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Oncologie : Article pp.135-139 du Vol.4 n°2 (2010)

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MISE AU POINT /UPDATE

Psycho-oncologie et culture du mourir à domicile :

l ’ appel à la pluridisciplinarité des médecins généralistes (MG)

Psycho-oncology and culture of dying at home:

the required of multidisciplinary of general practitioners

A. Van Lander · V. Guastella · N. Dalle

Reçu le 8 mai 2009 ; accepté le 28 avril 2010

© Springer-Verlag France 2010

RésuméEn France, les médecins généralistes (MG) perçoi- vent des difficultés dans la pratique des soins palliatifs à domicile. Des études les décrivent, mais aucune n’évalue l’impact d’une collaboration avec une équipe pluridiscipli- naire. Entre 2005 et 2008, la collaboration de 291 MG avec un réseau est étudiée. Leurs réponses à un questionnaire pointent les bénéfices de ce partenariat. L’analyse approfon- die de 36 cas de collaboration précise les causes des difficultés et l’influence du réseau.

Mots clésCancérologie clinique · Soins de support · Réseau de santé · Médecins généralistes · Soins à Domicile

Abstract In France, general practitioners (GPs) express difficulties in exercise of home palliative care. Those diffi- culties are described in various studies but none assesses the multidisciplinary collaboration’s impact. In the present study (2005–2008), 291 GPs included in a palliative care network responded to a questionnaire. Results showed the benefits of this partnership organization. Detailed analysis

of 36 collaboration cases clarified the reasons for these dif- ficulties and the network influence.

Keywords Clinical oncology · Supportive care · Health network · General practitioners · Home care

Introduction

En France, lorsqu’un patient atteint d’une pathologie grave et évoluée prend la décision de rester à son domicile, le médecin généraliste (MG) est tenu de l’accompagner par des soins de qualité. Le code de déontologie médicale édicte que « le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage » (Art. 37). Pour l’Orga- nisation mondiale de la santé (OMS), ces soins consistent à

« améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que par le traite- ment de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés ». Cette respon- sabilité des MG n’est pas sans leur poser de problème dans leur pratique. Une enquête australienne a récemment révélé qu’un quart des MG seraient « réfractaires » aux soins pallia- tifs (SP) à domicile [7]. La plupart des études l’expliquent par trois difficultés principales : l’organisation des soins, la communication avec les patients et leur propre expertise médicale en rapport avec ce type de soins [6,11,17].

A priori, aucune étude n’a évalué de façon systématique l’influence d’une collaboration pluridisciplinaire sur ces dif- ficultés des MG, en choisissant par exemple un réseau de SP.

En effet selon la circulaire du 25 mars 2008, les réseaux permettent « de développer le travail en pluridisciplinarité ».

Ils offrent « une concertation dans des situations parti- culières ou complexes. Ils permettent aussi de mettre en

A. Van Lander (*)

Réseau départemental de soins palliatifs, Palliadom, centre de soins palliatifs, hôpital Nord, CHU de Clermont-Ferrand, route de Chateaugay, BP 30056, F-63118 Cébazat, France

e-mail : avanlander@chu-clermontferrand.fr V. Guastella (*)

Centre de soins palliatifs, hôpital Nord 61, CHU de Clermont-Ferrand, route de Chateaugay, BP 30056, F-63118 Cébazat, France

e-mail : vguastella@chu-clermontferrand.fr N. Dalle (*)

Centre d’investigation clinique (CIC-Inserm 501), bâtiment 3C, CHU Gabriel-Montpied,

58, rue Montalembert, BP 69,

F-63000 Clermont-Ferrand cedex, France e-mail : ndalle@chu-clermontferrand.fr DOI 10.1007/s11839-010-0260-8

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place des protocoles de soins et des dispositifs de formation, d’assurer la diffusion de bonnes pratiques ». Ils ont pour rôle de proposer aux MG « conseil, soutien, appui et formation ».

Actuellement, peu de MG ont recours à cette aide alors qu’ils en reconnaissent un apprentissage et un bénéfice potentiel pour les patients [4].

Une préenquête conduite dans un réseau départemental français de SP (Palliadom) a permis d’identifier l’apport d’une pratique groupale pour divers professionnels de santé [18]. Cette étude poursuivie entre 2005 et 2008, spécifique- ment sur des MG, avait pour objectif de déterminer les béné- fices potentiels d’une pratique de groupe pluridisciplinaire.

Cette étude s’est appuyée sur l’analyse de prises en charge de patients en phase palliative à domicile, effectuées par des MG en collaboration avec le réseau.

Méthode

Pour cette étude, 291 MG adhérant à un réseau départe- mental français de SP ont été inclus entre 2005 et 2008.

L’adhésion posait l’accord préalable de collaboration entre un MG et l’équipe de SP du réseau (composée de médecins, psychologues, assistantes sociales et infirmiers) pour prendre en charge un patient en phase palliative. La colla- boration ainsi établie durait de quelques jours à plusieurs mois (m= 53 jours dans cette étude), prenant naturellement fin à l’interruption de la prise en charge du patient (c’est-à-dire après un décès dans 80 % des cas).

Les outils développés dans cette étude devaient évaluer quatre variables principales :

les difficultés perçues par les MG dans leur pratique ;

les causes de ces difficultés ;

limpact de l’intervention du réseau sur ces causes perçues par les MG ;

les bénéfices en résultant. Pour identifier les difficultés et les bénéfices, un autoquestionnaire adressé à chaque MG, un mois après la fin de la collaboration était utilisé.

Ce questionnaire comprenait neuf questions principales, dont une sur les difficultés perçues par les MG (sept propo- sitions au choix), quatre questions fermées portant sur le mode d’interventions de l’équipe de SP, deux sur les réu- nions de coordination (à choix binaire ou à choix multiples), une question portant sur les bénéfices de l’adhésion au réseau (réponses binaires sur neuf propositions) et une ques- tion ouverte sur les demandes de formation concernant les SP (Tableaux 2,3).

L’évaluation des deux autres variables (les causes des difficultés et l’impact du réseau) se faisait au moyen d’une étude de terrain portant sur 36 cas d’adhésions de MG (c’est-à-dire 36 prises en charge pluridisciplinaires) qui cor- respondaient à celles pour lesquelles le MG, les infirmières et la famille avaient retourné leur questionnaire1. L’outil

principal était constitué des dossiers des 36 patients concer- nés réunissant les comptes rendus de l’équipe d’intervention de SP du réseau. Cette équipe était composée de médecins et d’infirmiers, d’une assistante sociale et de deux psycho- logues dont l’une est référente pour le suivi des patients et l’autre pour les professionnels. Les comptes rendus repre- naient donc l’évaluation médicale du patient réalisée le jour de l’adhésion du MG, les visites hebdomadaires infir- mières (m= 3 par patient), l’évaluation sociale et les entre- tiens réalisés avec les patients par la psychologue référente.

D’autres comptes rendus concernaient les difficultés propres aux MG exprimées lors des contacts avec l’équipe et lors des

« réunions de coordination ». Ces réunions s’organisaient rapidement après l’évaluation médicale avec l’ensemble des professionnels de santé du patient (kinésithérapeute, infirmiers, pharmacien et MG) et l’équipe de SP au cabinet du MG. Un croisement des données concernant le patient et celles concernant le MG était ainsi réalisé.

Résultats

Sur les 291 questionnaires adressés aux MG, 192 ont été retournés (65,9 % de répondants). Les résultats principaux ont révélé que 91,2 % des répondants exprimaient au moins une difficulté parmi les sept proposés (Tableau 2) et 93,7 % exprimaient au moins un bénéfice parmi les huit proposés (Tableau 3). Les résultats présentent également un lien entre la perception d’au moins une difficulté et un bénéfice ainsi qu’un lien entre l’absence de difficulté et de bénéfice.

En effet, parmi les 17 MG qui n’ont pas exprimé de difficulté (8,8 %), 12 médecins (6,2 %) ne percevaient pas de bénéfice à leur adhésion au réseau ; neuf éprouvaient même un sentiment « d’envahissement ».

Difficultés des MG

Les trois principales difficultés exprimées concernaient le soutien psychologique du patient et de sa famille, l’organisa- tion des aides et la prise en charge de la douleur (Tableau 2).

Causes des difficultés Soutien psychologique

Dans les 36 situations retenues pour l’étude de terrain, 25 MG ont indiqué dans leur questionnaire que le soutien psycho- logique constituait effectivement leur difficulté principale.

Le croisement avec les 25 dossiers des patients trouve une concordance dans seulement sept situations dans lesquelles les patients et/ou les familles expriment une demande de

1 Les données des questionnaires retournés par les familles et les infirmières ne sont pas présentées dans cet article.

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soutien psychologique conduisant la psychologue à intervenir.

Pour quatre patients, les entretiens ont alors révélé une impé- rieuse nécessité à « subjectiver » le réel de leur pathologie. La proximité du danger mortel suscitait des ressentis extrêmes tels que de l’effroi, de la détresse ou de la terreur. Pour les trois autres patients, les entretiens ont conclu à des troubles de l’adaptation à la maladie somatique [10]. Des attitudes de déni, de minimisation, de banalisation, d’intellectualisation et de répression émotionnelle traduisaient des positions de toute- puissance avec évacuation consciente des pensées perturbatri- ces (d’après leModèle C. Ray). Ces fonctionnements compli- quaient la communication avec leurs médecins. Les 18 autres situations (celles ne présentant pas de concordance MG– patient) ont révélé des difficultés qui, en fait, étaient person- nelles aux MG. Des similarités avec les patients et leurs famil- les (âge, présence d’enfants, personnalité) provoquaient chez les MG des mouvements d’identification projective à l’origine d’émotions de colère, de dépréciation personnelle et de culpa- bilités. Soutenir leur patient devenait malaisé avec des repères professionnels obscurcis. En résumé, le soutien psycholo- gique des patients était une difficulté, pour les MG, causée en majorité par leurs projections personnelles (72 %), puis par la détresse des patients (16 %) et enfin par les troubles de l’adaptation de ces derniers (12 %) imposant de nouvelles capacités de communication aux professionnels.

Organisation des aides

Parmi les 36 médecins, 25 identifiaient l’organisation des aides comme une difficulté. Les patients concernés présen- taient un handicap sévère avec une valeur médiane à l’indice de Karnofsky [13] de 30 %. Leur suivi par l’équipe de SP a révélé une adaptation décalée à leur degré de dépendance.

Seulement 12 % d’entre eux ont rencontré la psychologue.

Leur dépendance générait une position d’extrême démunition associée à des sentiments de honte et à des angoisses d’aban- don. Ils évoquaient une identité mutilée par la pathologie imposant une extériorisation constante de leur corps. « Le cancer est comme la figure mâchée, crochue et ravageuse de l’intrus. Étranger à moi-même, et moi-même m’étrangeant » [5]. Ils éprouvaient une dépendance vitale aux « médecins tout-puissants » en pouvoir de décoder l’étrangeté menaçante.

Ceux-ci étaient désespérément sollicités et agressivement rejetés. Les propositions de matériels ou d’aides humaines étaient comprises comme des preuves d’aggravation qui attaquaient leur ambivalence à l’égard de leur dépendance.

Respecter leur intégrité psychique imposait souvent aux MG de renoncer, au moins provisoirement, à la mise en place des mesures raisonnables.

Prise en charge de la douleur

Enfin, la prise en charge de la douleur posait problème pour 15 des 36 MG. Pour neuf de ces médecins, la difficulté était causée par les refus des patients des modifications thérapeu- tiques. Parmi les neuf patients concernés, cinq bénéficiaient d’entretiens cliniques avec la psychologue. La douleur était alors évoquée comme symbolique de leur pathologie. Selon Freud, « la douleur donne une nouvelle connaissance de ses organes » [3]. Ainsi, vouloir la conserver traduisait une conduite de surveillance de la pathologie avec une vigilance aiguë à l’apparition des nouvelles sensations. Pour les six autres MG, la difficulté n’était pas liée au fonctionnement psychique de leurs patients mais à leurs propres appréhen- sions de la phase terminale de la pathologie. Ils anticipaient des complications, selon eux, nécessairement douloureuses.

En résumé, les difficultés des MG étaient causées dans plus d’un tiers des situations par leurs propres projections ou leurs appréhensions de la phase terminale. Dans les autres situations, elles étaient causées par une détresse élevée des patients, une adaptation décalée de ces derniers à leur dépendance, leurs résistances aux antalgiques et enfin, par une communication compliquée par les mécanismes d’adaptation à la maladie grave.

Influences du réseau sur ces causes

Les médecins ont jugé les réunions de coordination utiles pour 83 % et les ont utilisées pour éclairer les liens Tableau 1 Les bénéfices des MG de ladhésion au réseau :

% des MG percevant au moins un bénéfice, sans réponse et aucun bénéfice

Au moins un bénéfice Sans réponse Aucun bénéfice

93,7 % 0,5 % 5,7 %

Tableau 2 Les difficultés exprimées par les 192 MG Intitulé des propositions à cocher

à la question « Quelles étaient les difficultés présentées dans la prise en charge des patients ? »

Réponse positive

Soutien psychologique pour le patient et/ou sa famille

68,7 % Mise en place et/ou renforcement daides

au domicile

56,2 % Prise en charge de la douleur 45,8 % Prise en charge dautres symptômes 25 % Manque de coordination entre les différents

professionnels

12,5 %

Autres 4,1 %

Aucune 8,8 %

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transférentiels aux patients lorsqu’ils étaient à l’origine de leurs difficultés. Les interventions de l’assistante sociale ont soulagé leur sentiment de culpabilité causé par le renon- cement à organiser raisonnablement le domicile. Au niveau de leur appréhension de la douleur, les MG ont investi les réunions de coordination pour intégrer une culture de l’anti- cipation en complément de leur culture de la réaction. En revanche, au niveau de la prise en charge purement médi- cale, les réponses des MG ont été plus partagées. Concernant le soutien à la décision, 57 % des médecins l’ont apprécié, alors que le taux d’abstention était très important (33,5 %).

Les conseils thérapeutiques, discutés lors des réunions de coordination, étaient peu investis. Le rôle pédagogique du réseau n’exerçait pas non plus d’influence. Seuls 10 % des MG ont exprimé une demande de formation.

Bénéfices perçus

Les MG ont perçu comme bénéfices principaux de l’adhé- sion au réseau une amélioration de la prise en charge globale du patient et du maintien à domicile. Les items sur l’amélio- ration des soins, l’aide à la prescription, les hospitalisations et l’amélioration des échanges ont reçu le plus grand nombre de réponses négatives (Tableau 3). Paradoxalement, selon les MG, les réunions n’apportaient pas clairement d’amélio- ration des relations entre professionnels.

Discussion

Les résultats indiquent paradoxalement, la nécessité d’une difficulté du MG, pour qu’il éprouve un bénéfice de la plu- ridisciplinarité du travail accompli en réseau. On peut noter un paradoxe entre l’appréciation des MG de ce bénéfice et l’origine de leurs difficultés. Les MG ont prioritairement apprécié la globalité de la prise en charge pour leur patient mais ont été plus réservés sur les bénéfices pour eux-mêmes.

Or, l’étude de terrain a révélé qu’un tiers des difficultés rencontrées dans les situations cliniques avait une origine

qui était personnelle au praticien. Cette étude met donc en évidence une résistance des MG à l’expression d’un besoin personnel à l’intervention d’un tiers, pourtant acceptée au motif de l’aide apportée au patient. Cette résistance n’a pas, par ailleurs, entravé le bénéfice lié à l’appui et le soutien du réseau. Les MG ont investi, dans les réunions, cette fonc- tion des psycho-oncologues qui « apportent la spécificité de leur compétence clinique et thérapeutique aux patients atteints de cancer, à leurs familles, à leurs proches et égale- ment aux équipes soignantes » [12]. Ils ont dépassé leurs projections dans la relation aux patients, une garantie pour une certaine modestie de leur deuil, décrit par Renault [15].

Habituellement isolés dans une pratique individuelle en face à face avec leurs patients, les médecins ont bénéficié des fonctions d’étayage et de contenance du groupe, permettant le récit des expériences traumatiques vécues au contact des patients. « Le sujet y retrouve ce qu’il y a déjà trouvé : des fonctions de suppléance anaclitique contre l’effondrement des étayages internes, un système d’objets de réassurance contre l’état primordial de détresse et contre la peur d’être seul dans le noir, un dispositif de protection contre l’excita- tion traumatogène et contre l’angoisse » [8]. Penser en groupe a déroulé leur pensée hors du cercle obsédant et a évité ce que Laplanche [9] a décrit du mouvement de la pensée à l’épreuve de l’angoisse : une spirale répétitive.

Cette résistance à reconnaître le besoin pour soi a, en revanche, entravé l’acquisition d’une nouvelle culture médi- cale spécifique du mourir. Leurs patients présentaient un pronostic à très court terme (pour rappel moins d’un mois et demi à l’inclusion dans le réseau). Ils initiaient un temps intermédiaire entre vie et mort qui nécessitait des connais- sances médicales spécifiques que nous pouvons nommer

« culture du mourir » : gérer les symptômes pénibles au détriment parfois des symptômes cliniques, pratiquer une médecine de l’anticipation, penser les conditions de l’ago- nie, faire référence aux directives du patient…Nous pensons que cette résistance des MG est plus profonde qu’une simple conduite d’évitement défensive à reconnaître le manque. Les résultats soulignent une relation transférentielle marquée par

Tableau 3 Les bénéfices exprimés par les 192 MG

Intitulé des items à la question« vous diriez que le réseau: » Oui Non Sans réponse A participé à améliorer la prise en charge globale du patient 75,5 % 5,8 % 18,7 %

A favorisé le maintien à domicile 68,2 % 12,3 % 19,5 %

A amélioré la qualité des soins proposés aux patients 61,4% 10,4 % 28,2 %

Vous a soutenu dans vos prises de décisions 57,8 % 8,7 % 33,5 %

Vous a aidé dans lélaboration de vos prescriptions ou de vos soins 54,6 % 16,7 % 28,7 % A amélioré les échanges avec les autres professionnels de santé 51 % 18,1 % 30,9 %

A évité des hospitalisations 46,8 % 26 % 27,2 %

A été envahissant ou directif 4,2 % 75,4 % 20,4 %

Autres 1 % 0 % 99 %

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une identification projective des MG, caractéristique de leur désir de bien accompagner leurs patients. « Pour entendre l’autre, ne faut-il pas, par instant, être à même de devenir l’autre ? En d’autres termes, ne faut-il pas que soit toléré, un temps suffisant, un certain flottement des frontières de notre être, une traversée de dépersonnalisation, une capacité d’accéder à l’identification primaire ? » [1]. Intégrer dans cette relation transférentielle une culture du mourir c’est en penser et ressentir la fin. C’est reconnaître le patient non plus comme malade mais comme mourant. Cette pensée n’est pas, selon nous, supportable en présence des patients tou- jours portés par des fantasmes de vie « qui servent d’antidote aux fantasmes archaïques terrifiants » [2]. Ils présentent une double conscience, deux attitudes psychiques différentes, opposées et indépendantes, l’une tournée vers la réalité et l’autre vers le désir. Ces mécanismes de dissociation ou de clivage [16] sont fréquents et précieux chez les patients en fin de vie pour continuer à investir une vie possible. Ils sont ainsi, de la même façon, courants chez les MG lorsqu’ils sont en présence de leurs patients. En conséquence, une culture du mourir peut s’élaborer en réunion de coordination sans application concrète dans la relation individuelle aux patients. Les interventions d’une équipe de SP dissocient la prise en charge entre une culture du mourir et la culture généraliste du médecin, adaptée à un temps de vie. Les patients peuvent investir alternativement, selon leurs dispo- sitions psychiques, chacun des interlocuteurs. Cette étude ne permet pas d’évaluer si cette coexistence se modifie lorsque les capacités d’investissement relationnel du patient dimi- nuent lors de l’agonie terminale. Nous pouvons cependant faire l’hypothèse d’une possibilité pour le MG de s’inspirer alors, en présence de son patient, de la culture du mourir du groupe.

Conclusion

La pluridisciplinarité est le ciment de cette coexistence dans la relation aux patients. Elle préserve la relation médecin– patient des affres du mourir pour conserver « cette capacité peu commune de muer en terrain de jeu le pire désert » [14].

Cette coexistence nécessite certainement au préalable, d’une part l’intégration d’une différenciation entre les acteurs médicaux du domicile et du réseau pour éviter les phéno- mènes de concurrence et d’opposition et, d’autre part la per- ception des MG d’un besoin en expertise médicale palliative au chevet du patient.

Cette étude pose comme nouvelle problématique pour les réseaux la faisabilité et la pertinence d’accompagner des patients lorsque leurs MG n’expriment pas de difficulté concernant cette pratique. Elle oriente également vers une autre question : la pluridisciplinarité bénéficie-t-elle vraiment aux patients comme le perçoivent les MG ? Cette étude se

poursuit actuellement par une thèse2 sur la détresse des patients et l’impact des entretiens psychologiques proposés par 15 psychologues intervenant au sein de réseaux, d’équipes mobiles et d’unité d’hospitalisation.

Conflit d’intérêt Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

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