attribution de la nationalité réellement applicable au cours des derniers siècles au sein de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, l’historien lui-même précisant que la nationalité est un « droit accordé à des personnes, une politique définie par les législateurs et les hommes d’Etat », et que ce seraient donc les critères tels que finalement retenus par ceux-ci qui trancheraient la question de savoir

« Qu’est-ce qu’un Luxembourgeois ».

Comme il est constant en cause que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a été créé qu’en 1815 et qu’il vient d’être retenu ci-avant qu’antérieurement à sa création, il ne pouvait y avoir de nationalité y rattachable, une nationalité luxembourgeoise au sens de l’article 89 de la loi du 8 mars 2017 n’a pu s’acquérir qu’à partir de 1815 et plus particulièrement à partir de l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, dont il n’est pas contesté qu’il constitue le texte fondateur de la nationalité luxembourgeoise telle que rattachable à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg

Il s’ensuit qu’à défaut de nationalité luxembourgeoise avant la création de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et faute de disposition légale expresse sur la rétroactivité, il doit également être admis que le texte découlant de l’article 9 du Code civil français de 1803, abrogé par la loi modifié du 23 avril 1934 sur l’indigénat luxembourgeois, qui, de l’accord des parties, était à lire comme suit : « Est Luxembourgeois l’enfant né d’un père luxembourgeois », n’était pas applicable dès 1803, voire de manière rétroactive, tel que veut le faire croire la partie demanderesse, sans toutefois sous-tendre cette affirmation par le moindre élément de preuve tangible. Il se dégage, au contraire, de l’article de l’historien Denis Scuto auquel la partie demanderesse se réfère elle-même que c’est « Après l’indépendance du Luxembourg2, [que]

l’article 9 du Code civil précisera : " Est luxembourgeois l’enfant né d’un père luxembourgeois". ».

Le tribunal relève, dans ce contexte, encore que suivant l’article 77 de la loi du 8 mars 2017 « L’attribution et la perte de la nationalité luxembourgeoise sont régies par la loi en vigueur au temps de l’acte ou du fait auquel la loi attache ces effets. » et que, suivant la doctrine, avant l’inscription de ce principe dans la loi luxembourgeoise, il existait déjà un principe non écrit dans la loi, mais appliqué sans restriction par la pratique administrative que l’acquisition et la perte de la nationalité luxembourgeoise étaient régies par la loi en vigueur au temps de l’acte ou du fait auquel la loi attache ces effets et que la loi nouvelle ne rétroagit pas, sauf disposition contraire expresse ou disposition transitoire3.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, c’est à bon droit que le ministre et la partie étatique ont analysé si les aïeuls J., T. et M., tels qu’invoqués par la partie demanderesse à l’appui de sa demande en délivrance du certificat litigieux, pouvaient être considérés comme ayant possédé la qualité de Luxembourgeois aux termes de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, étant relevé que faute de disposition sur la rétroactivité contenue dans la loi fondamentale des Pays-Bas, l’article 8 de celle-ci ne pouvait pas non plus rétroagir.

Conformément à l’article 8 de la loi fondamentale : « Nul ne peut être nommé membre des Etats-Généraux, chef ou membre des départements d’administration générale, conseiller

2 Souligné par le tribunal

3 « La nationalité luxembourgeoise », Charles Elsen, Conseiller de Gouvernement.

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d’Etat, commissaire du roi dans les provinces, ou membre de la haute cour, s’il n’est habitant des Pays-Bas, né soit dans le royaume, soit dans les colonies, de parents qui y sont domiciliés.

S’il est né à l’étranger, pendant une absence de ses parents, momentanée ou pour le service public, il jouit des mêmes droits. », de sorte qu’en application de cette disposition, la qualité de Luxembourgeois appartenait, sans autre condition, à tout habitant né dans le Grand-Duché de Luxembourg, - tel que créé et délimité par le Congrès de Vienne en 1815 -, sous l’empire de cette loi, de parents, même étrangers, mais domiciliés dans le pays.

A partir de l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, possédait donc la nationalité luxembourgeoise, celui qui remplissait les trois conditions cumulatives suivantes, à savoir (i) être né au Grand-Duché de Luxembourg, (ii) résider au Grand-Duché de Luxembourg et (iii) avoir des parents domiciliés au Grand-Duché de Luxembourg, ces conditions étant, tel que retenu ci-avant, à lire par rapport au Grand-Duché de Luxembourg tel que créé par le Congrès de Vienne en 1815.

Au vu de ces considérations, il y a lieu de relever que J.K., qui, de manière non contestée, est né en 1754 dans le Duché de Luxembourg, qui faisait alors partie des Pays-Bas autrichiens, et donc à un moment où l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’existait pas encore, ne pouvait avoir la nationalité du Grand-Duché de Luxembourg ni au moment de sa naissance, ni sur le fondement de la loi fondamentale des Pays-Bas, l’affirmation de la partie demanderesse suivant laquelle J.K. aurait soi-disant automatiquement acquis, en 1815, la nationalité luxembourgeoise après que le Duché de Luxembourg est devenu le Grand-Duché de Luxembourg, restant en tout état de cause à l’état de pure allégation, la partie demanderesse ne faisant que supposer une telle acquisition, sans toutefois établir à quel titre exactement celui- ci aurait acquis la nationalité de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ce constat est d’autant plus vrai que si certes il n’est pas contesté que J.K. est né dans la localité de Lieler, Weiswampach et que celle-ci a fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg suite à la création de celui-ci, la partie demanderesse admet elle-même qu’elle n’est pas en mesure d’affirmer sans le moindre doute qu’à partir de 1815, J.K. a habité dans l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, pour, en effet, ne faire que supposer qu’il aurait passé

« la grande partie de sa vie » à Lieler, Weiswampach, tout en affirmant, par ailleurs, qu’il serait décédé dans la localité d’Ouren, localité qui, tel que le tribunal sera amené à le retenir ci-après, n’a pas fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg suite au Congrès de Vienne, ni ultérieurement. A cela s’ajoute qu’il est constant en cause que le fils de J.K., T.K., est né en 1795 non pas sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, mais dans la localité d’Ouren.

Il s’ensuit qu’en tout état de cause, même indépendamment de la question de savoir si, à l’époque, il avait ou non été possible d’un point de vue légal à J.K. de transmettre sa nationalité par filiation à son fils, à défaut de preuve que celui-ci a possédé la nationalité du Grand-Duché de Luxembourg, il ne lui, a, en tout état de cause, pas non plus été possible de transmettre à son fils, T.K., né en 1795, la nationalité luxembourgeoise au sens de la loi du 8 mars 2017.

Pour ce qui est de T.K., les mêmes conclusions tant en ce qui concerne la possession que l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise qu’en ce qui concerne la question de savoir s’il a pu transmettre une telle nationalité à son fils au moment de la naissance de celui-ci s’imposent, puisque celui-ci est non seulement né en 1795 et donc également à un moment où l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, tel que créé par le Congrès de Vienne, et la nationalité

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luxembourgeoise y rattachable n’existaient pas encore, mais que, par ailleurs, il est, tel que relevé ci-avant, né dans la localité d’Ouren qui, tel que cela sera développé ci-après, n’a jamais fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En ce qui concerne ensuite M.K., s’il vient d’être retenu ci-avant qu’il n’a pas pu se voir transmettre la nationalité luxembourgeoise par son père, il faut néanmoins analyser s’il n’a pas pu la posséder conformément à l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas, alors qu’il est constant en cause qu’il est né en 1830 et donc suite à la création de l’Etat du Grand- Duché de Luxembourg, à un moment où, de l’accord des parties, l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas était en vigueur.

Il convient plus particulièrement d’apprécier si c’est à bon droit que le ministre et la partie étatique affirment que M.K. ne remplit pas les trois conditions cumulatives prévues audit article, les parties étant plus particulièrement en désaccord sur la question de savoir si la localité d’Ouren faisait ou non partie, au moment de la naissance de M.K., du territoire du Grand- Duché de Luxembourg tel que créé et délimité par le Congrès de Vienne, la partie étatique affirmant que cette localité n’a jamais fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Il n’est pas contesté que la localité d’Ouren est à l’heure actuelle un village, situé de part et d’autre de l’Our belge, de la commune de Burg-Reuland, située en communauté germanophone de Belgique et région wallonne dans la province de Liège, faisant partie de la région d’Eupen, de Malmedy et de St. Vith.

Il se dégage ensuite des explications exhaustives de la partie étatique, pièces à l’appui, que la localité d’Ouren a toujours suivi le même sort que les alentours de St. Vith. Or, il ressort des pièces versées en cause par la partie étatique qu’avant le Congrès de Vienne en 1815, les alentours de St. Vith, y compris la localité d’Ouren, appartenaient au Duché de Luxembourg et ce, jusqu’à l’invasion napoléonienne en 1795 suite à laquelle la région en cause a appartenu, sous Napoléon 1er, de 1795 à 1815, au département de l’Ourthe, avant d’être intégrée en 1815 au Royaume de Prusse.

Ces développements se trouvent confirmés à la fois par la publication « Le Monument de l’Europe à Ouren/Lieler » qui décrit l’évolution historique de la localité d’Ouren, que par l’article 25 de l’acte final du Congrès de Vienne, tel que versé aux débats, dont il se dégage que : « S.M. Le Roi de Prusse possédera de même en toute propriété et souveraineté les pays situés sur la rive gauche du Rhin, et compris dans la frontière, ci-après désignée. Cette frontière commencera sur le Rhin à Bingen ; elle remontera … ensuite elle remontera la Moselle jusqu’à son confluent avec la Sûre, cette dernière jusqu’à l’embouchure de l’Our, et l’Our jusqu’aux limites de l’ancien département de l’Ourthe. … Dans l’ancien département de l’Ourthe, les cinq cantons de Saint-Vith, Malmedy, Cronenbourg, Schleiden et Eupen … appartiendront à la Prusse ».

Force est, à cet égard, de constater que l’acte de naissance de M.K. vient corroborer l’appartenance en 1830 de la localité d’Ouren au Royaume de Prusse en ce qu’il mentionne la

« Gemeinde Reuland », du « Kreis Malmedy » et du « Regierungsbezirk Aachen ».

Il n’est pas non plus contesté que, suite au Traité de Versailles de 1919, la localité d’Ouren a été intégrée au Royaume de Belgique dont elle fait encore partie à ce jour.

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Si la partie demanderesse verse plusieurs extraits de cartes « Published by A. Finley General Atlas, édition 1827 » pour soutenir qu’il s’agirait des seules cartes qu’elle aurait pu trouver représentant la situation post-Congrès de Vienne et que celles-ci feraient figurer les localités de Hosingen, Urspelt et Ouren du côté du territoire luxembourgeois, force est de constater, à l’instar de la partie étatique, que lesdites cartes représentent manifestement une situation géographique ayant existé avant la création, en 1815, du Grand-Duché de Luxembourg puisqu’elle cartographie sans équivoque, entre autres, le « Duché de Luxembourg ». Il s’ensuit que les indications figurant sur ces cartes, en ce qu’elles se rapportent manifestement à une période où l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’existait pas encore, sont dénuées de pertinence pour déterminer si la localité d’Ouren faisait, à partir de 1815, partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, seule question pertinente en l’espèce.

A défaut d’autres éléments produits en cause par la partie demanderesse et au vu de la documentation étoffée fournie par la partie étatique pour sous-tendre son argumentaire, aucun reproche ne saurait être adressé au ministre pour avoir retenu que la localité d’Ouren ne faisait pas partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg au moment de la naissance de M.K.

en 1830 et pour en avoir conclu que celui-ci ne remplissait dès lors pas les conditions prévues à l’article 8 de la loi fondamentale des Pays-Bas pour pouvoir être considéré comme possédant la nationalité luxembourgeoise. Le tribunal rejoint encore la partie étatique dans son constat que la partie demanderesse n’établit pas que M.K. aurait, à un moment donné, introduit une procédure d’acquisition volontaire de la nationalité luxembourgeoise par voie de naturalisation.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les recensements de la population versés en cause qui renseignent certes que M.K. a habité en 1855 et en 1858 à Lieler, Weiswampach, localité ayant de manière non contestée fait partie à ces dates du territoire du Grand-Duché de Luxembourg. En effet, outre le fait que les documents en question ne contiennent aucune indication quant à la nationalité qu’il a possédée, force est de constater que la partie demanderesse n’établit de toute façon pas qu’à l’époque, il aurait été possible de se voir automatiquement attribuer la nationalité luxembourgeoise sur le fondement de la seule résidence sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. A cela s’ajoute que l’acte de décès brésilien de M.K. indique, au contraire, comme pays d’origine « Alemanha », ce qui conforte la thèse étatique suivant laquelle M.K. n’a jamais possédé la nationalité luxembourgeoise au sens de la loi du 8 mars 2017.

Au vu de cette conclusion, il devient surabondant d’analyser si M.K. peut être considéré comme ayant résidé au Grand-Duché de Luxembourg, respectivement si, au moment de sa naissance, ses parents étaient domiciliés sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel que créé et délimité par le Congrès de Vienne.

Pour ce qui est finalement de N. K., fils de M.K., il est constant en cause que celui-ci est né après le 1er janvier 1842, donc à un moment où la loi fondamentale des Pays-Bas avait été remplacée par la première Constitution luxembourgeoise. L’argumentation de la partie demanderesse visant à établir la possession de la nationalité luxembourgeoise dans son chef sur le fondement de la loi fondamentale des Pays-Bas est dès lors à écarter.

Dans la mesure où l’argumentation de la partie demanderesse viserait encore à établir dans le chef de N. K. la nationalité luxembourgeoise sur base de la considération que son père, M.K. aurait possédé la nationalité luxembourgeoise et que celle-ci lui aurait dès lors été transmise par celui-ci, force est de constater que celle-ci tombe à faux puisqu’il a été retenu ci-

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avant qu’il n’était pas établi que M.K. avait la nationalité luxembourgeoise, de sorte qu’il n’a pas non plus pu la transmettre à son fils.

Si la partie demanderesse semble encore vouloir plaider la possession d’état dans le chef de N. K., le tribunal relève qu’il se dégage des explications étatiques non contestées que ce n’est que la loi du 23 avril 1934 sur l’indigénat luxembourgeois qui a consacré le concept de possession d’état en droit luxembourgeois, de sorte que le seul fait que N. K. ait été recensé en 1858 pour avoir vécu à l’âge de 6 mois avec ses parents à Weiswampach n’est, en tout état de cause, pas de nature à établir que celui-ci ait eu la nationalité luxembourgeoise, ce d’autant plus qu’il est constant en cause qu’il n’est pas né sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, mais à Reuland-Lascheid, dans le Royaume de Prusse.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a retenu que la partie demanderesse n’avait pas établi remplir les conditions prévues à l’article 89 de la loi du 8 mars 2017, à savoir qu’elle était la descendante en ligne directe d’une personne qui était en vie le 1er janvier 1900 et qui possédait à cette date la qualité de Luxembourgeois.

Pour ce qui est de l’article 7 de la loi du 8 mars 2017 aux termes duquel : « (1) La naissance au Grand-Duché de Luxembourg avant le 19 avril 1939 établit la nationalité luxembourgeoise. (2) Chaque année le 1er janvier, la date visée au paragraphe qui précède est incrémentée d’une année.», force est de constater que si celui-ci instaurait au moment de la prise de la décision litigieuse une présomption de nationalité dans le chef des personnes nées au Grand-Duché de Luxembourg avant le 19 avril 1941, le tribunal se doit de relever que l’article 7 - qui s’inscrit dans le cadre des dispositions légales régissant l’attribution de la qualité de Luxembourgeois par le seul effet de la loi - ne peut nécessairement viser que les personnes nées sur le territoire luxembourgeois dans ses frontières au moment de l’entrée en vigueur de la loi du 8 mars 2017, telles qu’elles ont été délimitées par le Traité de Londres du 19 avril 1839 et qui sont restées inchangées depuis lors.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que J. et T.K. sont nés à un moment où l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, tel que créé par le Congrès de Vienne, n’existait pas encore, en l’occurrence respectivement en 1754 et en 1795, tandis que M.K. est né en 1830, donc suite à la création de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, mais dans une localité n’ayant pas fait partie du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, la présomption de nationalité luxembourgeoise instaurée à l’article 7 de la loi du 8 mars 2017 ne saurait, en tout état de cause, jouer dans leur chef.

Pour ce qui est de N. K., né en 1858, force est de constater qu’il se dégage des explications de la partie demanderesse qu’il est né non pas au Grand-Duché de Luxembourg, mais à Reuland-Lascheid dans le Royaume de Prusse, de sorte qu’il ne saurait pas non plus bénéficier de la présomption de nationalité instaurée par le biais de l’article 7 de la loi du 8 mars 2017.

S’il n’est pas contesté qu’il a habité avec ses parents en 1858 à Weiswampach, localité ayant fait partie à cette époque du territoire du Grand-Duché de Luxembourg, avant d’émigrer avec eux au Brésil en 1863, tel que relevé ci-avant, cette seule résidence sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ne saurait suffire pour établir dans son chef une possession d’état de Luxembourgeois, ce d’autant plus qu’il n’est pas contesté que le concept de possession d’Etat n’a été consacré en droit luxembourgeois que par la loi du 23 avril 1934 sur l’indigénat luxembourgeois.

(19)

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, le tribunal est amené à conclure que c’est sans commettre d’erreur en droit et sur base d’une appréciation correcte des faits de l’espèce que le ministre a décidé de ne pas faire droit à la demande de délivrance d’un certificat attestant dans le chef de la partie demanderesse la descendance d’un aïeul luxembourgeois à la date du 1er janvier 1900 avec comme conséquence que la partie demanderesse ne peut pas souscrire une déclaration de recouvrement de la nationalité luxembourgeoise auprès de l’officier de l’état civil.

Il s’ensuit qu’à défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.500.- euros formulée par la partie demanderesse sur le fondement de l’article 33 de loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ; se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ; reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la partie demanderesse ;

met les frais et dépens à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 2021 par : Alexandra Castegnaro, premier juge,

Alexandra Bochet, juge, Carine Reinesch, juge,

en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Alexandra Castegnaro

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 février 2021 Le greffier du tribunal administratif

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