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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier e chambre Audience publique du 5 février 2021

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Tribunal administratif Numéro 42186 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 janvier 2019 4e chambre

Audience publique du 5 février 2021 Recours formé par Madame ..., …, contre une décision du ministre de la Santé

en matière d’exercice de la profession de psychothérapeute

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 42186 du rôle et déposée le 2 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Jacques Lorang, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ..., psychologue, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Santé du 5 décembre 2018 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande tendant à se voir autoriser à exercer la profession de psychothérapeute ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2019 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2019 par Maître Jean-Jacques Lorang pour compte de sa mandante ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2019 ;

Vu l’autorisation du tribunal administratif du 6 juin 2019 accordée à chacune des parties à l’instance en vue de la production d’un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire, qualifié de « mémoire en triplique », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 juillet 2019 par Maître Jean-Jacques Lorang pour compte de sa mandante ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2019 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Gaëlle Relouzat, en remplacement de Maître Jean-Jacques Lorang, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives.

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Par une demande signée en date du 20 janvier 2018, réceptionnée en date du 8 février 2018, Madame ... sollicita l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

En date du 28 février 2018, le Collège médical du Grand-Duché de Luxembourg émit un avis favorable quant à la demande d’autorisation de Madame ... d’exercer comme psychothérapeute et le port de titre y relatif, et ce, au motif que le « dossier [de] la candidate satisfait aux critères exigés par [la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute] et du [règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute] ».

En date du 2 août 2018, le Conseil scientifique de psychothérapie émit un avis défavorable quant à la demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute présentée par Madame ..., aux motifs que sa « pratique de psychothérapie [est] non reconnue » et qu’elle ne disposait pas

« de formation en psychothérapie qualifiante », de sorte à ne pas remplir « les conditions de formation de base et continue ou de pratique en psychothérapie exigées par la Loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute pour l’accès à l’exercice de la profession de psychothérapeute (Cf. Art. 2 et 20) ». Il se dégage encore du compte-rendu de la réunion précitée du 2 août 2018 que l’avis négatif du Conseil scientifique de psychothérapie était encore basé sur les considérations suivantes : « Le certificat « Systemische Familienberaterin » délivré par le Kannerschlass ne rentre pas dans les courants psychothérapeutiques reconnus par le Conseil scientifique de psychothérapie. Il en va de même pour l’attestation de formation en artthérapie.

D’autant plus, en tant que psychologue elle n’exerce des actes psychothérapeutiques que depuis 2017. ».

En date du 5 décembre 2018, le ministre de la Santé, ci-après dénommé le « ministre » informa Madame ... de ce qui suit :

« (…) En référence à votre demande du 20 janvier 2018, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande d’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

En effet, je me rallie à l’avis que vient d’émettre le Conseil scientifique de psychothérapie, qui retient que vous ne remplissez pas la condition de formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures prévue à l’article 20 point 2 de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute.

Ledit avis est annexé à la présente et fait partie intégrante. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 janvier 2019, Madame ...

a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 5 décembre 2018.

L’article 2, paragraphe (6) de la loi modifiée du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute, ci-après dénommée la « loi du 14 juillet 2015 », prévoit la possibilité d’introduire un recours en réformation « qui peut être introduit dans le mois qui suit sa notification contre toute décision d’octroi, de refus, de suspension ou de retrait d’une autorisation d’exercer », de sorte que, contrairement à l’argumentation développée par le délégué du gouvernement, dans son

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mémoire en réponse, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle précitée du 5 décembre 2018.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours principal en réformation est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En droit, la demanderesse reproche tout d’abord au ministre d’avoir limité son examen de la demande sous le seul angle de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ne prenant ainsi aucune décision sur base de l’article 2 de la même loi. Dans ce contexte, et du fait que le seul formulaire à remplir par tous les demandeurs tendant à se voir autoriser l’exercice de la profession de psychothérapeute ne prévoirait aucun choix afin de déterminer si un demandeur entend opter pour une demande basée sur l’article 2 ou sur l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, le ministre serait en conséquence obligé d’examiner la demande afférente sous l’angle des deux articles, ce qui, en l’espèce, n’aurait manifestement pas été fait, du fait que le ministre ne se serait référé qu’à l’article 20 de la loi en question. La demanderesse ajoute que le seul fait pour le Conseil scientifique de psychothérapie de se référer aux deux articles ne serait pas de nature à purger le vice affectant la décision ministérielle du 5 décembre 2018. Il faudrait partant conclure de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre n’aurait pas motivé la décision sous examen quant à la demande présentée par la demanderesse au regard de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015.

En deuxième lieu, la demanderesse conclut à la nullité de la délibération du Conseil scientifique de psychothérapie, du fait que l’avis dudit conseil se trouvant à la base de la décision sous examen n’indiquerait pas « les informations essentielles à la vérification de la validité de la décision en question », à savoir le nombre de membres présents, ainsi que le nombre de voix qui ont été exprimées, pour ou contre l’octroi du titre de psychothérapie en sa faveur. Ainsi, et faute de procès-verbal de la séance litigieuse, il serait impossible de déterminer si au moins deux tiers des membres étaient présents et si le Conseil scientifique de psychothérapie s’était prononcé à la majorité des membres présents.

En troisième lieu, la demanderesse reproche au ministre de ne pas avoir motivé la décision sous examen et ce, au regard des exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », du fait que le ministre se serait limité à renvoyer à l’avis émis par le Conseil scientifique de psychothérapie qui, lui, ne serait pas davantage motivé à suffisance de droit. A cet égard, la demanderesse relève que, dans son avis émis dans le cadre de sa demande, le Conseil scientifique de psychothérapie se serait limité, en ce qui concerne l’indication des motifs se trouvant à la base de son avis défavorable, de cocher deux des quatre cases pré-imprimées, sans prévoir une quelconque autre motivation y afférente.

La demanderesse relève encore à cet égard que ledit avis du Conseil scientifique de psychothérapie aurait renvoyé à un avis du Collège médical qui ne lui aurait pas été transmis, de sorte qu’elle se serait trouvée dans l’impossibilité de vérifier la motivation de l’avis du Collège médical.

En quatrième lieu, et quant au fond, la demanderesse soutient que ce serait à tort que le ministre aurait retenu qu’elle ne remplirait pas les conditions prévues par l’article 20 de la loi du 14

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juillet 2015, alors qu’elle bénéficierait bien tant d’un master en psychologie que d’une formation spécifique et continue en psychothérapie, telle que prévue par la première condition de l’article 20, point 2 de ladite loi, soulignant que le Conseil scientifique de psychothérapie n’aurait pas coché les cases : « formation de base non reconnue » et « volume horaire de la formation en psychothérapie insuffisant ». A titre subsidiaire, elle estime également remplir la deuxième condition prévue par ladite disposition légale, à savoir une pratique de psychothérapie d’au moins 5 années, en soutenant qu’elle aurait pratiqué la psychothérapie depuis l’année 2010 « en utilisant les diverses techniques apprises et précitées ».

Enfin, la demanderesse soutient qu’elle disposerait d’une formation qualifiante en psychothérapie, telle qu’exigée par l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015, en relevant néanmoins à cet égard qu’il n’existerait pas de directive européenne régissant « de façon directe la profession de psychothérapeute ».

Finalement, et en cinquième lieu, la demanderesse reproche au ministre de s’être basé sur un avis du Collège médical qui ne respecterait pas l’article 4, paragraphe (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 fixant la procédure à suivre pour obtenir l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute, ci-après dénommé le « règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 », en ce qu’à aucun moment, elle n’aurait été invitée à un quelconque entretien auprès du Collège médical ni a fortiori entendue par celui-ci, de sorte qu’il y aurait ainsi lieu de retenir la violation d’une formalité substantielle devant entraîner l’annulation de la décision sous examen.

Quant au premier moyen soulevé par la demanderesse, le délégué du gouvernement fait valoir, dans son mémoire en réponse, que du fait que la demande sous examen aurait été introduite en date du 20 janvier 2018, elle aurait par la suite été examinée sur base des dispositions transitoires telles que figurant à l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015 qui prévoirait des conditions plus favorables permettant aux demandeurs de se régulariser avant l’échéance de la période transitoire.

Ainsi, et du fait que la demanderesse ne remplirait pas les conditions prévues audit article 20, il n’aurait pas été nécessaire d’appliquer l’article 2 de la même loi, qui définirait le régime général, prévoyant des conditions plus restrictives que celles prévues par l’article 20 précité.

Quant au deuxième moyen soulevé par la demanderesse, ayant trait à la nullité de la délibération du Conseil scientifique de psychothérapie, le représentant gouvernemental, après s’être référé à l’article 6 de la loi du 14 juillet 2015 suivant lequel ledit conseil ne pourrait valablement délibérer qu’en présence d’au moins deux tiers de ses membres, soutient qu’il ressortirait du compte- rendu de la réunion du 2 août 2018 qu’un seul membre aurait été absent à ladite réunion du conseil, de sorte que du fait que la présence d’au moins quatre membres aurait été atteinte, le conseil aurait valablement pu délibérer. Le délégué du gouvernement se réfère encore à cet égard aux listes de présence, telles que versées par lui. Enfin, le représentant gouvernemental soutient que le principe du secret de délibération permettrait au Conseil scientifique de psychothérapie de se prononcer « sous forme d’organe unique » sur les demandes lui soumises, sans que son avis ne doive « mentionner nominativement les personnes ayant voté pour ou contre ». Il ajoute dans son mémoire en duplique que la décision a été prise par les voix des cinq membres présents, à savoir à l’unanimité.

En troisième lieu, et quant au reproche tiré de l’absence de motivation de la décision sous examen, le délégué du gouvernement estime dans son mémoire en réponse que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 aurait été respecté en cause du fait que la motivation d’une

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décision administrative pourrait être fournie au cours de la phase contentieuse, la partie défenderesse se référant à cet égard à un arrêt de la Cour administrative du 27 janvier 2016, inscrit sous le numéro 35800 du rôle.

En ce qui concerne le quatrième moyen soulevé par la demanderesse à l’encontre de la décision sous examen, le délégué du gouvernement estime tout d’abord que la demanderesse ne remplirait pas la condition figurant au point 2 de l’article 20 de la loi du 14 juillet 2015, en ce qu’elle ne ferait pas état d’une formation spécifique et continue en psychothérapie d’au moins 450 heures. A cet égard, le représentant gouvernemental soutient que la formation universitaire d’artthérapie dont la demanderesse ferait état ne figurerait pas parmi les méthodes psychothérapeutiques reconnues par le Conseil scientifique de psychothérapie, de sorte que cette formation ne serait pas à retenir comme formation psychothérapeute au sens de la loi. En deuxième lieu, le délégué du gouvernement soutient qu’afin de remplir la condition légale précitée, l’intéressée devrait faire état d’une formation continue et complète dans l’une des approches fondamentales reconnues par le Conseil scientifique de psychothérapie, à savoir une formation comprenant les approches psychodynamiques, ou cognitivo comportemental, ou systémique, ou encore humaniste. Or, les formations dont ferait état la demanderesse porteraient uniquement sur des « techniques psychothérapeutiques », de sorte à ne pas être suffisantes au regard de la condition légale. En troisième lieu, le délégué du gouvernement estime que la formation « Somatic Experiencing » orientée psychosomatique ne serait pas assez étayée par des recherches scientifiques valables afin de prouver une quelconque efficacité psychothérapeutique. En quatrième lieu, quant à la formation dont ferait état la demanderesse et qui aurait portée sur la « Begegnungstherapie », le délégué du gouvernement soutient que cette formation ne serait validée dans aucune étude scientifique et n’existerait « manifestement nulle part ailleurs en Europe », en estimant que cette formation serait seulement proposée par la personne qui l’aurait développée elle-même. En cinquième lieu, le représentant gouvernemental soutient que la formation, également suivie par la demanderesse, et dont elle aurait fait état à l’appui de la demande ayant abouti à la décision sous examen, et ayant porté sur « Systemischer Familienberater », devrait être différenciée de la formation « Systemische Therapie und Beratung », alors que seule cette dernière formation serait reconnue par le Conseil scientifique de psychothérapie, celle accomplie par la demanderesse ne figurant pas parmi les courants et les méthodes psychothérapeutiques reconnues par ledit conseil.

D’une manière générale, la partie gouvernementale soutient dans son mémoire en réponse qu’en application de l’article 1er de la loi du 14 juillet 2015, seules des méthodes thérapeutiques faisant exclusivement appel à des moyens psychologiques reconnus pourraient être prises en considération en vue d’accorder à une personne l’autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

En ce qui concerne enfin le dernier moyen soulevé par la demanderesse, le délégué du gouvernement soutient qu’alors même que la demanderesse n’aurait pas été convoquée à l’entretien prévu à l’article 4, paragraphe 3 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, il n’en demeurerait pas moins que le caractère substantiel de cette formalité devrait être relativisé du fait que l’entretien en question n’aurait pas d’incidence sur l’existence des conditions intrinsèques donnant accès à la profession de psychothérapeute. Pour le surplus, le délégué du gouvernement estime que l’avis du Collège médical requis aux termes de la loi du 14 juillet 2015 n’aurait qu’un caractère facultatif, dans la mesure où il ne lierait pas l’autorité ministérielle. Il estime partant que l’omission de convoquer la demanderesse pour assister à un entretien auprès du Collège médical n’aurait entraîné aucun grief

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dans son chef.

Dans son mémoire en réplique, et quant au premier moyen soulevé par elle à l’appui du recours sous examen, la demanderesse estime qu’au cas où le ministre n’aurait pas estimé suffisant sa formation de « Systemischer Familienberater », il aurait pu lui imposer des mesures de compensation, ce qui ne lui aurait toutefois pas été proposé.

Quant à son deuxième moyen, et à la suite de la position défendue par la partie gouvernementale suivant laquelle les délibérations du Conseil scientifique de psychothérapie seraient protégées par une obligation de secret, la demanderesse estime au contraire que, dans la mesure où elle se trouverait lésée par une décision administrative, il importerait pour elle de connaître le nombre de voix qui se seraient prononcées en faveur ou en défaveur de sa demande, étant entendu que l’opinion défendue par chacun des participants à la réunion litigieuse dudit conseil n’aurait pas d’importance à cet égard.

Quant au troisième moyen, la demanderesse précise que la qualification de ses formations aurait pu être corrigée lors de l’entretien prévu par la loi.

Quant au quatrième moyen se trouvant à la base de son recours, la demanderesse estime que la position défendue par le délégué du gouvernement suivant laquelle la formation de psychothérapeute devrait être « idéalement » « dispensée par un seul organisme », ne représenterait que la vision dudit conseil, qui ne pourrait toutefois rajouter à la loi ce qui n’y figurerait pas. La demanderesse estime à cet égard qu’à son avis la ratio legis de la disposition transitoire prévue par la loi du 14 juillet 2015 serait celle de la « souplesse », dans la mesure où, avant l’entrée en vigueur de la loi en question, il n’aurait pas existé de législation nationale afin de reconnaître l’exercice de la profession de la psychothérapeute, de sorte qu’il aurait importé à l’époque du vote de ladite loi de reconnaître comme équivalentes des formations et pratiques antérieurement suivies, et ce, en l’absence d’une formation universitaire pour les psychothérapeutes. La demanderesse s’interroge encore dans ce contexte quant à la publicité des critères qui auraient apparemment été retenus par le Conseil scientifique de psychothérapie au sujet des qualifications dont une personne intéressée devrait faire état en vue de l’exercice de la profession de psychothérapeute.

Dans son mémoire en duplique, et quant au reproche formulé par la demanderesse relatif au défaut de s’être vu convoquer à un entretien par le Collège médical, le délégué du gouvernement soutient que dans la mesure où ledit collège aurait formulé un avis favorable par rapport à sa demande, il n’aurait plus jugé utile de convoquer Madame ... à un entretien « supplémentaire ». Pour le surplus, et au cas où le tribunal de céans estimerait que la convocation audit entretien constituerait une formalité substantielle, la partie défenderesse sollicite un sursis à statuer de la part du tribunal afin qu’elle puisse « accomplir cette formalité ».

Suivant son courrier adressé au tribunal administratif en date du 5 juin 2019, le litismandataire de la demanderesse a informé le tribunal que par le mémoire en duplique, il a pu avoir connaissance de l’émission d’un avis favorable de la part du Collège médical dans le dossier sous examen, dont il aurait ignoré l’existence avant ledit mémoire de la partie défenderesse. Au vu de ce nouvel élément de fait, il a sollicité l’autorisation de produire un mémoire supplémentaire afin d’y prendre position.

Dans son mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2

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juillet 2019, et après avoir marqué son étonnement de ce que l’avis du Collège médical, émis en date du 28 février 2018, n’aurait pas figuré dans le dossier administratif déposé par la partie défenderesse au greffe du tribunal en date du 2 avril 2019, alors même qu’un tel dossier administratif devrait comporter l’intégralité des documents concernant un litige déterminé et que ledit avis du Collège médical aurait manifestement existé avant le dépôt dudit dossier administratif, la demanderesse relève que non seulement la prise de l’avis du Collège médical serait obligatoire, mais, en outre, il serait amené, en application de l’article 20, point 2 de la loi du 14 juillet 2015, à apprécier si la personne intéressée qui souhaite pratiquer la profession de psychothérapeute, peut faire état d’une pratique de psychothérapie d’au moins 5 années. Il se dégagerait partant de ladite disposition légale que le Collège médical serait amené à apprécier si les conditions légales en vue de l’exercice de la profession de psychothérapeute sont remplies dans un cas d’espèce, de sorte à ce que cette appréciation ne serait pas laissée « au bon vouloir du Ministre ». Tout en admettant qu’un avis à émettre par le Collège médical ne constituerait pas un avis « conforme » et que partant le ministre serait libre de s’en écarter, il appartiendrait toutefois à ce dernier, dans une telle hypothèse, de motiver son choix contraire et ce, plus particulièrement en présence de deux opinions contraires, comme ce serait le cas en l’espèce.

En l’espèce, le ministre aurait réservé une préférence à l’avis du Conseil scientifique de psychothérapie, en lui donnant « plus de poids » par rapport à l’avis favorable du Collège médical, sans fournir une quelconque motivation à cet égard.

Dans son mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 2019, le délégué du gouvernement se borne à se rapporter, quant à l’avis du Collège médical, à ses développements formulés dans le cadre de son mémoire en duplique, sans fournir la moindre explication complémentaire par rapport à l’argumentation développée par la demanderesse dans son mémoire supplémentaire précité.

Il appartient au tribunal, au vu de l’ensemble des actes de procédure et des pièces versés en cause, de déterminer la suite de traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent1.

Ainsi, s’il est de principe que la juridiction administrative n’est pas tenue de suivre l’ordre dans lequel plusieurs moyens au fond lui ont été proposés, il n’en reste pas moins que la logique juridique impose que les questions de légalité externe soient traitées avant celles de légalité interne2. A cet égard, il échet de relever que la demanderesse a soulevé plusieurs moyens tirés de la légalité externe de la décision sous examen du 5 décembre 2018, tenant notamment à des irrégularités qui auraient été commises au cours de l’instruction de sa demande. Ainsi, et plus particulièrement, et avant qu’elle s’est finalement vu remettre l’avis du Collège médical émis en date du 28 février 2018, qui n’a été déposé au greffe du tribunal administratif qu’en date du 29 mai 2019 et qui ne faisait pas partie du dossier administratif versé au greffe du tribunal de céans en date du 2 avril 2019, et ce, en violation de l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de

1 trib. adm. 4 décembre 2002, n° 14923 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 923 et les autres références y citées.

2 Cour adm. 12 décembre 2006, n° 20513C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 923 et les autres références y citées.

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procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après la « loi du 21 juin 1999 », en vertu duquel la partie ayant pris l’acte attaqué doit verser un dossier administratif complet, et dont la partie demanderesse ne prétend avoir eu connaissance que par le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, celle-ci reproche au Collège médical de ne pas l’avoir convoquée à un entretien, en violant ainsi l’article 4, paragraphe (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, entretien au cours duquel elle aurait pu présenter en détail ses qualifications professionnelles devant aboutir, d’après elle, à son autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute.

A cet égard, le tribunal relève tout d’abord qu’aux termes de l’article 4 du règlement grand- ducal du 31 juillet 2015, « (1) Le Collège médical est chargé de procéder à l’instruction du dossier en vue d’émettre un avis sur la recevabilité et la justification de la demande d’établissement des psychothérapeutes.

(…)

(3) Le Collège médical convoque l’intéressé en vue d’un entretien portant sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute. Si, à l’occasion de cet entretien, il s’avère que les connaissances du candidat concernant les législations sanitaire et sociale et, le cas échéant, la déontologie luxembourgeoise nécessaires à l’exercice de la profession sont insuffisantes, le Collège médical attire l’attention du candidat sur les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l’article 2 de la loi du 14 juillet 2015 portant création de la profession de psychothérapeute.

Il lui recommande d’élargir lesdites connaissances et lui indique les possibilités dont il dispose pour les améliorer. Mention de cette recommandation est faite dans l’avis. (…) ».

Il est constant en cause que la demanderesse n’a pas été convoquée à l’entretien prévu par le paragraphe (3) dudit article 4 du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015.

Pour justifier le défaut de cette convocation, le délégué du gouvernement soutient, d’une part, que le caractère substantiel de cette formalité devrait être relativisé du fait que l’entretien en question n’aurait pas d’incidence sur l’existence des conditions intrinsèques donnant accès à la profession de psychothérapeute et, d’autre part, que ladite convocation ne revêtirait qu’un caractère facultatif. Il en déduit que le défaut de convoquer la demanderesse à l’entretien en question n’aurait pu engendrer aucun grief dans son chef.

Tout d’abord, le tribunal ne saurait partager l’argumentation de la partie gouvernementale quant au caractère facultatif de la convocation à l’entretien prévu par l’article 4, paragraphe (3), précité, du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015. Force est, en effet, au tribunal de constater que le libellé de la disposition réglementaire en question ne permet pas de conclure au caractère facultatif de cette convocation. Au contraire, il ressort de l’emploi des termes non équivoques « [l]e Collège médical convoque (…) », au lieu d’une formulation telle que, par exemple : « le collège médical peut convoquer (…) », que ladite convocation revêt un caractère obligatoire. Cette conclusion est encore corroborée par le fait qu’il ressort de la disposition réglementaire en question que le but de l’entretien y prévu est, notamment, de détecter d’éventuelles lacunes dans les connaissances de l’intéressé des législations sanitaire et sociale, voire de la déontologie luxembourgeoise nécessaires à l’exercice de la profession et d’indiquer au demandeur les démarches à suivre pour les améliorer. Or, il est

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manifestement dans l’intérêt des patients que cette vérification soit faite pour l’ensemble des demandeurs d’une autorisation d’exercer la profession de psychothérapeute. Il suit partant encore de ces développements que contrairement à l’argumentation défendue par la partie gouvernementale, il n’appartient pas seulement au Collège médical de vérifier que les conditions intrinsèques donnant accès à la profession de psychothérapeute soient remplies dans un cas d’espèce, mais son rôle est encore d’accompagner l’intéressé dans le cadre de son perfectionnement afin de remplir l’intégralité des conditions légalement exigées, en lui fournissant des recommandations à cet égard, tel qu’il se dégage du deuxième alinéa du paragraphe (3) dudit article 4 précité.

Le tribunal est ainsi amené à conclure que dans la mesure où la demanderesse n’a pas été convoquée par le Collège médical en vue d’un entretien portant sur toutes les conditions légalement exigées pour l’accès et l’exercice de la profession de psychothérapeute, contrairement au prescrit de l’article 4, paragraphe (3) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015, la décision déférée a été adoptée en violation de la disposition réglementaire en question.

L’annulation de la décision litigieuse du 5 décembre 2018 à laquelle le recours sous examen doit aboutir est d’autant plus justifiée qu’à la suite de l’avis défavorable du Conseil scientifique de psychothérapie du 2 août 2018, et en présence d’un avis favorable du Collège médical émis en date du 28 février 2018, le ministre n’a en aucune façon motivé sa décision pour donner davantage raison au Conseil scientifique de psychothérapie qu’au Collège médical, et ce, d’autant plus qu’aucun des deux avis ne se trouve être motivé de manière suffisante, l’article 4, paragraphe (5) du règlement grand-ducal du 31 juillet 2015 exigeant d’ailleurs un avis circonstancié de la part du Collège médical, afin de comprendre les lacunes dans la formation de la demanderesse en vue de pouvoir exercer la profession de psychothérapeute. Il échet ainsi de donner raison à la demanderesse quant à un autre moyen tiré de la légalité externe de la décision sous examen, tiré de l’article 6 du règlement grand- ducal du 8 juin 1979, ce défaut de motivation n’ayant pas été réparé en cours d’instance par une argumentation circonstanciée supplémentaire, à défaut par tant le ministre que le délégué du gouvernement d’expliquer les raisons pour lesquelles il a été fait droit à la position défendue par le Conseil scientifique de psychothérapie, en ignorant complètement la position défendue par le Collège médical, la décision ministérielle sous examen du 5 décembre 2018 ne comportant la moindre référence à cet égard, en ignorant ainsi complètement l’existence dudit avis comme s’il n’avait pas existé au jour de la prise de la décision en question.

Cette instruction particulièrement défaillante de la demande de la demanderesse doit aboutir, à ce double titre, à son annulation, sans qu’il n’y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments développés en cause.

Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse sollicite une indemnité de procédure de 2.500 € sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 au vu du comportement adopté par le gouvernement, du fait que celui-ci a omis de verser l’avis du Collège médical, de surcroit favorable à la demanderesse, dans le cadre de son dossier administratif qui partant a été versé de manière incomplète, en ne produisant la pièce en question que vers la fin de la procédure contentieuse, une telle situation de fait ayant manifestement lésé les droits de la défense de la demanderesse. Il suit partant de ce qui précède, et au vu du comportement ainsi adopté par la partie défenderesse, non seulement au cours de la phase d’instruction de la demande ayant abouti à la décision sous examen, mais également au cours de la présente instance contentieuse, qu’il y a lieu d’allouer à la demanderesse une indemnité de procédure, évaluée ex aequo et bono à 1.000 €.

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Par ces motifs,

le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ; reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision du ministre de la Santé du 5 décembre 2018 et renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne l’Etat à payer à Madame ... la somme de 1.000 € au titre d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Olivier Poos, premier juge,

Laura Urbany, attaché de justice délégué,

et lu à l’audience publique du 5 février 2021 par le premier vice-président, en présence du greffier Marc Warken.

s. Marc Warken s. Carlo Schockweiler

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 février 2021 Le greffier du tribunal administratif

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