• Aucun résultat trouvé

Mettre des mots sur des maux : des jeux de rôle pour le développement de l'expression orale des élèves du spécialisé

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Mettre des mots sur des maux : des jeux de rôle pour le développement de l'expression orale des élèves du spécialisé"

Copied!
203
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Mettre des mots sur des maux : des jeux de rôle pour le développement de l'expression orale des élèves du spécialisé

RICHARD, Lucas

Abstract

Les jeux de rôle au service de l'enseignement : ce mémoire présente les apports de cette méthode dans le but de développer les capacités langagières et sociales chez des adolescents d'une structure spécialisée de formation préprofessionnelle de Genève. Une présentation théorique des concepts de « jeu », de « rôle », d'« oral », de « capacités langagières d'action et discursives » ainsi qu'une brève contextualisation des notions seront exposées. Trois séances de jeux de rôle avec les élèves, filmées, seront ensuite analysées afin de mettre en avant les acquis des jeunes, leur évolution dans les différents domaines et les possibilités de développement, que ce soit dans l'apprentissage des adolescents ou dans l'utilisation et l'application de la méthode.

RICHARD, Lucas. Mettre des mots sur des maux : des jeux de rôle pour le

développement de l'expression orale des élèves du spécialisé. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120394

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

MEMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPÉCIALISÉ

RÉALISÉ PAR

Lucas RICHARD

SOUS LA DIRECTION DE

Monsieur Joaquim Dolz-Mestre

MEMBRES DU JURY

Monsieur Joaquim Dolz-Mestre

Madame Annie Goudeaux

Monsieur Marc Surian

SOUTENU À

Genève, le 19 juin 2019

(3)

2

(4)

3

DECLARATION SUR L’HONNEUR

Genève, le 27 mai 2019

Je déclare que les conditions de réalisation de ce travail de mémoire respectent la charte d’éthique et de déontologie de l’Université de Genève. Je suis bien l’auteur de ce texte et atteste que toute affirmation qu’il contient et qui n’est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source ; tout passage recopié d’une autre source est en outre placé entre guillemets.

Lucas RICHARD

(5)

4

(6)

5

RÉSUMÉ

Les jeux de rôle au service de l’enseignement : ce mémoire présente les apports de cette méthode dans le but de développer les capacités langagières et sociales chez des adolescents d’une structure spécialisée de formation préprofessionnelle de Genève. Une présentation théorique des concepts de « jeu », de

« rôle », d’« oral », de « capacités langagières d’action et discursives » ainsi qu’une brève contextualisation des notions seront exposées. Trois séances de jeux de rôle avec les élèves, filmées, seront ensuite analysées afin de mettre en avant les acquis des jeunes, leur évolution dans les différents domaines et les possibilités de développement, que ce soit dans l’apprentissage des adolescents ou dans l’utilisation et l’application de la méthode.

(7)

6

(8)

7

« Les acquisitions durables passent d’abord par l’action motrice. »

Merleau Ponty

« Il ne suffit pas qu’un enfant entende parler autour de lui pour qu’il apprenne à parler et à se servir du langage. Il est nécessaire que ses paroles s’inscrivent dans une expérience partagée qui leur donne du sens. »

Jean Hebrard

(9)

8

(10)

9

Table des matières

Remerciements ... 11

Introduction ... 13

Partie I : Les jeux de rôle : un dispositif pour développer les capacités orales et sociales des élèves à besoins éducatifs particuliers ... 17

Chapitre 1 : Jeux de rôle ... 19

1.1 Jouer sans contraintes ou ruse pédagogique ?... 19

1.2 Jouer un rôle ... 20

1.3 Développement historique des jeux de rôle... 22

1.4 Méthode des jeux de rôle : explication de la démarche ... 24

1.5 Quelques techniques pour faire évoluer des rôles ... 27

1.6 Apports et limites des jeux de rôle ... 28

Chapitre 2 : Didactique de l’oral ... 31

2.1 Éléments de fonctionnement de l’oral ... 31

2.2 Difficultés de l’apprentissage de l’oral... 35

2.3 Développement de l’oral à l’école ... 37

Chapitre 3 : Jeux de rôle et développement de capacités ... 41

3.1 Capacités visées en français oral... 41

3.2 Capacités transversales – sociales visées... 44

3.3 Contexte spécialisé à Genève ... 45

3.4 Synthèse conceptuelle ... 48

Partie II : Questions de recherche et méthodologie. ... 51

Chapitre 4 : Une démarche pour analyser l’impact des jeux de rôle sur l’expression orale et sur les capacités transversales ... 53

1. Questions de recherche ... 53

2. Description du contexte ... 55

3. Dispositif de recherche ... 57

4. Planification pour les trois séances ... 58

Chapitre 5 : Recueil et traitement de données ... 65

5.1 Éléments non verbaux ... 68

5.2 Éléments voco-acoustiques ... 68

5.3 Interventions et contenu ... 69

5.4 Éléments communicationnels et interactionnels ... 70

5.5 Capacité à exprimer ses émotions ... 72

Partie III : Analyse des mises en scène : actions et réactions des acteurs, un engagement progressif dans les rôles proposés ... 75

Chapitre 6 : Bilan de 3 séances ... 77

6.1 Bilan séance 1... 77

6.2 Bilan séance 2... 89

6.3 Bilan séance 3... 101

Chapitre 7 : Synthèse des résultats et discussions ... 109

Conclusion et perspectives ... 131

Références bibliographiques ... 145

Annexes ... 150

(11)

10

(12)

11

Remerciements

Je tiens à exprimer ma gratitude et mes remerciements à :

• Mon directeur de mémoire, Monsieur Joaquim Dolz-Mestre, Docteur en sciences de l’éducation, professeur ordinaire à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, pour son accompagnement efficace et ses feed-back toujours constructifs

• Madame Maud Lucas et Monsieur Léo Marin, enseignants à l’EFP de Saint-Gervais, pour avoir accepté si volontiers de m’ouvrir leur classe afin d’y réaliser les séquences de jeux de rôle et les films

• Aux élèves de la classe pour leur application et leur sérieux pendant le recueil de données

• Ma famille, pour les conseils et les discussions avisées

(13)

12

(14)

13

Introduction

Enseigner l’oral, à quoi bon ? Tout le monde sait plus ou moins s’exprimer, communiquer ses intentions, ses idées. De plus, apprendre à parler est une activité spontanée chez tout être humain dès le plus jeune âge. En cela, certains diront que l’oral se distingue de l’écrit qui est le fruit d’une construction culturelle et passe nécessairement par un enseignement des notions. L’oral est perçu comme plus instinctif : un bébé développant en effet « naturellement » des capacités communicationnelles au contact de sa famille est un propos de sens commun que nous pouvons entendre dans des discussions de comptoir. C’est d’ailleurs probablement une des raisons qui explique la forte présence de l’enseignement de l’écrit dans les programmes scolaires par rapport aux recommandations plus éparses concernant l’apprentissage de l’oral.

Certes, mais l’oral se développe aussi dans les interactions sociales et mérite un enseignement.

Il n’est pas un marqueur social difficile à cacher : les accents, les traits phonologiques et le vocabulaire de chacun permettent généralement de déterminer les origines et le groupe social d’appartenance. Sylvie Plane (2015) parle dans son éditorial de l’ « accent de banlieue » par exemple. Comme je travaille actuellement avec des adolescents d’une classe intégrée du cycle d’orientation, cette mention fait écho à mon vécu personnel. Je reconnais certains de mes élèves dans ces propos. En enseignant l’oral, cherche-t-on à changer les accents des élèves ? Non, mais un travail sur les intonations, la structure de la phrase ou le vocabulaire peut aider ceux-ci à adopter des postures plus adéquates dans certaines situations où la culture de l’institution ou de l’entreprise le demande. Or la capacité de s’adapter à la situation de communication fait partie des champs d’étude du langage oral. Par ailleurs, des recherches démontrent que l’oral s’enseigne. Depuis les années 60 et la rénovation des programmes de français en Suisse Romande, l’enseignement de l’oral occupe même de plus en plus de place dans les prescriptions et les manuels scolaires.

Heureusement d’ailleurs, car n’avez-vous pas déjà entendu parler des comparaisons avec nos voisins français, peu élogieuses quant au niveau de français des élèves scolarisés en Suisse ? Des élèves suisses qui ne sauraient pas argumenter et qui parleraient lentement. Il semblerait qu’il y ait encore du travail en Suisse Romande ! Nous n’allons pas chercher à savoir si ces jugements sont fondés ou non, mais nous nous en servirons pour démontrer dans cette recherche que les capacités langagières (entre autres) sont enseignables et évoluent en fonction du travail

(15)

14

accompli. Le débit de parole, les accentuations, le discours argumentatif sont toutes des caractéristiques de l’oral dont il sera question ici.

A l’ère où violence verbale et physique sont devenues monnaie courante dans les écoles, cette recherche questionnera le langage et son utilisation possible par de jeunes adolescents dans des situations de rapport de forces. En effet, les constats de violence dans les écoles sont de plus en plus relevés par le corps enseignant. Des campagnes contre le harcèlement sont lancées sur internet et dans les écoles, des actions de sensibilisation sont menées sur plusieurs fronts. Quel est le pouvoir d’action d’un enseignant au sein de sa classe pour aller dans le sens de ces campagnes de prévention ? Cette recherche postule que ce dernier peut avoir un impact sur ses élèves en développant des séquences d’enseignement autour de la communication. Comment apprendre à communiquer autrement, à mettre des mots sur les maux (leurs émotions) au lieu de les « agir » ? Comment réagir face à une situation de discrimination physique ou verbale ? Nous observerons lors de cette recherche le travail accompli par un groupe d’adolescents autour de ces questions, sur la base d’une reproduction virtuelle de ces situations problématiques.

La méthode pédagogique utilisé sera le jeu de rôle. Les élèves interpréteront des personnages dans des situations où la différence est un objet de discrimination et de conflits. Dans une période où les pratiques enseignantes sont de plus en plus contestées et remises en question par la société (notamment les parents), cette recherche se centre sur une pratique s’inspirant des méthodes actives en vogue dans certains milieux de l’enseignement. En effet, les jeux de rôles rencontreront l’adhésion des précurseurs des courants de pensées préconisant de mettre les élèves au centre et en activité. Cette recherche apporte un éclairage sur une méthode qui peut aider non seulement à développer les capacités langagières orales, mais aussi participer à résoudre une partie des problèmes de violences et de discriminations auxquels sont confrontés les élèves.

La problématique du harcèlement chez les adolescents m’intéresse plus particulièrement car je travaille avec ceux-ci depuis longtemps. J’apprécie de travailler avec des jeunes de cette tranche d’âge, parfois redoutés pour leur comportement mais si riches humainement. J’ai observé beaucoup de situations où un élève était pris à parti par les autres. Il s’agit donc d’un sujet qui me touche. Par ailleurs, la pratique du théâtre et des jeux de rôle m’est familière. Je l’ai expérimentée plusieurs fois en tant qu’étudiant universitaire, lorsque les formateurs mettaient en scène mes camarades et moi dans une situation problématique du quotidien d’un enseignant.

(16)

15

J’ai également testé la mise en place de jeux de rôle durant ma formation lors de différents stages en responsabilité avec des élèves du primaire et du spécialisé. Les retours des élèves ont toujours été positifs, qu’il s’agisse d’une classe ordinaire ou d’une classe spécialisée de la Clairière. Ils étaient constamment preneurs. En parallèle, j’aime depuis longtemps observer les personnes qui m’entourent. J’essaie de « lire » ce qu’ils disent au-delà des mots qui sortent de leur bouche. Comme en atteste mon travail de maturité dont le titre est « Votre corps parle de lui-même », je m’intéresse aux manières de communiquer verbales et non verbales. Ainsi, les raisons évoquées ci-dessus expliquent l’intérêt porté et l’orientation donnée à cette recherche.

La première partie de ce mémoire aborde les apports théoriques à propos des notions de « jeu »,

« rôle », « oral » et « capacités langagières ». Des éléments contextuels sont également amenés concernant ces différents concepts. Cette première partie se conclut sur une brève description du contexte de l’enseignement spécialisé à Genève.

Dans la deuxième partie, les questions de recherche sont énoncées et le contexte dans lequel les données ont été récoltées est explicité. Le dispositif ainsi que la planification mis en place pour la récolte de données sont ensuite développés. La façon dont sont utilisées les données est exposée finalement.

Quant à la dernière partie de la recherche, elle présente les résultats observés au cours des trois séances de recueil de données. Elle se base sur la partie « traitement de données » comme source d’observations. Un bilan sur l’évolution (ou non) des élèves et des capacités travaillées est proposé. Les questions de recherche sont reprises ici et discutées en regard des résultats obtenus.

Dans la conclusion, nous mettrons en évidence les atouts des jeux de rôle et leurs limites pour le développement de capacités langagières, tout en ouvrant la discussion sur des perspectives d’exploitation futures.

(17)

16

(18)

17

Partie I : Les jeux de rôle : un dispositif pour

développer les capacités orales et sociales des élèves

à besoins éducatifs particuliers

(19)

18

(20)

19

Chapitre 1 : Jeux de rôle

Le théâtre est un style d’expression orale bien connu du grand public. Le jeu de rôle s’inspire de ce genre littéraire pour en faire une situation d’apprentissage transversal. Quelle est la place du jeu dans cet outil utilisé dans l’enseignement ? Quelle signification apportons-nous à la notion de rôle ? Cette première partie répondra à ces questions et apportera un éclairage contextuel sur le développement du jeu de rôle dans notre société. Elle se terminera par des explications sur le déroulement de ces jeux et sur les diverses manières de les faire évoluer.

1.1 Jouer sans contraintes ou ruse pédagogique ?

Chez les très jeunes enfants, le jeu est omniprésent : « jouer c’est grandir, c’est communiquer, c’est vivre. Le jeu permet la rencontre de soi, la rencontre de l’autre » (Aussaguel & al., 2002, p. 71). Il existe plusieurs façons de jouer différentes et définir le jeu est un exercice complexe.

Pour Piaget, il existe trois types de jeu : le jeu d’exercice ou sensorimoteur, le jeu symbolique et le jeu de règle (Droz & Rahmy, 1997). Le premier consiste à réaliser des actions pour le plaisir. Le deuxième s’observe lorsque les enfants prennent un rôle, imitent et s’approprient les actions et les règles propres au rôle choisi (Clerc‐Georgy, 2013). Le dernier jeu est régi par des règles et contraintes où les élèves sont en compétition tout en devant coopérer.

A partir de ce constat, deux visions s’affrontent vis-à-vis du jeu pour les jeunes enfants chez les professionnels : la première vision est celle du jeu libre, « activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée, fictive » (Aussaguel & al., 2002, p. 72). Caillois (1958) définit ces six caractéristiques de la façon suivante :

• libre : le joueur choisit d’y prendre part

• séparée : dans un temps et un espace distinct des activités ordinaires

• incertaine : le déroulement et les résultats ne peuvent être prévus à l’avance

• improductive : ni création de biens ni de richesse

• réglée : par des conventions et des lois internes au jeu

• fictive : le joueur a conscience qu’il se trouve dans une réalité virtuelle et qu’il ne s’agit pas de la vie réelle.

(21)

20

La deuxième vision est le jeu dirigé, où les enfants ne sont pas complètement libres et où jouer constitue une ruse pédagogique afin d’apporter une référence aux enfants et de les pousser à aller plus loin, à progresser (Aussaguel & al., 2002).

Par ailleurs, la signification du mot « jeu » s’inscrit dans une dimension sociale, c’est-à-dire qu’elle dépend des contextes, des milieux, des époques et des fonctions qu’on lui attribue (Silva, ?). Selon ce professeur de français à l’Universidad Nacional Autónoma de México, le jeu avec le langage donne l’opportunité de vivre la langue en action et en relation. Dans le cadre de cette recherche, nous nous accordons sur le postulat d’un jeu dirigé, où les apprentissages des enfants ou jeunes adultes ne se font pas uniquement en les laissant jouer, mais bien en intervenant et en mettant en place des situations propices au développement de capacités langagières en relation avec autrui.

1.2 Jouer un rôle

« La prise de rôle est une des principales formes de socialisation de l’enfant et de constitution de son « je », de son « moi » » (Schützenberger, 1981, p. 11). Quand les enfants jouent à papa et maman, aux gendarmes, à faire la cuisine, ils se créent une identité en « faisant comme », en recréant des rôles sociaux qu’ils peuvent voir dans leur quotidien. L’enfant sait qu’il est dans un entre-deux qui l’autorise à la fois à expérimenter des émotions, des comportements fictifs, mais à la fois à rester proche du réel puisqu’il s’agit de prendre le rôle d’un adulte ou personnage existant dans l’entourage de l’enfant. « En faisant semblant, il explore les divers registres de la sensorialité, il déploie les diverses performances que lui permettent ses capacités corporelles, tout en ayant saisi quelles sont les limites de sa perception et de son action dans la réalité » (Chouvier & Papaïoannou, 2017, p. 1). Les jeux de rôles commencent très tôt dans la vie de chacun. Les enfants recréent les situations de sorte à se mettre dans les mêmes conditions que les adultes, que leurs futurs rôles. Par la suite, l’être humain va actualiser ses rôles en fonction de son vécu, de son contexte, de ses besoins (Moreno, 1960).

La définition de sens commun du « rôle » est « l’ensemble des conduites prescrites attendues des personnes qui occupent une position sociale déterminée » (Schützenberger, 1981, p. 12).

Pour Moreno (1965), le « rôle (…) est une manière d’agir, que l’individu assume au moment

(22)

21

précis où il réagit à une situation donnée dans laquelle d’autres processus, personnes ou objets, sont engagés » (p. 81). Le rôle sous-tend une interaction entre individus dans un contexte donné.

« Le rôle est un comportement personnel en situation et en interaction avec d’autres personnes » (Schützenberger, 1981, p. 14).

Dans le jeu de rôle, il y a une part active (le processus actif du je), une part acquise (le moi social et les rôles appris) et une part attendue par les autres (l’attente quant au rôle) transmise par le groupe social.

(Schützenberger, 1981, p. 11)

Moreno (1965) décline des sous-catégories de rôles : les rôles physiologiques, les rôles sociaux et les rôles psychodramatiques. Nous n’entrerons pas ici dans les détails, mais ajoutons que ce sont les rôles sociaux qui impliquent une prise de rôle dans la vie quotidienne. Ces rôles amènent des obligations (être père, être policier, etc.).

Dans le jeu de rôle, les acteurs peuvent tester différents rôles afin de réfléchir sur leur comportement dans chacun des rôles interprétés, sans qu’il y ait une incidence pratique dans le quotidien immédiat. Ils peuvent ainsi s’approprier des rôles sociaux. Comme l’expliquent Poizat et Goudeaux dans le cadre de situations professionnelles (2014), l’appropriation est le

« processus d’intégration au monde propre, au corps propre et à la culture propre de l’acteur » (p. 21). Les situations de travail étant des formes sociales stabilisées, l’étudiant ou jeune professionnel doit passer le processus de « (ré)appropriation des situations » qui « consisterait alors en l’instauration ou la restauration de possibilités d’interactions avec l’environnement professionnel ou social qu’il qualifie de "suffisamment bonnes" » (p. 16). Par l’exercice du jeu, les élèves intègrent et s’approprient des codes et des gestes professionnels dans un environnement fictif et sans dangers réels. Ils acquièrent ainsi un savoir-faire et un savoir être qu’ils estiment approprié à la situation et qu’ils peuvent réinvestir dans un contexte similaire.

Ce processus d’appropriation n’est pas évident pour tous. En effet, il s’apparente à l’acquisition de nouvelles compétences, à savoir la « construction à long terme permettant à l’acteur d’acquérir des dispositions à agir de plus en plus efficaces » (Goudeaux, Stroumza & Durand, 2008, p. 24). Cette acquisition amène l’élève à remettre en cause ses propres conceptions et à ouvrir son répertoire à des éléments nouveaux, ce que quelqu’un de conservateur aurait du mal à concevoir. Elle pousse donc à l’innovation des dispositions à agir (Goudeaux et al, 2008).

Dans le cadre de cette recherche, nous faisons le choix de ne pas parler comme le font les

(23)

22

auteurs précédemment cités de « compétences » mais de « capacités », ces dernières étant observables. Dolz et Ollagnier (2002) démontrent la confusion autour du terme « compétence » et mentionnent le côté inné des compétences, en opposition aux capacités qui sont le reflet d’un processus d’apprentissage et d’intériorisation des connaissances, savoirs et savoirs-faire.

1.3 Développement historique des jeux de rôle

Les jeux de rôle ont d’abord été utilisés dans le cadre de thérapies de groupe dans les années 30. Les psychiatres et les éducateurs employaient la technique du psychodrame afin de soigner des individus marginalisés (Olibet, 2015). Moreno invente cette méthode après la première guerre mondiale, alors qu’il assiste à des représentations théâtrales. Il se rend compte du pouvoir libérateur de l’incarnation d’un personnage lorsque l’une des actrices résout ses problèmes conjugaux par le fait de jouer le rôle qui correspondait à ce qu’elle vivait dans son quotidien. « Psychodrame provient de psyché (âme) et de drama (action). Il s’agit de vivre en groupe une situation passée, présente ou même future, non en la racontant (…), mais dans un agir improvisé (…) s’appliquant à une situation vécue » (Schützenberger, 1975, p. 39). Le personnage principal exprime ses émotions et sentiments, il met en scène la situation et fait appel à tous les personnages qui lui semblent nécessaires dans la situation vécue/jouée afin de soutenir sa mise en scène. Parfois, la pièce est rejouée plusieurs fois, dans le but de :

- Préparer à une situation difficile

- Explorer différentes variables, défiger un mode réactionnel qui n’est plus adéquat - Aboutir à une conclusion autre et moins traumatisante

L’individu prend alors pleinement conscience de la situation, il peut prendre du recul et se libérer de celle-ci (Schützenberger, 1975).

En mettant en action la psyché, le psychodrame permet, soit une thérapie par le dégel et la libération des sentiments refoulés ou inhibés (…) soit une pédagogie des relations interpersonnelles par un entrainement à la spontanéité, à une meilleure perception d’autrui et de la relation avec l’autre (Schützenberger, 1975, p. 38).

Par la suite, des jeux de rôle de formation se développent afin de favoriser l’intériorisation de certaines conduites professionnelles pour les aspirants à un nouveau métier. Les postulants doivent comprendre et intégrer des gestes, attitudes et réflexes professionnels afin d’être équipés une fois lancés dans la vie active : par exemple, les réflexes de politesse implicites dans

(24)

23

une entreprise ou la façon de répondre à un client mécontent. Le développement des jeux de rôle pédagogiques apparaît après les jeux de rôle psychologiques et de formation. Ces deux derniers modèles reposent sur un apprentissage par l’action, où les apprenants expérimentent d’autres postures afin d’ancrer de nouvelles façons d’être et de faire dans les situations qu’ils rencontreront. De la même façon, les jeux de rôle pédagogiques se basent sur un apprentissage par expérimentation, où les élèves apprennent par essais-erreurs et créent leur modèle à la suite de leurs multiples expérimentations de la situation. « Parce qu’ils permettent un apprentissage reposant sur l’expérimentation, les jeux de rôle constituent un outil au service de la pédagogie inductive » (Olibet, 2015, p. 5). Cette conception concorde avec les travaux de Piaget (1973), qui souligne l’importance pour les jeunes d’expérimenter avant de modéliser les connaissances acquises.

L’utilisation des jeux de rôle dans l’enseignement coïncide avec l’émergence des méthodes actives dans les classes. Dans ce type de vision, les élèves sont placés au centre de l’enseignement, contrairement à un enseignement magistral où l’enseignant occupe la plus grande part du temps d’enseignement. Ici, l’élève doit être actif et mis en situation, et non pas écouter l’enseignant parler et le voir faire (Romainville, 2007). De plus, la méthode « jeu de rôle » est très vite appréciée par les professionnels pour seton côté efficace, rapide, souple et orienté très fortement sur l’action et les relations sociales (Schützenberger, 1981).

Ces méthodes actives reposent sur 5 points (Olibet, 2015, p. 6) :

o les étudiants doivent être mis en activité et prendre des initiatives pour découvrir ce qu’ils ont à apprendre

o les étudiants doivent trouver des motivations internes et personnelles à pratiquer l’activité à la place des motivations extrinsèques (punitions-récompenses). Ces dernières se caractérisent par le fait que l’individu cherche à obtenir une conséquence qui se trouve hors de l’activité, comme une récompense par exemple, ou la motivation à avoir une bonne note. Les motivations intrinsèques se définissent par l’idée que l’élève est motivé en vertu de l’intérêt et du plaisir qu’il trouve à la pratique de la tâche (Fenouillet, 1999).

o la méthode repose sur l’exploitation de phénomènes de groupe à des fins d’apprentissages

(25)

24

o la méthode exige de l’enseignant de pouvoir ses rôles en fonction du moment de la leçon : théoricien en phase de préparation, animateur en phase de formation et vérificateur en phase de contrôle

o la mesure de l’avancée du travail repose davantage sur une autoévaluation de l’élève à partir d’objectifs pédagogiques plutôt qu’une évaluation uniquement faite par l’enseignant

Le jeu de rôle est aussi un outil pour les enseignants de la formation professionnelle, puisque dans certains cours les étudiants intègrent leur métier en partie « en faisant comme si » : « les acteurs jouent la situation professionnelle comme si elle était réelle, présente et vraie, après avoir vu ou entendu des modèles des comportements efficients dans cette situation » (Schützenberger, 1981, p. 47). Comme expliqué plus haut, l’expérimentation d’une situation permet aux élèves de s’approprier une forme de savoir (Goudeaux et al., 2008). L’Ecole de Formation Préprofessionnelle (EFP) de Saint-Gervais s’inscrit parfaitement dans ce mi-chemin entre une école où l’on enseigne des savoirs scolaires, et où l’on prépare les élèves à l’entrée dans la vie professionnelle. La présentation de l’EFP sera développée plus bas, mais nous pouvons d’ores et déjà percevoir la pertinence du jeu de rôle dans ce contexte scolaire- préprofessionnel.

1.4 Méthode des jeux de rôle : explication de la démarche

La méthode des jeux de rôle « consiste à improviser une scène entre deux ou plusieurs acteurs à partir d’un scénario prévu à l’avance et présentant un problème réel » (Romainville, 2007, p.

3). Nous pouvons constater ici qu’une des caractéristiques qui différencie le jeu de rôle d’autres mises en scène théâtrales (improvisations, pièces de théâtre, etc.) est la présence obligatoire et (en tout cas partiellement) fictive d’une situation problématique. Ensemble, les acteurs cherchent à résoudre le ou les problèmes (Olibet, 2015). « Le jeu de rôle entre dans la catégorie des méthodes pédagogiques dites de simulation puisqu’il s’agit de simuler directement les situations à apprendre, de préférence évidemment lorsque ces situations sont sociales (et non pas seulement le savoir-manœuvrer une machine) » (Schützenberger, 1981, p. 46).

(26)

25

Par ailleurs, les rôles sont en général attribués aux acteurs par l’animateur du jeu (Mucchielli, 1983). Cette attribution assure un passage du monde réel au monde fictif du jeu, mais elle constitue également une contrainte pour les acteurs qui ne peuvent pas agir complètement comme ils le veulent puisqu’ils doivent respecter et agir en accord avec leur rôle donné (Olibet, 2015). Il arrive aussi que l’un des acteurs choisisse dans le groupe des personnes qui joueront les rôles émergeant de la situation problématique. Mais là encore, les rôles sont esquissés par celui qui choisit les personnages. Sur scène, les rôles peuvent être :

- une personne réelle

- un personnage imaginaire (fée, personnage de manga, etc.) - un être existentiel (Dieu, Anges, etc.)

- un groupe de personnes

- une catégorie de personnes (les chefs, la police, etc.) - une émotion (la peur, la colère, la joie, etc.)

- une valeur ou croyance (le respect de l’environnement/ il faut travailler dur pour y arriver/

les garçons ne pleurent pas, etc.)

- un concept (éducabilité de l’individu, l’effet Pygmalion, etc) - un animal

- un objet

(« Former par l’action », Institut ODEF, Powerpoint de Norbert Apter, 2014)

Les jeux de rôles mettent donc en avant une quête collective pour résoudre un problème, mais également des quêtes individuelles liées à l’incarnation des rôles de chacun. Ils ont l’avantage de « ne pas aborder un problème directement de front, mais par la bande (…), indirectement, par des situations fictives » (Schützenberger, 1981, p. 35).

Nous observons trois phases dans l’application des jeux de rôle : la première consiste à donner les rôles aux acteurs. C’est à ce moment-là que l’on explique les objectifs que chaque personnage poursuit et quelles sont les motivations de chacun, afin qu’ils puissent s’approprier leur personnage. C’est là aussi qu’a lieu l’échauffement (nous y reviendrons). La deuxième étape est celle de la mise en scène, où les acteurs interagissent avec une certaine liberté, mais sous le contrôle de leur personnage et de la thématique choisie au départ (Romainville, 2007).

La dernière phase est celle de la rétroaction, c’est-à-dire l’analyse du jeu après coup. La parole est d’abord donnée aux acteurs, pour leur permettre d’exprimer leur ressenti sur la situation qu’ils ont vécue de l’intérieur. L’objectif ici est d’amener les élèves à s’exprimer sur ce qu’ils

(27)

26

ont pensé et vécu (ressentis) de la situation, de leur attitude et de celle des autres. Les observateurs, ceux qui ne jouent pas la scène, sont chargés de noter leurs observations sur une grille et relatent leurs constats au groupe après avoir écouté le retour des acteurs. L’accent est mis sur ce qui a été vu et observé et non sur des interprétations, voire des jugements. Ensuite, c’est au tour de l’animateur (enseignant) de prendre la parole et d’exposer ses observations. Il cherche à faire réfléchir les acteurs aux effets produits par chacun et à amener quelques points théoriques (Le Jeunne, ?). Il a le rôle de l’animateur dans cette transposition didactique du genre

« jeu de rôle », cependant l’idée est de tirer profit de l’intelligence collective (du groupe) et des intelligences multiples pour trouver des pistes de changement par rapport à la situation problématique, mais aussi à d’autres fins. Gardner (1996) définit plusieurs intelligences : l’intelligence musicale, l’intelligence verbale/linguistique, l’intelligence corporelle, l’intelligence visuelle, l’intelligence logique, l’intelligence inter-personnelle, l’intelligence intra-personnelle et l’intelligence du naturaliste. Les jeux de rôle sont un tremplin afin d’exercer plusieurs d’entre elles. Les acteurs sont amenés à travailler leur intelligence intra-personnelle en réfléchissant sur leurs sentiments, ils s’exercent à donner des feedbacks à quelqu’un sur son action (l’intelligence inter-personnelle), ils mettent en scène et utilisent leur corps pour s’exprimer (l’intelligence corporelle) et bien entendu les acteurs développent leurs capacités orales, d’improvisation, d’argumentation, d’écoute de l’autre.

C’est sur ce dernier point notamment que les recherches montrent les niveaux de complexité du jeu de rôle. Il n’y a pas qu’une dimension intrinsèque au jeu (réussir à résoudre le problème).

L’animateur est en dehors du jeu. Son rôle est de faciliter les échanges, les réguler et veiller à l’avancement du jeu. Il apporte par conséquent aussi une dimension extrinsèque du jeu de rôle : ses objectifs à lui qui font sortir de la catégorie du simple jeu divertissant à une activité à but pédagogique (Olibet, 2015). Notre recherche amènera les jeux de rôle dans cette direction puisque ceux-ci seront envisagés dans une perspective pédagogique, à savoir visant l’apprentissage de notions ou de savoir-faire / savoir être.

Il existe plusieurs façons de définir le thème du jeu de rôle et d’impliquer les protagonistes du jeu. Il peut être choisi par le groupe parmi des suggestions proposées par chacun de ses membres. Le meneur de jeu peut aussi décider lui-même du thème du jeu, selon sa perception des besoins du groupe. Le thème peut également résulter d’une discussion préalable du groupe, d’une situation vécue par le groupe ou qui a fait beaucoup débattre au sein de celui-ci. Un élève

(28)

27

peut aussi proposer lui-même un thème et décrire le problème aux autres participants avant de le jouer avec eux.

Avant de commencer le jeu, il est bon d’effectuer une sorte d’échauffement afin de « dégeler le groupe, de lever les inhibitions et les peurs de jouer » (Schützenberger, 1981, p. 37). Plusieurs sortes d’échauffement sont possibles : de petits jeux sur les mots peuvent être entrepris avec les élèves. A tour de rôle ils disent un mot lié au précédent. Ensuite, l’enseignant ajoute l’obligation d’inventer un geste lié à la prise de parole, en libérant la partie créative. Ceci met les élèves en mouvement tout en les échauffant à l’élocution.

L’échauffement peut être complètement différent et consister en une série de jeux de rôle d’exploration, tous très courts. Au fil de ces petits jeux, l’action avance et les moments-clés sont associés, afin de trouver un fil conducteur et d’éviter que les élèves soient bloqués car à court d’idées. Cette technique mêle l’échauffement à la pratique du jeu de rôle.

1.5 Quelques techniques pour faire évoluer des rôles

Diverses techniques de jeux de rôle existent afin d’aider à l’avancée du jeu et de faciliter la réflexion des acteurs. Une des techniques connues est l’ego auxiliaire. Ce dernier « est choisi par le protagoniste parmi le public – choix basé sur une combinaison de caractéristiques personnelles (…) pour représenter et donner vie à des personnes significatives dans la vie du protagoniste » (Dragoteanu, 2017, p. 1). Le personnage qui décide de faire intervenir un ego auxiliaire décrit le plus précisément possible celui-ci afin que la personne qui joue l’ego auxiliaire puisse l’interpréter au plus proche de son rôle. Ou alors, il « prend le rôle » un instant de cet ego auxiliaire pour montrer comment celui-ci devra fonctionner en tout cas au départ.

Ceci permettra au protagoniste de ressentir des émotions réelles envers la personne interprétant le rôle d’ego auxiliaire (Dragoteanu, 2017). Généralement, le protagoniste fait appel à une personne de confiance. L’apport de l’introduction de ce type de personnage peut être multiple : changer le comportement des acteurs, faire réfléchir le protagoniste, orienter les actions des acteurs différemment.

Le renversement de rôle est une autre technique du jeu de rôle conçue par Moreno (1965). Il s’agit pour l’animateur du jeu de demander à une personne X de prendre la place du personnage

(29)

28

Y, et vice versa. Ainsi, une personne voit comment est son personnage depuis le point de vue de l’autre. Elle expérimente le ressenti et la vision de l’autre, permettant un niveau plus profond d’empathie.

Finalement le « rôle training » consiste à faire jouer un même personnage par différents acteurs dans le but d’expérimenter différentes façons d’agir dans une même situation et d’analyser les conséquences différentes de chacune de ces manières d’agir.

1.6 Apports et limites des jeux de rôle

Les recherches relèvent les nombreux apports des jeux de rôle.

Premièrement, le fait d’offrir des situations complexes aux apprenants sans qu’ils aient peur de faire des erreurs favorise l’apprentissage (Le Jeunne, ?). En effet, le caractère complexe s’explique en ce sens que les situations engagent les élèves à mettre en oeuvre plusieurs capacités en même temps (écoute de l’autre, production de parole, attention au vocabulaire, respect du personnage, etc.). Il ne s’agit pas d’une « simple » tâche de restitution. Par ailleurs, le caractère fictif de la situation permet de s’engager dans la tâche sans crainte des conséquences. Ce mi-chemin entre la réalité de l’élève et celle (semi-fictive) du jeu permet

« une aire intermédiaire d’expérience » (Winnicott, 1975), une prise de distance des élèves, devenus joueurs, par rapport à la situation et à leurs réactions, attitudes, comportements et émotions.

De plus, les jeux de rôle développent des capacités d’interactions entre camarades (Le Jeunne, ?) : l’écoute de l’autre et la capacité à entendre l’argument d’une autre personne (Blanchet, 2008). Ils apprennent à se mettre à la place de l’autre (notamment par le renversement de rôles) et donc à considérer le point de vue du rôle ET celui des interlocuteurs.

Les étudiants collaborent et co-construisent le savoir ensemble, chacun a un rôle à jouer (Olibet, 2015). Chacun vit de l’intérieur la situation et est impliqué dans le déroulement de la tâche. En outre, les élèves exercent leur prise de parole en public et l’affirmation face au groupe (Blanchet, 2008). Le jeu de rôle « complète la formation à la communication verbale et non verbale, et permet une meilleure intégration de l’individu aux groupes auxquels il appartient ou

(30)

29

qu’il dirige (…) éclaire sur l’importance du sous-jacent, de l’implicite et des sentiments non exprimés » (Schützenberger, 1975, p. 41).

Par ailleurs, ces jeux permettent à l’enseignant de vérifier si les élèves arrivent à faire des liens entre leurs connaissances théoriques et à les appliquer dans la pratique (Le Jeunne, ?), s’ils ont la capacité à utiliser des exemples ou des mécanismes vus en cours (Blanchet, 2008). Cette capacité à « secondariser consiste à extraire une notion enseignée de ses aspects contextuels afin d’en favoriser abstraction et transfert à d’autres situations » (Clauzard, 2014, p. 28). Les élèves sont amenés à dépasser le simple enjeu de la tâche scolaire et à transformer leur connaissance en un outil dans d’autres contextes. Prenons un exemple. Des élèves sont, en parallèle des jeux de rôle, en train de travailler sur les caractéristiques de l’écriture d’un texte argumentatif. Ils pourraient mettre en œuvre une connaissance acquise lors de cet enseignement en utilisant dans le jeu de rôle, si le contexte s’y prête, des connecteurs argumentatifs par exemple. Il y aurait là un transfert d’une connaissance acquise en cours de français dans un autre contexte, le jeu de rôle. Cela consisterait précisément en une secondarisation du savoir.

Enfin, les recherches affirment que les jeux de rôle permettent à l’enseignant de sortir de la possible monotonie d’un cours magistral et de dynamiser le groupe (Romainville, 2007). Il y adopte une posture moins frontale, qui offre plus d’espace à l’apprenant. Ils reposent sur une base commune à tous les jeux : le plaisir. Cela permet aux élèves d’agir différemment des habitudes de la classe et ainsi favorise l’expression, l’utilisation de l’espace et des objets présents en classe (Olibet, 2015). « S’instruire en s’amusant et en s’intéressant activement à ce qu’on fait change non seulement les rapports de l’élève avec la matière à apprendre, mais aussi les relations des élèves entre eux et avec l’enseignant, et les motive pour travailler » (Schützenberger, 1975, p. 41). La relation maitre-élève s’en voit améliorée par la création d’un climat favorable à l’apprentissage et à l’acquisition de connaissances (Schützenberger, 1981).

Cependant, il faut que l’enseignant accepte de passer d’une pédagogie où il est le centre à une pédagogie centrée sur l’apprenant (Olibet, 2015). Celle-ci est donc parfois un frein pour certains enseignants. Cette démarche est coûteuse en temps également, ce qui peut restreindre son utilisation dans les classes, comme l’affirment Le Jeunne ( ?) et Olibet (2015). Par ailleurs, les jeux de rôle ne tournent pas toujours dans le sens attendu par « l’animateur » et les résultats sont imprévisibles (Le Jeunne, ?). Par conséquent, celui-ci est obligé de faire confiance au groupe et au processus, donc de lâcher prise sur d’éventuels résultats attendus. Dans ce sens,

(31)

30

assurer la reprise et les relances peut être un exercice déstabilisant pour les enseignants. Pour cela, les jeux de rôle ne conviennent pas à tous les élèves ni à tous les enseignants.

Par ailleurs, la confidentialité est indispensable au jeu de rôle, c’est-à-dire que les acteurs puissent se sentir libres d’exprimer leurs émotions, leurs sentiments en sachant que tout ce qui se passe dans le groupe reste dans le groupe et ne va pas être divulgué ailleurs. Le jeu de rôle peut parfois « fragiliser » l’espace de quelques instants la personne qui vient de finir sa

« pièce », car la situation a peut-être fait remonter des souvenirs, des pensées mauvaises. Le meneur de jeu doit « protéger » cette personne et le « secret de groupe » se doit d’être appliqué afin de ne pas bloquer les protagonistes. Les jugements sur la personne sont aussi à exclure afin de favoriser un espace de discussion et d’apprentissage (Schützenberger, 1981).

(32)

31

Chapitre 2 : Didactique de l’oral

Évaluer l’oral peut se révéler être une tâche complexe pour un enseignant, car il est volatile, difficilement « quantifiable » et présent partout dans l’enseignement : explications des consignes, discussions entre élèves, exposés, annonces diverses, etc. Et pourtant, de nombreux travaux ont été menés sur l’oral et démontrent ses propriétés. Comment fonctionne l’expression orale ? L’oral s’enseigne-t-il et quelles sont les difficultés liées à cet enseignement ? Cette partie de notre recherche nous donnera des éléments de réponse à ce questionnement, en démontrant également le développement de la place de l’oral dans l’enseignement suite aux rénovations de l’enseignement du français à partir des années 60.

2.1 Éléments de fonctionnement de l’oral

L’oral se réfère à tout ce qui concerne la bouche ou à toutes les informations qui se transmettent par la bouche. Il comprend à la fois la compréhension et la production des messages oraux (Simard, Dufays, Dolz & Garcia-Debanc, 2010, p. 283), c’est-à-dire que le terme oral est utilisé pour décrire « l’ensemble des actes d’écoute (la compréhension) et de langage (la prise de parole), ces deux sous-catégories de l’oral étant en interaction pour créer une discussion » (Colognesi & Deschepper, sous presse).

L’oral comprend donc plusieurs facettes : la voix, la parole, l’écoute et le corps. La voix est le support de la parole et inclut l’émission de sons. Elle se travaille à travers la diction (prononciation et articulation) et la prosodie (accentuation, mélodie, intonation, débit, volume et rythme). La parole est l’aspect oralisé du langage (Gaussel, 2017). Elle comprend la phonologie (les sons de la langue), le lexique (les mots de la langue), la syntaxe (la grammaire de la langue, son organisation) et la sémantique (la signification des mots). « L’écoute est à la fois une condition préalable à tout travail sur l’oral et un des objectifs de ce travail » (Gaussel, 2017, p. 5). L’apprentissage d’un langage ne se fait pas de manière isolée. C’est un acte social, l’écoute étant donc une dimension importante de celui-ci. Nous n’entrainons pas notre parole sans interagir avec personne (ou sans prévoir d’interagir). Par ailleurs, la communication orale s’articule avec l’expression corporelle et ne se cantonne pas uniquement à l’utilisation des moyens linguistiques ou prosodiques (Dolz & Schneuwly, 2009). La prise de parole est en

(33)

32

relation intime avec le corps et ses systèmes de communication non verbaux. La posture, la position du locuteur, les expressions du visage sont des indicateurs et font passer des messages à l’interlocuteur.

En résumé, le travail sur l’oral peut s’effectuer sur différents niveaux de son fonctionnement : - « les éléments linguistiques » (connaissances phonologiques, phonétiques,

morphologiques, lexicales, syntaxiques)

- les éléments « communicationnels », interactionnels et textuels (règles discursives, psychologiques, culturelles et sociales qui régissent l’utilisation de la parole en fonction des contextes)

- les éléments « corporels » (gestes, mimiques, regard, etc.) ; et les éléments « voco- acoustiques » comme témoin matériel et physique de la parole (débit, intensité, articulation, intonation, etc.)

(Gaussel, 2017, p. 12)

Selon les recherches effectuées par Dolz et Schneuwly (1998), il existe deux sortes d’oral :

« L’oral spontané, pensé en général comme parole improvisée en situation d’interlocution conversationnelle, constitue à une extrémité un modèle relativement idéalisé dont on souligne parfois, dans un premier regard, l’aspect apparemment éclaté et discontinu qui souvent cache des régularités au service de la communication. » (Dolz et Schneuwly, 1998, p. 54)

Il y a donc des régularités dans la parole soi-disant improvisée. Cette remarque des auteurs est très importante, car elle permet d’élaborer des critères d’attentes vis-à-vis d’une situation de communication qui pourrait sembler très hasardeuse pour le sens commun. Ainsi, la recherche effectuée dans le cadre de ce mémoire analysera entre autre les structures de phrases employées, la syntaxe, le vocabulaire, etc. Cela permettra de mettre le doigt sur des faits observables à analyser. Ce n’est pas l’anarchie comme nous pourrions être amenés à le croire lorsque nous pensons au terme « improvisation ». Dolz et Schneuwly (1998) le confirment :

« L’oral spontané est vu comme chaotique quand on l’observe de près en le comparant à l’écrit, mais c’est une erreur de le comparer aux normes de l’écrit. Et en plus, on peut voir des caractéristiques linguistiques structurées de grammaire et syntaxe de l’oral. » (p. 55-56)

(34)

33

La deuxième forme d’oral est « l’oral contraint par une origine écrite qu’on identifie ou qu’on décrit comme de l’écrit oralisé. Il s’agit de toute parole lue ou récitée » (Dolz et Schneuwly, 1998, p. 54). Avec les élèves de l’Ecole de Formation Préprofessionnelle, nous travaillerons dans une zone hybride, entre ces deux types d’oral puisqu’il y aura des supports écrits pour faciliter la parole (les fiches personnages par exemple), mais aussi une grande part de spontanéité.

L’opposition entre le code oral et le code écrit est une notion qui fait débat chez les spécialistes de la question (Laparra, 2018). Certains pensent que l’oral est complètement différent de l’écrit et vice-versa. D’autres pensent que les codes de ces deux moyens d’expression ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. Néanmoins les chercheurs s’accordent pour affirmer que la conversation familière est très différente de l’écrit. Mais faut-il pour autant voir cette pratique orale comme mauvaise ? Que peut-elle apporter à un enfant en termes d’apprentissage ? Nous verrons dans cette recherche que les mises en scène des élèves amènent des dialogues permettant de développer des capacités orales. Si ces situations sont bien guidées par l’enseignant, il est possible de faire passer l’élève d’un usage de l’oral familier à un oral plus soutenu.

Les caractéristiques de l’oral conversationnel sont notamment les hésitations et un lexique peu varié (Laparra, 2018). Les phrases relatives dans un dialogue sont souvent introduites par « qui, que, où ». « Les relatives du type « c’est ce dont j’ai besoin », « c’est l’homme à qui je pense

» » ne sont pas souvent utilisées dans ce type de discours oral (Laparra, 2018, p. 128). L’usage de structures automatisées est cognitivement moins coûteux en attention. C’est pour cela qu’elles sont utilisées au détriment de structures demandant plus d’attention, afin de permettre à la conversation de se dérouler de manière la plus fluide possible et à l’orateur d’agir en termes de capacités d’action en même temps que son discours. Ainsi, il s’agit d’entrainer les réponses coûteuses en les pratiquant régulièrement afin de les automatiser et de les rendre plus facilement utilisables dans une situation de langage complexe. Cela amènera dans un premier temps plus d’hésitations chez les élèves car ils vont devoir différer leur réponse au profit de réflexions sur les bonnes formulations, mais l’énonciation de réponses légèrement différées est à encourager pour le développement de capacités langagières orales (Laparra, 2018).

Afin de développer encore un peu plus la dimension de conversation soutenue, nous pouvons travailler avec les élèves les « expressions à relativement haute fréquence [qui] sont

(35)

34

caractérisées par le fait qu’elles comportent un terme abstrait qui est souvent un dérivé » (Laparra, 2018, p. 128). Par exemple, au lieu de dire « il (ne) sait pas jouer », dire « c’est un mauvais joueur ». De plus, la technique de la reformulation peut être utilisée par l’adulte pour faire apprendre des structures orales aux élèves. En effet, Laparra (2018) montre qu’un enseignant qui reformule les propos des élèves « il y avait x, à la place il y a y » en introduisant le terme de « remplacé », « remplacement » (p. 129) dans ses reformulations, cet enseignant amène les élèves à employer les termes de l’enseignant pour ainsi faire évoluer les structures orales. Dans l’apprentissage d’une langue, il existe plusieurs manières pour l’enseignant de corriger un élève dont l’énoncé oral est incorrect : la reformulation, la correction explicite et l’incitation dont voici un tableau récapitulatif (Kartchava, 2014).

(36)

35

Ces différentes techniques linguistiques sont utilisées par les enseignants à des fréquences variables et pour des acquisitions de nouvelles structures de langage chez les élèves également diverses. Afin de stabiliser la connaissance de ces nouvelles formulations, Laparra recommande de faire mémoriser ces structures en les écrivant. Nous constatons donc que le langage oral n’est pas indépendant du langage écrit, et l’inverse est vrai également. Ils sont au service l’un de l’autre et l’enseignant doit selon nous utiliser ces deux codes du langage de manière complémentaire afin d’apprendre aux élèves à « produire des oraux et des écrits différents selon les exigences de la situation dans laquelle ces oraux et ces écrits sont engendrés » (Laparra, 2018, p. 131).

Les jeux de rôle peuvent être assimilés à un genre oral secondarisé. En effet, dans un jeu de rôle, les participants improvisent une saynète de la vie ordinaire. Dans notre cas, nous nous intéressons à un jeu de rôle inspiré d’une situation du quotidien dont la représentation à caractère fictionnel implique aussi des capacités argumentatives. En effet, du point de vue de la situation de communication, les acteurs doivent se représenter le contexte et s’adapter au rôle attribué. Du point de vue de l’organisation, ils doivent gérer une conversation avec des répliques en fonction de la saynète représentée. Enfin, du point de vue de la textualisation, ils doivent produire à l’oral des énoncés dans un dialogue. La perspective de travail sur l’oral prend en considération ces trois grandes dimensions et se situe dans une perspective proche de celle qui défend les pratiques et l’enseignement des genres à l’école. Il ne s’agit pas uniquement de pratiquer l’oral (le jeu de rôle) mais de reprendre les dimensions abordées comme un objet d’apprentissage.

2.2 Difficultés de l’apprentissage de l’oral

Les difficultés dans l’apprentissage de l’oral sont explicitées par Dolz, Silva-Hardmeyer et Pelgrims dans un article à paraître. Ces auteurs nomment une liste d’obstacles aux apprentissages de l’oral que nous allons expliquer ci-après.

Le premier peut être d’ordre épistémologique, c’est-à-dire que l’élève peut se retrouver bloqué dans la tâche demandée par manque de connaissance sur le sujet à aborder dans un exercice oral.

(37)

36

Un deuxième obstacle peut être d’ordre ontogénétique : l’élève présente des incapacités physiques telles qu’une perte auditive ou une perte de motricité génétique.

Un troisième obstacle est celui que les auteurs appellent « didactique » et qui concerne le matériel et le dispositif créé par l’enseignant : par exemple, est-ce que les exercices incitent à l’erreur ? Est-ce que les consignes sont claires ou au contraire confuses ? Est-ce que les objectifs linguistiques sont suffisamment précis et explicites (Laparra, 2018) ?

Un quatrième obstacle est lié à la connaissance des élèves, c’est-à-dire que l’activité orale mise en place par l’enseignant implique nécessairement d’avoir des connaissances sur le sujet traité.

S’il s’agit par exemple d’effectuer un débat sur « pour ou contre l’utilisation de substances illicites dans le sport ? », les élèves ayant des connaissances plus approfondies dans le domaine sportif pourront donner des exemples concrets pour appuyer leurs arguments, alors que d’autres n’auront qu’une vague connaissance du sujet et leur argumentaire sera par conséquent plus

« pauvre ». Le manque de contenu et de savoir-faire argumentatif (stratégies de l’argumentation par exemple) chez les élèves peut donc amener des obstacles cognitifs (Dolz et al., sous presse).

Un cinquième obstacle est celui dit « social ». Il concerne toutes les dynamiques en jeu dans une classe : le degré d’engagement dans la tâche dépendra entre autres du sentiment d’appartenance au groupe-classe. Si ce sentiment est élevé, il constitue une aide. Au contraire, s’il est faible, il se révèle être un frein à la participation dans la tâche orale. Dans le même ordre d’idées, l’intérêt que peut avoir un élève face à l’activité proposée et l’utilité qu’il y voit peuvent constituer un obstacle socio-affectif important.

Par ailleurs, les enseignants peuvent avoir tendance à privilégier les activités écrites aux activités orales car ils peuvent avoir un contrôle plus grand sur les premières (Laparra, 2008).

L’oral étant par essence éphémère, il est plus difficile d’évaluer son contenu et ses formes.

L’auteur relève également le problème d’un enseignement de l’écrit de plus en plus précoce, mettant l’élève « dans un entre-deux oral-écrit ne permettant pas toujours que soient construits progressivement des apprentissages linguistiques efficaces, faute de situations ayant pour unique objectif d’autoriser les élèves à s’incorporer lentement de nouveaux usages verbaux » (p. 123)

Tous ces obstacles sont à prendre en compte lors de l’évaluation d’un enseignement de l’oral.

(38)

37

2.3 Développement de l’oral à l’école

L’enseignement de l’oral en Suisse romande est récent d’après Dolz et Schneuwly (1998) : la langue orale ne devient un objet d’enseignement que dans les années soixante, lors de la rénovation de l’enseignement du français. L’oral en tant que discipline est cependant difficile à cerner et donc ardu à enseigner. De plus, il s’agit d’une notion floue qui dépend beaucoup des pratiques des enseignants. L’écrit étant dominant, apprendre à parler se faisait principalement par des exercices d’élocution et la récitation par cœur de textes (poésies, contes, etc.).

Aujourd’hui, cette vision a évolué et l’apprentissage de l’oral se construit autour de 4 paradigmes :

1. Pour apprendre à parler, il faut automatiser des savoir-faire de base :

cette méthode par imprégnation tire son origine du courant behavioriste et sociolinguistique. Les élèves apprennent les codes en vigueur (la négation, le passif, etc.). La situation de communication n’est pas prise en compte dans l’apprentissage et mettre à de multiples reprises les élèves en contact avec le savoir-faire visé assure un apprentissage par imprégnation.

2. Pour apprendre à parler, il faut connaître le fonctionnement de la langue :

cette approche analyse la langue orale et enseigne aux élèves les standards de cette langue orale sans prendre en considération le contexte. Il n’y aura pas un enseignement différent selon si l’élève est dans une situation d’exposé ou s’il doit participer à un débat par exemple. Des fiches de grammaire sur des thématiques bien précises seront effectuées afin d’exercer les élèves au code de la langue, dans l’optique d’un transfert de connaissances à l’oral.

3. Pour apprendre à parler, il faut communiquer.

4. Pour apprendre à parler, il faut communiquer et analyser la communication (Dolz et Schneuwly, 1998, p. 16-17)

Les points 3 et 4 sont des approches communicationnelles qui cherchent à créer des situations diversifiées dans lesquelles les élèves ont l’occasion de s’exprimer. Celles-ci leur permettent de prendre la parole dans des cas concrets de la vie quotidienne. La recherche nomme cet oral

« pragmatique » (Gaussel, 2017, p. 19). Les conditions d’énonciation varient en fonction des

(39)

38

paramètres contextuels (buts visés, statuts des énonciateurs, contenus). Cela va de la mise en place fictive d’un débat à la production d’un spectacle, en passant par l’entretien téléphonique et l’exposé scientifique. « Les capacités visées à travers la mise en place de ces situations sont d’ordre essentiellement pragmatique et discursif, à savoir leur maitrise par l’utilisation de formes textuelles adaptées » (Dolz et Schneuwly, 1998, p. 17). Le point 4 (ci-dessus) va encore plus loin que le point 3 en explicitant bien la nécessité de conscientiser chez les élèves les processus et structures langagières qu’ils utilisent. Concrètement, ce n’est pas parce que les élèves ont joué leur scène que le travail est fini. Les chercheurs parlent ici d’oral « réflexif qui favorise une prise de distance et la construction de processus langagiers qui contribuent à la construction des connaissances et à la prise en compte du discours de l’autre » (Gaussel, 2017, p. 19). L’analyse a posteriori est primordiale. Le jeu de rôle s’avère ainsi être une pratique qui entre bien dans ces approches communicationnelles.

Depuis la rénovation de l’enseignement du français en Suisse romande des années 60, l’oral est devenu un objet scolaire d’enseignement. Il devient en théorie l’égal de l’écrit, officiellement du moins. Malgré cela, il se trouve que l’enseignement de l’oral a de la peine à se faire une réelle place dans les classes. Il est présent mais « il s’avère qu’il n’est « enseigné » qu’incidemment à l’occasion d’activités diverses et peu contrôlées » (Dolz et Schneuwly, 1998, p. 49). Lorsqu’il est question de travailler l’oral, les enseignants portent leurs critères sur une distribution de parole équitable afin d’assurer la participation égale de tous en termes de quantité de parole produite (Dolz, et al., sous presse). Laparra (2008) constate :

en dehors de ces conversations spontanées et des quelques activités (…) il n’y a

pratiquement pas de tâches purement orales qui obligeraient les élèves à s’aventurer hors du modèle conversationnel qu’ils maîtrisent déjà et qui seraient seules susceptibles de faire évoluer leur compétence linguistique et langagière » (p. 122).

Une classe où les élèves parlent beaucoup n’est pas nécessairement une classe qui développe des capacités orales. Il s’agit de faire sortir les élèves des conversations familières que tout un chacun peut produire. Ainsi, pour pouvoir développer ces capacités orales, il faut que la classe ait du plaisir à prendre des risques en parlant, à tenter des formulations orales différentes quitte à produire des énoncés erronés (Laparra, 2018).

Le problème que confirme Cadet (2016) avec l’enseignement de l’oral est qu’il est utilisé pour plusieurs fonctions en parallèle : « objet d’apprentissages langagiers, moyen d’apprentissages disciplinaires, ressort de l’activité réflexive et de l’élaboration cognitive, médium de la

(40)

39

communication et de l’interaction à l’intérieur de la sphère scolaire et extrascolaire, support de l’entrée dans l’écrit » (p. 3) Les jeux de rôle offrent aux enseignants la possibilité d’enseigner l’oral de façon explicite, comme un savoir à maitriser et non pas comme un outil éducatif au service de l’enseignement. En effet, l’oral dans les jeux de rôle est un objet de savoir sur lequel les élèves travaillent. Il est utilisé avant le jeu par l’enseignant, pour l’explication des consignes et la mise en œuvre de la séquence d’enseignement. En ce sens, l’oral est jusque-là un « moyen d’apprentissages disciplinaire », voire « un support de l’entrée dans l’écrit » si l’enseignant utilise des fiches explicatives de la séquence d’enseignement (Cadet, 2016). Pendant le jeu, l’oral est appliqué et travaillé par les acteurs. Après le jeu, les acteurs reviennent, par la parole, sur leurs paroles, leur ressenti et leurs réactions. Une activité réflexive sur l’oral est donc amenée et l’analyse de la parole et du comportement est au centre des débats.

Afin de contourner le problème de l’enseignement de l’oral à l’école, nous pouvons recommander, comme le fait Laparra (2018), de ne pas opposer systématiquement l’oral et l’écrit et de prendre ces deux dimensions comme outils pour les activités langagières de manière complémentaire. Ne pas toujours penser les difficultés linguistiques et langagières des élèves comme des manques, mais y voir à la place des potentialités à consolider et à bâtir. De plus, cet auteur estime qu’il est bien d’exercer la mémorisation des élèves de ce qui vient d’être dit, afin que ceux-ci puissent le reformuler et construire de nouvelles habiletés verbales. Finalement, Colognesi & Dolz (2017) développent deux dimensions importantes favorisant l’apprentissage de l’oral : premièrement le passage par des activités de mises en scène proches de ce que peuvent vivre des élèves dans le cadre familial, scolaire ou professionnel. Cela peut amener

« au transfert de ses apprentissages lors des situations professionnelles qu’il rencontrera dans l’avenir » (p. 180). L’accompagnement des élèves constitue la deuxième dimension avancée par les auteurs. En effet, prévoir un temps afin de discuter des stratégies d’actions et de langage après la mise en situation permet aux élèves une analyse réflexive et une meilleure intégration des capacités. Ces recommandations sont applicables dans l’exercice du jeu de rôle.

(41)

40

Références

Documents relatifs

3) Quel est l’axe le plus important en France ?.. 4) Quels pays peut-on rejoindre directement depuis l’axe Paris-Lyon-Lille ?. 5) Que nous apprennent les deux cartes du document

Malgré une application par jour pendant 1 mois, les lésions n’ont pas répondu à la crème.. Finalement, après avoir été perdue de vue pendant 6 mois, la patiente est

Etablir les exigences de sécurité, adaptées au cours Etablir une progression en cohérence avec l’objectif Définir une suite d'objectifs intermédiaires logique Définir des

Tout ce qui peut faire obstacle sur les voies biliaires tels que des obstacles au niveau du pancréas ou des ganglions au niveau du hile hépatique, peut se traduire par un

Dans certains milieux occidentaux, quelques soupçons sur- girent dès que le gouvernement Brandt-Scheel, issu des élections de 1969, s'engagea dans la tentative pour normaliser

[r]

La galerie Eva Vautier a le plaisir de présenter l’artiste ORLAN avec la série, Les femmes qui pleurent sont en colère , commencée en 2019.. ORLAN, débute sa carrière en

Nous sommes ici pour construire un pont entre la réalité dans laquelle nous vivons maintenant et la réalité que nous percevons en nous connectant avec les Andromédiens..