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Partie I : Les jeux de rôle : un dispositif pour développer les capacités orales et sociales des

Chapitre 3 : Jeux de rôle et développement de capacités

3.3 Contexte spécialisé à Genève

Les premières classes spécialisées à Genève sont ouvertes en 1898. Elles sont destinées aux enfants décrits comme « anormaux, arriérés, faibles d’esprit » (Berger, 2004, p. 27). Le canton officialise en 1904 la création d’une commission médico-pédagogique. Elle est à l’origine du service médico-pédagogique que nous connaissons actuellement.

Au début du XXème siècle, les enfants sont mis à l’écart dans des institutions genevoises pour y être soignés. Ils sont dits « inadaptés », il faut les modifier en quelque sorte. Cela concorde avec un modèle médical du handicap, où les incapacités des enfants sont inhérentes à l’enfant lui-même. Dans les années soixante, les professionnels ne parlent plus d’enfants « débiles » et le concept d’adaptation se développe (Berger, 2004). Il ne s’agit plus de changer la personne, mais bien de développer sa personnalité en faisant « avec » son handicap. Le modèle médical n’est plus la référence puisqu’émerge un modèle plus interactif et contextuel du handicap avec la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF). Celui-ci prend en considération l’enfant dans son contexte pour déterminer son incapacité de participation dans ce contexte donné. Un élève présentant une déficience visuelle sera en difficulté lors d’une activité de gymnastique où les enfants doivent effectuer un parcours, mais ne le sera pas dans une situation d’écoute en musique par exemple. Le contexte détermine donc l’incapacité et doit être adapté afin de favoriser la participation de l’enfant.

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Les années soixante voient le « développement de l’aide individuelle à l’école et des traitements ambulatoires avec comme conséquence le maintien dans l’école ordinaire d’élèves auparavant placés dans les structures spécialisées (institutions ou classes) » (Berger, 2004, p. 28).

A la fin des années soixante, les professionnels commencent à parler du concept d’intégration et le service médico-pédagogique développe une politique de collaboration avec l’école afin de permettre des intégrations d’élèves du milieu spécialisé vers l’école ordinaire. Nous voyons ici l’origine de « l’imbrication de deux mandats, celui de l’Enseignement primaire et celui du Service médico-pédagogique, ces deux services faisant partie du Département de l’Instruction publique » (Berger, 2004, p. 30). Cette imbrication des mandats permet le partage et la mise en commun des ressources pluridisciplinaires, d’un équipement en bâtiments, locaux, mobilier et matériel.

Avec cette politique d’intégration, le placement d’élèves dans les structures spécialisées diminue de moitié dans les années septante. « Les politiques de prévention, de traitement ambulatoire précoce, d’appui et d’intégration ont mis en place de nombreuses démarches, de nouvelles fonctions et de nouvelles procédures, notamment de placement dans le secteur de l’enseignement spécialisé » (Berger, 2004, p. 29).

La pédagogie au sein des structures du spécialisé évolue et dans les années nonante, les enseignants basent leur enseignement sur les savoirs et les connaissances des élèves. Ainsi se construit le projet pédagogique adapté à chaque enfant et à sa participation au groupe (Berger, 2004). Le premier outil utilisé par les enseignants est le portrait de l’élève, « document centré sur l’analyse des observations en termes de compétences de l’élève que ce soit sur le plan communicatif et affectif ou sur le plan sociocognitif. Ce portrait débouche sur un projet pédagogique à promouvoir et à réévaluer » (Berger, 2004, p. 29). Cet outil est utilisé dès 2003 à Genève. Actuellement, Genève est soumis à « un cadre législatif et réglementaire contraignant (LIJBEP/RIJBEP) : tout enfant ou jeune mis au bénéfice d'une mesure individuelle renforcée fait l'objet d'un Projet Educatif Individuel de pédagogie spécialisée » (Emery, 2018, dia 3). Ce Projet Educatif individualisé (PEI) est un document commun à toutes les structures de l’OMP et fonctionne comme document d’évaluation, en se basant sur les observations des professionnels et des parents. « Il sert à̀ déterminer des objectifs prioritaires pédagogiques et éducatifs selon les compétences des élèves. Il renseigne sur la progression de l'élève dans ses

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compétences et dans ses apprentissages » (Emery, 2018, dia 4). Tous les professionnels travaillant avec l’enfant ont accès à ce document et le remplissent conjointement.

Malgré l’évolution positive de la pédagogie spécialisée décrite ci-dessus, il serait mal venu de négliger les récents travaux de recherches menés à Genève dans des classes du spécialisé, nuançant le bien-fondé de ces projets. En effet, « des travaux montrent combien prédominent le travail et les interventions individualisées, les tâches centrées sur des savoirs spécifiques, la faible progression du temps didactique, le contrôle étroit de l’activité de l’élève, le manque d’institutionnalisation des savoirs » (Dolz, et al., sous presse). L’individualisation du travail n’aide pas les élèves à construire une identité classe. De plus, les élèves s’attendent à recevoir plus d’aide. Ce contrat implicite d’aide est marqué dans le spécialisé. Il est dit aux élèves qu’ils auront plus d’aide de la part des enseignants en spécialisé. Donc les élèves seront encore plus dépendants de l’enseignant. « Sans l’aide de l’adulte, les élèves ne peuvent pas y arriver », c’est en substance le message qui leur est donné, diminuant encore l’estime de soi de ces élèves (Pelgrims, 2017).

« Les institutions offrent une prise en charge scolaire spécialisée et thérapeutique globale ainsi qu’un soutien à l’intégration, les classes spécialisées assurent une scolarité pour laquelle les enseignants spécialisés bénéficient d’une collaboration régulière avec des médecins, psychologues, logopédistes ou psychomotriciens (…) » (Berger, 2004, p. 35). Ces classes spécialisées sont réparties dans les différentes écoles ordinaires du canton. Les institutions peuvent offrir un encadrement (soins inclus) durant la journée, sans caractère résidentiel. Dans ce cas, elles sont considérées comme des centres de jour. En effet, une structure de jour est

« l’ensemble des offres proposant, à la mesure des besoins, une prise en charge des enfants et des jeunes de la naissance jusqu’au terme de la scolarité obligatoire (pour la pédagogie spécialisée jusqu’à l’âge de 20 ans) en dehors de la famille » (Emery, 2018, dia 7). Une institution à caractère résidentiel, quant à elle, offre une prise en charge en internat lorsque pour diverses raisons, l’enfant ne peut pas vivre dans son milieu familial. L’EFP de Saint-Gervais est un centre de jour, puisque les élèves sont pris en charge pendant la journée et retournent dans leur famille ou foyer à la fin des heures de cours.

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