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Article pp.20-27 du Vol.3 n°1 (2013)

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MISE AU POINT /UPDATE

Diagnostic ECG du syndrome coronarien aigu.

Partie 1. L ’ ECG normal, les variantes et anomalies fréquentes

ECG diagnosis of acute coronary syndrome

Part 1. The normal ECG, variants and frequent abnormalities

P. Taboulet

Reçu le 2 juillet 2012 ; accepté le 20 septembre 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Résumé Le propos de cette revue est de rappeler la tech- nique de réalisation d’un ECG en situation ischémique, puis de décrire l’aspect d’un ECG normal dans les 12 dérivations, les variantes de la normale et les anomalies ECG les plus fréquentes (repolarisation atriale, repolarisation masculine, repolarisation précoce, repolarisation atypique du sujet jeune, inversion bénigne de l’onde T, hypertrophie ventricu- laire [HV], bloc de branche [BB], préexcitation ventricu- laire, stimulation ventriculaire et effet Chatterjee). Cette pre- mière partie est un préalable indispensable avant d’aborder les diagnostics positifs et différentiels du syndrome corona- rien aigu (SCA) qui seront abordés dans une deuxième et troisième partie.

Mots clésÉlectrocardiogramme · Repolarisation précoce · Bloc de branche · Hypertrophie ventriculaire · Diagnostic · Syndrome coronarien aigu

AbstractThe purpose of this review is to recall the technique of performing an ECG in ischemic conditions, and then to describe the appearance of a normal 12-leads ECG, normal variants and the most frequent ECG abnormalities (atrial, male and early repolarization patterns, persistent juvenile T-wave pattern, benign T-wave inversion, ventricular hyper- trophy, bundle-branch block, ventricular preexcitation, paced rythm and Chatterjee effect). This first part is a prerequisite before discussing the positive and differential diagnoses of acute coronary syndrome in a second and third part.

KeywordsElectrocardiogram · Early repolarization · Bundle-branch block · Ventricular hypertrophy · Diagnostic techniques and procedures · Acute coronary syndrome

Le diagnostic du syndrome coronarien aigu (SCA) repose en grande partie sur la lecture de l’électrocardiogramme (ECG).

Ce premier examen complémentaire constitue la pierre angu- laire de la prise en charge initiale dont dépend parfois le pronostic vital. On peut schématiser le processus dynamique de lecture d’un ECG en quatre étapes :

la recherche dans chaque dérivation d’un aspect normal, d’une variante normale ou d’une anomalie fréquente, comme un bloc de branche (BB) ou une hypertrophie ven- triculaire (HV) ;

la recherche d’anomalie(s) typique(s) d’une insuffisance coronaire aiguë ;

la recherche de petites anomalies subtiles d’insuffisance coronaire en présence ou non d’une HV ou d’un BB ;

la recherche des diagnostics différentiels.

Le propos de cette revue est de rappeler la technique de réalisation d’un ECG en situation ischémique potentielle, l’aspect ECG normal, les variantes et les anomalies ECG fréquentes.

Technique

En cas de douleur thoracique, l’ECG doit être réalisé selon les règles de l’art (position académique des électrodes, calibrage 1 mV = 10 mm, filtre classique≤0,05 et≥150 Hz) [1] dans les dix minutes qui suivent le premier examen médical [2]. Sa lecture doit être assurée par un médecin expérimenté. En cas de SCA, l’ECG peut révéler des anomalies caractéristiques d’une insuffisance coronaire aiguë, des anomalies non spéci- fiques ou, plus rarement, il peut être normal. Dans ces deux derniers cas, le diagnostic ne doit pas être exclu [3,4]. Si le patient reste symptomatique, il faut répéter régulièrement les enregistrements ECG, en complément des autres tests diagnostics, pour détecter une évolution évocatrice du tracé (par exemple initialement toutes les 15–30 minutes) [2]. En

P. Taboulet (*)

Service des urgences, hôpital Saint-Louis, Assistance publique–Hôpitaux de Paris,

1, avenue Claude-Vellefaux, F-75010 Paris, France e-mail : pierre.taboulet@sls.aphp.fr

DOI 10.1007/s13341-012-0258-x

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cas d’anomalies atypiques, il faut tenter de comparer le tracé avec un ECG antérieur. Il est aussi recommandé d’enregistrer les dérivations de la paroi inférobasale du ventricule gauche (V7–V9) et du ventricule droit (V3R–V4R) pour ne pas méconnaître un infarctus isolé ou associé dans ces territoires [2]. L’administration de trinitrine à visée diagnostique n’est pas recommandée en pratique. Néanmoins, elle peut être utile lorsqu’elle fait disparaître rapidement les symptômes doulou- reux et normalise une anomalie ECG. Certaines méthodes permettent d’améliorer la sensibilité de l’ECG standard comme la télétransmission des ECG à un expert [5], l’analyse informatique des courbes de repolarisation, lebody surface mappingà multidérivations [6] ou le monitorage continu du segment ST, mais ces méthodes sont rarement disponibles au lit du malade ou dans les services d’urgence.

Aspect normal des QRS et variantes

Le complexe QRS traduit la dépolarisation rapide des ven- tricules et le début de la systole. En rythme sinusal, les complexes QRS physiologiques sont fins (≤0,11 s). La pre- mière déflexion négative est appelée onde Q, la première déflexion positive onde R, la deuxième déflexion négative onde S, les déflexions suivantes onde R’ou S’. On utilise une minuscule à la place de Q, R ou S lorsque l’amplitude de la déflexion est faible.

Dans les dérivations frontales, l’axe normal des QRS est compris entre–30 et 90° dans le plan frontal. Il renseigne sur la force électrique produite par la résultante des dépolarisa- tions ventriculaires gauche et droite et donc de leurs masses musculaires respectives (sauf trouble conductif associé). La recherche d’une déviation axiale est utile pour le diagnostic d’HV et indispensable pour celui de bloc fasciculaire. La morphologie normale des QRS évolue progressivement en dérivations précordiales (de type rS en V1et qR(s) en V6) avec une onde R qui croît habituellement jusqu’en V4(V5) puis décroît jusqu’en V9et une onde S qui croît de V1à V2

puis décroît jusqu’en V9(Fig. 1A).

Des ondes q fines (< 0,03 s) et peu profondes (< 1/4, voire 1/3 de l’onde R) sont physiologiques dans la majorité des dérivations, sauf les précordiales droites (V1–V3). Elles correspondent à la phase initiale de l’activation électrique des ventricules et témoignent de l’éloignement du front de dépolarisation de l’électrode qui l’enregistre (ex. : le sep- tum se dépolarise physiologiquement de la gauche vers la droite, ce qui explique les ondes q en dérivations latérales gauches). Certaines ondes q physiologiques apparaissent en fonction des mouvements respiratoires, notamment en position assise, chez l’obèse ou lors du dernier trimestre de la grossesse, car la remontée du diaphragme en expira- tion horizontalise le cœur. Ces ondes q peuvent simuler un infarctus inférieur. D’autres adultes normaux ont un aspect

QS en V1(V2) et donc qR en cas de bloc incomplet droit, ce qui peut simuler un infarctus septal [7]. De même, un bloc fasciculaire antérieur gauche (BFAG) fait apparaître des ondes q élargies en dérivations latérales (notamment D1–VL), ce qui peut simuler un infarctus latéral ; dans sa forme rare, il peut engendrer de petites ondes q dans les dérivations V2–V3[8].

Aspect normal du segment ST et variantes Le segment ST succède au complexe QRS et correspond à la plus grande partie de repolarisation des ventricules. Le seg- ment ST physiologique est classiquement isoélectrique à la ligne de base. Une légère déviation vers le haut (sus- décalage) ou vers le bas (sous-décalage) est fréquente, car les deux couches du myocarde, endocarde et épicarde, pré- sentent souvent de petites différences de potentiel durant la phase de repolarisation lente du potentiel d’action. L’ampli- tude d’une déviation se mesure à la fin du QRS, au niveau du point J, par comparaison avec la fin du segment PQ [9]. Le sens et le seuil acceptables de cette déviation dépendent de l’âge, du sexe et de la dérivation [10]. Quatre variantes du segment ST doivent être connues :

linfluence de la repolarisation atriale (Fig. 1B). La repo- larisation atriale est un signal de basse amplitude qui tra- duit la dépolarisation des oreillettes. Elle débute en fin d’onde P, se poursuit durant le segment PR et se prolonge habituellement jusqu’à 80 ms au-delà du QRS [11]. Sa traduction ECG n’est généralement pas visible sur un ECG. Lorsqu’elle est visible, l’onde de repolarisation atriale (ou onde Ta) a une polarité inverse de l’onde P.

Son amplitude est parfois exagérée dans certaines condi- tions comme une tachycardie, une dyspnée, une péricar- dite aiguë ou un infarctus auriculaire (Fig. 2). Une onde P sinusale (positive en DII) avec une repolarisation atriale marquée peut ainsi engendrer un sous-décalage concave de ST dans les dérivations les plus proches de son axe (DII–VF, V3–V4) et un sus-décalage de ST convexe en DI–VL [12] ou VR. De même, une onde P atriale basse issue du nœud du sinus coronaire (négative en DII) peut engendrer un sus-décalage de ST évoquant un infarctus dans les dérivations explorant le territoire inférieur et un sous-décalage de ST dans les dérivations explorant le ter- ritoire latéral [13,14] ;

la repolarisation masculine qu’on observe chez la majorité des hommes jeunes (Fig. 1C). Il s’agit d’un sus-décalage de ST, ascendant et concave dans les précordiales moyen- nes [12]. Plus l’onde S est profonde, plus marquée est la déviation vers le haut du segment ST qui peut ainsi attein- dre 4 mm en V2ou V3. Ce sus-décalage s’accompagne en général d’une onde T ample, symétrique au sommet, qui

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dépasse l’onde R en une ou deux dérivations (V2–V3en général) et la dérivation de transition est précoce (R > S en V3, voire V2) (Fig. 3). Le tracé n’évolue pas au repos, il n’y a pas de miroir et les QRS sont normaux avec une croissance rapide des ondes r de V1à V4et un intervalle Q–T plutôt normal ou court [15]. Un aspect de « repolari- sation féminine » existe aussi à un moindre degré (ST≥ 1 mm) [16] ;

la repolarisation précoce qui s’observe dans 2–5 % de la population, plutôt chez les hommes jeunes, d’origine afri- caine avant 55 ans (Fig. 1D) [12]. Il s’agit d’un sus-

décalage du segment ST qui prédomine dans la région apicale (V3–V5). La repolarisation débute souvent par un crochetage terminal du QRS avec un point J ascensionné jusqu’à 4 mm dans les dérivations où l’onde R domine (en particulier V3–V4). Il est suivi par un sus-décalage du segment ST—plutôt court et concave vers le haut— qui rejoint une onde T symétrique au sommet, plutôt ample, avec une pente terminale plus raide que la pente initiale, ce qui réalise un aspect « en hamac » (Fig. 3). Les complexes QRS sont normaux avec une croissance rapide de l’onde R de V1à V4et une zone de transition précoce Fig. 1 A. ECG normal. B. Repolarisation atriale. C et D. Variantes ST de la normale (type masculin à gauche et repolarisation précoce à droite). E. Hypertrophie ventriculaire gauche. F et G. Bloc de branche droit puis gauche

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(R > S entre V2–V3, voire V1–V2). L’amplitude moyenne de l’onde R est supérieure à 5 mm en V2–V4et l’intervalle Q–T normal ou raccourci par rapport à une population témoin [15]. Le sus-décalage de ST est plus marqué en cas de fréquence cardiaque lente et il régresse avec l’ef- fort. Un aspect de repolarisation précoce est aussi possible en dérivations, explorant le territoire inférieur ou latéral.

Dans ce cas, le segment ST est plus élevé en dérivation II que III et il existe un miroir en VR, mais pas en VL [12].

Une repolarisation précoce en territoire latéral ou inférieur n’est pas toujours classée dans la catégorie des variantes bénignes en raison d’un risque accru de mort subite, en

particulier si l’onde J est ample et le segment ST horizon- tal ou descendant [17] ;

le sous-décalage physiologique du segment ST que l’on observe chez les sujets âgés. Il est acceptable s’il est plu- tôt ascendant et inférieur à 0,5 mm dans les dérivations V2–V3 ou inférieur à 1 mm dans les autres dérivations [10]. Il peut être plus marqué en cas de tachycardie sinu- sale (fièvre, stress, douleur…) ou tachycardie supraventri- culaire (ST < 0 diffus avec miroir en VR et V1). En revan- che, tout sous-décalage de ST dans les dérivations droites, même minime, est suspect de traduire un SCA chez un sujet non âgé (hors tachycardie ou repolarisation atriale).

Fig. 2 Repolarisation atriale marquée au cours dune tachycardie. Notez le sous-décalage de PQ qui se prolonge au-delà du QRS (il ny a pas de sous-décalage du segment ST)

Fig. 3 Exemples de repolarisation masculine ou précoce. Notez les complexes QRS plutôt amples avec une forte croissance de londe R jusquen V4. La zone de transition où le ratio R/S devient supérieur à 1 est généralement déviée à droite (avec parfois une transition très précoce dès V2). Un crochetage final au niveau du point J est possible (onde J) ; le point J peut être ascensionné jusquà 4 mm si londe S est profonde ; le segment ST est alors sus-décalé de façon concave et ascendante ; londe T est parfois très ample chez lhomme (max. : 16 mm en V2), mais reste asymétrique à la base. Londe T est souvent négative en V1et en cas de positivité, lamplitude est infé- rieure à celle de londe T en V6; lintervalle QTc est plus court que dans une population témoin [15]

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Aspect normal de l’onde T et variantes

L’onde T correspond à la fin de la repolarisation ventriculaire et donc à la fin de la systole. Elle est asymétrique, car sou- mise à l’influence de l’épicarde et de l’endocarde dont les potentiels d’action n’ont pas la même durée [18]. L’onde T physiologique a une polarité qui correspond généralement à celle du complexe QRS, car l’épicarde se dépolarise après l’endocarde, mais se repolarise avant lui. La majorité des complexes QRS étant de polarité positive, l’onde T est géné- ralement positive. Son amplitude varie physiologiquement en fonction de l’amplitude du QRS qui la précède. Elle est généralement proportionnelle à l’amplitude du QRS et infé- rieure aux deux tiers de l’onde R, ce qui se traduit dans le plan frontal par une croissance–décroissance de VL à DIII (max. : 6,5 mm en DII) et dans le plan sagittal de V1à V6

(max. en V2, 16 mm chez l’homme jeune et 10 mm chez la femme) [10,19]. Elle est moindre avec l’âge et chez la femme.

L’onde T normale peut être négative et peu profonde dans les dérivations où l’onde R n’est pas dominante sur S (par ex.

en V1, voire V2–V3 ou DIII chez l’adulte jeune — et en particulier la femme—en raison de l’influence dans cette région de la repolarisation ventriculaire droite. On parle alors de repolarisation atypique du sujet jeune (persistent juvenile T-wave pattern) [12]. Elle est normalement négative dans certaines dérivations frontales (DIII, VL ou VR) lorsque la polarité du QRS est négative. Dans ce dernier cas, elle n’est pas inversée et n’a pas de signification pathologique. Elle peut être inversée et peu profonde dans de rares cas chez les hommes noirs ou les femmes dans les dérivations précor- diales (V3–V6). Une entité — rare et particulièrement confondante avec un aspect de SCA — associe inversion bénigne de l’onde T et sus-décalage de ST (benign T-wave inversion) [20]. Cette entité ressemble à une combinaison de

repolarisation précoce et de repolarisation atypique du sujet jeune (Fig. 4). Elle peut mimer un infarctus, mais le segment ST est plutôt concave avant l’inversion terminale de l’onde T, et l’intervalle Q–T est plus court. Enfin, l’onde T peut être inversée mais peu profonde dans les dérivations latérales dans environ 15 % des sujets âgés de plus de 65 ans sans cardiopathie [20].

Anomalies ECG fréquentes

Un trouble de conduction intraventriculaire et une HV modi- fient tout ou partie de la dépolarisation, ce qui peut simuler des signes d’ischémie coronaire aiguë ou chronique :

le bloc de branche gauche (BBG) affecte la phase initiale de la dépolarisation, ce qui rabote ou supprime l’onde R de primodépolarisation septale. Cela se traduit en dériva- tions précordiales droites (V1–V3) par un aspect QS ou rS avec une croissance modérée de l’onde r de V1à V4et en précordiales gauches (V5–V6), par un aspect RR’ ou R large (Fig. 1F). Des ondes Q larges sont fréquentes en territoire inférieur (en DIII et de façon moindre en VF) (Fig. 5). Un BBG peut donc imiter ou au contraire mas- quer une séquelle dans la majorité des territoires électri- ques. De même, un BFAG génère des ondes Q élargies dans les dérivations latérales (en particulier DI et VL), et—parfois—de petites ondes q en V2–V3qui peuvent imiter une séquelle d’infarctus [8]. En revanche, le bloc de branche droit (BBD) n’affecte que la partie terminale de la dépolarisation (Fig. 1G). Il ne modifie pas la dépolarisa- tion septale ni celle du ventricule gauche et donc ne masque pas l’existence d’onde Q. Cela se traduit en pré- cordiales droites par un aspect rsR’ (ou RsR’ ou RR’) avec une onde R’ large et en précordiales gauches par une onde S large ;

Fig. 4 Inversion bénigne de londe T dans les dérivations précordiales. Homme noir 30 ans

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lHV, gauche ou droite, se caractérise par une augmenta- tion d’amplitude et de durée des ondes R dans les dériva- tions précordiales et/ou frontales homolatérales à l’hyper- trophie et des ondes S élargies dans les dérivations en miroir (Fig. 1E). Les indices ECG d’hypertrophie (ex. : indice de Cornell, indice de Sokolow…) sont positifs (Fig. 6). Une onde q fine devant une onde R ample et élargie peut apparaître en cas d’HV droite sévère en V1(V2) liée à la dextrorotation du cœur tandis que des ondes q profondes et élargies peuvent apparaître au cours de certaines cardiomyopathies hypertrophiques (cardio- myopathie hypertrophique, cœur pulmonaire chro- nique…) ou infiltratives/de surcharge (amylose, sarcoï- dose cardiaque). Elles pourraient refléter dans le premier cas une amplification de l’onde q septale et dans le second

un trouble focal de conduction liée à la disposition anar- chique des fibres myocardiques (« pseudo-ondes Q de nécrose ») ;

une préexcitation ventriculaire patente se caractérise par un intervalle P–R court, une onde delta et un élargissement variable des complexes QRS. Cette onde delta est positive dans les dérivations homolatérales au faisceau accessoire, mais négative dans les dérivations en miroir, ce qui peut imiter une onde Q de nécrose [21]. Un stimulateur externe mono- ou multisite peut générer également (et parfois mas- quer) des ondes Q ou QS de nécrose (Fig. 7).

Toutes les anomalies de la dépolarisation retentissent sur la repolarisation. Ainsi, dans les dérivations où on constate un retard d’activation ventriculaire (trouble de conduction Fig. 5 Bloc de branche gauche. Notez les ondes Q (ou QS) [en DIII et précordiales droites]. Notez le sus-décalage de ST proportionnel à lamplitude de londe S et la discordance appropriée

Fig. 6 Hypertrophie ventriculaire gauche. Notez les indices de Sokolow et Cornell positifs, le sous-décalage de ST dans les dérivations gauches et le sus-décalage de ST en miroir dans les dérivations droites. Notez la discordance appropriée

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intraventriculaire ou hypertrophie musculaire), le segment ST perd généralement son caractère isoélectrique à la ligne de base. Ce « trouble secondaire de la repolarisation » obéit à la règle de la « discordance appropriée » [22]. Ainsi, la pola- rité de la repolarisation initiale (segment ST) est opposée à celle de la dépolarisation. Par exemple, si l’orientation de la déflexion principale du QRS est positive (R > S), la dévia- tion du segment ST sera négative et descendante (sous- décalage) et vice et versa. Il est habituel, mais non constant, que la repolarisation tardive (onde T) soit elle aussi opposée à celle de la dépolarisation :

en cas de BBG, l’amplitude de la déviation de ST est gros- sièrement proportionnelle à l’amplitude de la polarité moyenne du QRS (somme des polarités négatives et posi- tives). Dans les précordiales droites où domine l’onde S (ou QS), l’élévation du point J peut atteindre 20 % de l’onde S. Par exemple, une amplitude de l’onde S de 35 mm en V2peut produire une élévation du point J, égale à 7 mm—sans qu’il y ait infarctus. À l’inverse, un sus- décalage du point J de 5 mm en V3peut être un signe d’infarctus si l’onde S qui précède est inférieure à 20 mm [23]. L’aspect physiologique de ce sus-décalage est ascendant et concave en haut, englobant une onde T positive (Fig. 4). Dans les dérivations où la polarité du QRS est positive (onde R > S), le segment ST est sous- décalé, et l’amplitude de sa déviation est grossièrement proportionnelle à l’amplitude de la polarité moyenne du QRS. L’aspect physiologique de ce sous-décalage est des- cendant et convexe en haut et peut se prolonger par une onde T négative ou positive. Lorsque R = S, il n’y a pas de discordance possible, et le segment ST est isoélectrique ;

en cas de BBD, l’amplitude de la déviation est grossière- ment proportionnelle à l’amplitude de la déflexion termi- nale (onde R’ou S). Dans les dérivations droites, comme

l’amplitude de l’onde R’est modérée, l’abaissement du point J est généralement inférieur ou égal à 1 mm. L’as- pect physiologique de ce sous-décalage est descendant et convexe en haut et peut se prolonger par une onde T néga- tive ou positive (Fig. 5). Dans les dérivations où l’onde R’ est remplacée par une petite onde S large (dérivations gau- ches), le segment ST est discrètement sus-décalé. En cas de bloc fasciculaire, un sous-décalage de ST modéré et descendant s’observe dans les dérivations qui expriment le retard à l’inscription de l’onde R (soit dans le territoire latéral [DI–VL] pour un BFAG et dans le territoire infé- rieur [VF–DIII] pour un bloc fasciculaire postérieur gau- che) [8] ;

en cas de préexcitation ventriculaire, le décalage de ST s’observe dans les dérivations où elle est patente (PR court et onde delta). Si l’onde delta est positive, le sus- décalage de ST est négatif et vice et versa. En cas d’HV (Fig. 6) ou de stimulation ventriculaire (rythme ventricu- laire électroentraîné) (Fig. 7), le décalage de ST obéit à la règle de la discordance appropriée dans toutes les dériva- tions [24]. Là encore, une discordance entre l’axe de l’onde T et la déflexion principale du QRS est fréquente mais non systématique.

Enfin, une inversion transitoire de l’onde T est fréquente après disparition de certains troubles conductifs comme un BBG, une préexcitation, une extrasystole ventriculaire ou une stimulation ventriculaire droite intermittente (« effet Chatterjee » ou « remodelage électrique du cœur ») [25].

Conclusion

L’aspect ECG normal avec ses nombreuses variantes et les anomalies ECG les plus fréquentes recèlent un certain Fig. 7 Rythme électroentraîné. Notez que la stimulation (spike) fait apparaître des ondes QS dans certaines dérivations et disparaître la séquelle de nécrose antéroseptale visible en rythme sinusal (malgré le bloc de branche droit). Notez la discordance appropriée

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nombre de pièges qu’il faut parfaitement connaître et déjouer avant d’aborder le délicat challenge du diagnostic et de la classification d’un SCA.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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