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Article pp.57-59 du Vol.3 n°1 (2013)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Coma hypoglycémique compliquant tardivement une chirurgie gastrique

Hypoglycemic coma as a late complication of gastric surgery

E. Kras · B. Bertrand · A. Brun · S. Luigi

Reçu le 26 mai 2012 ; accepté le 25 août 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Introduction

Nous présentons le cas d’un homme de 84 ans, aux antécé- dents de gastrectomie partielle sur ulcère trente ans aupara- vant, pris en charge aux urgences pour coma hypoglycé- mique prolongé. Le bilan étiologique conclut sur une hypoglycémie réactionnelle postprandiale tardive. Nous dis- cutons du lien entre hypoglycémies réactionnelles non- organiques et chirurgie gastrique.

Observation

Un homme âgé de 84 ans est admis au service d’accueil des urgences (SAU) pour coma. Des témoins ont déclenché les secours après l’avoir retrouvé inconscient sur la voie publique. Les sapeurs pompiers arrivent sur les lieux et transportent le patient vers le SAU de l’hôpital de proximité pour coma.

Le bilan clinique initial aux urgences retrouve un coma (score de Glasgow à 3), sans déficit neurologique focal, sans clonies, les pupilles sont symétriques et réactives. Il n’existe aucun stigmate cutané contusionnel de traumatisme crânien.

L’auscultation cardiopulmonaire est sans particularité.

L’identité et les antécédents du patient sont inconnus à ce stade. Les paramètres vitaux sont : pression artérielle : 136/74 mm Hg, fréquence cardiaque : 56 bpm, fréquence respiratoire : 22 cycles/min, SpO2 en air ambiant 93 %, apy- rexie. La glycémie capillaire est chiffrée à 0,22 g/l. Une administration intraveineuse de deux ampoules de G30 % est effectuée devant le diagnostic de coma hypoglycémique, permettant rapidement la régression des troubles de vigi- lance. Le patient retrouve en quelques minutes un état de conscience satisfaisant (score de Glasgow à 15). L’examen neurologique renouvelé est sans particularité et l’interroga-

toire est possible. Les antécédents du patient sont : gastrec- tomie trente ans auparavant sur ulcère gastroduodénal, péri- tonite appendiculaire, cholécystectomie, ACFA, hypertension artérielle, sans notion de diabète. Le traitement communiqué ne comprend pas de médicaments hypoglycé- miants (fluidione, pantaprazole, perindopril, furosemide, flé- caïnide). Il n’existe pas d’intoxication médicamenteuse volontaire, pas de prise volontaire d’insuline. L’anamnèse est impossible en raison d’une amnésie complète des faits.

La biologie permet de confirmer le diagnostic par une gly- cémie veineuse égale à 1,4 mmol/l. Les autres dosages bio- logiques sont sans particularité (numération formule san- guine, plaquettes, ionogramme, urée et créatinine, bilan hépatique, CPK, TP, TCA, troponine, myoglobine plasmatiques).

Après quelques heures de surveillance aux urgences, le patient reste asymptomatique, permettant son transfert en unité d’endocrinologie pour bilan étiologique et thérapeu- tique de l’hypoglycémie. L’évolution clinique au cours de l’hospitalisation se caractérise par la persistance de malaises hypoglycémiques modérés, à distance des repas, accompa- gnés d’asthénie, tachycardie, sueurs, sans troubles de cons- cience. Un complément d’interrogatoire auprès du patient et de sa famille permet de situer l’existence de plusieurs malai- ses de ce type, sans troubles de conscience, survenant deux à trois heures après les repas, plusieurs fois par semaines.

Cette symptomatologie est synchrone d’un changement de comportement alimentaire du patient suite à la mort de son épouse quelques mois plus tôt. La fibroscopie œsogastro- duodénale (FOGD) retrouve une gastrectomie des deux tiers avec anastomose gastroduodénale (type PEAN), sans lésion associée. Le test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (réalisé avec ingestion de cinquante gramme de glucose en raison d’une intolérance du patient au soixante-quinze gram- mes habituels) retrouve une hypoglycémie à 0,65 g/l à la deuxième heure. Aucun épisode d’hypoglycémie n’a été objectivé durant une épreuve de jeûne de quarante huit heu- res. Les dosages hormonaux plasmatiques ont permis d’éli- miner une insuffisance surrénalienne ou hypothalamo- hypophysaire. L’insulinémie et les dosages plasmatiques du

E. Kras (*) · B. Bertrand · A. Brun · S. Luigi

Service d’accueil des urgences, Smur, Centre hospitalier de Martigues, 3, boulevard des Rayettes, F-13500 Martigues, France e-mail : etiennekr@hotmail.com

Ann. Fr. Med. Urgence (2013) 3:57-59 DOI 10.1007/s13341-012-0245-2

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peptide C en phase postprandiale sont sans particularité. Une tomodensitométrie abdominopelvienne avec injection de produit de contraste n’a retrouvé aucune image tumorale.

L’hypothèse diagnostique d’un insulinome est écartée. Le diagnostic retenu est celui d’hypoglycémies tardives réac- tionnelles, postprandiales tardives sur gastrectomie ancienne, sans étiologie organique.

La disparition de la symptomatologie a été obtenue en hospitalisation par l’application de mesures diététiques com- prenant une éviction des sucres d’absorption rapide et un fractionnement des repas. Le retour au domicile du patient s’est effectué sans complication.

Discussion

La chirurgie gastrique est en augmentation croissante dans les pays développés en raison de l’essor considérable de la chirurgie bariatrique et notamment des anneaux gastriques ajustables (gastric bypass). La qualité de vie des patients après résection gastrique est surtout altérée par la perte de la fonction mécanique de stockage et de vidange gastrique et non par la réduction de la fonction sécrétoire chlorydopep- tique [1]. Après gastrectomie, la moitié des patients présente une symptomatologie postopératoire et 10 % nécessitent une prise en charge médicale pour des symptômes réduisant leur qualité de vie (dumping syndrome, comportements alimen- taires inadaptés, carences en fer, calcium-vitamine D, vit B12) [2].

L’hypoglycémie réactionnelle est mise en évidence pour la première fois par Harris en 1924, rapportant des hypogly- cémies survenant après les repas [3]. La glycorégulation est un ensemble de phénomènes complexes mettant en jeu plu- sieurs acteurs (insuline, cortisol, hormones de contre- régulation, muscle squelettique) [4]. L’altération de ces mécanismes de glycorégulation intervient dans la physio- pathologie dudumping syndrome, principale complication fonctionnelle après gastrectomie. Entre 25 et 50 % des patients gastrectomisés le décrivent, les manifestations sont cliniquement patentes dans 5 à 10 % de ces cas et invalidan- tes dans 1 à 2 %.

Ledumping syndromecomprend des manifestations post- prandiales précoces (dans la première demi-heure) et tardi- ves. Si les manifestations précoces sont dues à un phéno- mène osmotique, les manifestations postprandiales tardives sont dues à une hypoglycémie fonctionnelle. L’arrivée bru- tale du glucose en cours de repas dans le grêle puis son absorption rapide aboutissent dans un premier temps à une tranche hyperglycémique qui déclenche une importante sécrétion d’insuline. Cette sécrétion réactionnelle est exces- sive par rapport aux besoins pour normaliser la glycémie postprandiale [1]. L’hyperinsulinémie est responsable de cette hypoglycémie décalée, pouvant évoluer jusqu’à des

troubles du comportement, mais rarement vers des troubles de vigilance tels qu’une syncope. Un coma survient excep- tionnellement, le cas rapporté se distingue donc surtout par la sévérité de l’atteinte neurologique observée [5].

Devant la sévérité de certaines hypoglycémies postpran- diales tardives ne pouvant être rattachées audumping syn- dromeseul, une hypothèse physiologique récente a été for- mulée : le NIPHS (non insulinoma pancreatogenous hyperinsulinemic hypoglycemia syndrom). En 2005, Service et al. ont exploré plusieurs patients présentant des hypogly- cémies postprandiales sévères avec signes de neuroglucopé- nie après une chirurgie par anneau gastrique ajustable. Les biopsies pancréatiques des zones responsables d’hypersécré- tion insulinique ont mis en évidence des lésions de nesidio- blastose (une hyperplasie des cellules beta des îlots pancréa- tiques). Ces îlots de cellules beta hypertrophiques sont responsables d’un hyperinsulinisme réactionnel conduisant à une hypoglycémie postprandiale tardive [6]. La physio- pathologie de l’expansion des ces îlots pancréatiques anor- maux n’est pour l’instant que partiellement connue et plu- sieurs hypothèses ont été étudiées.

Les mesures diététiques priment et sont recommandées en première intention en cas dedumping syndromecomme en cas de NIHPS. Un régime diététique suffit dans la grande majorité des cas à réduire ou éliminer la symptomatologie postprandiale et à améliorer la qualité de vie des patients.

Lorsque la glycémie commence à baisser en milieu de mati- née ou d’après-midi, une collation aide à maintenir une gly- cémie satisfaisante. Le fractionnement des repas intervient dans l’amélioration des symptômes en diminuant la charge de nutriments osmotiquement actifs débarquant dans l’intes- tin [1,3].

L’approche pharmacologique est envisagée en seconde intention, en cas de non-réponse aux mesures diététiques.

Les inhibiteurs de l’alphaglucosidase intestinale diminuent les pics glycémiques et insulinémiques postprandiaux. Leur bonne tolérance permet de les utiliser préférentiellement et ils ont démontré leur efficacité dans les traitements des hypo- glycémies réactives et dudumping syndrome[7]. Parmi eux, l’ascarbose est la solution la plus adaptée. En cas de NIPHS sévère et d’échec des mesures médicamenteuses, un traite- ment chirurgical par pancréatectomie partielle est indiqué. Il permet l’exérèse des zones pancréatiques de nesiodoblas- tose. Il constitue un traitement efficace mais son utilisation ne peut être envisagé qu’en dernier recours [5].

Les complications postopératoires des patients gastrecto- misés doivent pouvoir être reconnues et prises en charge par le médecin urgentiste. La survenue d’une hypoglycémie réactionnelle postprandiale tardive peut mener le patient jus- qu’à des symptômes neuroglucopéniques pouvant se répéter.

La symptomatologie digestive ou vasomotrice peut égale- ment être établie comme motif de recours au SAU et est souvent répétitive dans l’histoire du patient. La difficulté

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de prise en charge aux urgences réside dans la méconnais- sance de ces syndromes postprandiaux précoces comme tar- difs et dans l’absence de caractère spécifique de la symptomatologie.

Références

1. Ducrotté P, Leblanc-Louvry I, Michel P (2000) Qualité de vie après gastrectomie et duodéno-pancréatectomie céphalique. Gas- troenterol Clin Biol 24:B24-30

2. Ziegler O, Sirveaux MA, Brunaud L, et al (2009) Medical follow up after bariatric surgery: nutritional and drug issues. General

recommandations for the prevention ant treatment of nutritional deficiencies. Diabetes Metab 35:544-57

3. Harry S (1924) Hyperinsulinism and dysinsulinism. J Amer Med Ass 83:729-33

4. Brun JF, Fedou C, Mercier J (2000) Postprandial reactive hypogly- cemia. Diabetes Metab 26:337-51

5. Bellini F, Sammicheli L, Ianni L, et al (1998) Hypoglycemia una- wareness in a patient with dumping syndrome: report of a case. J Endocrinol Invest 21:463-7

6. Service G, Thompson G, Service J, et al (2005) Hyperinsulinemic hypoglycemia with nesidioblastosis after Gastric-bypass surgery. N Engl J Med 353:249-54

7. Imhof A, Schneemann M, Schaffner A, Brändle M (2001) Reac- tive hypoglycemia due to late dumping syndrome: successful treat- ment with acarbose. Swiss Med Wkly 131:81-3

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