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Article pp.53-56 du Vol.3 n°1 (2013)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Mort subite sur vasospasme coronaire

Deadly coronary vasospasm

P.-M. Brun · C. Deniel · J. Bessereau · H. Chenaitia · M. Peyrol · L. Bonello

Reçu le 5 avril 2012 ; accepté le 25 mai 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Introduction

L’angor spastique est la conséquence d’un spasme coronaire.

Il survient le plus souvent au repos ou la nuit et peut être récurrent ou cyclique. Il s’agit d’une forme débutante de la maladie coronaire considérée comme de bon pronostic [1].

Il a une prédominance masculine. Le diagnostic d’angor spastique est peu fréquent, il représente 2 à 3 % des patients présentant un angor [1,2]. Les arythmies ventricu- laires lors du spasme sont plutôt rares (1,5 % des cas) et conduisent exceptionnellement à une mort subite [3,4].

Cas clinique

Nous rapportons le cas d’une femme de 56 ans, passagère d’une voiture, qui présentait une syncope à l’emporte pièce.

Ses antécédents médicaux se limitaient à une bronchopneu- mopathie chronique obstructive posttabagique. On ne notait aucun facteur de risque cardiovasculaire hormis un taba- gisme actif évalué à vingt paquets années. Durant la prise en charge des pompiers, elle présentait un arrêt cardiorespi- ratoire (ACR). Une réanimation cardiopulmonaire (RCP) était immédiatement entreprise par les pompiers. Un choc électrique externe (CEE) était administré à l’aide d’un défi-

brillateur semi automatique par les pompiers à l’arrivée du service médical d’urgence et réanimation (Smur). À 2 min de RCP, on constatait un retour à une activité circulatoire spontanée. L’électrocardiogramme s’inscrivait en rythme sinusal avec une élévation du segment ST dans les dériva- tions inférieures et un miroir dans les dérivations antérieures (Fig. 1A). La pression artérielle était à 100/61 mm Hg et la fréquence cardiaque à 98/min. Devant la persistance d’un coma (score de Glasgow à 3) sans signe de réveil, la patiente était intubée après la réalisation d’une induction à séquence rapide par hypnomidate et succinylcholine. L’échocardio- graphie transthoracique réalisée sur place retrouvait une akinésie myocardique inférieure, une fraction d’éjection ventriculaire gauche estimée à 50 % et un péricarde sec.

Dans les suites immédiates, elle présentait deux épisodes de fibrillation ventriculaire (FV) résolutifs après CEE à 200 J à l’aide d’un défibrillateur biphasique manuel (Fig. 1B).

L’ECG restait inchangé. Le traitement administré en préhos- pitalier se composait de 300 mg d’amiodarone sur 30 min pour prévenir les récidives de FV, de 250 mg d’aspirine et de 3000 UI en bolus et 600 UI par heure en entretien d’héparine non fractionnée. La patiente était transportée vers une unité de coronarographie. À l’admission hospitalière, l’ECG de contrôle s’était normalisé avec le retour à la ligne isoélec- trique du segment ST (Fig. 1C). La coronarographie ne met- tait en évidence qu’une sténose bénigne du segment distal de la coronaire droite. Aucune lésion n’était observée sur l’artère coronaire gauche. En fin de procédure d’angiogra- phie, un nouvel épisode de FV se produisait et immédiate- ment réduit par un CEE à 200 J. L’ECG montrait alors à nouveau le même sus-décalage du segment ST dans les déri- vations inférieures et le miroir antérieur. Une injection de produit de contraste révélait une occlusion totale de la partie distale de la coronaire droite. Après perfusion intracoronaire de dinitrate d’isosorbide, le spasme était levé et l’ECG se normalisait (Fig. 2). Durant son hospitalisation, la patiente ne présentait aucun épisode d’arythmie ventriculaire ou de douleur thoracique sous inhibiteur calcique. On notait une légère augmentation de la troponine Ic à 2,3 ng/ml (norme

< 0,35 ng/ml) à J1 et se négativant à J3. Une ETT de contrôle

P.-M. Brun (*) · C. Deniel

Service mobile d’urgence et de réanimation du Bataillon des marins pompiers de Marseille,

127, boulevard de Plombières, F-13003 Marseille, France e-mail : brunpierremarie@voila.fr

J. Bessereau · H. Chenaitia Service d’aide médicale urgente 13, Assistance publique-hôpitaux de Marseille, centre hospitalier universitaire de la Timone,

264, rue Saint-Pierre, F-13385 Marseille cedex 5, France M. Peyrol · L. Bonello

Service de cardiologie,

Assistance publique-hôpitaux de Marseille, centre hospitalier universitaire nord,

Chemin des Bourrely, F-13915 Marseille cedex 20, France Ann. Fr. Med. Urgence (2013) 3:53-56

DOI 10.1007/s13341-012-0218-5

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éliminait une dysfonction systolique. La patiente quittait l’hôpital 10 jours plus tard sans atteinte neurologique sous inhibiteurs calciques.

Discussion

L’angor spastique est la conséquence d’un spasme coronaire dont le seul facteur de risque établi est le tabagisme [5]. Ce dernier affecte la régulation vasomotrice par une baisse de la production de NO. Les artères coronaires sont anatomique- ment normales sans sténoses décelables chez une proportion significative de patients (30 à 64 %) [6]. L’athérosclé- rose modifie le tonus vasomoteur et la réactivité corona- rienne et il a été démontré qu’il y a une relation intime entre le vasospasme et la plaque d’athérome. MacAlpin a constaté que dans 88 % des cas, l’origine du vasospasme était locali- sée sur le site d’une plaque d’athérome, le plus souvent non décelable à l’angiographie [6]. Le degré d’implication de chacun des médiateurs de la régulation du tonus vasomoteur (monoxyde d’azote, facteur endothélial hyperpolarisant EDHF, prostacycline) varie selon le stade évolutif de la

maladie athéroscléreuse et selon le diamètre du vaisseau.

Un déséquilibre dans la production des facteurs vasodilata- teurs ou vasoconstricteurs conduit à une altération du poten- tiel vasodilatateur de l’endothélium, marqueur principal de ce qui est appelé par convention la dysfonction endothéliale et induit une réponse vasoconstrictrice paradoxale à l’acétyl- choline, et une hyper réactivité, à l’action d’agents vasocons- tricteurs des cellules musculaires lisses au niveau de certains segments artériels, responsable du spasme artériel [7]. Enfin, il existe une variation circadienne du diamètre des artères coronariennes. Pendant le repos et le sommeil, le diamètre est plus faible et le tonus plus élevé, une situation propice au développement des spasmes [6].

Avec l’avènement de l’angiographie coronaire, l’inci- dence des vasospasmes a pu être documentée de façon concluante notamment par les tests de provocation [5]. Ces derniers utilisant l’ergonovine ou l’acétylcholine intra corona- rienne sont rarement réalisés en raison de leurs complications potentielles parfois mortelles. Cependant, ces tests ont une sensibilité et une spécificité élevée [5]. C’est l’ischémie myocardique qui produit la gâchette responsable d’arythmies ventriculaires fatales [6]. En effet l’ischémie provoque des Fig. 1 A : rythme sinusal avec sus-décalage du segment ST dans les dérivations inférieures ; B : fibrillation ventriculaire récurrente ; C : rythme sinusal avec retour à la ligne isoélectrique du segment ST à larrivée en service de cardiologie interventionnelle

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changements électrophysiologiques qui sont capables de déclencher de telles arythmies. Cependant, celles-ci peu- vent également être déclenchées lors de la phase de reperfu- sion. Les patients ayant présentés de nombreux épisodes d’angor et d’ischémie avec sus-décalage du segment ST ont une plus forte incidence d’épisodes de syncopes et d’aryth- mies. MacAlpin considère que le risque élevé de mort subite chez ces patients est le résultat d’une instabilité électrique causée par des épisodes d’ischémies myocardiques itératives [6]. L’amplitude du sus-décalage du segment ST pourrait refléter l’ampleur et la gravité de l’ischémie myocardique.

Un bloc complet auriculoventriculaire, une fibrillation/tachy- cardie ventriculaire peuvent se produire pendant les épisodes ischémiques causés par la vasospasme, avec ou sans douleur angineuse [6].

Compte tenu de la difficulté diagnostique, le spasme coro- naire pourrait être une cause méconnue d’arrêt cardiaque chez

les patients ayant survécu à un ACR sans qu’aucune maladie cardiaque apparente ne puisse être identifiée [8].

La plupart des cas d’angor spastique sont traités médica- lement [5,9]. Il est admis que le spasme disparaît générale- ment, ou au moins diminue considérablement, grâce au traitement par des vasodilatateurs coronaires. Cela signifie que les patients qui développent de graves arythmies lors d’épisodes ischémiques devraient probablement être traités de façon plus agressive en vue d’éliminer totalement les épi- sodes ischémiques et ainsi réduire le risque de mort subite [5,9]. Les médicaments utilisés pour traiter cette pathologie sont essentiellement les inhibiteurs calciques et les nitrés [5]. La nifédipine et le diltiazem ou le vérapamil sont effica- ces pour réduire les épisodes de douleur, ainsi que le risque de mort subite, bien qu’ils ne fournissent pas une protection complète. Parfois il est nécessaire de prescrire deux ou plusieurs inhibiteurs calciques ou de les combiner Fig. 2 A, B : coronarographie montrant une sténose modérée en distalité de la coronaire droite sans plaque athéromateuse angiographi- quement évidente ni sur le reste des segments explorés ; C : en fin de procédure, après CEE à 200J sur nouvel épisode de FV, spasme coronarien droit visualisé à langiographie. D : Réouverture du flux artériel par TNT IV

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avec les nitrés. Les béta-bloquants, en particulier non sélec- tifs, ne doivent pas être utilisés en raison du risque de vaso- constriction médiée par leurs récepteurs [5]. L’aspirine doit être utilisée chez les patients avec coronaires athéromateu- ses, bien que cela soit discutable chez ceux qui présentent des coronaires angiographiquement normales, son mécanisme d’action pouvant aggraver le spasme [5].

Chez les patients qui restent symptomatiques malgré un traitement médical bien conduit, l’angioplastie coronaire ou la chirurgie de revascularisation peuvent être discutés [10]. Pour les patients présentant des arythmies contempo- raines d’angor spastique, l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) est controversée. Dans notre cas, c’est la patiente qui a refusé la pose de DAI. Un registre japonais de l’angor spastique confirme une survie à cinq ans réduite dans le groupe présentant des arythmies ventriculai- res contemporain des épisodes d’angor spastique [1]. De façon similaire, Meisel et al. ont rapportés le suivi de patients porteur d’un angor spastique compliqué de troubles du rythme ventriculaire. Malgré un traitement médical bien conduit presque tous les patients ont présenté un ou plusieurs épisodes d’arythmies ventriculaires au cours du suivi [10].

Conclusion

L’angor spastique, forme débutante de la maladie coronaire, reste rare mais probablement également sous estimé. Sa pré- sentation sous la forme d’une arythmie ventriculaire est exceptionnelle. Le traitement de l’angor spastique est d’abord médical. Le sevrage tabagique est primordial, non seulement dans le cas des règles hygiénodiététiques de la maladie athé- romateuse mais aussi en raison de son implication dans la genèse du spasme. Les inhibiteurs calciques sont le traitement médicamenteux de première intention et leur prescription est une recommandation européenne de classe I dans cette indi- cation. Un traitement médical par dérivés nitrés et inhibiteurs calciques est dans la plupart des cas suffisant. L’indication de l’implantation d’un DAI chez les patients symptomatiques malgré un traitement maximal reste débattue. Cependant, il

semblerait au vue du risque épidémiologique de récidive d’arythmie ventriculaire chez les patients victimes d’un épisode de mort subite, que cette indication soit révisée.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt.

Références

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implantable cardioverter-defibrillators in refractory variant angina pectoris complicated by ventricular fibrillation in patients with angiographycally normal coronary arteries. Am J Cardiol 89:1114–6

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